La réponse à la devinette du dimanche

Le toponyme à trouver dans la dernière devinette était … Brésil !

lok-jpeg.1297012995C’est en 1339 que le majorquin Angelino Dalorto ( ou Angelino Dulcert )  publie une carte marine où figure pour la première fois, dans l’océan Atlantique, l’île de Brasil ( ainsi que Saint-Brandan et Antilia) .

On la retrouvera ultérieurement à plusieurs reprises sous le nom de Brasile, Bracie, Bresily, Brazilae, Bresilji, Braxilis ou Branzilae ( sur la carte du Vinland de 1434) ou encore Isola de Bersil (Andrea Bianco , 1436) et située la plupart du temps au sud-ouest de l’Atlantique, mais aussi parfois au large de l’Irlande (Abraham Cresques , 1375).

La carte qui illustre cet article * a été dessinée en 1582  par l’Anglais Michael Lok, dédicacée à sir Philip Sidney et publiée dans le récit des Divers Voyages de Richard Hakluyt . On y voit encore cette île imaginaire appelée ici  Brazil, plus de deux siècles plus tard !

Pourquoi avoir créé cette île imaginaire et pourquoi lui avoir donné ce nom ?

Dès les Croisades, on importa en Europe un bois rouge utilisé dans l’industrie tinctoriale mais aussi en ébinisterie : c’est avec ce bois que fut par exemple décorée la bibliothèque de Charles Martel dans le palais de Louvre. Répandu dans toute l’Europe, il était appelé brésil, bracil, presill, brasil, brazil, tous mots ayant une racine étymologique commune avec notre «braise». Ce bois de brésil venait alors d’extrême Orient, d’Inde ou d’Indonésie, contrées qui semblaient si lointaines que les cartographes du Moyen-Âge, se référant à des récits de voyages de deuxième ou troisième main, avaient du mal à situer précisément. Ajoutez à cela des histoires de voyages fantastiques plus ou moins imaginaires ( comme celui de Saint Brendan ) mais écrites sous le sceau de l’autorité ecclésiastique alors incontestée et des cartographes se recopiant sans vergogne les uns les autres pendant des siècles et vous avez tous les ingrédients propres à la survivance d’une île imaginaire .

Mais si on comprend pourquoi cette île, réputée fort lointaine, était le plus souvent située au cœur de l’Atlantique, on comprend moins pourquoi certains l’ont située au large de l’Irlande. Cela s’explique  par le fait que la mythologie celte — particulièrement irlandaise — décrit une île merveilleuse parée de toutes les vertus et nommée Í Breasail . En vieil irlandais ce nom pouvait décrire le Paradis :Í, « île » et brès « beau, puissant ». Les deux noms Breasail et Brésil étant proches, la confusion pouvait aisément se faire.

Le Brésil a d’abord été baptisé Ilha de Vera Cruz par le navigateur portugais Pedro Alvares, ce qui signifie « île de la Vraie Croix » car il pensait avoir découvert une île. Une fois le caractère non insulaire reconnu, le nom fut changé en « Terra de Santa Cruz« , «Terre  de la Sainte Croix ». Assez rapidement après l’installation des premiers colons, on y exploita un bois rouge tinctorial analogue au bois importé des Indes depuis les Croisades…  Bien avant que les cartes géographiques ne précisent la situation de l’actuel Brésil, le nom de brasil, bresil, etc., fut transféré au bois d’origine américaine. Ce n’est guère avant le début du XVIe siècle que l’appellation « Terre du brésil » — sans majuscule à brésil — (on trouve écrit Terra do brazil dans un rapport d’Albuquerque en 1512), fut transférée de l’Inde et de l’Indonésie qu’elle désignait d’abord, à la partie de l’Amérique du Sud découverte par Cabral, éliminant ainsi progressivement l’ancienne appellation de Santa Cruz.

* Illustration extraite de « Off the Map, the curious histories of place-names » par Derek Nelson, Kodansha International, Inc. 1997.

33 commentaires sur “La réponse à la devinette du dimanche

  1. Je m’aperçois que j’ai oublié de mentionner la réponse de Siganus qui me disait brûler .
    Faut-il voir dans ce mot écrit en gras une allusion au bois de brésil ( de « braise») ou à l’archipel de Saint – Brandon, les Cargados Carajos non loin de l’ïle Maurice, un « brandon » étant une torche ?

