Mesurer la haie

5016633_usine_1000x625Lu ce néologisme à la une du Monde-papier ce dimanche : le « Copenhagomètre« * comme titre d’un dessin représentant un curseur le long duquel évoluent  les promesses de réduction d’émission de gaz à effet de serre de différents pays d’ici à 2050. Le Monde  promet de nous montrer quotidiennement l’évolution du curseur tout au long des négociations de Copenhague.

Un « Copenhagomètre », donc. Comme il ne s’agit pas de mesurer la taille de Copenhague, ce nom est tout à fait impropre. Mais alors comment appeler cet « évaluateur de promesse  » ? Un hypocrisiomètre ? Un blablamètre ? Un gadget? Toutes les suggestions sont bienvenues.

En ce qui concerne le nom-même de Copenhague, il n’est sans doute pas inutile d’en rappeler l’étymologie. Le développement de ce port est lié à celui du commerce hanséatique à partir du XIIè siècle, ce qui explique que la ville ait été connue en Europe sous son nom allemand Kopenhagen (d’où vient la forme française). En 1248 est apparue la forme écrite Copmannahavn où certains ont vu « le port des marchands »: le premier terme équivaudrait à l’allemand kaufmann, au néerlandais koopman; le second à l’allemand hafen, au néerlandais haven et au français havre. Mais ce n’est pas ce que les allemands ont compris en disant Kopenhagen. En effet, hagen, attesté par ailleurs en toponymie allemande, ne signifie pas «port», mais fait Nina Hagen performing at Fista des Suds - Marseille - France - 2009partie d’une famille de mots comme l’allemand hag, le néerlandais haag, le vieil anglais haga, le vieil irlandais hagi, le suédois hage, le vieux danois hage, avec le sens de « clôture, enclos, haie, domaine enclos » (cf. le français haie, emprunté au vieux francique hagja) **.Il est admis par les linguistes que le danois hage a évolué en have. Il semble donc qu’à l’origine Copenhague ait été une enceinte commerciale près d’un port qui est bientôt devenu important et essentiel. On relèvera non sans plaisir ironique  que le sommet devant sauver la planète se tient dans une enceinte commerciale. Bonne chance, la planète!

Le Danemark a une étymologie plus simple. Son nom remonte aux temps carolingiens, lorsque Charlemagne créa, pour protéger son Empire contre les attaques extérieures, des provinces frontalières que nous appelons «marches», du vieux francique marka, c’est-à-dire l’allemand Mark. L’une de ces marches, dirigée contre les Danois, devint notre Damemark. Le nom des Danois est, lui, d’origine incertaine. Connus au VIè siècle  sous les noms latin  Dani et grec Danoi, on pense que leur nom se rattache à une racine germanique dan-, « région basse, vallée» qui décrirait la région de la péninsule scandinave d’où ils viendraient.

Bref : une enceinte commerciale, Dani (le rouge?), le Mark allemand,  … la planète est sauvée!

* Impossible de le retrouver sur le site du Monde.fr. Mais peut-être ai-je mal cherché.

** Nina Hagen porte donc le même nom que notre Brigitte Lahaie…

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21 commentaires sur “Mesurer la haie

  1. La péninsule scandinave ? Mais je n’en connais qu’une, elle est formée de la Norvège et de la Suède (à l’extrémité de laquelle, on trouve la Scanie qui donne son nom à l’ensemble). Le Jutland dans le Danemark n’appartient pas à la Scandinavie au sens géographique, mais c’est aussi une péninsule de l’Allemagne. Le Danemark entier non plus d’ailleurs n’est pas vraiment scandinave. Il y a différentes Scandinavies : linguistique (on comprend alors le Danemark, le Groenland, les Feroës, l’Islande, une légère frange occidentale de la Finlande), géographique (on inclut la Finlande et bannit le Danemark), historique (et alors on se retrouve aussi en Allemagne du nord, en Ecosse et en Russie ou encore à Palerme), politique (il y a une alliance nordique). Le terme scandinave est très flou. On préfère souvent parler de littérature ou de langues du Nord.

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  2. Dominique, j’ai écrit la région de la péninsule scandinave d’où ils viendraient : je ne parlais pas du Danemark actuel mais je parlais bien de la péninsule scandinave, plus précisément de la région méridionale de la Suède, appelée Scanie (qui était danoise jusqu’en 1658), d’où seraient venus les premiers Danois aux alentours de l’an 500. Ce sont les Germains du Sud qui auraient donné leur nom à tout le Jutland.

