Nouveau feuilleton: épisode pilote

J’ai intégré l’École vétérinaire de Toulouse à la rentrée de septembre 1973.

Encore jeune, j »avais déjà — mai 1968 étant passé par là —  une conscience politique aiguisée.

etudiant

L’étudiant est un bipède sprinteur

Je savais en tout cas dans quel camp je me situais : dans aucun de ceux qui avaient pignon sur rue. La droite était bien sûr disqualifiée d’emblée, qui se souciait fort peu du bien être général préférant assurer celui de quelques particuliers ; mais la gauche, communiste comme socialiste, s’était disqualifiée en enterrant  l’espoir suscité par mai 68 ; et les groupuscules d’extrême gauche, au premier rang desquels les maoïstes avaient le vent en poupe, que j’avais approchés et qui auraient pu avoir ma sympathie, étaient bien trop sectaires, autoritaires et hiérarchisés pour que je puisse y adhérer. Restait alors la bannière anarchiste : mais, dès la manifestation du 4 mars 1972 pour les obsèques de Pierre Overney ( et je n’oublie pas non plus la façon indigne avec laquelle le PC s’est conduit dans cette affaire), j’avais compris que je n’étais pas fait pour ça : certains prônaient l’action violente, comme d’ailleurs certains des groupes d’extrême gauche qui avaient le vent en poupe à l’époque, alors que je me refusais ( et me refuse toujours) à utiliser ladite violence ; d’autres, plus rares, prônaient une sorte de résistance passive, de désobéissance civile, l’objection de conscience, la grève des impôts, etc. toutes choses qui auraient pu me pousser à adhérer à ce mouvement, s’il n’avait pas fallu pour cela devenir membre d’une cellule, d’un groupe, lui-même adhérent à la Fédération anarchiste à laquelle il faudrait obéir sans discuter, et défiler derrière le drapeau noir en rangs comptés encadrés par un service d’ordre dûment « brassardé ». Pour des gens dont le fond de la pensée pouvait se se résumer en un cinglant « Ni dieu ni maître », cela me paraissait assez contradictoire : je n’ai donc fait que saluer de loin mes amis anarchistes, et, aux obsèques d’ Overney, si j’ai raté le discours de Sartre — je ne le regrette pas — c’est parce que j’étais en queue du cortège, avec bien sûr quelques retardataires un peu perdus, mais aussi et surtout avec quelques autres ( quand je dis quelques, cela veut dire une ou deux centaines tout au plus sur une manif de près de deux cent mille personnes) qui, comme moi, trouvaient dans cette  situation quelque chose d’authentique. Nous affirmions ainsi, tout en manifestant notre solidarité avec une cause qui nous semblait juste, notre individualisme, notre liberté de penser hors des voies balisées, notre autonomie ( autonomie qui aurait pu me rapprocher plus tard des totos si certains d’entre eux n’avaient pas prôné l’action directe et violente, même si les totos français étaient moins radicaux que leurs homologues italiens ou allemands, mais bon, tenir une épicerie à Tarnac aurait pu tout à fait être envisageable). J’ai donc fini par comprendre que ma place n’était ni dans un camp ni dans un autre, ni sous la bannière blanche, bleue ou tricolore, ni sous un drapeau rose, rouge ou noir, ni pour Giscard ni pour Mitterrand, non: ma place était à côté. J’y suis encore.

Oh ! Bien sûr, j’entends déjà les sarcasmes et les moqueries.

Oui, je travaille et paie mes impôts, bien sûr : je n’ai pas trouvé le courage de vivre en stylite. J’ai trouvé un métier que j’aime, j’ai trouvé une compagne avec qui j’ai fondé une famille, alors, l’ermitage ( sauf avec une majuscule et dans mon verre)…

Non, je n’ai pas eu le cran d’un José Bové qui a préféré se cacher des gendarmes pour éviter de faire de la prison en tant qu’ objecteur de conscience. J’ai préféré faire deux ans de coopération technique aux Antilles.

Oui, je suis propriétaire de la moité de ma maison, mais j’ai attendu d’avoir cinquante-cinq ans ( l’âge où d’aucuns ont déjà, en plus de la maison, une Rolex) pour m’y résoudre, convaincu par ma compagne, mais ce ne fut pas une décision si facile à prendre que cela, même si je ne la regrette pas et que je sais que beaucoup ne seront jamais propriétaires. Mais je n’ai aucun plan d’épargne, ni même un livret A, encore moins des actions,  rien de tout ce qui pourrait me faire mettre un doigt de pied de trop dans ce système que j’abhorre : si je peux l’éviter, je l’évite.

Oui, je suis un patron — dans le sens où j’ai une salariée —, mais aucune de mes auxiliaires ne s’est jamais plainte ni de son salaire, ni de son travail, ni de moi, bien au contraire : toutes celles qui ont travaillé pour moi, recrutées plus au feeling qu’au diplôme, m’ont quitté qui pour créer son salon de toilettage ( après deux ans de formation en alternance, ce qui m’a obligé à recruter une remplaçante, mais, bon …), qui pour se lancer avec succès dans les études d’infirmière en médecine humaine (ce qu’elle n’avait pas osé faire tant sa famille comme ses professeurs la rabaissaient), qui pour gérer un gîte rural (tant ses qualités humaines, son don pour l’accueil et le service étaient flagrants), etc. Toutes sont restées des amies que je revois toujours avec plaisir. Alors, patron, oui, bien sûr, mais simplement parce que j’ai la chance de pouvoir exercer une profession libérale où je suis mon propre patron et que  je n’ai pas trouvé d’autre moyen que le salariat pour m’entourer de collaborateurs ou collaboratrices.

Et je m’aperçois que ce qui ne devait qu’être une introduction à un billet relatant une tranche de ma vie ( pour faire plaisir à l’amer ) est devenu un billet à lui tout seul. Alors, tant pis et  pardon l’amer : il vous faudra patienter encore un peu plus. Ce billet ne constitue donc que l’épisode pilote d’un nouveau feuilleton ( le premier avait commencé ici, avait continué ici et pour se terminer  ) qui cherche encore son titre .