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  2. Bon, c’est vrai que l’important c’est de participer. J’avais pensé aussi au Brésil mais je seulement savais que son nom était tiré du « palo brasil » lequel, comme vous dites, était connu avant Colón et al.
    Quant au nom Hojeda, il semble que celui-ci était relié à une institution « brûlante » pas chère de leveto (entre autres), étant Ojeda le conquistador, si bien la Larousse lui donne les deux graphies.

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  3. Ah ben non, moi je pensais à l’Éthiopie, le pays des Éthiopiens ou “faces brûlées”, peuple mentionné par Homère longtemps avant que n’existe l’Éthiopie que nous connaissons aujourd’hui.
    http://www.etymonline.com/index.php?term=Ethiop

    Pour ce qui est de Saint-Brandon, quelqu’un a évoqué la possibilité d’un lien avec le moine irlandais navigateur saint Brendan (Brandon en anglais), mais cela est loin d’être confirmé.

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  4. Ethiopie:
    C’est Hérodote qui, le premier, appelle ainsi la vaste région africaine au sud de l’Égypte, sans limite bien précise. Ce nom était appliqué aux extrémités orientale et occidentale d’une Terre que l’on pensait plate. On croyait alors que le soleil, se levant à l’est et se couchant à l’ouest, passait si près de leurs habitants qu’il les rendait aithiopes, « à l’aspect brûlé ». Tels étaient les Indiens à l’est et les noirs d’Afrique occidentale. Plus tard, quand les Nubiens furent connus des Grecs, la même appellation leur fut étendue et c’est ainsi que peu à peu le terme Aithiopia se spécialisa pour désigner la partie de l’Afrique située au sud de l’Égypte, et notamment le royaume christianisé d’Axoum.
    Le toponyme Aethiopia désignait bien dès le départ des régions sans doute peu connues et aux contours imprécis mais en tout cas pas imaginaires.

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  5. Mais l’imaginaire, pour arriver à l’Ethiopie, avait été pour moi le fameux royaume du prêtre Jean, par le mot de « Moyen Age » (etc) , et qui avait fait fabuler ferme !
    Mais le Brésil me va vraiment ! Et tout le billet d’ailleurs!

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  6. ► xx:
    Il semble bien que les patronymes Cresques et Crescas soient deux formes, la première en catalan, la seconde en castillan, d’un même nom transcrit de l’hébreu.
    Selon certains articles lus ici ou là, il semblerait qu’Abraham Cresques et Hasdaï Crescas appartenaient à la même famille juive de Majorque.
    Si j’en crois ce site , crescas signifie « branche ».
    Pour le Royaume du Prêtre Jean, j’en parle dans la note précédente ( » les propositions des lecteurs … »)

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  7. >leveto
    ce que j’avais encore trouvé sur le nom de Crescas qui pourra vous intéresser:
    Le nom Karsenti est d’origine espagnole.
    Il se réfère à la ville de Carciente dans la province du Ponteverda en Espagne.
    Ce nom lui-même renvoie à la notion de
    « développement », de « croissance ». De ce point de vue, le patronyme Crescas est un synonyme de Karsenti.
    Certains spécialistes renvoient à une autre ville espagnole : Calsana.
    D’autres penchent plutôt pour un rapport avec le mot « croissant de lune ». Attesté en Espagne au XVème siècle, ce patronyme se retrouve alors en Afrique du Nord et en Turquie.
    Variantes : Karsenty, Carcienté, Kersenti,
    Karcenti, Kercenti, Carcenti, Carcinet, Karsenthy.

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  8. >leveto
    « Awaiting moderation » est un mystère pour moi ! tout juste dix lignes sans un lien sur le lien supposé(!) entre crescas, karsenti et la ville de carciente en Espagne!
    voici une image d’Espagne:

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  9. A propos de Karsenti :
    Nous avons en France des Cressent à propos desquels je peux lire ceci : « Fréquent en Normandie et en Picardie (76, 80, 62), c’est un ancien nom de personne correspondant au latin Crescens (= qui croît, qui s’élève). Saint Crescent fut un compagnon de saint Paul au premier siècle (il existe également un martyr appelé saint Crescence, à l’origine du nom Crescence, porté à la Réunion). Variantes : Crescent (76, 972, 974), Cressen (76), Cressend, Cressens (73). Ces noms sont fréquents en Italie sous les formes Crescente, Crescenti, Crescentini (= Crescent), Crescenzo, Crescenzio, Crescenzi (= Crescence). On trouve parfois en Provence les formes Crescenty et Cressenty. »

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  10. @Jesús
    Après vérification:( je n’ose pas envoyer le lien mais avec les mots vous le retrouverez facilement, puisque je l’ai trouvé, moi qui suis la référence de quasi incapacité à l’ordinateur)
    Donc carciente comme dit le lien mais il est aussi proposé(sans bibliographie!) la ville de
    Calsana !
    (j’ai aussi trouvé une tombe avec des lettres carrées au nom de « carciente »(google images)
    Et ce ne sont pas mes « origines » , -autant que je sache ! Et c’est très peu et insoluble .

