La dernière marche du podium

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Une colline au sommet plat : un podium ( Puy de Crouël – Allier )

J’en termine aujourd’hui avec le podium aperçu ici et en m’arrêtant sur quelques noms cocasses.

La rue du Pot-en-Cul à Nevers doit son nom à la forte pente qu’il faut gravir pour en atteindre le sommet. On disait au Moyen-Âge que cela faisait se tendre les muscles fessiers, d’où le nom de Poy de tend cul qu’on a donné à la colline. Poy est bien sûr un dérivé de podium qui, mal compris, est devenu « pot ».

rue pied cocu                La rue du Pied-Cocu, à Digne, était dite du  Ped Cougou en provençal, « la colline du coucou». Là aussi, la mauvaise interprétation du provençal est responsable de l’altération du nom. Mention spéciale à la ville de Digne qui, entourée de nombreuses collines, montagnes et autres reliefs a — je n’ose croire au  manque d’imagination mais  plutôt à l’humour —  appelé l’un d’eux le Pied Rien.

56e144600aba2034968f60a834b638a5--saint-emilion-chateausLes amateurs de vin de Bordeaux auront sans doute entendu parler du Château Puyfromage, non loin de Castillon-la-Bataille, où se tint en 1453 la dernière bataille de la guerre de Cent Ans. Le château actuel a été construit en 1574 à l’emplacement d’un donjon et d’un colombier édifiés là dès le XIè siècle. C’est de ce donjon qu’étaient émis des signaux de fumée à destination des troupes anglaises cantonnées dans la plaine *. Ces dernières avaient alors pris l’habitude de dire qu’elles recevaient leurs ordres from the edge, c’est-à-dire  « du bord » (du plateau où se trouvait le donjon). Mal compris par les autochtones, qui entendaient quelque chose comme « fromaidge », ce nom est tout bonnement devenu « fromage ». Ce joli petit conte à visée toponymique est celui qu’on peut lire encore aujourd’hui sur les étiquettes des vins du domaine mais il  a toutes les chances de n’être qu’une fable inventée a posteriori pour justifier le nom.

Si l’on compare ce nom à celui de Château-Fromage, ancienne commune aujourd’hui fusionnée avec La-Roche-Sur-Yon  ( toujours en Vendée), on peut trouver une explication plus rigoureuse. Les formes anciennes, du XIIIè siècle, sont Castrum Casei puis Castrum Fromage. La forme casei est du type Castrum casae, où casae  a le sens de « domaine ». Castrum casae, où casae a abouti à Chaize, est par exemple le nom au  XIè siècle , de Chaize-le-Vicomte (Vendée). Mais à Château-Fromage, l’attraction phonétique voire graphique  avec casei « fromage » a été plus forte et est à l’origine de la confusion et de la mauvaise interprétation de casae en casei puis en « fromage ».

On peut aussi imaginer — mais là, ce n’est qu’une hypothèse! — que les Anglais, nouveaux seigneurs des lieux, entendant la prononciation locale de casa devenu en langue d’oc chese ou même chièse en aient fait un castle cheese qui aurait été traduit à son tour par « château  fromage », une fois les Anglais boutés.

Pour être complet: on trouve un autre Château-Fromage dans la Vienne (commune de Brignoux) pour lequel, sans autre information, je suppose une origine similaire.

* Oui, je sais, d’habitude  on dit : « les Gaulois sont dans la plaine » … eh bien, là, ce sont les Anglois, mais pour la dernière fois, du moins en tant que seigneurs, puisque maintenant ils viennent en touristes ou en retraités. Qui a dit en saigneurs?

Pour l’anecdote, le refrain « les Gaulois sont dans la plaine », dont différentes confréries d’étudiants se disputent  la paternité — débat dans lequel je n’entrerai pas, même si les chorales vétérinaires sont réputées pour leur inventivité et leur talent — est un détournement de la célèbre Marche lorraine, de laquelle le premier vers du refrain « Fiers enfants de la Lorraine » a été transformé en « les Gaulois sont dans la plaine », répété ad libitum. Et je ne pensais pas que mon podium m’amènerait aussi loin !

8 commentaires sur “La dernière marche du podium

  1. être emmené aussi loin par un podium c’est être médaillé 🙂

    ah comme c’est bon quand les anglais sont boutés dehors !

    Là aussi, la mauvaise interprétation du provençal est responsable de l’altération du nom : je n’en suis pas si sûre, le coucou étant celui qui par définition crèche chez son voisin : c’est peut-être de la délicatesse…hein ?

    Chez moi, il y a une rue Rompe cul, « Roumpi-cuou » en provençal, très casse gueule, très à l’ombre, où faut se méfier. Encore plus quand il gèle.

    Bon dimanche leveto (c’était trop bien d’être piratée : sept copains m’ont écrit, dont deux illico presto, allez je les nomme les sept mercenaires ( non, ne vous fâchez pas) ; un autre pote à moi a été piraté par une pub pour le viagra, et c’est parti aux grandes instances politiques et autres, je fus écroulée de rire… Moi non, las pour moi : je fus piratée par Ezra Pound).

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  2. La dernière marche du podium est celle sur laquelle on monte quand on est premier (la plus haute, i.e. la dernière sur laquelle on pose le pied) ?

    ou bien

    La dernière marche du podium est celle sur laquelle on monte quand on est le moins bien classé des trois (la plus basse, i.e. la première sur laquelle on pose le pied) ?

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  3. Rose Bon dimanche (enfin, ce qu’il en reste!) à vous aussi. Prenez garde à vous, ne fréquentez pas les rues gelées à l’ombre.
    ► Ah! Siganus ! Question de point de vue et de caractère, comme pour le verre à moitié vide ou à moitié plein …

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  4. lecteur

    Le Mont Fromage (Isère) doit sans doute son nom au patois formoge, « bouse de vache ». Le mont aurait été comparé à un … tas de fumier.
    Cf. le verbe dauphinois foumogié ou fromogié, « mettre de la litière ; remuer le fumier avec un trident ». Ce verbe viendrait de l’italien fognàre , (sens moderne : « mettre à l’égout »)

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  5. J’ai souvent entendu mon père utiliser ce terme dans mon enfance : il y avait alors à la ferme des vaches laitières et un cheval.

    Il l’employait dans le sens que l’on trouve dans ce glossaire vendéen :

    « Formoger v. 1) Enlever le fumier sous les animaux à l’étable et à l’écurie et remettre de la litière propre. 2) Chasser quelqu’un avec violence. »

    http://parlange.free.fr/pages/le_parler_saint_juirien.html

    ————————
    Pour ce qui est de la métaphore scato-oronymique, voir :

    « Il raconte que le roi Gargantua avait vu les deux armés de Liré et du Marillais s’affronter, pour déterminer lequel des deux villages serait situé à égale distance entre Angers et Nantes, sans parvenir à un accord. Cette légende raconte que Gargantua, afin de mettre les deux villages d’accord, plaça sa botte gauche sur Saint-Pierre de Nantes et sa botte droite sur Saint Maurice d’Angers. Il se soulagea au milieu et les villageois s’écrièrent « Bouse y est » ce qui réconcilia les deux villages »

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Bouzill%C3%A9

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