49 commentaires sur “Nouveau feuilleton: épisode pilote

  1. Ah ! La suite ! Je m’en doutais !
    (j’ai fréquenté le Bar de l’Esquille, refuge des vétos – du moins de certains -, de 1960 à 1963)…
    Ouf…

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  2. J’ai très envie de vous répondre. On est à deux ans près de la même fournée, et on vécu aux mêmes âges des trucs complètement différents, tout en se croisant sans le savoir (l’un de mes meilleurs potes était à Lakanal quasi en même temps que vous, et m’a bien sûr aussi entraîné dans ses « pistes »).

    Mais il faut que j’y réfléchisse, je ne suis pas du tout sûr d’avoir une « profession de foi » aussi ferme que la vôtre. Je ne suis pas sûr non plus d’avoir « des choses à dire » sur ma « jeunesse » (comparée à la vôtre), même sur votre blog que je considère comme un « lieu ami ». J’ai ressenti très vivement les objections des hôtes de LSP vis-à-vis des gens qui « polluent » les blogs en racontant leur vie, j’ai trouvé ça extrêmement pertinent, et j’hésite depuis à m’épancher*.

    Je m’absente pour le long weekend, je vais y réfléchir. En attendant, je voudrais très sincèrement vous remercier de la qualité de vos « fils », jamais bavards et toujours stimulants.

    * Assez ironiquement, cela m’a rappelé les Traités de Savoir-Vivre du XIXè, qui posent unanimement l’interdiction absolue, lors d’un dîner en ville, de parler politique ou religion… Comme dirait mon vieux père, il reste la météo… ou la toponymie 😉

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  3. …pour faire plaisir à l’amer –et pardon l’amer= leveto, ci-dessus .
    Je suis confus. Pas prendre à la lettre TOUT ce que je dis !
    En tous cas, c’est gentil comme tout. Merci, leveto. 😉

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  4. Aquinze, vos compliments me touchent et je vous en remercie.
    Vous m’aviez déjà parlé de vos affinités lakanaliennes, je suis maintenant de plus en plus curieux d’en savoir plus !
    Ce que vous dites à propos de LSP est tout à fait pertinent : on s’est plaint en effte des débordements autobiographiques auxquels se livraient certains commentateurs sur ce blog
    Parmi ces derniers, quelques uns ont choisi de s’en aller, d’autres ont préféré revoir à la baisse leurs contributions. Même si ces reproches ne m’étaient pas directement adressés, je m’étais senti visé, puisque j’appuyais certaines de mes contributions sur mon expérience vécue, et que je n’avais hésité à dévoiler ni mon identité ni des pans entiers de ma vie, de mes convictions, etc. Cela m’attriste, mais depuis ces remarques sur LSP, je m’autocensure et si je fais encore quelques fois allusion à ma vie personnelle, c’est soit que cela sert mon argumentation soit pour répondre à des attaques injustifiées.
    C’est pourquoi je me refuse à faire ce genre de ménage chez moi. Si mes billets peuvent inciter certains de mes lecteurs ou lectrices à s’épancher, je ne me sens pas le droit d’intervenir. De la même façon qu’un écrivain ( pardonnez-moi ce manque de modestie) ne contrôle pas ce que son lecteur fait de son livre, je me refuse à contrôler ce que disent les lecteurs de mes billets ni les associations d’idée que ces derniers peuvent susciter
    Et donc, je ne vois aucune raison pour laquelle vous ne nous feriez pas part de vos expériences personnelles. L’histoire que vous nous racontiez à propos des crêpes bretonnes était, en plus d’être aussi émouvante qu’authentique, la bienvenue : elle a servi de déclencheur à une discussion fort intéressante.

    Pour terminer, votre note en astérisque m’ a bien sûr fait aussitôt penser à Caran d’Ache et à son illustration du repas de famille lors de l’affaire Dreyfus, vous savez? : « N’en parlons surtout pas ! » suivi du « Ils en ont parlé! »

    L’amer , je vous taquinais bien sûr. La suite du feuilleton est en cours d’écriture, je dois couper pas mal de branches pour rendre la promenade agréable .

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  5. Comment vous dire ceci, votre papier me perturbe ; j’attendais la réaction de Aquinze pour prendre mon temps.
    Vous êtes chez-vous et en droit de tomber la veste et de quitter le col dur, nonobstant il ne s’agit pas d’un forum et je ne m’autorise pas autant de liberté. À trop connaître le maître des lieux je craindrai maintenant de le choquer sachant que mon opinion heurte ses convictions. Mine de rien vous venez de me fixer des limites dans lesquelles il ne serait pas séant de mettre le doigt ; vous voyez le topo ?

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  6. Arcadius, votre commentaire me perturbe.
    D’une part, je n’ai jamais caché ni ici ni sur LSP par exemple mes convictions politiques, religieuses ou plus généralement philosophiques; d’autre part, il me semble avoir fait preuve, ici comme ailleurs, d’une certaine ouverture d’esprit et d’une grande tolérance envers les opinions contraires aux miennes. Comment débattre ou ne serait-ce que discuter avec des gens qui refuseraient d’afficher leur propre opinion ? Non, pas de limites chez moi ( sauf la décence et les limites imposées par la loi, naturellement)!
    Enfin, l’étalage de mes convictions ne vise en aucun cas à convaincre qui que ce soit: j’ai bien trop conscience d’être minoritaire pour me priver d’interlocuteurs au prétexte qu’ils ne partageraient pas mes opinions.
    Pour terminer, comment concilier ceux qui me réclament plus d’anecdotes personnelles avec ceux qui me réclament plus de retenue ?

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  7. Moi : votre papier me perturbe.
    Vous, répondant : votre commentaire me perturbe.
    Fichtre ! Nous v’la bien ! De ce pas je m’en vais à la recherche de l’harmonie. Je sais d’un Alcyon, né breton et établi vers Bruges, qui cultiverait cette fleur rare.
    Hasta mas tarde.

