Le blason de Groslay (Val-d’Oise) est ainsi décrit: de gueules au cep de vigne d’argent mouvant de la pointe fruité de deux pièces d’or, au chef du même chargé d’une hure de sanglier arrachée de sable défendue de gueules, ce qui se dessine ainsi:
Le cep de vigne fait référence au vignoble qui, jusqu’au milieu du XIXè siècle était la principale culture au pied de la colline de Montmorency.
Les armes parlantes sont représentées par le sanglier et se comprennent si l’on écrit le nom de la ville comme un rébus: gros laie, la laie étant la femelle du sanglier.
Le nom ancien de la ville, Graulido (862), est issu du latin gracula, « corneille » et suffixe collectif -etum.
Selles-sur-Cher (Loir-et-Cher) blasonne ainsi: D’azur aux trois selles d’or.
Pourtant, aucun élevage de chevaux ni de sellerie réputée dans la région ( mais un fameux fromage!). Il s’agit là d’une réinterprétation du nom de la ville qui est issu du pluriel du bas-latin cella « cellule de moine, monastère » et rappelle l’abbaye construite à la suite de l’ermitage, de la cella, de saint Eusice (VIè siècle).
Lambert (Alpes-de-Haute-Provence) présente un blason d’azur aux trois lézards d’or comme ceci:
C’est un blason qui n’est parlant qu’en provençal, langue dans laquelle le lézard vert est le limbert. Le nom de la ville était castrum Lamberti en 1309, de l’anthroponyme germanique Landbertus ( land, « pays » et berht « illustre »).
Eyguières ( Bouches-du-Rhône) a un blason d’azur à trois aiguières d’argent posées 2 et 1.
L’homophonie est parfaite entre le nom de la ville et celui de ces vases à eau. Les anciens noms de la ville sont Aqueria (1044), Aquaria ( XIè siècle) et Aigueria (1143) d’après l’occitan eiguièro, « rigole, ruisseau », d’abord au singulier. La ville est entourée par de nombreux ruisseaux et canaux, ce qui a permis à Frédéric Mistral de lui donner cette devise: L’aigo fai veni pouli, « l’eau rend joli ».
Je termine en remarquant que les aiguières, comme les lézards ou les selles, sont représentées par trois . C’est le cas aussi des raves de Rabastens, des quilles de Quillan, des poissons de Treytorrens ou de Saint-Urcize, des chats de Mathod et de bien d’autres. S’il n’est pas difficile de voir là-dedans le rappel de la Trinité chrétienne, il n’est pas interdit d’y voir aussi la recherche de la perfection, représentée par le parfait équilibre du triangle équilatéral.
Les curieux auront remarqué le nom de la rue Trinquetaille d’Eyguières. L’hypothèse étymologique la plus sérieuse de ce nom, qui apparait pour une rue d’Arles à la fin du XIè siècle sous la forme Trincatallia ou Trinquatalii, fait appel au latin triquetra , « qui a trois angles ». Aucun rapport avec les triangles du paragraphe précédent …
Le dessin du blason de Lambert est issu du site l’Armorial des villes et villages de France, avec l’aimable autorisation de son auteur, Daniel Juric : armorialdefrance.fr
Leveto, c’est très galant d’avoir féminisé le latin ! Et propos de féministe je signale que la trinquette n’est pas une Dinner party où l’on trinque mais une voile latine triangulaire.
Blason parlant : on retrouve les trois lézards dans le blason de la famille Le Tellier Louvois (repris par la ville de Chaville) et « certains contemporains de Louvois disaient que cet animal rampant convenait très bien à ce courtisan » !
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leveto, les meubles des blasons (c’est à dire les motifs, je viens de l’apprendre) vont souvent par trois ; peut-être simplement parce que ce nombre se conforme très facilement à la forme même du blason comme votre exemple de Lambert le montre bien. Mais il y a peut-être aussi des blasons avec deux meubles en bas et un en haut. Il y a sûrement un nom pour cela. Le vocabulaire de l’héraldique doit avoir ses propres dictionnaires qui n’évoluent pas trop vite, pas besoin de courir après la langue.
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leveto, je viens de faire un détour par Wiki Trinquetaille (que je connais comme quartier d’Arles) ; on y évoque trois étymologies fantaisistes qui laissent perplexe quant à la fiabilité de la maison Wiki.
Rassurez-vous, je ne vais pas proliférer.
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Harald, quelques pages plus loin que wiki :
Cliquer pour accéder à 68.pdf
page 11 « Trinquetaille les fouilles anciennes » par Jean-Maurice Rouquette, Conservateur des Musées d’Arles,
«Le nom de Trinquetaille, sous sa forme TRENCATALLIA ou TRINQUATAL. II n’apparait qu’à la fin du XI° siècle et son étymologie reste obscure : l’explication la plus plausible serait de le faire dériver du mot latin Triquetra (qui a trois angles) et qui évoque bien la structure triangulaire du delta où survit encore le nom du quartier de la Triquette.»