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  11. @jesus
    (puisque je lis aussi les lettres carrées) voici l’image de la tombe et pour le « i » de car-cIen-ti, il y a même deux « iouds »

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  12. >xx
    Évidemment je dois être un peu plus inutile ; je ne trouve aucune ville avec ce nom. Pourtant, je viens de lire qu’il y a Calcena, une petite ville à Zaragoza.

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  13. Je ne trouve pas de village espagnol du nom de Carciente.
    Le patronyme Carciente ( ou Karsenti et dérivés) viendrait du toponyme espagnol Crecente , nom d’un village de Galice, province de Pontevedra .
    Une autre hypothèse donne une origine selon le toponyme italien Carcente près du lac de Côme.
    En tout cas, les deux ont une étymologie latine commune: le verbe crescere , « croître », d’où « croissant «.

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  14. Comme on a quand même un peuavancé autour du nom de Crescas, honneur au Nord avec une autre mappemonde : celle des ambassadeurs de Holbein, qui étaient Jean de Dinteville et Georges de Selve dont voici une image

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  15. et une mappemonde d’une artiste contemporaine présentée lors d’une exposition dont c’était le thème :
    Irène Dubrovsky :qui habite au Mexique:

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  16. @jesus
    C’est effectivement « la » langue sifflée de « référence !
    Bien sûr, j’ai déjà vu des gens siffler avec leurs doigts , un chien surtout, mais non comme une langue codifiée à part entière justement …j’ai aussi pensé, en lisant des pages ici et là à l’expression aujourd’hui de « whistleblower »
    (ajoutez à cela un fort souvenir d’enfance d’une opération douloureuse qui a surement réattiré mon attention sur cette langue !)

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  17. @zerbinette |
    Chère zerbinette,
    La réponse à votre question en un mot: oui!
    Et comme vous ne vous en contenterez pas, comme je vus comprends en ces temps où chacun raconte n’importe quoi!, vous en trouverez la preuve par ce mot:
    et il n’était bruit partout que de ce chien de Jean de Nivelle qui s’enfuit quand on l’appelle ! »
    et ce lien pour mémoire:
    http://dansletempsjadis.canalblog.com/archives/2009/01/09/12000588.html

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  18. j’en profite,
    1)pour corriger vus=>vous
    2)pour dire mon étonnement de voir ma réponse toute belge à zerbinette affichée à
    15:10 alors qu’il est 14:19 à mon ordi et à ma montre !

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  19. >leveto
    Et qui sait , en lisant la page « Nivelles » sur wikipedia, mais sans chercher outre, j’y ai lu que les habitants se nommaient les aclots : un mot dialectal , et pensé que cela pourrait vous inspirer un billet ?

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  20. Merci, xx pour ces éclaircissements sur ce « chien de Jean de Nivelle » !

    Apparemment, Nivelle, et son chien !!! ont trouvé refuge à chez les Aclots. Et voilà, une fois encore, comment on écrit l’histoire.

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  21. O’BRAZIL, L’ILE DES BIENHEUREUX (1)

    Sur l’Océan qui creuse où s’asseoit votre chaume,
    Se dessine, dit-on, un beau pays-fantôme,
    Les hommes qui l’ont cru morceau tombé des cieux
    L’appellent “ O’Brazil »—l’île des bienheureux.
    La belle vision on la voit du rivage,
    Et d’année en année, étaler son mirage,
    Les nuages dorés s’y groupent avec soin,
    Si, qu’on croit voir l’Eden, au loin, au loin, au loin !

    Entendant un beau jour conter cette merveille,
    Un paysan crédule y brûla son oreille,
    Et dirigea d’Ara la sainte cependant,
    Vers la belle O’Brazil sa voile à l’occident.
    Il n’écouta les voix le hélant du rivage,
    Il n’écouta les vents précurseurs de l’orage,
    Mais quitta du foyer le tant cher petit coin
    En quête d’O’Brazil au loin, au loin, au loin!

    [ Suite ]

    (1) On dit qu’une île fantôme est quelquefois vue des îles d’Arran, sur le bord occidental de l’Atlantique.

    PS pardon leveto, c’est la tête que j’avais dans le sac. Pourriez-vous effacer mon précédent commentaire ? D’avance, mercis…

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