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  3. Un “Copenhagomètre”, donc… …Mais alors comment appeler cet “évaluateur de promesse ” ?
    Il est très difficile de répondre car c’est un instrument individuel. Comme a dit à peu près Charles Pasqua (mais peut-être n’en est-il pas l’auteur) : « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient ».

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  4. Papet Croûton, le véritable auteur de la citation est un certain Jacques C., ancien élu de Corrèze et de Paris. Du moins la lui prête-t-on dans un livre politique et on la ressort à l’occasion parfois dans des articles. Mais c’était du off et il a pu l’emprunter au vendeur de pastis qui ne vaut pas mieux que lui.

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  5. De fil en aiguille, je suis tombé sur le mot « haggis » – qui je le concède – n’a aucun rapport avec quelque haie ni hâvre.
    J’avais « dégusté » non sans appréhension en son temps ce plat traditionnel écossais *, comme tout voyageur de passage. Mais je n’étais jamais allé jusqu’à croire, comme beaucoup de touristes américains, pouvoir un jour chasser un haggis sauvage, créature légendaire des Highlands.
    Il est vrai que je suis originaire d’une région où la chair du dahu est fort prisée…

    * l’origine du mot Haggis est discutée. On le rapproche souvent du terme français « hâchis ».

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  6. « Copenhagomètre » : Evaluateur de promesses.

    Voir saladomètre (variante bio du craquomètre) ; bobardomètre (concours Lépine 1922) ; baratinomètre ; bagoutomètre ; embrouillomètre (ni vu, ni connu).

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  7. toujours entre le hachis ,la ritournelle, et le baratinomètre de « l’événement »qui fait symptôme et miroir planétaire, et enfourchant le dada du « storytelling » j’ai donc pensé à Häagen-Dazs et découvert que c’était marque américaine
    « Malgré les apparences, le nom n’est pas européen ; il s’agit de deux noms inventés, puis accolés pour avoir une consonance européenne aux oreilles du public américain. C’est une technique connue dans l’industrie du marketing sous le nom de foreign branding (marque étrangère) (voir aussi Heavy metal umlaut). Mattus inclut le contour du Danemark sur les premières étiquettes pour renforcer le côté scandinave »(wiki)

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  8. c’est en lisant des notes sur un autre poète que je vérifie ce que dit wiki sur Friedrich Hagen
    Biographie
    Né à Nuremberg en 1903, est écrivain, peintre et musicien. Dès 1923 il lutte contre le nazisme et se réfugie à Paris en 1933. Auteur de poèmes et d’essais, il a obtenu en 1965 le Grand Prix culturel de la ville de Nuremberg. Il a traduit en allemand Éluard, Supervielle, Gide, Cocteau, Mandiargues, etc. Il est mort le 25 février 1979.
    Hagen a été effectivement directeur de rédaction à la Radiodiffusion française
    Par contre, wiki présente le quartier de Berlin
    « Friedrichshagen est un quartier de Berlin, faisant partie de l’arrondissement de Treptow-Köpenick. Avant la réforme de l’administration de 2001, il faisait partie du « district de Köpenick ».
    ce qui n’est pas pour faire la nique à « Kopenhagen » !

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  9. Saviez-vous que pain de mie « Harry’s « est une entreprise française basée à Chateauroux ? Elle existe depuis 1965, c’est le premier pain de mie américain en France. Tout ça parce que les troupes américaines séjournaient après guerre à Chateauroux…
    Pour ce qui est du baratinomètre, on va en avoir besoin avec tous les pipeaulogues réunis en congrès à Copenhague !

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  10. Iil y a aussi, plus familier, le trouillomètre, qui semble bloqué à zéro. Contre toute logique, car on pourrait en effet s’attendre, avec ce genre d’appareil en -mètre, à ce que les valeurs affichées augmentent en fonction de la quantité de ce que l’on entend mesurer. Ainsi, très naturellement, letopo prédit une explosion du baratinomètre parce que l’on anticipe une grande quantité de baratin.

    C’est pourquoi l’on doit soupçonner, dans le cas du trouillomètre, une sorte d’effet gelant qui empêcherait le… mercure ? alcool ? de monter : on dit bien « glacé de terreur », ou « des propos glaçants »…)

    Pour boucler la boucle (du réchauffement climatique et du baratinomètre), peut-être assistera-t-on bientôt à la fonte des paroles gelées !

