On sait que Jacques Bompard, maire d’Orange, ex du Front National passé il y a peu au Mouvement pour la France de Philippe de Villiers, doit présenter une liste aux prochaines élections régionales.
Il a choisi de baptiser sa liste « Ligue du Sud », ce qui nous fait irrésistiblement penser à la Ligue du Nord italienne.
Les 17 et 18 octobre, un rassemblement des groupes « identitaires » tenu à Orange s’est achevé par l’annonce de la future présence sur la liste de J. Bompard de quelques candidats issus du » Bloc Identitaire ». Qualifiés d’ultras de l’extrême droite, ces derniers ont récemment essayé de se démarquer de leurs homologues dissidents, déçus ou exclus du F.N. en ne participant pas à un rassemblement le 11 novembre à Paris. Peine perdue ! le mal est fait, et on sait bien ce qui se cache derrière le mot « identitaire ».
On apprend de plus aujourd’hui que Carl Lang, ex du front National lui aussi et aujourd’hui à la tête du Parti de la France (on ne rit pas), négocie sa participation à cette même liste.
Pour ceux qui doutaient encore du pourquoi un débat sur l’identité nationale a germé dans l’esprit — ou ce qui en tient lieu — de nos dirigeants, la réponse est désormais évidente.
Donc, la méfiance est toujours de mise : le rhinocéros est toujours vivant.
Et je reprends à mon compte l’avertissement bien connu des zoos : Il est interdit de nourrir les animaux.
Les 17 et 18 octobre, un rassemblement des groupes “identaires” (sic) tenu à Orange s’ést achevé par l’annonce de la future présence sur la liste de J. Bompard de quelques candidats
Euh… « défense de la « blanchitude » »… des dents ?
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Correction effectuée.
Merci Miniphasme.
P.S. : d’autant plus drôle que Jacques Bompard est dentiste !
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La pampa du Brésil abonde en rhinocéros : c’est un animal que l’on peut se
figurer exactement pour peu que l’on ait vu des licornes.
(A. Thévert, Singularités de la France antarctique, 1585. chap. 3)
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> Harald:
en suivant votre citation, j’ai découvert qu’elle apparaît dans le Recueil de épigraphes de Jean Paulhan et que l’auteur de ce recueil (Jean-Philippe Segonds) émet des doutes, aussi bien sur l’auteur de la phrase lui-même que sur son contenu.
En effet, les rhinocéros sont des mammifères africains ou asiatiques, mais certainement pas sud-américains. Serait-il alors question du scarabée de la famille des Dynastes et que l’on appelle aussi rhinocéros ? Il s’en trouve en effet plusieurs espèces en Amérique du Sud, mais la ressemblance avec la licorne est somme toute lointaine… Bref, voilà une citation qui m’a bien fait voyager!
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Oui, c’est bien dans un petit livre de Jean Paulhan sur la peinture cubiste que j’ai rencontré cette citation. Voyant votre rhinocéros, je m’en suis souvenu, et je l’ai retrouvé. Avez-vous cherché A.Thévert, Singularités de la France antarctique , sur Wiki ; ce livre existe bel et bien et à l’air très riche mais je ne sais pas si ce fichu rhinocéros y est effectivement planqué.
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Marco Polo avait bien décrit des licornes en disant que l’animal ne ressemblait guère à ce que l’on croyait en Europe, en fait c’était des rhinocéros d’Asie qu’il avait vus, cela se trouve dans le chapitre sur Java. Cela explique le rapprochement fait par Paulhan. Le mot rhinocéros n’existait pas en français lorsque Polo a écrit, il apparaît juste un peu après dans Renart, on parle alors d’unicorne rimochérons (or la licorne et l’unicorne ont la même origine). Et les Européens ne découvrent les rhinocéros réels qu’à la Renaissance, d’où des séries de gravures assez fantastiques (on peut en voir une dans les Monstres et Prodiges d’Ambroise Paré) et le célèbre dessin de Dürer. Cela a fait partie de la mythologie de la Renaissance. Nous avons déjà une première explication pour le choix de Thévet qui appartient à la période où le rhinocéros est présenté comme un animal extraordinaire.