Triquetra au féminin à cause d’insula, je suppose. Qualifiait la Sicile (in Gaffiot)
Qu’est-ce qu’on apprend avec Leveto !
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►Zerbinette : à propos du lézard de la famille Le Tellier, je lis cette autre appréciation: « Quant aux lézards, qu’ils soient un ou plusieurs, ils symbolisent une amitié fidèle et protectrice. Définition proche de ce que fut Michel Le Tellier et sa famille : des serviteurs zélés et fidèles de la Couronne.» C’est une façon plus élégante et diplomatique de dire la même chose que votre « animal rampant convenait très bien à ce courtisan »
► Harald: «leveto, les meubles des blasons (c’est à dire les motifs, je viens de l’apprendre) vont souvent par trois »
je n’ai pas de statistiques mais je ne suis pas sûr qu’un nombre de meubles soit plus représenté que les autres. En revanche, j’apprends que ce n’est qu’à la fin du XVIè siècle que l’on a commencé à multiplier les meubles, tandis que jusque-là on remplissait l’écu d’un seul meuble.
*
* Lu quelque part dans ce site que je vous recommande.
► Harald , toujours : j’ai lu aussi l’article de wikipedia et je me demande si je ne vais pas créer un label « nonkipédia »!
On l’a vu: la rue Trinquetaille s’appelle ainsi depuis le XIè siècle. Le verbe trinquer n’est attesté, lui, que depuis la fin du XIVè siècle. Donc, les marins qui trinquaient et entaillaient les murs … Ça aurait pu plaire à Jacques Brel.
La taille seigneuriale ( l’impôt) si elle existait bien à la fin du XIè siècle était perçue — souvent avec fracas! — directement auprès du redevable, et les bureaux de perception ne sont apparus que bien plus tard, donc une telle rue au XIè siècle !
Sans compter que je rappelle que la rue Trinquetaille dont je parle se trouve à Eyguières, un patelin dont je doute qu’il ait connu dès le XIè siècle une bâtisse abritant une perception et des marins venus trinquer à crédit!
Quant au Trinca ! Talha ! (« Tranche ! Taille ! ») , comment dire ?, se non è vero, è bene trovato !
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► Zerbinette , toujours à propos de Trinquetaille:
votre lien nous permet d’avoir accès à l’article complet écrit par Jean-Maurice Rouquette, dont je n’ai pu lire que des extraits dans un ouvrage généraliste. J’étais loin d’imaginer que ce genre de « truc » hyper spécialisé pouvait se retrouver sur la toile! Mais qu’est-ce qui ne se retrouve pas aujourd’hui sur la toile ? Ça fait peur*…
* Et remerciez moi de vous avoir évité le désormais trop répandu « quelque part »
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Bon, avant que quelqu’un ne s’empare de l’affaire, je vous fait part de cette réflexion:
Il est tout simplement possible que la rue Trinquetaille d’Eyguières ne doive son nom qu’à un rappel du quartier arlésien, comme on voit par exemple une rue des Champs-Élysées à Gentilly. Il faudrait connaître la date du baptême de la rue d’Eyguières, et « ça, c’est une autre histoire» * mais qui ne change rien à mon argumentation sur l’étymologie du nom.
* Titus.
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Leveto, ici ou ailleurs merci…. Mais je trouve cela assez formidable, moi qui suis assez loin d’Arles, de pouvoir lire ce genre d’article depuis mon bureau ! Et on ne trouve sur internet que ce qu’on veut bien y laisser.
Dans ce même bulletin p. 25, je lis que Frederic Mistral « D’en proumié regardas sus soun diciounàri, Lou Tresor dóu. Felibrige au mot « Trenco-Taio ». Veirés qu’es tambèn lou noum d’uno planto utilisado pèr sougna li taiaiduro »
Mon provençal étant approximatif, je me demande ce qu’est ce « taiaduro » d’une part et d’autre part si la plante a des feuilles triangulaires ? (je ne suis pas douée non plus en botanique).
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►Zerbinette
Dans ce même bulletin, en note n° 6 de bas de page 28, j’apprends que la planto utilisado pèr sougna li taiaiduro s’appelle la renouée qui a des vertus médicinales connues de longue date(cicatrisante, anti-hémorragique, etc.).
Et j’apprends dans Le Trésor du Félibrige qu’une taïaduro ou talhaduro est une coupure, une taillade.