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  8. Si mes billets peuvent inciter certains de mes lecteurs ou lectrices à s’épancher, je ne me sens pas le droit d’intervenir… + L’amer , je vous taquinais bien sûr. La suite du feuilleton est en cours d’écriture, je dois couper pas mal de branches pour rendre la promenade agréable . leveto | le 09 juin 2011 à 21:28-
    Leveto, j’ai bêtement oublié chez moi [ je suis dans un cybercafé] les 2 pages pleines rédigées ,pour vous ici ,vers 4 heures du mat’ en réaction/réponse à votre billet. Fait rien ! j’y racontais ma propre expérience désillusionnée de Mai ’68. Mais nous avons , depuis, sacrément pris de l’âge.En gros, j’y décrivais ma longue, lourde et lente descente aux enfers , suivie de ma résurrection …en chambre froide 😉 où j’enchaînais joyeusement chromatographies et électrophorèses(= dépiautage d’Hb diverses).
    Par la suite, l’enseignement universitaire [ littérature, philo] en pleine guerre civile, à des braillards fils et filles à papa, m’a vachement remonté davantage.

    Arcadius[~Marco] : je ne comprendrai jamais votre retenue excessive dès qu’on aborde ce qui vous paraît, à vous, déborder de….limites ! exemple : vous avez refusé [ il y a quelques….siècles] sur LSP d’intervenir davantage sur la notion de “dilemme” que nous secouions* avec aquinze. J’en suis resté…marri.
    Lâchez-vous un peu, que diable !!!!

    *Le premier qui…daube gagne le droit de se taire .

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  9. Je ne comprends pas vraiment pourquoi, en France en tout cas, il est fait une si grande différence entre plusieurs types d’opinions.

    Personne n’est choqué de savoir que nous ne partageons pas les mêmes goûts musicaux, architecturaux ou sportifs — bien au contraire, le savoir permet à la fois de stimuler le débat sur le fond, et de s’adresser des petites piques amicales sur la forme. Non seulement ces désaccords sont jugés comme normaux, mais leur connaissance voire leur étalage font partie de la norme des relations sociales.

    Le fait d’attribuer une valeur particulière aux opinions politiques, religieuses ou philosophiques me semble relever de la même dérive que le « politiquement correct » : l’essentialisme. Autrement dit, le fait de ne pas apprécier le même tennisman ou le même peintre est bien considéré comme n’impliquant pas l’essence des débatteurs (seulement leur opinion) ; mais le fait d’avoir telle conviction politique ou philosophique est considéré comme relevant de l’essence des deux personnes et non pas d’opinions à débattre.

    L’anthropologue Jonathan Friedman a bien montré comment cette essentialisation de la discussion est en cause dans le politiquement correct, puisque ce dernier consiste à disqualifier la personne à travers des propos indexicalisés, et à interdire certains débats au motif de leurs prétendus implicites moraux. Je l’ai retrouvée (l’essentialisation) dans l’intolérance de certains mouvements d’extrême gauche (prompts à accuser de « trahison » ceux qui ne sont pas d’accord à 100% : c’est un cas typique et évident). Et voilà que je m’aperçois qu’elle est également présente, de façon profonde et sournoise, dans notre approche générale de la politique.

    Je rejoins leveto : sans que cela ne soit en rien de l’exhibitionnisme, afficher nos opinions et convictions devrait être un fait naturel. Des accords ou désaccords ne mettent aucunement en jeu nos personnes profondes, et n’ont pas à être auto-censurés. Causons d’art, de toponymes, de politique, de cuisine, de philosophie, d’histoire… : tous ces sujets sont passionnants et méritent d’être partagés, confrontés et enrichis.

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  10. A l’amer qui s’fâche…
    Je plaide non coupable, sur dilemme j’ai lancé une pierre dans votre jardin canceri-cancerogène le 3/06 à 15h 34 !, je n’avais d’autre alternative…

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  11. A Jacques c
    Je n’ai rien à ajouter à votre commentaire et je vous remercie de parler de l’essentialisme qui stérilise tout débat et muselle les potentiels débatteurs
    Je pense que le dévoilement d’une partie de la jeunesse du veto parait une effraction dans l’ univers bien rassurant de la police de la langue française,univers qui n’est jamais du ressort de l’intime
    Peut-être est-ce cette parcelle d’intime dévoilée qui heurte …

    Pour Aquinze
    Qu’importe les comparaisons !Ce que vous avez vécu est aussi interessant que ce qu’à vécu Le véto!
    Pourquoi sous estimez vous la qualité de votre expérience ?
    Comme ce serait stimulant,à partir d’une même époque,dans une même géographie ,de comparer vos deux expériences

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  12. Jacques C et gyne30 causent trop complexe pour moi !

    Arcadius, je ne vois pas ce qui peut vous perturber lorsque leveto nous raconte une tranche de vie et comment cela a pu influer sur son comportement et sa façon de penser, d’autant qu’ici il est chez lui et que nous y faisons irruption à n’importe quel moment tant qu’il nous entr’ouvre sa porte. Si nous le trouvions en robe de chambre, iriez-vous le lui reprocher ? Mais personne ne vous demande à vous de vous dévêtir et vous êtes bien libre de vous promener masqué lorsque vous sortez de votre île.

    Personnellement, j’aime bien connaître l’histoire des autres, cela permet de mieux les comprendre tant qu’il ne s’agit que de relations consenties….

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  13. A tout hasard : gyne30 n’aurait pas vécu des expériences difficiles dans des hôpitaux parisiens inhumains ? (ce qui a influé sur sa façon de placer les virgules… 😉 )

    Amicalement

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  14. PS : leveto, je vous trouve bien sévère avec le livret A. S’il n’existait pas, comment feraient les grands-parents pour nantir leurs petits-enfants d’un petit capital qui leur permettraient de s’acheter une mob pour embêter les voisins en pétaradant le jour de leur seize ans ?

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  15. @ Zerbinette : Je pensais que mes exemples parlaient d’eux-mêmes. Mais puisque non, je précise.

    L’essentialisme, c’est considérer que le discours tenu ou le goût affiché traduit « l’essence » de la personne qui le tient ou qui l’affiche. Dans cette logique, quelqu’un qui aime les écrits de Céline est forcément antisémite ; quelqu’un qui a de la sympathie pour Nicolas Hulot est forcément vendu aux multinationales ; quelqu’un qui s’oppose au néolibéralisme doit forcément s’engueuler avec quelqu’un qui a voté N. Sarkozy.

