Tais-toi, Cassandre !

cassandre

Cassandre implorant la vengeance de Minerve contre Ajax – Jérôme-Martin Langlois (1779 – 1838)

J’écris ce billet d’humeur très vite, sans trop réfléchir, ce qui surprendra sans doute ceux qui me connaissent. Mais j’ai l’impression , l’intuition, qu’il est en train de se passer, un peu partout dans le Monde, des choses qui devraient nous alerter, des choses auxquelles on devrait prêter un peu plus d’attention parce qu’elles sont annonciatrices de catastrophes à venir.

Les émeutes de Londres — avec leur premier mort. À Londres, bon sang! Pas au Yémen ou au Soudan! À Londres! Vous pourriez y être en moins de deux heures ( plus vite que les chars russes à Paris en 1981!) …

Et ça vient après les indignés espagnols, les révolutions arabes, les émeutes et leurs répressions sanglantes ici et là, après les émeutes de la faim ( vous les aviez oubliées? moi, pas), les révoltes quotidiennes chinoises, etc. Et que ceux que j’oublie me pardonnent.

Bref, partout dans le monde, des gens en ont marre et ne trouvent que la révolte, la rébellion, la violence pour se faire entendre…

Tous les autres moyens ont échoué : le syndicalisme, les associations, les ONG, les médias et même le vote (vous  souvenez-vous de ce qu’ils ont fait du vote majoritaire conte la Constitution européenne ? Vous souvenez-vous d’avoir voté pour ou contre la guerre en Afghanistan ou en Libye ?). Que reste-t-il quand vous voyez les autres s’empiffrer et ne même plus vous laisser les  miettes ? Que reste-t-il quand vous n’êtes plus qu’un élément statistique ( chômeur, CSP+, senior, …) sans aucun droit  à la parole ? Que vous restera-t-il quand vous aurez remboursé Bernard Tapie, la Grèce et votre carte Cetelem ?

À un moment, la soupape doit laisser sortir la pression. Et ça explose. Nous en sommes là. Comme à Yellowstone ou en Islande : les fumeroles sont là, on les voit, on les sent, les renifle … Il n’y a plus qu’à attendre l’éruption.

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Éruption de l’Eyjafjallajokul

En apprenant ce qui se passait à Londres, j’ai aussitôt pensé à If , même si le rapport n’est que très lointain. Sauf que le film était prémonitoire.

Et j’ai pensé au livre Le Troupeau aveugle. En 1972, ce livre nous montrait que tous les indices étaient là, sous nos yeux, il suffisait d’y prêter attention et d’ajouter un fait divers plus un fait divers plus un fait divers, etc. font … une catastrophe: oui,  une catastrophe écologique allait survenir. Nous y sommes maintenant  parce que  nous n’avons pas voulu y croire alors et n’avons rien fait pour l’éviter.

Aujourd’hui, tout nous montre que le système économique dans lequel nous vivons nous conduit à une catastrophe humanitaire.

Et Marie Drucker se demande s’il vaut mieux acheter des actions ou des Bons du Trésor…

Ah! Marie, si tu savais* …

* Là, le lien … faites-le vous-même.

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16 commentaires sur “Tais-toi, Cassandre !

  1. « …des choses auxquelles on devrait prêter un peu plus d’attention parce qu’elles sont annonciatrices … »
    Vous êtes un tendre, un tendre optimiste. Ces « choses » n’annoncent rien ; c’est souffler dans une felle, vous n’obtenez qu’une bulle fragile, pas de quoi bâtir un avenir.
    L’homme est un animal, proche du dindon, tout glougloutant qu’un coup de trique épouvante. Certes le genre humain s’est approprié l’anthropocène, la belle affaire, c’est un constat d’échec plus qu’un résultat, un point de non-retour hélas.
    Après d’autres dictateurs, d’autres guides, d’autres règles, de plus inutiles prières, il y aura toujours les cons espérant quelque divine providence, les nécessiteux lorgnant l’écuelle des nantis, et les charognards planant au dessus du troupeau.
    Soyez sans illusion, profitez de la compagnie de vos amis félibres et ignorez un monde que notre génération n’aura pas le courage d’effondrer.( Mais le moment venu, quel spectacle !)

    N.B.: qui était à l’origine du phantasme des chars russes ?

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  2. Bonsoir leveto, je me souviens un peu d’If que j’avais bien aimé, mais que j’ai vu sans doute trop jeune pour l’apprécier correctement. Je vois dans l’article que c’est grâce à ce film que Malcom McDowell dût son rôle d’Alex dans Orange mécanique, et c’est justement à ce film et au bouquin sombre et prémonitoire de Burgess que j’ai pensé très fort ces jours-ci (en plus des Clash).

    Il est trop rare à mon goût de croiser un amateur de John Brunner, je suis donc ravi de lire que vous en êtes un ! Histoire de vous changer un brin les idées, je vais me permettre de discuter un peu lectures, moi aussi.

