(Toute la) place aux jeunes !

3 agesMon attention a été attirée par ce qui me semble devenir une habitude journalistique tellement anodine en apparence qu’on n’y prend garde. Et pourtant, je pense qu’il y a quelque chose de caché, sans doute involontairement, là-derrière.

Je veux parler de ces jeunes femmes dont parle la presse à tout propos au lieu de simplement nous parler de femmes.

Voici quelques exemples glanés ces derniers jours dans le journal Le Monde ( qui n’a pas l’exclusivité de la chose: Libération et L’Express, comme Le Nouvel Obs et d’autres sans doute, utilisent le même qualificatif ):

Un bébé meurt défenestré du 8e étage d’un immeuble à Toulouse ( 27 août 2010) : « La jeune femme de 34 ans a été hospitalisée, son état de santé n’étant pas compatible avec son maintien en garde à vue».

Drogue au travail : « Je fume des joints pour ne pas étrangler mon patron » ( 16 août 2010) : « « la ‘p’tite rebeu d’à peine 30 ans’ que j’étais »….Aujourd’hui, la jeune femme est suivie et ne se drogue plus depuis deux ans ». Elle a donc au moins 32 ans.

Australie: Aller pas si simple ( 22 août 2010 ) « Cécile Dehant, vive jeune femme de 28 ans»

Au nom de sa petite sœur, disparue de l’Isère ( 14 août 2010)  « Férouze Bendouiou aura bientôt 35 ans …La jeune femme ne se fait cependant guère d’illusions.»

J’avais en tête un parcours assez simple : fillette pour commencer, jeune fille à l’adolescence puis jeune femme, disons après avoir perdu son innocence, et enfin femme, épanouie, autonome, célibataire ou pas, mère ou pas. Et, pour moi, on est femme, allez, disons aux alentours de vingt-cinq ans, l’âge des catherinettes (l’âge moyen du premier enfant en France est de 29 ans).

Alors, quand je lis « une jeune femme de 34 ans », je me demande à quel âge elle sera femme, celle-là…

Serait-ce que, dans notre société vieillissante, la jeunesse de la femme durerait jusqu’à … jusqu’à quand, d’ailleurs ? Pourquoi pas jusqu’à la ménopause … ou au premier petit-enfant … ou au troisième divorce ? Le simple mot « femme » serait-il devenu à ce point discourtois ou péjoratif qu’il faille l’adoucir de l’épithète « jeune » ? Une femme de 34 ans serait-elle déjà trop vieille ? Le syndrome de la lolita se serait-il emparé de tous et de toutes ?

N’y voyez aucune goujaterie de ma part, Mesdames: il s’agit simplement de s’interroger sur le sens des mots. Peut-on raisonnablement encore parler de jeune femme à 34 ans ?

Remarquez, on peut aussi y voir un avantage: plus notre société vieillit et plus les femmes y rajeunissent …

J’ai voulu vérifier si le même phénomène se produisait avec des jeunes hommes de plus de vingt-cinq ans. Toujours en piochant dans les archives du journal Le Monde, j’ai trouvé  quelques exemples * à me mettre sous la dent, mais je n’ai pas tout lu, ni les autres organes de presse, sans doute en aurais-je trouvé plus.

Le fondateur présumé d’un réseau de fraude aux cartes bancaires interpellé à Nice (12 août 2010): « âgé de 27 ans (…) le jeune homme est suspecté».

Haïm Pearlman, suspecté d’avoir tué quatre Palestiniens, est remis en liberté (14 août 2010) : «Le jeune homme âgé de 29 ans, un ancien colon de Cisjordanie occupée, a été arrêté il y a un mois».

Il semble bien que la jeunesse soit prolongée chez les hommes aussi.

Ravages du jeunisme ?

*A contrario, j’ai trouvé des hommes d’à peine vingt ans:

Violences à Grenoble: un jeune homme mis en examen pour incendie volontaire (11 août 2010) : « Cinq des six hommes âgés de 19 à 21 ans interpellés mardi ». Deviendrait-on un homme, un vrai, dès qu’on est suspecté d’un premier délit ?

164 commentaires sur “(Toute la) place aux jeunes !

  1. Voici enfin l’article dont vous rêviez
    http://bibliobs.nouvelobs.com/20101202/22669/trois-projets-sur-quatre-sont-voues-a-lechec
    N.O.- M ais est ce que ça ne fait pas dix ans au moins qu’on parle du déclin de la recherche française ? Einstein avait 26 ans quand il a publié sa théorie de la relativité, et Watson 22 quand il imagine la double hélice, Lederberg 20, quand il imagine la sexualité des bactéries. L’histoire des Nobel racontée dans le livre montre que c’est avant 35 ans qu’on est le plus féconds, la France l’oublie et piétine ses jeunes chercheurs.

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  2. Merci pour ce lien, xx. Voilà en effet une interview rafraîchissante!
    L’état de la recherche française est véritablement lamentable!
    Un de mes frères, enseignant-chercheur en biologie végétale à l’université de Montpellier, s’expatrie au Vietnam : on lui a proposé là-bas d’ouvrir sous sa direction un pôle universitaire consacré à ses recherches qui on trait au riz du futur adapté au réchauffement climatique. Si ses recherches aboutissent, ce sont les Vietnamiens qui — par le biais des brevets — profiteront des retombées économiques et, quand on connaît le marché mondial du riz… Les querelles de mandarins , les discussions de bout de gras interminables, les jalousies des uns et des autres , si caractéristiques de l’esprit français, ont eu raison de la patience de mon frère. Il gagnera sans doute un petit mieux sa vie, loin de ses amis et de ses proches, mais il pourra mener son projet à son terme.

