Ce billet consacré à un village héraultais est dédié à mes cousines et à leur père qui y habite.
La colonisation romaine dès 121 av. J.-C. , suivie de la construction de la voie Domitienne en 118 av. J.-C. donna une certaine importance au site ( les Ibères puis les Celtes en avaient déjà saisi la position stratégique en occupant la colline proche, Ensérune, dont je parlerai en fin du billet). Une soixantaine de villae ( « domaines ruraux » ) sont répertoriées sur le territoire de la commune. Le nom de Nissan est issu de celui du propriétaire de l’une d’entre elles, un certain Anicius, accompagné du suffixe -anum : c’était le domaine « anicien» qui prit sans doute l’avantage sur ses concurrents. On trouve en 1105 les formes Aniciano puis Anitiano, Anizano et Anissano jusqu’en 1344. C’est après cette date que se produit l’aphérèse du -a- initial qui explique le nom actuel du village.

Le cœur ancien du village est formé d’un quadrilatère de rues dont l’entrée est marquée par la tour de l’Horloge.
Une de ces rues s’appelle rue du Plo : il faut voir dans ce « plo » une prononciation locale ( Tarn, Aveyron et nord de l’Hérault ) du « plot » occitan ( avec -t- final sonore) désignant un terrain plat, uni.
Après les Romains sont arrivés les Wisigoths en 462 qui ont fait à leur tour de Nissan une ville prospère. Il reste comme témoignage de leur présence les chapelles Saint-Christol ( forme méridionale populaire de Christophoros, porteur du Christ, martyr du IIIè siècle) Saint-André ( un des douze apôtres et nom de plusieurs saints) et Notre Dame de Miséricorde ainsi que le pont de Parazols . Ce dernier nom, d’abord écrit Palazol, est issu du bas latin palat-iolum, diminutif de palatium, « lieu défendu par une enceinte de pieux ». Le nom des Farguettes — qui accompagne désormais le nom du quartier Parazols-les-Farguettes — est issu du latin fabrica, « atelier », à l’origine de notre « forge ». Cet atelier était le plus souvent, dans les villes de moindre importance, celui du maréchal-ferrant. Le diminutif pluriel -ettes- fait penser à deux ( ou trois ?) petites boutiques dont la concurrence devait gentiment animer les jours de foire et les veillées au coin du feu.
Nissan-lez-Ensérune est indissociable d’un exploit de Pierre-Paul Riquet, le chef de chantier du Canal du Midi. Alors que Colbert, le maître d’œuvre soucieux d’économie, lui ordonne de contourner la colline d’Ensérune, Riquet décide malgré tout de creuser un tunnel sous la colline. Ce sera le tunnel du Malpas qui compte aujourd’hui trois étages, avec de haut en bas : le Canal du Midi, la voie ferrée et la voie d’évacuation des eaux de l’étang de Montady. Malpas signifie, bien sûr, le « mauvais passage », sans que l’on sache avec certitude si ce nom date d’avant ou d’après Riquet.
La colline d’Ensérune a été occupée dès l’Aurignacien soit, à la louche, depuis 30 000 ans, ce qui ne nous rajeunit pas. Sont venus plus tard les Ibères ( dont on a retrouvé in situ des monnaies et qui expliquent sans doute le nom de Béziers, mais c’est une autre histoire …) puis les Celtes. La civilisation de ces derniers était fondée sur des villes bâties au sommet de collines et entourées de protections diverses ( palissades, fossés, etc.) et rendues autonomes en cas de nécessité ( par des silos à grains, par exemple). C’est ce que les historiens appelleront, après Jules César, la civilisation de l’oppidum.
Mais quid du nom d’Ensérune ?
Comme toujours en toponymie, il faut rechercher le nom le plus ancien connu.
C’est en 899 dans le « Recueil des Actes de Charles III le Simple » qu’apparaît pour la première fois le nom de cette colline sous la forme Anseduna. On trouve par la suite Amseduna en 958 puis bastida de Anseruna en 1216. C’est en 1585 qu’apparaît finalement la graphie Ensérune.