    J’ai lu vers la fin de mon adolescence trois romans de Brunner qui m’ont profondément marqué : Sur l’onde de choc, Le troupeau aveugle et surtout, Tous à Zanzibar.

    Ces romans d’anticipation, sorte de trilogie située entre la fin du XXe et le début du XXIe s., se sont avérés malheureusement plus prophétiques que prémonitoires. Ils décrivent avec précision tellement de projections qui ont visé juste avec plusieurs décennies d’avance, qu’on ne peut qu’être troublé d’une telle « prescience ».

    Le Troupeau aveugle avait pour thème central l’environnement, Sur l’onde de choc traitait de l’avènement de l’âge de l’information (internet, hacktivisme, services secrets, pirates, virus etc.) en s’inspirant des travaux écrits en 1970 par Alvin Toffler, dans Le Choc du futur.

    Tous à Zanzibar (sorti en 1968) proposait lui une vision prédictive plus globale du monde et des sociétés futurs au début du XXIe s. On y trouvait notamment, mis en œuvre au cours d’une intrigue palpitante, des sujets comme la génétique, la démographie, le terrorisme, les mass-médias, la politique, la technologie etc.

    Je me souviens aussi du plaisir de découvrir l’originalité d’une édition française* de ce roman, qui utilisait quasiment toutes les possibilités de la typographie pour ajouter un peu plus de sens au texte, et le rendre encore plus « vivant ». Je ne sais pas si j’arrive à me faire comprendre, mais vous venez de me donner envie d’en retrouver un exemplaire pour le lire à nouveau.

    .
    * de mémoire, collection Présence du futur chez Denoël.

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  3. « Ces « choses » n’annoncent rien », dites-vous Arcadius . Eh bien, si , ces choses annoncent quelque chose.
    En voyant les fissures sur le barrage, vous savez qu’il va bientôt céder.
    En voyant l’eau envahir le pont, vous savez que le navire va couler.
    Alors, bien sûr, vous pouvez dire qu’il est déjà trop tard et continuer à jouer de la musique … Moi, je ne peux pas.

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  4. Ben, heureusement que c’était un petit coup d’œil, leveto…

    J’ai lu avec intérêt cet instructif et intéressant débat, et même si l’œuvre de Brunner est d’entrée éclipsée par la discussion des enjeux de la « perspective sidérale », croiser des lecteurs de Brunner ça fait plaisir, et c’est déjà ça ; notez que si depuis, Jacques C avait lu un peu de cet auteur je lirais volontiers ce qu’il en a pensé.

    Sans vouloir rouvrir le débat ici, si je devais donner un avis concis sur ces questions je dirais que je suis plus « brunnerien » qu' »asimovien », c.à.d. que je crois que si nous ne savons pas régler nos problèmes présents les plus critiques — essentiellement politiques — le rêve technologique de l’essaimage humain a peu de chance d’avoir un avenir, en tout cas pas enviable.

    Je retiens pour finir le passage ci-dessous, parce qu’il donne raison à ce psy qui disait que « les mauvaises raisons sont souvent les meilleures ».

    ont pu dire que le fait d’être altruiste (c-à-d porteur de ce « gène altruiste ») procure une telle satisfaction ( dans le sentiment d’être utile à la communauté ) qu’il est en fait aussi un gène égoïste ( se faire plaisir en aidant les autres).

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  5. @leveto, plutôt pour lui dire bonjour qu’émettre un avis
    Il n’est plus temps de déplorer le ressassement sur tous les blogs du fameux « tout ce qui est excessif est insignifiant » (que j’ai toujours déploré ) .mais ce n’est pas en se gargarisant d’un enseignement philosophique sur le « trop tard »(je l’ai entenduet lu) qu’on fera mieux face au réel …. il reste peut-être,au moins , aussi à le « comprendre », sans indifférence, ..ensemble ? (en même temps que je lis des pages sur le Japon)

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  6. des choses qui devraient nous alerter, des choses auxquelles on devrait prêter un peu plus d’attention parce qu’elles sont annonciatrices de catastrophes à venir.-
    – J’ai bien connu le système colonial français dans mon enfance ( et un peu plus tard, par bribes). Je vis encore ici dans une ambiance post-coloniale (franco-anglaise). La négligence caractérisée de la nature, le tribalisme des nantis, l’appétit inouï de pouvoir et l’idolâtrie des apparences me sont familiers.
    Annonciatrices ? Mais les catastrophes sont déjà là. Que voulez-vous que nous y fassions ?
    – Votre billet part du coeur. C’est pourquoi je me suis permis cette…digression [?]