Pour Thévet, il n’a pas séjourné dans la pampa et le mot n’avait aucun risque de se trouver dans son texte : la première attestation française de ce mot espagnol se trouve en 1771 selon le TLFi (peut-être un peu avant, mais pas de deux siècles et demi). Il y a une autre raison encore : l’expédition de Villegagnon* à laquelle Thévet a participé brièvement n’a séjourné que dans une île de la baie de la future Rio de Janeiro et n’a presque jamais touché le continent, elle était ravitaillée par des Indiens qui devinrent de plus en plus agressifs. Thévet partit avant les autres au bout de quelques mois, il a eu entretemps peu de contacts avec les Tupis dont il ne connaissait pas la langue. Son récit est assez fantaisiste quand on le compare à celui de Guillaume de Léry qui avait deux torts : il était protestant et il n’était pas le cosmographe du roi. Thévet a aussi passablement disserté sur la géographie du monde musulman sans y avoir jamais mis les pieds, il faisait donc un coupable potentiel assez crédible.
Enfin, j’ai étudié l’œuvre de Paulhan durant trois ans et cela a été l’objet de trois mémoires universitaires de ma part au sujet (entre autres) des fausses citations et aussi des emprunts déguisés. Paulhan inventait des phrases d’auteurs, mais il s’attribuait aussi des fragments minimes d’autres écrivains. Ainsi, les Fleurs de Tarbes dédiées à André Gide se terminent par une phrase finale volée à… André Gide dans le Prométhée mal enchaîné (Mettons que je n’ai rien dit). Toutes les épigraphes en tête de chapitre et pas seulement les dédicaces comme chez Segonds sont inventées, mais on peut trouver du Descartes, du Montaigne, du Pascal, du Valéry par petites séquences au milieu des phrases. Les citations dans le texte sont parfois biaisées, réécrites, et on peut trouver des réfutations d’arguments qui se trouvent en fait chez l’auteur réfuté ! Il aimait brouiller les pistes en faisant siens les mots des autres et en forgeant les mots des autres. Une citation à son sujet, après la correction d’un ouvrage : « Ajoutons quelques coquilles pour que cela fasse plus vrai ». J’avais fait un travail de fourmi à l’époque en vérifiant la plupart de ses sources pour un ouvrage et j’en ai retenu que tout propos cité était sujet à question. Détails personnels amusants : j’ai aussi étudié Marco Polo plusieurs fois avec des élèves de collège et puis Thévet quand j’étais en licence avec le spécialiste français de cet auteur, Frank Lestringant.
* Rouge Brésil de Jean-Christophe Ruffin est inspiré de cet épisode. Le roman que voulait écrire Claude Lévi-Strauss au sujet de cette histoire deviendra Tristes Tropiques. J’ai moi-même caressé l’envie de raconter cette histoire quand j’avais encore des velléités d’œuvre littéraire.
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Le texte de Thévet est disponible sur Gallica en pdf . Je viens de le lire ( en lecture rapide tout de même !). Il y parle de la faune et de la flore aux chapitres 46 et suivants ( du toucan, du tapir, etc.). Mais, en effet, je n’y ai trouvé nulle trace de rhinocéros, ni même de pampa.
Le Dictionnaire historique de la langue française donne rhinocéros dès 1549 comme une réfection de rhinocérons (1288), rhinocéront et rinocéros( 1380), et le dit emprunté au latin rhinoceros lui-même issu du grec rhinokhêros . Ce mot a été concurrencé par rhinocérote (1552) et rhinocérot (1640) et « désignait donc, depuis le XIIIè siècle, l’un des animaux semi-fabuleux décrits par les Anciens, puis par les voyageurs modernes». Thévet aurait donc pu le connaître (le mot, pas l’animal…). En revanche, pampa est en effet apparu bien plus tard en français (1716, selon la même source).
Je ne serais pas aussi sévère que vous à propos de Thévet ( mais je ne suis pas un spécialiste) : le peu que j’ai lu de son ouvrage me semble relater un long voyage aussi bien en Amérique du Sud, qu’au Canada, aux Caraïbes et aux Açores. Que ses observations et ses descriptions ne reflètent pas une stricte réalité et manquent de rigueur scientifique, cela ne fait aucun doute; mais la réalité de son voyage ne me paraît pas devoir être mise en doute. Je vais devoir me remettre à la lecture de son ouvrage, en y mettant le temps (c’est de plus écrit en vieux français et avec une typographie, disons, fantaisiste) pour y voir plus clair.