J’apprends dans ce même dictionnaire, que je devrais consulter plus souvent!, que la trenco-taïo est « la renouée, plante qu’on employait contre les coupures » et que Trinquetaille est « un faubourg d’Arles situé dans l’île de Camargue, à l’endroit où le Rhône tranche et taille son delta » (étymologie bene trovato …)
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Leveto, merci pour ces informations, j’ignorais tout de la renouée et de ses vertus
Pour en revenir à Louvois, lézard fidèle, son ancêtre semblait plus ambitieux car on nous dit que « Le premier blason proposé composé par Michel Le Tellier comportait des salamandres, il fut refusé par d’Hozier* et Henri IV. Le Tellier choisit alors les lézards.»
http://www.arche-chaville.org/pdf/arche15.pdf page 5
* Pierre d’Hozier (10 juillet 1592, Marseille – 1er décembre 1660, Paris) est un généalogiste français, le premier qui ait débrouillé l’histoire généalogique et qui en ait fait une science. (wiki)
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je pose l’hypothèse que c’est parce que la salamandre etait intimement liée aux sorcières durant tout le moyen-age qu’il y eut ce refus pour le blason.
« Pourquoi devrais-je démontrer sinon pour convaincre les incrédules qu’il est non seulement possible que les corps humains, animés et vivants ne se défassent jamais et ne se dissolvent pas avec la mort, mais encore durent dans les tourments du feu éternel ? Car il ne leur plait pas que nous attribuions ce prodige à l’omnipotence du Tout-Puissant, il prient que nous le démontrions au moyen de quelque exemple. Nous répondons à ceux-là qu’effectivement, certains animaux, corruptibles parce que mortels, vivent, pourtant, au milieu du feu »
in Saint Augustin, La cité de Dieu
la salamandre est rare aujourd’hui, en voir est un cadeau. Elles sont amphibiennes, les larves sont aquatiques, se font discrètes parce que menacées par l’homme.
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sur la renouée, elle a des vertus cicatrisantes indéniables et aussi appartient aux Polygonales qui constituent un ordre de plantes dicotylédones, longtemps classé parmi les Apétales et maintenant placé dans la sous-classe des Caryophyllidées par A. Takhtajan ; cet ordre ne comprend qu’une seule famille, celle des Polygonacées, qui comporte un millier d’espèces réparties dans trente-huit genres.
Ce sont des plantes cosmopolites (renouées),(…)
RENOUÉE DES OISEAUX
Herbe des plus vulgaires, qui croît jusque sur les trottoirs des villes et qui est l’un des meilleurs toniques astringents indigènes. Pline et Dioscoride (Ier s.) recommandaient la renouée des oiseaux (Polygonum aviculare L. ; polygonacées) contre les hémorragies et la diarrhée, indications qu’elle a conservées jusqu’à nos jours. Elle renferme du tanin, une huile essentielle, une résine, une cire, du sucre, des traces d’un alcaloïde volatil, de faibles quantités d’anthraquinones et de la silice. Astringente modérée, elle rééquilibre les sécrétions intestinales et s’avère très efficace dans la diarrhée, la dysenterie, l’entérite, l’entérocolite. La plante entière, fraîche, bien lavée, bouillie à petit feu jusqu’à réduction de moitié, donne une décoction que l’on filtre et qui s’emploie à raison de trois tasses par jour. La plante est hémostatique : sa décoction ou, mieux, le suc fraîchement exprimé après broyage (un verre par jour) est utilisé contre l’hémoptysie, les métrorragies, les saignements de nez (introduire aussi dans les narines un coton imbibé de suc), les hémorroïdes. Par son tanin et sa silice, la renouée serait, comme la prêle, un adjuvant utile dans le traitement de la tuberculose pulmonaire. En traitement externe, la plante, bien lavée, ébouillantée et broyée, a des effets cicatrisants non négligeables.
Pierre LIEUTAGHI
pardon pour la longueur, leveto, mon bonsoir, et aussi à votre épouse.
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source encyclopedia universalis
Lieutaghi est ethnobotaniste
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► Rose « je pose l’hypothèse que c’est parce que la salamandre etait intimement liée aux sorcières durant tout le moyen-age qu’il y eut ce refus pour le blason.»
En héraldique la salamandre fait partie des animaux fantastiques comme le griffon, le sphinx, le basilic, le dragon, la licorne et la sirène.
Elle est le symbole du feu et gardienne des trésors tant matériels que spirituels.
« La légende en a fait le symbole du justicier anéantissant le mal. (…) Devenu roi, François Ier garda la salamandre, souvent surmontée d’une couronne ouverte ou fermée, selon les hésitations de l’époque dans la représentation du premier insigne du pouvoir.» ( E. Universalis)
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http://www.editions-lacour.com/le.lezard.heraldique-14-9421.php
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