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  3. mais surtout, surtout, il va pouvoir aller voir le Mékong et le barrage contre le Pacifique de la maman de Marguerite, qui s’est vue spoliée de ses terres par les crues de ce fleuve, un des plus longs du monde.

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  4. RFI a une rubrique intitulée “La une de Libé” et au cours de l’émission de ce matin Paul Quinio, directeur adjoint de la rédaction de Libération, a utilisé l’expression “ce jeune homme” pour parler de Julian Assange. Si l’on en croit Wikipédia, le jeune homme en question a 39 ans. Sur un certain nombre de photos on le voit en outre avec des cheveux bien blancs.

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  5. Peut-être ces quelques lignes de ce « portrait » de 2005(que je copie) susciteront-elles des questions autour de l’actualité:
    1) ». Aujourd’hui encore, Grimaldi ne pardonne pas à ses étudiants de l’avoir contraint à faire cours comme un accusé présente sa défense: «Je soupçonnais une volonté d’asservir sous cette volonté de chaos, un ressentiment de quinquagénaires chez ses étudiants, »
    2)Vladimir Jankélévitch, – le seul homme qu’il ait vraiment admiré – dont il ne comprend pas, alors, l’enthousiasme juvénile devant des adolescents gramsciens et mal élevés.
    http://www.lexpress.fr/culture/livre/traite-de-la-banalite-bref-traite-du-desenchantement_810504.html

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  6. ►xx
    je complète la première citation de Grimaldi : «Je soupçonnais une volonté d’asservir sous cette volonté de chaos, un ressentiment de quinquagénaires chez ses étudiants, le goût de rendre petit ce qui est grand et laid ce qui est beau… » et m’interroge : qui est-t-il pour juger de ce qui est grand et beau ou petit et laid ?
    Qu’est-ce que c’est que ce « ressentiment de quinquagénaires » ?
    La seconde citation qui fait état d ‘« adolescents gramsciens et mal élevés » me fait hésiter : moi qui ai été très proche de ceux-là ( je n’étais pas vraiment gramscien, mais j’étais en tout cas mal élevé selon les critères de ce monsieur), dois-je me sentir vexé ou flatté ? Ce Grimaldi ne serait-il qu’un vieux con conservateur, réactionnaire et, accessoirement, anti communiste ?
    Et quand, poursuivant ma lecture, j’apprends qu’il voit dans la corrida un spectacle réjouissant, le peu de bras qu’il me restait encore m’en tombe!

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  7. Mais vous savez bien, leveto, que je n’ai pas de réponse à ces questions que chacun pose dans « une langue » -au sens que l’on a pu donner à ce terme au temps du « linguistic turn », alors que nous en sommes à l ‘ontologic turn (ceci dit un voisin de table lors d’une récente rencontre m’a dit que le pourcentage d’hommes et de femmes dans les études vétérinaires avait fait plus que s’inverser !)
    Comme il a été invité à la grande librairie, une video sur la toile peut prolonger cette remarque …même si vous préfèrerez le faire d ‘une autre façon : mais c’est quand même une porte d’entrée dans ce labyrinthe et je pensais bien que vous pourriez en faire »quelque chose ».

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  8. Aquinze, le moins qu’on puisse dire de l’auteur de l’article, c’est qu’il est en mâle de vocabulaire. Les coupables sont traités tour à tour d’adolescents, de jeunes hommes, d’hommes (je ne compte pas les ‘voleurs’ et autres ‘agresseurs’ qui n’ont pas d’âge) pour finir au tribunal pour enfants. (Et encore on a échappé aux ‘jeunes’ ou encore ‘djeuns’, c’est Le Figaro tout de même !)

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  9. Bien trouvé, Aquinze !
    Ce qui me trouble aussi dans cet articulet, c’est cet emploi de « violenter » :
    « Deux jeunes hommes de 17 ans, après avoir volé le téléphone portable d’un usager, l’ont violenté ».

    S’il n’est pas erroné, il est pour le moins désuet, me semble-t-il, dans cette acception. Il est employé aujourd’hui, me semble-t-il, le plus souvent comme un euphémisme pour « violer ». Pour « faire usage de violence physique contre quelqu’un », on emploie plutôt « brutaliser» ou « tabasser ».
    Mais c’est vrai qu’il s’agit du Figaro, comme le relevait Zerbinette, et que chez ces gens-là, Monsieur, on ne tabasse pas, on ne se fout pas sur la gueule, on violente.
    Chez ces gens-là, Monsieur, un CRS ne vous matraque pas, il vous malmène.
    Chez ces gens-là, Monsieur, on n’est pas mis en garde à vue, on est entendu.
    Chez ces gens-là, Monsieur, un journaliste ne vous informe pas, il ne vous informe pas.

    Elle est pas belle mon anaphore ?Merci, Brel.

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  10. Continuons à nous marrer : « Heureusement, un policier qui n’était pas en service a assisté à la scène. »
    Heureusement, en effet, parce que ceux qui étaient en service, eux, n’ont rien vu*.

    *Qui a dit « comme d’hab » ?

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