    Cette logique conduit à des procès d’intention (genre, un truc lu un jour sur LSP : parce que j’avais dit que géographiquement et historiquement la Turquie est évidemment en Europe, quelqu’un a laissé entendre que je serais pour la négation du génocide arménien…), à des amalgames (parce qu’on mange bio on serait forcément bobo) et des anathèmes.

    Or, tous ces aspects, comme les goûts artistiques, relèvent du débat : on a le droit de changer d’avis, il est normal et sain d’en parler et d’échanger. Dire que l’on souhaite que la Turquie entre dans l’Europe n’empêche en rien de considérer que la reconnaissance du génocide arménien (et l’abolition définitive de la peine de mort) sont des conditions incontournables à cette entrée. Dire que l’esclavage a été le fait de chefs arabes autant que de bourgeois européens ne nie en rien la responsabilité spécifique de la bourgeoisie européenne. Et deux personnes dont l’une est de droite et l’autre anarchiste (donc de gauche, car je n’ai pas écrit nihiliste) peuvent parfaitement causer de leurs idées politiques sans que ça remette en cause leur amitié ou leur estime réciproque.

    Lorsque je dis à quelqu’un qui tient des propos racistes que ses propos sont indignes, je parle de ses propos — pas de lui ! Lorsque je constate qu’Hugo a été successivement monarchiste puis républicain, je ne juge l’écrivain ni à l’aune de son premier engagement ni à l’aune du second, je me contente des faits (= d’une part en tant qu’écrivain il a écrit des choses admirables, d’autre part lorsqu’il a fallu soutenir les communards il l’a fait sans hésiter, contre les assassins Thiers et McMahon).

    On a le droit de s’engueuler (ou de discuter courtoisement) sur une opinion sans se sentir mis en cause dans sa chair !

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  16. Hum, Jacques C, vous n’êtes pas obligé de prendre tout ce que j’écris au premier degré… et même surtout pas !

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  17. Zerb :
    « Mais personne ne vous demande à vous de vous dévêtir et vous êtes bien libre de vous promener masqué lorsque vous sortez de votre île.  »
    Et comment voulez-vous sortir d’une île, la niolle à la main ? Pfff…
    Oui, je sors masqué, avec mon tuba et mes palmes, por supuesto.

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  18. Je plaide non coupable,arcadius | le 10 juin 2011 à 17:54….+de vous promener masqué lorsque vous sortez de votre île. arcadius | le 11 juin 2011 à 15:36-
    arcadius, je nage….jamais retrouvé votre cancéro-céri…et je ne me fâche pas !!! 😈
    Et puis, vous êtes sûr de parler à Zerb « sur son île » ?
    L’alcool ne vous vaut rien, cher ami….Pourtant, je vous aime bien….
    @zerbinette : arcadius ne sort JAMAIS de son île sans un de ses beaux-parents !!!
    à TOUS : c’est bientôt fini ces inter-communo-infra-perturbations ???
    l’amer qui malheureusement doit s’en aller d’ici…..

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  19. zerbinette : il est chez lui et que nous y faisons irruption à n’importe quel moment tant qu’il nous entr’ouvre sa porte. Si nous le trouvions en robe de chambre, iriez-vous le lui reprocher ? Mais personne ne vous demande à vous de vous dévêtir
    Compareriez-vous leveto à DSK ? 😉

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  20. olimalia, leveto n’est pas un « homme de chambre », c’est un pisteur ! Il ne revient ici que lorsque nous sommes tous partis….

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  21. arcadius,
    « la niolle à la main » ??
    « la niolle à la main » !!
    j’ai eu un moment d’hésitation, je ne savais pas si je devais être effrayée ou …effarouchée, mais renseignement pris, la « niolle » serait un chapeau ?

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  22. Aquinze : Assez ironiquement, cela m’a rappelé les Traités de Savoir-Vivre du XIXè, qui posent unanimement l’interdiction absolue, lors d’un dîner en ville, de parler politique ou religion… Comme dirait mon vieux père, il reste la météo… ou la toponymie

    « … et il était vivement recommandé par la Baronne Staff [sic*] en 1898, dans les Règles du savoir-vivre dans la société moderne d’éviter les conversations à écueil. »

    leveto : Pour terminer, votre note en astérisque m’ a bien sûr fait aussitôt penser à Caran d’Ache et à son illustration du repas de famille lors de l’affaire Dreyfus, vous savez? : « N’en parlons surtout pas ! » suivi du « Ils en ont parlé! »

    Euh… Ce dessin paru dans Le Figaro du 14 Février 1898 est d’autant plus remarquable, que l’auteur fut le co-fondateur d’un hebdomadaire satirique antidreyfusard : P’sst

    * Au chapitre «  rapports avec les serviteurs » de l’ouvrage susnommé l’autrice évoque un monde de « bisounours » (métaphore ultra trendy) : « nous ménageons mieux aujourd’hui la dignité humaine et la juste susceptibilité des petits et des humbles ; c’est l’honneur de notre temps ».

    Du « passage des portes » jusqu’ « à l’hôtel », tout est passé au peigne anti-poux par l’affable baronne ; mention spéciale pour un aphorisme que chaque établissement sérieux se doit d’accrocher dans ses chambres ou suites :
    « Il vaut beaucoup mieux s’ennuyer que de commettre une inconséquence qui pèse parfois sur la vie entière ».

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  23. De la Staffe au staff
    [Gare au richard]

    olimalia : Compareriez-vous leveto à DSK ?

    (pouf pouf)
    Au cas où vous la prendriez pour une soubrette, sachez que zerbinette n’a nul besoin de canne pour pousser la porte ou la note…

    [Kahn, qui, comme chacun sait, est à Strauss*, ce que Robert est à Redford ]

    Par ailleurs, si  tout le monde saurait   que le ménage lui incombe, notre leveto reste un indécrottable Richard

    * Faut-il avoir l’ « oreille absolue » pour entendre le crépitement de la douche ?