    « IIcy est le confin de la mer glaciale, sus laquelle feut au commencement de l’hyver dernier passé grosse & felonne bataille, entre les Arismapiens, & le Nephelibates. Lors gelèrent en l’air les parolles & crys des homes & femmes, les chaplis des masses, les hurtys des harnoys, des bardes, les hannissements des chevaulx, & tout effroy de combat. A ceste heure la rigueur de l’hyver passée, advenente la serenité & temperie du bon temps, elles fondent & sont ouyes. « 

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  11. Il suffirait de mettre le feu à langue de bois…

    PS : Le commentaire précédent n’est pas de moi, par contre celui d’avant, oui.

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  12. Aquinze,
    Logique en fait, la frayeur donne « la chaire de poule », le froid itou ; avoir « une peur bleue », ce bleu est une couleur froide, et que dire de cette expression : « avoir froid dans le dos »; laquelle ressemble à rester « figé sur place », comme le disait ma grand mère : « cela m’a glacé les sangs ».
    Si l’enthousiasme nous fait bouillir, il paraît de bon sens que la peur nous mette le trouillomètre à zéro.

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  13. Non, non, arcadius, je vous assure qu’il y a un contresens logique dans cette expression. Quand on a le trouillomètre à zéro, c’est que la peur est à son maximum. Or une valeur maximale ne peut être égale (voire inférieure) à zéro ! Si donc on voulait fabriquer une expression plus juste, quoique sur une racine argotique similaire, on pourrait par exemple dire qu’on a le couillomètre à zéro. (Et ne venez pas me dire que la peur n’exclut pas le courage : un trouillard est clairement quelqu’un qui n’a pas de couilles ! )

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  14. P.S. Si l’enthousiasme nous fait bouillir,

    Et si l’on bout de rage ? Quelle est la température d’ébullition de la colère ? Dira-t-on qu’on a le rognomètre à 100, 700, 5000 ?

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  15. @ Dominique : pour désigner géographiquement la péninsule incluant Finlande + Suède et Norvège, on parle plutôt de la Finnoscandie [ou Fennoscandie] (et non pas de Scandinavie : la Scandinavie, même géographique, n’inclut pas la Finlande).

    Je précise n’avoir aucun rapport avec un autre Jacques C. cité par le même Dominique :-).

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  16. « Et ne venez pas me dire que la peur n’exclut pas le courage : un trouillard est clairement quelqu’un qui n’a pas de couilles !  »
    Cruels souvenirs que vous remuez là. Quand vous montez sur un nid de mitrailleuses vous avez peur , croyez-moi , une foutue peur ! c’est cette peur qui vous fait raisonner et prendre les bonnes décisions , c’est cette peur qui sauvera votre vie et celle de vos gars ; ne pas avoir peur serait de l’inconscience et le plus sûr moyen de finir les tripes au soleil.

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  17. Je vous attendais là, arcadius. Il y a dans le mot trouillard, comme dans les mots peureux, froussard, pétochard, quelque chose de plus que simplement de la peur. Il y a cette idée de faiblesse, de lâcheté, d’égoïsme aussi peut-être. Tout est dans le mais : « j’ai peur, j’ai la trouille, mais… » Il n’y a pas de « mais » chez le trouillard.

    Pour autant, je pense que vous avez raison : avoir le trouillomètre à zéro renvoie à la trouille, pas au trouillard, tandis que mon couillomètre renverrait au « mais ».

    Il n’y a donc pas d’exact antonyme du mot peur, c’est surprenant.

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  18. >Aquinze et arcadius
    c’est évidemment avec la recherche d’un antonyme que vous arrivez aux questions intéressantes!
    la peur est un affect dont on a peu ou prou conscience : mais comme vous l’évoquez, a-t-on encore peur, est-on encore dans la peur, ou au-delà, dans la ou les situations dans lesquelles on a conscience d’ engager la vie et même des vies ( comme ce pourrait être le cas d’un pilote) ?
    il est difficile de dire que « placidité » serait l’opposé de « peur »,comme-et je caricature à dessein-malheur serait l’opposé de bonheur , et l’amour- philia -de la haine – phobos -, laquelle est teintée de peur !
    et c’est déjà très- et surement trop- long !

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  19. n.b. du précédent numéro du magazine philo consacré à la peur, celle-ci apparaissait comme la note fondamentale de notre temps , sous les figures notamment de la contamination et l’empoisonnement ( ce que l’on mange, la pollution) et les figures de la dérision/humour en seraient des harmoniques:
    et il me semble ( parce que je n’ai pas relu de textes de fond ) que la peur aisi caractérisée, ce qui en serait/est l’inverse et qui n’est pas le mot qui tinte le moins à nos oreilles dans un contexte ou un autre, et sur lequel les « penseurs » ne sont pas le moins invités à débattre, c’est ce que l’on nomme en français la CONFIANCE

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