Les spécialistes ne sont pas venus à bout de l’énigme. Certains ont cru voir dans la finale – duna– un féminin du classique gaulois dunum « citadelle »( cf. Laudun) mais ce serait alors le seul exemple de ce mot au féminin. D’autres préfèrent y voir un mot beaucoup plus ancien, en tout cas pré-celtique, forgé sur le préfixe an – et la racine indo-européenne *set / seduna, « hauteur ». Quant à l’explication tarabiscotée donnée par Ernest Nègre, elle n’a convaincu que lui-même.
Bref, on ne connaît pas l’étymologie d’Ensérune …
Allez voir les « restes » de l’étang de Montady
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Effectivement, on peut faire le tour du Monde avec ce toponyme.
Ce document semble s’intéresser aux artefacts égyptiens, notamment un scarabée, découverts dans la région. Dans le texte, l’auteur s’attache à une origine occitane du nom, Anserona, qu’il apparente à un autre site nommé Anseresa.
Cet autre document indique une étymologie germanique pour ce dernier toponyme, du nom d’un habitant des lieux.
Un autre chercheur précise que parmi des inscriptions a priori ibériques s’en trouve une d’origine celtique mais écrite avec l’alphabet étrusque.
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► Le brosseur : effectivement l’étang de Montady asséché depuis le Moyen Âge et la forme en étoile des parcelles cultivées vaut le détour … mais le mieux est de le voir du haut d’Ensérune !
► Gro Zippo : bon travail de recherche !
Les représentations de scarabée ( en pierre ou en pâte de verre) ne sont pas rares en Languedoc ( comme en Espagne). On attribue les plus anciennes aux Étrusques, mais toutes les civilisations les ont reproduites … jusqu’aux Romains :
Document complet ici.
Le scarabée d’Ensérune est
Voir ici.
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« On peut faire le tour du Monde avec ce toponyme »
Assurément, Gro Zippo, et c’est bien là le charme de ce blog : une invitation au voyage… hebdomadaire et à peu de frais.
Comme il a pour moi toutes les vertus du « deux en un », j’y trouve souvent occasion à voyager dans l’espace mais aussi dans le temps…
Et là, ce cher Leveto n’a pas raté son coup avec Malpas et son ouvrage d’art antique. Ce seul nom me ramène aujourd’hui à ma jeunesse, aux émotions qu’il m’en reste, façon « Je me souviens »… à la Perec.
C’était un 2 décembre, le jour de mon anniversaire, et cela s’était mal passé à Malpasset, avec un ouvrage d’art du Midi, tout frais tout neuf : 500 victimes innocentes, presque 4 fois le score du Bataclan.
Un document INA ? OK
Je ne me souviens pas du tout de mon cadeau d’anniversaire mais je n’ai pas oublié l’ambiance de solidarité, les collectes au profit des sinistrés, ce genre de choses et l’émotion qui allait avec.
J’ajoute que depuis je suis resté totalement waterproof aux quolibets des Hauts-Provençaux que je fréquente et qui se gaussent gentiment d’une météo à tendance pluvieuse qui affecterait, comme une malédiction, les gens du Nord et leurs paysages : – Il y a bien par chez moi Le Déluge (60 790)… mais cette paisible localité, faut-il le préciser, reste insoucieuse d’improbables débordements, de déferlantes inattendues : on y meurt de sa belle mort et le plus souvent bien au sec.
…
La prochaine fois et si vous êtes sages, je vous parlerai de La Malcampée, un lieu-dit maudit de mes alentours et accidentogène, où j’ai perdu quelqu’un qui m’était cher. C’était en 1971 et la route n’était pas glissante ni inondée.
Et aussi peut-être du tunnel de Ruyaulcourt : celui de Malpas m’y aura fait penser… mais c’était plus tard, tandis que j’étais marinier occasionnel sur un bateau qui faisait la course des huiles depuis l’estuaire de la Seine jusqu’au port de Rotterdam. C’est à cette occasion que « la marquise » me fut présentée… cette habitation, rappelez-vous, de « standing modeste ».
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Mettre en parallèle avec l’étang de Montady … pour la forme seulement.
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et ici, la Male Baraque (j’ai ôté l’accent circonflexe qui me paraît superflu)
http://www.lecerclemedieval.be/legendes/SitesEtRecits/Les-legendes-du-Christ.html
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