    MiniPhasme, LSPisteur à ses heures

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  24. Euh…ben, non, MiniPhasme, j’ai paramétré mon blog pour trois liens maximum par commentaire. Je ne comprends pas pourquoi le vôtre a été mis en modération.

    Ceci dit, j’ai bien aimé Richard !

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  25. @ Zerbinette, qui disiez :

    « Mais personne ne vous demande de vous dévêtir et vous êtes bien libre de vous promener masqué lorsque vous sortez de votre île…
    – Et comment voulez-vous sortir d’une île, la « niolle» à la main ? Pfff… »
    , vous répondit Arcadius.
    Avant que vous lui annonciez tout le bénéfice de votre quête :

    … renseignements pris, la « niolle » serait un chapeau ?

    _________________________________

    1. J’ignore quelles contrées complaisantes vous accueillent, vous et Arcadius. Les miennes ont des mœurs sévères.

    2. Et ici, on ne lésine pas sur la prononciation et sa rigueur multiséculaire: la gnole* (sympathique breuvage local) sonne à l’unisson le plus exact avec la niolle (ridicule couvre-chef).
    Et aucun locuteur de mes alentours ne se soucie de faire sonner le « G » initial de ce noble produit, issu des meilleurs alambics si tant homologués : il a l’oreille absolue, cet administré estimable – celle qu’évoque (plus haut) MiniPhasme – et (aussi) cette qualité de soif inextinguible qui toujours l’ont honoré..

    Ainsi, le plus abreuvé – aux charmes de la langue et à tous ceux qui réjouissent son gosier – des poivrots d’ici dira toujours «i’nioble » et jamais «ig’noble»…
    Et il aura bien raison, ce local locuteur : – Cet effort superfétatoire et sonore n’apporterait rien aux plaisirs de la dégustation excessive, les seuls qui comptent en cette affaire

    3. Le port du chapeau flasque d’antan, chère Zerbinette, s’est évanoui, en nos débits… pas la consommation de la gnole. Celle qui abêtit, un peu, mais réconforte beaucoup… et plus encore.
    Seule reste, vieille trace concomitante, dans le langage d’ici et souvenance liée aux époques où l’Espagnol envahissant traversait nos paysages pour aller voir ceux des Flandres et de la Hollande, le «Y» qui se traduisait, dit-on et en françois de l’époque, par « ET»…

    4. Ainsi, de manière pléonastique et – puisque « niolle » évoque une certaine sottise- avons-nous conservé ces deux entrées aux dictionnaires les plus fameux :

    Branquignol : …Ethylmologie : de « branque Y niolle » = (assez con ET assez con)

    Tartignol : … Ethylmologie : de « tarte Y niolle » = (assez con ET assez con)

    ____________________

    * Certains, par goût du « pléonasme diacritique », tiennent à affubler la vénérable «gnole» – celle qui fait tout l’orgueil et toutes les cirrhoses de chez moi- d’une « niolle » ridicule, en forme d’avachi « chapeau circonflexe »… Sur le O ! …le croiriez-vous ? …Le O de cette délicate eau-de-vie!
    Foutaises et pédanterie… Toutes méprisables … et méprisées !

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  26. TRS, si j’osais tirer des conclusions de tout ce que vous m’écrivîtes, je vous verrais bien comme un sacré niolleur, celui qui n’hésiterait point à user de la torgnole comme d’autres du tord-boyaux.

    zerb Y nette

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  27. >TRS
    Si vous me permettez, une petite précision, un peu comme avocat du diable et sans aucun chauvinisme, à votre « l’Espagnol envahissant traversait nos paysages pour aller voir ceux des Flandres et de la Hollande ». Selon ce que j’ai lu, seulement une fois un roi espagnol, Carlos I d’Espagne Y V d’Allemagne*, a traversé la France, et seulement avec sa suite, invité comme hôte de François I. Avant, et à l’inverse, notre Felipe el Hermoso l’avait traversé avec sa femme Juana, la mère de Charles I.
    *Certes, entendu à la radio : « Carlos palito de España y uve de Alemania » (C . petit jambage d’Espagne et vé d’Allemagne). Quelle lumière la journaliste!

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  28. Vous avez raison Jesús, el Camino Español passait par Chambéry et la Franche-Comté mais aux XVIe et XVIIe siècles, ce n’était pas la France ! Reste à savoir ce que TRS dans sa splendeur entend par nos paysages

    Quant à l’infante Marie-Thérèse on la voit mal en envahisseuse !

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  29. >Zerbinette et Jésus,

    Merci de vos efforts et de tous vos soucis documentaires.
    Je les ai lus et vus, avec tout le profit que vous imaginez.
    Mais je resterai indécrottable : seule la fantaisie habille mon Histoire et ma Géographie.
    A jamais: ma Jeanne d’Arc préférée est toujours celle de Delteil.
    …….
    Et le fantasque historique, mené sur le mode de la rigolade ou de la désinvolture, est parfois prémonitoire : La Kermesse héroïque, une comédie fameuse des années 30, présageait, avec humour, l’occupation allemande.
    ____________________

    Cet extrait, à vous deux dédié, où l’ont voit (au début), portées tant de « niolles espaniolles » et la mise en perce d’un tonneau de « gnole » : genièvre ? ( Mais peut-être est-ce de la bière ? Je ne sais trop…)

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  30. >TRS
    Ah nos « tropelías » (de troupe ; + ou – transgressions, violations) ! Aussi célèbre est le Sac de Rome, à cause de la solde (un autre terme militaire), où la mise à sac avait prédominé. Je viens de lire que la nouvelle recrue de la Garde Suisse prête serment de fidélité le 6 mai en souvenir de cette action.
    Quant au tonneau, il ne semble pas qu’il s’agit de la bière mais c’est sûr que notre empereur l’aimait.
    En 1557 Charles Quint se retire à Yuste (Estrémadure) mais avec ses brasseurs. Voilà son héritage présumé:
    http://www.legadodeyuste.es/legado.htm
    Et il y mangeait même des huîtres fraîches, grâce à la glace, transportées depuis Santander (plus de 500 km)!
    En plus de la bière et les huîtres, il faut parler aussi de la «Casa de las Muñecas» (maison des poupées), un bordel pour la troupe de Charles Quint dans un village (Garganta La Olla) à coté de Yuste (voir la photo nº 5):
    http://www.hernandezrabal.com/espana/extremadura/caceres/garganta.htm

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  31. TRS, je ne connais pas la Jeanne d’Arc de Delteil mais il semblerait qu’elle soit héroïque elle aussi.

