Mon Larzac- épisode 3

Après ces longues digressions politiques, je vous raconte en quelques mots ce que j’ai fait durant ce weekend du mois d’août 1974.

regalade

Jacques Chapiro (1887-1972) Buveur à la régalade

J’ai aidé à moissonner un champ d’orge avec des gens que je ne connaissais pas pour aider des gens que je ne connaissais pas. J’ai cru comprendre qu’il s’agissait d’aider des victimes de la sècheresse en Asie ou au Sahel . Si le gros du travail était fait par des machines et les paysans eux-mêmes, une parcelle avait été laissée pour que les bénévoles s’essayent au maniement de la faux ou de la faucille. C’était épuisant, en plein cagnard, mais très festif et, comme il n’y avait pas assez d’outils pour tout le monde, on passait plus de temps à regarder travailler les autres qu’à se fatiguer soi-même ! Cette après-midi-là, j’ai dû chanter à tue-tête une dizaine de fois le Se canto appris dans mon enfance, j’ai vu plus de seins nus* que je n’en avais jamais vus sur les plages de mes vacances et j’ai appris à boire à la régalade.

J’ai rencontré des gens, des jeunes, des moins jeunes comme des vieux, venus de tous les horizons. Tous avaient quelque chose à dire, des expériences à raconter, des rêves à partager. J’ai déjà parlé des instituteurs de Bénodet, dont je ne sais même pas si j’en ai su les prénoms : leur combat à eux c’était le Vietnam, et malgré les accords de Paris signés l’année précédente, ils estimaient que rien n’était gagné (l’avenir leur donnera d’ailleurs raison). L’impérialisme américain (selon l’expression très à la mode à cette époque) et le lobby militaro-industriel ( autre expression très en vogue) étaient leurs autres marottes, avec aussi un penchant certain pour ce qui n’était pas encore l’écologie. J’ai aussi rencontré un groupe de jeunes Allemands, venus là un peu par hasard, mais, engagés dans des luttes plus spécifiquement berlinoises, ils étaient ravis de participer à ce grand rassemblement. Ils m’ont d’ailleurs convaincu — enfin, surtout Kerstin … — de les rejoindre à Berlin, mais c’est une autre histoire. Au Larzac, on parlait beaucoup, sans distinction d’âge ou de milieu social, comme partout  en France d’ailleurs et les gens n’avaient pas peur d’afficher leurs opinions, on ne connaissait pas encore le « politiquement correct » et, si le ton montait parfois, cela se terminait plutôt devant un verre que devant les tribunaux. Au Larzac, on buvait beaucoup — et pas que de l’eau — et on fumait beaucoup — et pas que des Camel!

16e78-drapeauoccitan      L’Occitanie avait la part belle, sa croix et sa bannière étaient omniprésents. J’ai donc rencontré des militants occitans, certains étaient d’authentiques languedociens fiers de l’être et d’en parler la langue, d’autres l’étaient par conviction mais faisaient l’effort d’en parler la langue (et on rigolait bien en entendant ces accents toniques placés au petit bonheur la chance). J’ai rencontré des militants de tous bords — naturellement plutôt à gauche, des socialistes, des communistes, des gauchistes, maoïstes, libertaires, anarchistes, etc. Il y avait à cette époque une explosion de petites structures, associations, groupes voire groupuscules, impressionnante. Dès que vous aviez une idée ou une cause à défendre, vous faisiez votre comité ou votre association et, hop! c’était parti. La  première réunion se terminait en général par une dissidence, la création d’une nouvelle entité et d’un nouveau sigle, et en route jusqu’au prochain schisme! Il fallait sans cesse se tenir au courant des nouvelles tendances, des nouveaux sigles, de la généalogie. Certains y arrivaient fort bien et s’en étaient fait une spécialité. Dans ce milieu-là, on vous demandait souvent à quel groupe vous apparteniez avant même d’écouter ce que vous aviez à dire… Et si vous prétendiez parler en votre nom propre, on n’avait de cesse de vous coller malgré tout une étiquette, de vous mettre dans une case. Ce milieu du militantisme n’était  décidément pas fait pour moi! Je n’ai en revanche pas rencontré de situationnistes ni de pro-situs ; s’il y en avait, ils étaient bien cachés. Il est vrai que la fin de l’IS avait un peu sonné tout le monde et, si j’ai bien rencontré quelques solitaires comme moi, aucun ne s’est présenté comme situ…

Enfin, le dimanche soir, j’ai assisté au spectacle final, avec notamment  Claude Marti et Mans de Breish. J’y ai aussi entendu le sétois  Patric et d’autres dont je ne me souviens plus des noms. La soirée fut belle, l’ambiance incitait aux rapprochements, la nuit fut longue et agitée, et le réveil …tardif.

* Non, pas de lien.Vous trouverez tout seul des photos, je suppose…

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