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Vous plaisantez ? Il n’y a aucune exploration française du Canada entre 1541-3, la dernière expédition de Cartier (Thévet n’était pas encore parti pour Constantinople à l’époque et n’était pas encore explorateur), et 1600, le premier établissement permanent de Tadoussac. Le voyage de Villegagnon ne l’a pas non plus conduit aux Antilles qui étaient fermement tenues par l’Espagne et l’expédition a dû s’éloigner des Canaries déjà espagnoles. Il utilise des propos qui ont été tenus par d’autres. Il n’y avait aucun but scientifique, contrairement à celui de La Pérouse ou à l’expédition d’Égypte de Napoléon. Dans le groupe, Thévet est à peu près le seul vrai scientifique et encore… Un scientifique qui a usé de son sens de l’intrigue afin de se prétendre spécialiste de l’étranger en résidant à la Sublime Porte. En gros, un pistonné qui se sert de prétendues expériences et qui sait comment copier les textes des autres sans trop se faire dénoncer.
La France antarctique était une pure opération militaire, commerciale et surtout religieuse décidée par Coligny qui travaillait aussi de manière indépendante au régime : trouver un établissement dans les nouvelles terres pour les réformés afin qu’ils soient à l’abri des persécutions (on est peu après l’affaire des placards, ce qui dira quelque chose à tout protestant ou historien, les guerres de religion ne sont pas encore de mise). C’est pourquoi on avait choisi les terres mal gardées qui se trouvaient dans la sphère du Portugal et non celles de l’Espagne à la suite du traité de Tordesillas. Le but du voyage était bien le Brésil que Villegagnon avait longé l’année précédente et un détour par le Canada ou les Caraïbes aurait été absurde. Thévet fait juste assaut d’érudition en parlant de terres qu’il ne connaît pas du tout, sauf par des livres et des discours.
Certes, Thévet décrit bien certaines plantes et certains animaux apportés par les Indiens contre rétribution, mais ce sont les espèces de Rio de Janeiro, pas de toute l’Amérique latine, et lorsque les Tupinambas n’obtiendront plus de rétribution pour cette collecte scientifique ils se révolteront et attaqueront les Français. Thévet part quand les choses commencent à se gâter avec les indigènes et que Villegagnon est pris à partie par la moitié des marins embauchés par Coligny dans le but de faire un établissement protestant. Thévet était malade, mais on peut supposer que la maladie était surtout diplomatique. Parmi ces plantes, on en trouve une qui aura un grand succès : le tabac. Qui lui sera nommé selon le nom du Jardinier du roi, Nicot, et non par celui du Cosmographe qui l’avait rapportée sans savoir comment on l’employait en Amérique (il faudra un peu de temps avant de savoir que le tabac pouvait se fumer, cela illustre un peu la connaissance que Thévet pouvait posséder des coutumes indiennes).
Le sujet est riche, hénaurme et avec plein d’aperçus inattendus sur les différence entre les civilisations ou à l’intérieur d’elles-mêmes.
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Vousvoyezletopo,
lorsque j’ai pensé à ce rhinocéros cité par Jean Paulhan, je n’avais pas le livre sous les yeux, j’ai cherché paulhan + rhinocéros et j’ai trouvé, comme vous , la référence au voyage de Thévet. Hier soir j’ai retrouvé la citation dans le livre dont je me souvenais, La peinture cubiste ; elle est attribuée à Thévenet (explorateur au XIX° sciècle), ce que relève d’ailleurs Jean-Philippe Second. Il reste donc une chance que chez Thévenet… (ce qui serait encore plus étonnant). J’ai passé la soirée comme vous à feuilleter et lire ces Singularitez de la France antarctique et j’en tire à peu près les mêmes impressions que vous et me dis aussi qu’il faudrait les relire soigneusement pour en profiter.
En tout cas, ce n’est pas un sujet où on pourrait improviser, Dominique tient parfaitement les deux bouts, Paulhan et Thévet !
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> Dominique, je ne demande qu’à vous croire. Vous semblez bien connaître le sujet et êtes convaincant.
Je n’ai pas encore lu le livre de Thévet, mais je le lirai certainement d’un oeil plus critique désormais;
P.S.: j’ai un problème avec vos commentaires qui sont les seuls à être bloqués « en attente de modération » alors que j’ai vérifié : aucun des mots clés choisis dans la liste préparée par Le Monde.fr n’apparaît dans vos commentaires. Serait-ce votre adresse qui ne plaît pas à WordPress ?
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