    Magnifique film que cette Kermesse héroïque et merveilleuse Françoise Rosay. Mais ce que j’en ai surtout retenu, c’est l’attitude « héroïque » et « fantaisiste » des femmes face à la couardise des hommes… Le film a réussi à aller jusqu’aux Amériques. Ci après la Kermesse racontée par Tuesday Weld à Steve McQueen dans le Kid de Cincinnati. (désolée c’est tout en anglais)

    Moralité : il vaut mieux être couard qu’être mort…

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  32. > Zerbinette,

    Voyez comme l’Histoire et les histoires ne sont pas choses sérieuses…

    Votre « film français », évoqué dans un film américain, devient un « film italien » après doublage en français…

    C’est vertigineux*… et c’est quelque part ici, vers 13 :20

    http://www.streamania.org/films/3249/Le-Kid-de-Cincinnati/

    ___________________________

    * Dans la version doublée en espagnol, sans doute l’armée d’occupation est-elle belge ou mandchoue ?…

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  33. « Mais que dirai-je d’aucuns, vraiment mieux dignes d’être appelés traditeurs* que traducteurs ? vu qu’ils trahissent ceux qu’ils entreprennent exposer, les frustrant de leur gloire… »

    — Joachim du Bellay, Défense et illustration de la langue française

    * Nom de ceux qui, dans la persécution, livrèrent les livres sacrés aux païens

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  34. > Zerbinette, le 15 juin 2011 à 18:19

    Trahison et traduction ?….
    ______________________

    Il est des trahisons qui valent mieux que de besogneuses traductions.
    Vous n’avez pas lu la Jeanne d’Arc de Delteil. Tant pis pour vous.

    Mais vous avez sans doute vu le film de Dreyer…
    Il fut l’objet d’une commande, après le succès et le scandale du livre. Et l’on confia à Delteil l’écriture du scénario.
    Mais son univers et celui de Dreyer avaient peu de chances de se rencontrer… Ce fut le Danois qui l’emporta… et c’est tant mieux.
    Je n’arrive pas à imaginer une traduction cinématographique « sérieuse » et crédible (un peu) de l’écriture de la Jeanne de Delteil, toute en jubilation, en exultations, toute en chair et en élans… et en envolées. Jamais rien de timoré…
    …………….
    Il en est resté le chef-d’œuvre que l’on sait et je crois que, « par stricte politesse », le nom de Delteil figure encore au générique.
    Il en est resté aussi le plus émouvant et le plus beau visage de femme apparaissant sur un écran… Enfin selon mes goûts.
    ___________________

    Pour le plaisir de l’anecdote :

    http://movietone.no-ip.info/Site%20de%20Charlie%20Movietone/falconetti%20et%20dreyer.html
    ____________________

    Pour le plaisir de l’œil :

    J’y vois toujours avec émotion, dans ce passage :
    – L’ombre portée (en forme de croix ostensible), des petits bois d’une fenêtre, piétinée par le fourbe ecclésiastique.
    – Ce parti pris, quasi systématique, de faire apparaître les visages des religieux depuis le bas de l’écran. Tonsurés ou calottés… et la courbure de leur crâne, soulignée en rappel visuel par celle des éléments architecturaux du décor.
    – Ces faces ecclésiastiques nombreuses sont plutôt verticales et roides et leur torve regard se tourne, de biais vers le bas… Vers Jeanne.
    – Tandis que, avec une insistance inverse et à l’image des faces de christs en croix, le visage de Falconetti est toujours légèrement penché… Et le regard dirigé vers le haut. Toute une passion christique est là, montrée sans être dite. Ce moment indépassé de l’histoire du cinéma où l’image en disait plus – et mieux- que toutes les paroles qui allaient déferler avec le « cinéma qui cause ».

    Et si Dreyer a « trahi » la verve et l’exubérance de Delteil, je ne suis pas de ceux qui le regrettent.

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  35. >TRS
    « Dans la version doublée en espagnol, sans doute l’armée d’occupation* est-elle belge ou mandchoue ?… »

    J’ai trouvé quelques cas de censure pendant le Franquisme. Voilà trois, deux politiques et un, devenu un classique, moral :
    « Casablanca ».- Rick n’avait pas lutté avec nos républicains mais contre l’annexion d’Autriche par les nazis.
    « The lady from Shangai ».- Orson Welles avait tué un espion à Tripoli tandis que dans le film sans censure il parle d’un franquiste tué à Murcia.
    « Mogambo ».- Grace Kelly et Donald Sinden étaient frères.
    Et je me souviens de la censure du chapitre sur l’Inquisition de la série « Il était une fois…l’Homme », après la mort de Franco !
    *Pour suivre avec les nuances.- Ces « paysages », comme Espagne, avaient été hérités (pas conquis) par Charles V et après par sa descendence.

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  36. Hélas, trois fois hélas, TRS, non seulement je n’ai pas lu Delteil mais je n’ai pas vu Dreyer non plus, et à présent je suis trop vieille car il est fini le temps où j’étais capable de lire les livres les plus ésotériques et de voir les films les plus obscurs et les plus muets avec plaisir, sauf, sauf…. si je finis mes jours dans un asile puisque j’ai lu qu’ « on découvrit en 1984 dans un asile d’aliénés en Norvège parmi les bobines de film une copie d’origine [de Jeanne d’Arc] en parfait état de conservation et d’autant plus précieuse qu’elle était issue du tout premier négatif du film. »

    Mais je reste bien d’accord avec vous qu’«Il est des trahisons qui valent mieux que de besogneuses traductions ». Nous avons eu ainsi des adaptations cinématographiques parfois plus belles que les petits romans qui les avaient inspirées. J’ai cependant fini par comprendre pourquoi le « french movie » était devenu film italien. Le doubleur s’est mis dans la peau du Français basique qui regardait le film : étant donné que ce dernier pense que tous les Américains parlent français, il eut été bizarre que la charmante jeune fille parlant français aille voir un film français, sous-titré en anglais….. et comme le nom du film en question n’est pas nommé, on ne fait de tort à personne et on nourrit les pinailleurs !