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  7. >leveto

    avant de lire les com. de vos lecteurs.
    Plus près de nous l’Etna bouillonne, o joie ineffable…

    Les jeunes mangent au petit déj.Nutella+biscuits, draguent, sont heureux, chacun a son tél.portable auquel il est relié et son ordi.portable qu’il sait faire marcher correctement sans aide extérieure.
    Les femmes sont solos/solos.
    Les hommes sont décontenancés, l’adaptation que l’on exige d’eux est énorme, un tel hiatus face à leur enfance qu’ils disjonctent : comment ne plus etre un dieu quand on l’a été ?
    Et puis l’évidence première : seul l’argent compte. Etre riche, riche, riche. Et consommer, un max.

    Moi, c’est marrant je l’aime bien ce monde-là ! On sent, palpitante, l’affection qui perce sous ce consumérisme délirant, comme un coeur qui bat : faiblard, mais il bat.

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  8. Bon, je ne suis pas le seul à le dire ! Même Robert Zoellick, le patron de la Banque Mondiale est inquiet, c’est vous dire si les choses vont mal !
    C’est à lire sur Le Monde.fr .
    Quant aux émeutes, c’est au tour du Chili!

    ►Rose, oui,bien sûr, un cœur qui bat … tant qu’il y a de la vie, le cœur bat et palpite. Si j’osais: celui des malades en phase terminale aussi. Ah, ben tiens, j’ai osé. Mais c’est vrai que c’est en temps de crise que les gens font la fête et des enfants …
    Et je pense irrésistiblement à la blague du type qui tombe d’un gratte-ciel et qui, à chaque nouvel étage qui défile devant lui, s’exclame : « jusqu’ici, tout va bien! ». ( Blague entendue pour la première fois en anglais — so far, so good — dans un film des années soixante que je vous laisse chercher!)

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  9. >leveto qu’un banquier soit inquiet, mais c’est bien sur ! Oui les gens font plein d’enfants cela m’esbaudit… Les traders traficotent. Les bourses choient ; les gens placent l’argent dans la pierre s’ils le peuvent ou dans l’or. Je crois que les banquiers sont au courant, non, les pauvres !… ?
    Les plastiques et leur destruction c’est un vrai problème, la surpopulation aussi, la pauvreté, pire. Qu’on cherche à y échapper c’est normal, il n’y a pas pire état. Je ne lis pas de S.F. d’où mon décalage d’avec vous et vos lecteurs sans doute.
    Mais je constate et peux vous dire deux mots IRL : des hommes de ménage, une pléthore, et de cuisine aussi, hors grand resto. Des guichets de gare et d’autoroute sans humains mais avec des machines, uniquement des machines automatiques (péages, billetteries de train, de métro) très inquiétant.
    Dans les grandes surfaces, la mondialisation passe par le suremploi du Nutella er du coca-cola. Mais j’en ai trouve une avec des poulpes et des calamars et un tas de poissons tout congelés pas prêts à cuire du tout : ca m’a terriblement rassurée, il faut les cuisiner et ils ont encore la tète, pas comme le panga chez nous.
    Sur ce, si j’étais riche, j’aimerais bien, j’ai déjà deux bonnes idées en tête. Tant, je vous les dirai, confidentiellement, si j’étais sure que Romeo ne se la joue pas Spaggiari ?

    P.S avec internet tout le monde sait ce qui se passe ailleurs : que cela fasse bouillonner les marmites, quoi de plus vrai ?
    P.P.S vous avez cherché  » so far so god  » sur gougueulle ?

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  10. A XYZ. le 17/08/2011
    P. 190 Sylvie Germain Immensités
    nrf Gallimard
    Le tram dévalait la route sinueuse de Chotkova pour redescendre vers la ville dont les toits et les coupoles se serraient les uns contre les autres dans la brume gris violâtre ainsi que des épaules d’homme luttant contre le froid, la solitude, la peur des ténèbres. Le vide qui depuis si longtemps se creusait en Prokop s’immobilisa,- non pour se combler, s’éclairer, mais au contraire pour s’évaser à l’infini. Et soudain Prokop consentit à tout, sans la moindre réserve : à sa grande indigence dans les amours humaines et à son dénuement plus radical encore dans l’absence de Dieu.
    Il était seul, sans garantie aucune ni du côté du temps ni de celui de l’éternité. La belle affaire ! C’était là le lot de la majorité de ses semblables, il n’y avait vraiment pas de quoi bramer de désespoir ni même bailler d’ennui. Il n’en continuerait pas moins à vivre, et à vivre dans le discret, dans le tenace souci des autres, des vivants et des morts. Comme si Dieu se tenait à l’ombre de chaque homme. Peu importait que cette ombre fut vide et l’horizon désert. Il n’en restait pas moins que chacun portait une ombre dans ses pas, et que l’horizon se dressait aux confins de tout lieu. Il y avait la vie, et son désir d’éternité fiché en chaque instant et jusqu’au cœur des plus simples choses. Cela suffisait. Cela devrait suffire. Monsieur Slavik vivait depuis longtemps ainsi, lui, avec pour tout amour, le souvenir émerveillé du sourire de son chien.

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