Des moulins ( troisième partie).

J’ai consacré naguère deux billets aux moulins, que l’on pourra relire ici et.

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Le moulin Ribet, à Fontvieille, d’où Alphnose Daudet n’a écrit aucune lettre.

Depuis, mes diverses lectures et recherches m’ont permis de trouver quelques autres appellations, certaines plaisantes, que je vous livre ici, en précisant qu’il s’agit le plus souvent de micro-toponymes ( noms de hameaux, écarts, quartiers, etc.):

Le tic-tac rapide du moulin a pu faire penser aux kot-kot rapides du coq qui appelle ses poules. En langue d’oïl, le jeune coq était le cocherel, kokerel, coquereau. D’où les noms de Cocherel (Eure-et-L., Essonne, Seine-et-M.) ou Coquerel ( (Somme, Pas-de-C., Manche) donnés à des moulins.

On connaît les Quincampoix *, mais moins  leurs variantes. Quincangrousse (Deux-Sèvres), vient de l’oïl qui qu’en grocie, « qui que ce soit qui en murmure », avec nasalisation de la première syllabe sous l’influence de la deuxième, qui qu’en devenant quinquan. Quiquengrogne ( Deux-Sèvres ) et Quinquangrogne (Vosges) se comprennent aisément.

La mauvaise réputation des meuniers leur a fait donner des surnoms injurieux. C’est ainsi qu’on trouve dans l’Oise un Taussac (Cormeilles-en-Parisis), noté Tolsac en 1183, de l’oïl tol sac, « vole sac ». On trouve aussi les formes Taussacq (Somme), Tolsac (Eure-et-L., Oise) et Toussac ( Vienne). On en trouve deux variantes dans l’Aude sous la forme Arrapesac (occitan arrapa sacs, « saisis les sacs ») et dans le Gers à Panassac du gascon pane!, « dérobe!».

Mais tous les moulins n’apportaient pas la richesse à leur propriétaire et certains, manquant de grain à moudre, en étaient réduits à écraser des poux, comme à Macépédouil (Pyr.-Atl., du gascon massa, « assomme, écrase » et pédoulh, « le pou »), à Matapouil (Ariège, de mato, « tue» et poulh, « pou » ) ou encore Matopesouls (quartier des Juifs à Narbonne, Aude où l’on ne sait pas bien si le nom concernait l’ancien moulin ou les Juifs).

Le moulin lui-même a pu être accompagné de qualificatifs, comme neuf, vieux, bon, etc. Mais il est plus difficile de voir que derrière le Contremoulins (Seine-Mar.) se cachent les « moulins du comte » ( Contemolins en 1050) ou que Séez Moulins (Eure) dissimule  un  pauvre « moulin sans eau »( Sicca Molindina en 1299). Les Moulineux (Essonne) sont neufs ( nouveaux) tandis que Moulineaux (Seine-Mar) est un petit moulin (de l’oïl molinel), comme Meunet (Indre), Molinet (Allier), Molinot( Côte-d’Or), etc. Une variante, toujours en langue d’oïl, molin et suffixe diminutif -ion, a donné molinion, « petit moulin », nom qui, au fil du temps, a été mal compris , subissant l’attraction de mont et oignon pour devenir les Montlognon (Oise), Montlignon (Val-d’Oise) ou Moulignon (Seine-et-M.). Le Moulin Mage( Tarn) pouvait, lui, s’enorgueillir d’être le plus grand.

J’ai aussi trouvé deux autres appellations inclassables: Virollet (Charente-Mar.) tire son nom de l’oïl virolet, « tourniquet, petit moulin à vent (jouets) », probablement pour désigner un vrai moulin à vent minuscule.Tarabel (H.-Garonne) doit son nom à l’occitan tarabèl, « claquet de moulin ».

[Vue_prise_à_Montmartre_Un_[...]_btv1b7740285gEnfin, je ne serais pas complet sans parler de la mort des moulins qui, comme toute chose, ont une fin. Ils peuvent avoir brûlé comme Le Moulin Ars (Seine-et-M.) de l’oïl ars «brûlé» mais ils peuvent avoir été brisés ou simplement être en ruines comme à Frettemeule (Seine-Mar.) ou Frettemolle (Somme) de l’oïl fraite, «brisée » ou encore, au masculin, Fraitmoulin ( Somme).

* Pour ceux qui auraient eu la flemme de suivre les liens, j’en rappelle le sens: cui qu’en poix, « à qui qu’il en pèse, à qui que ce soit que cela déplaise », formule de défi d’un meunier adressé à la concurrence.

61 commentaires sur “Des moulins ( troisième partie).

  1. iado
    ne pensez surtout pas que je me lasse de vos contributions qui me permettent à chaque fois de découvrir un artiste ou une œuvre ( et, dans votre dernière contribution, les deux !) : si je ne réponds pas tout de suite, c’est surtout par manque de temps ( mais, bien entendu, pas par flemme…).

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  2. une annonce du printemps avec un poème de Lamartine dont le titre est
    « Le moulin au printemps »
    Le chaume et la mousse
    Verdissent les toits ;
    La colombe y glousse,
    L’hirondelle y boit ;
    Le bras d’un platane
    Et le lierre épais
    Couvrent la cabane
    D’une ombre de paix.
    La rosée en pluie
    Brille à tout rameau ;
    Le rayon essuie
    La poussière d’eau ;
    Le vent qui secoue
    Les vergers flottants,
    Fait sur notre joue
    Neiger le printemps.
    mais encore plus de pépiements dans le texte de V.HUgo qui précède sur le blog http://michel.cristofol.over-blog.com/article-le-printemps-en-litterature-poesie-et-peinture-100227347.html

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  3. >d’autant
    excuses : il se voit que je n’y voyais plus . j’avais relu pourtant des billets , (notamment écoute s’il pleut)
    mais l’expression qui me travaille est « on y entre comme dans un moulin »

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  4. C’est un peu empiriquement sur cette page que je rajoute des moulins un peu particuliers, des moulins embarqués (sur des bateaux):
    Selon une idée de Fleuriot de Langle on voulait éviter à l’équipage la corvée de la mouture du blé emporté en grains, et on avait installé un moulin à vent sur chaque bâtiment ;  » on a mis en place notre moulin, il est porté par deux traverses fixées sur 4 allonges au dessus de la dunette.
    Le moulin glisse sur une coulisse faite entre les deux allonges de manière qu’on puisse aisément changer de bord » ; on pouvait ainsi le disposer de façon à recevoir le plus de vent possible .
    de plus amples récits avec ce lien:
    http://www.tarn-loisirs.com/spip.php?article434

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  5. >Iado
    Pour un, comme moi, qui écrit à coté de La Mancha de Don Quichotte c’est très étonnant de savoir qu’il y a eu ce type de moulins.

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