    Jesús, et les paysages d’Espagne ont été offerts au petit-fils de Louis XIV et pas conquis….

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  37. >Zerbinette
    Bien sûr. Mais ensuite « Malbrough s’en va en guerre …♫-♪ ♪-♫-♪ ». Et de la descendance de Felipe V est issue la dynastie de Bourbon chez nous jusqu’à maintenant, sauf deux Républiques et Amédée I (de Savoie) pour faire quelques parenthèses.
    Pour ne pas oublier le but de ce blog je profite les guerres entre Charles V et François I pour rappeler la bataille de la Bicoque. Le nom de cette ville (Bicocca en italien) a donné au français et à l’espagnol quelques expressions.

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  38. > Zerbinette, en lamentations,hier à 18:03

    « Je n’ai pas lu Delteil et je n’ai pas vu Dreyer non plus, et, à présent, je suis trop vieille …etc. »

    ________________

    Allons donc !…Il n’est pas trop tard, Zerbinette : – Etes-vous donc si décatie du neurone ? Je ne l’imagine pas.
    ….
    Et pour un peu, si vous en aviez la détermination, je vous envierais presque : découvrir, au même moment de votre biographie, la Jeanne de Delteil et celle de Dreyer !…Que rêver de mieux ?…
    Votre avenir aux hospices ( d’aliénés?) en serait adouci.
    _______________

    Ce plaisir, celui de la simultanéité, m’a été refusé : la Jeanne de Dreyer m’a été révélée dans les ciné-clubs des années 60 : un choc esthétique indélébile!… Et j’ai bien dû voir le film un dizaine ou une quinzaine de fois, sonorisé ou non.
    Avec ce trouble sentiment que j’avoue ici, sur cet écran plat, réceptacle de toutes mes impudicités : Falconetti me semble (encore aujourd’hui) la figure de femme la plus aimable qui soit… En étais-je amoureux ?… Un peu sans doute… et, à ma façon, je lui suis resté fidèle.
    …..
    L’autre, celle de Delteil, je l’ai connue bien plus tard…. mais mêmes puissantes secousses esthétiques … En forme de « répliques tardives et décalées », d’un tout autre registre, sur mes échelles de Richter à moi…
    Admirables secousses pourtant.

    Entre les deux, « vieille Zerbinette », arriva, dans les années 70, la chanson de Léonard Cohen, que j’ai écoutée en boucles incessantes… Autre image fantasmée de ma Jeanne.

    La vidéo ci-dessus est nulle… Je vous le concède, chère Zerbinette à l’âge désormais bien avancé, mais la chanson, telle qu’elle fut gravée sur vinyle et telle qu »elle demeure dans mes souvenirs est restée émouvante.
    ____________________________

    Ajoutons à cela qu’il m’advint un autre jour – disons au début des années 70- de travailler dans l’institution dirigée par un nommé Tosquelles, un psychiatre un peu fameux et qui a sa page sur Wikipedia. Il était tant espagnol et si anti-franquiste que Jésus en parlera sûrement mieux que moi…
    Il a laissé, ce brave homme, le souvenir du concept de la «psychothérapie institutionnelle», celui d’une impéritie totale à gérer correctement un établissement et un autre, plus honorable et plus historique, d’avoir eu comme patient, dit-on, Antonin Artaud, l’un des acteurs de la Jeanne de Dreyer… A l’époque de St-Alban, une époque qui ne nous rajeunit pas, ma pauvre Zerbinette.

    _______________________

    Enfin – car nous dérivons maintenant et beaucoup, « antique Zerbinette »- rejoignons la réalité et aussi les ambitions du blogue de Leveto, notre hôte… Toutes dirigées vers les lieux et leurs noms, leurs réalités et leurs légendes… Et vers tout le sympathique fatras historique qui les accompagne.

    Et figurez-vous ceci, « archaïque Zerbinette », à propos de la Jeanne qui hante mes nuits habituelles…. et mon clavier de ce soir:
    – En 1975, les terres de mon village furent remembrées… Je ne vous fais pas le topo du chambardement cadastral : votre cervelle vieillissante n’y résisterait pas.
    Sachez seulement qu’un chemin légendaire et immémorial fut attribué à l’Association foncière, créée pour l’occasion.
    La tradition orale disait qu’il avait été emprunté, ce chemin, par la Jeanne tandis qu’elle allait, captive, de Compiègne à Rouen.
    Inscrit à la matrice et dessiné au nouveau cadastre, il existait toujours sur « les plans ».
    Mais la pingrerie agricole d’alors fit qu’il n’eut plus guère d’existence dans la réalité de plus tard, tant il devint cultivé … Le soc de la charrue se soucie peu du trait du géomètre et des fantaisies historiques.

    L’une de mes fiertés, « antédiluvienne Zerbinette », est d’avoir rouvert ce chemin.
    Cela m’a pris 3 ou 4 années d’âpres « négociations agricoles »… que je ne regrette pas…
    Qui les aurait entreprises après moi et si longtemps après?….Il y aurait eu prescription et oubli.

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  39. Oh TRS, si ce n’est pas une lapidation en règle cela ! Vos petits cailloux m’ont ensevelie sur le chemin de Jeanne… On pourra parler désormais du « fossile de Zerbinette ». De sous le tumulus j’ai bien peur de ne plus pouvoir ni lire ni écrire à moins que tel Paul sur son chemin de Damas je ne retrouve la lumière et la foi en l’humanité lorsque vous m’apporterez le manuscrit de Jeanne.

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  40. PS : Jeanne me porte la poisse, je ne connaissais pas non plus la version de Leonard Cohen ! Je dois être « trop jeune » car je connais mieux Hallelujah….

    Mais j’ai bien apprécié que vous m’ayez proposé une version doublée en español.

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  41. >Nouveau-néezerb
    Hum ! Cohen, la monarchie bourbonienne? Ben oui, le Prix « Príncipe de Asturias » des Lettres a été attribué cette année à Leonard.
    >TRS
    Vous m’avez appris qui était mon compatriote. Certes, il a eu besoin de recommencer en France toute sa formation. C’est bizarre.

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  42. > Douce, tendre et si fraîche Zerbinette, qui m’écriviez hier à 10h45, depuis un supposé « tas de cailloux » vous ensevelissant…

    ________________

    Tel un vieux petit Poucet un peu sénile, j’ai fait le chemin inverse, tout au long de mon message. Pour y retrouver ces « petits cailloux » dont vous me dites qu’ils vous accablent.
    Et, l’imaginerez-vous, c’est bien moi qui en sort accablé… Pour un « détail de l’histoire ».

    Je m’explique en attendant votre clémence :

    1. J’ai bien travaillé (quelques petits mois et en dilettante) dans un établissement dont Tosquelles était le responsable.

    2. C’était au début des années 70 et, à cette époque, Antonin Artaud était « à la mode ». Surtout dans cette espèce de milieu branché et précieusement ridicule de la psychiatrie de ce temps. Sa figure d’écrivain maudit, abonnée aux asiles d’aliénés était souvent évoquée, lors des « staffs ».

    3. Mais il est des heures, Zerbinette, où, passée la minuit, le neurone s’emmêle les dendrites. Chez moi, du moins… Mais la vérité, malgré tout, se doit d’éclater, plus matutinale.

    4. Je me suis levé il y a peu… Et, bien penaud, je dois vous avouer, que si Artaud est passé par Rodez, il n’a sans doute guère stagné à Saint-Alban, pourtant si proche et si contemporain.

    5. Vous verrez par là, clémente Zerbinette, toute la frivolité lamentable de mes propos quand ils abordent avec inconvenance la géographie et l’histoire. Et vous aurez « grand’pitié » de ma décrépitude.
    _____________________________

    Pour me faire pardonner et pour complaire à Levéto, je vous livre une anecdote toponymique.

    L’établissement « psychiatrique » dont je vous ai parlé plus haut a une histoire : vieilles bâtisses construites au XVIII° siècle – comme je j’imagine à les voir toujours- qui furent au XIXème une « ferme école » et, plus tard, un établissement de soins.
    Ces locaux, au XX° siècle et avant l’ère Tosquelles des années 70, accueillirent une clientèle de jeunes délinquants. Une sorte de « maison de correction » implantée à la campagne.
    L’un de ces ados difficiles, qui s’y retrouva, se fit ensuite une notoriété sous un pseudo fameux, en laissant la plage aux romantiques tout en lorgnant sur les neiges du Kilimandjaro.
    Cet ado difficile, après avoir séjourné au Hameau d’Annel, devint Pascal Danel.
    ……..

    Je ne doute pas de la ludomanie de Leveto : il saura bien, un jour ou l’autre, nous proposer une devinette du dimanche où toponymie et pseudonymie seront en jeu.
    ________________________

    Quant à saint Paul, cet ignoble « saint patron des randonneurs à pied » que vous invoquez, oublions-le.
    Et oubliez aussi le « manuscrit de Jehanne »… Je ne vous l’apporterai pas : on me dit que la pauvrette ne savait ni lire ni écrire.

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  43. TRS, je vous en veux d’avoir détruit toutes mes illusions de jeunesse : ainsi le Kilimandjarooooooo venait de l’Oise ? (certaines sources gougueliennes affirment que c’était des Ardennes, c’est déjà un peu plus haut !

    Ne croyez pas tout ce que vous a dit Dreyer sur Jehanne, il y a beaucoup plus de légendes sur elle que de vérité mais par « pitié pour votre décrépitude » je ne relèverai pas vos « inconvenances »… ici ou ailleurs !

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  44. piste : une des reines de toponymie versus pseudonymie est Duras.

    Jeanne de Delteil je connais pas.

    A propos de la Jeanne de Dreyer, l’important est que le rôle joué par Artaud est essentiel et rejoint le rôle joué par la foule qui est essentiel aussi : le premier tient un christ en croix qu’il lui tend au moment où les flammes la dévorent. Là, dans un expir d’extase amoureuse elle soupire jésus. La foule, concomitamment se met à vociférer c’est une sainte, c’est une sainte : jusque là la foule ne se prononçait aucun mot et guettait goulûment si le feu allait lui faire cracher sa duperie. Mais la foule pensait quand même que peut-être Jeanne avait raison et donc elle attendait impatiente.
    C’est Artaud qui joue le rôle du révélateur de la sincérité de Jeanne.

    Dans Bagarres d’Henri Calef, Artaud joue le rôle du berger avec son troupeau de moutons. Il est le fil conducteur dans tout le film. Il joue un rôle second mais premier c’est à dire essentiel, comme le fil d’Ariane dans le labyrinthe.

    Pas de choc esthétique pour moi : j’ai constaté, en ayant chaud au choc lapsus clavii, coeur que Dreyer est un féministe magnifique, il aime les femmes, les comprend, les connaît, les louange, sait l’essentiel de leur rôle dans la vie des hommes.

    Cela m’a fait du bien.

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  45. >leveto pardon, je suis en dehors du sujet
    > à tous sur Jeanne merci de ne pas me faire de procès d’intention : je ne dis pas si elle a entendu des voix ou pas ou si jesus existe ou pas ; je parle du film de Dreyer en soulignant combien la force morale de Jeanne, ( l’expression de ses convictions ) est mise en exergue par Dreyer qui dépeint magnifiquement bien dans sa filmographie la condition féminine.

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  46. Dans Bagarres d’Henri Calef, Jean Vilar joue le rôle du berger avec son troupeau de moutons. Il est le fil conducteur dans tout le film. Il joue un rôle second mais premier c’est à dire essentiel, comme le fil d’Ariane dans le labyrinthe.

    Pardon, grave erreur de casting, il s’agit de Jean Vilar dans le rôle du berger.

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