Devinez qui a trouvé la bonne réponse à ma dernière devinette … Oui, lui ! qui signe un intrus, suivi de près par le brosseur ( qu’il me pardonne de l’avoir oublié dans mon premier jet!)
Si vous doutiez encore de l’intérêt de la toponymie, j’espère que ce billet vous convaincra, où l’on croise non seulement les Lenapes, la Nouvelle-Néerlande, la Pavonia, mais encore la stéatite, la Sibylle et même Allan Poe. ( Ah! Que j’aime ce non solum …sed etiam, découvert en classe de sixième au Lycée Périer de Marseille, merci monsieur Picard!).
Hoboken est une ville du New-Jersey, proche de New-York, aux États-Unis d’Amérique.
Les Lénapes, des Indiens d’Amérique que les Français ont appelé les « Loups » et que les Britanniques ont finalement appelé Delaware, en raison de leur supposée origine, étaient les premiers occupants du lieu. Ils y exploitaient en particulier des carrières de stéatite ( indice ), une pierre dans laquelle ils sculptaient les fourneaux de leurs pipes. Ils appelaient cet endroit « la terre des pipes à tabac, des calumets » soit, dans leur langue, Hopoghan Hackingh.
Henry Hudson, un navigateur anglais de la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales, qui donnera son nom au fleuve, fut le premier Européen à accoster le 2 octobre 1609 sur ce qui était alors une île. À peine plus de vingt ans plus tard, en 1630, ce territoire intégra la Nouvelle-Néerlande grâce à Michael Pauw, maire d’Amsterdam et dirigeant de la Cie des Indes Orientales, qui acheta ces terres aux Lénapes. On dit que c’est à cette occasion que les Indiens et les Blancs fumèrent pour la première fois le calumet de la paix. On connaît le prix payé par Michael Pauw : 80 brasses ( 146 mètres) de wampum, 20 brasses (37 m.) d’étoffe, douze bouilloires, 6 fusils, 2 couvertures ( avec, dit-on, en prime, la variole …), une double bouilloire (?) et un demi tonneau de bière. Michael Pauw laissera son nom, sous une forme latinisée, à la Pavonia qui deviendra le comté de Hudson où se situe Hoboken. On sait aussi que ces paix, conclues par le partage d’un calumet, partirent, pour la plupart, en fumée …
La condition sine qua non pour que la communauté internationale( non, non, ne les cherchez pas : les Amérindiens n’en faisaient pas partie) reconnaisse ces territoires comme néerlandais était l’établissement d’une colonie occupée en permanence par au moins cinquante personnes. Ce fut fait et c’est là que la toponymie s’embrouille.
La majorité des historiens et toponymistes étasuniens semble aujourd’hui s’accorder sur l’origine algonquine ( les Lenapes étaient un peuple algonquin) du nom de Hoboken passé dans la langue des colons de Hopoghan à Hobuck, Hobock, Hobuk puis Hoboocken.
Une minorité pense que ce sont les colons qui ont donné le nom de Hoboken à cet établissement, en mémoire de la ville d’origine de certains d’entre eux. Hoboken était en effet une ville des Pays-Bas espagnols , devenue aujourd’hui un district d’Anvers. Le nom de Hoboken est composé de ho, abréviation de hoog, « haut » et boken du moyen-néerlandais boeken, « hêtre » (cf. le néerlandais actuel beuken ) : il s’agissait donc d’une futaie de hêtres.
Je m’implique dans le débat en faisant deux remarques et une proposition:
- l’origine algonquine du toponyme est sans doute avérée mais, sachant que de plus en plus d’études scientifiques ( toponymiques, archéologiques, etc.) tendent à remettre aujourd’hui les Amérindiens au centre du continent américain ( parce que leurs descendants occupent désormais des postes universitaires importants ou parce que les autres éprouvent un sentiment de culpabilité ?), je me demande si réellement Hopoghan est devenu Hoboken de façon naturelle, sans passer par la case néerlandaise.
- l’origine néerlandaise du toponyme n’est, elle, appuyée sur aucune preuve ( si quelqu’un connaît la ville d’origine des premiers colons, je suis prêt à le payer cher!)
- ma proposition : les premiers colons hollandais ont entendu le nom algonquin du lieu. Bon, ils avaient un peu fumé ( du tabac dans une pipe en pierre à savon!) et, n’étant pas trop habitués, ils n’ont pas tout très bien compris ..
Extrait de Hoboken*, Acte II, scène 3 :
Côté jardin, une forêt. Côté cour, aussi. Au milieu, un feu de bois sommaire avec d’un côté des Lenapes et, de l’autre, des Néerlandais, accroupis, fumant et parlementant.
Colon numéro six :
— Keskidi ?
Colon numéro deux :
— Hopoghan.
Colon numéro six :
— Hopoghen ?
Colon numéro deux :
— Non, Hopoken ..
Colon numéro six :
— Ah! Un peu comme Hoboken, alors …
Colon numéro deux :
— Oui, c’est ça. Au fait, c’est bien vous qui venez de là-bas ?
Colon numéro six :
— Oui.
Colon numéro deux :
— Eh bien, voilà! Bonjour chez vous !
Les autres indices :
Le premier match de base-ball est censé s’être déroulé le 19 juin 1846 à Hoboken et, tenez-vous bien, aux Champs Élysées !
Frank Sinatra est un enfant d’Hoboken, où il nait le 12 décembre 1915. Cela lui vaudra le surnom de gangster d’Hoboken en raison de ses liens avec la mafia.
Georges Brassens était là, bien sûr, non seulement pour:
J’ai maint’nant des frênes
Des arbres de Judée
Tous de bonne graine
De haute futaie
mais aussi pour :
Je suis un pauvr’ type
J’aurais plus de joie
J’ai jeté ma pipe
Ma vieill’ pipe en bois
Qu’avait fumé sans s’ fâcher
Sans jamais m’brûlé la lippe
L’tabac d’la vache enragée
Dans sa bonn’ vieill’ têt’ de pipe
J’ai des pip’s d’écume
Ornées de fleurons
De ces pip’s qu’on fume
En levant le front
Mais j’retrouv’rai plus ma foi
Dans mon cœur ni sur ma lippe
Le goût d’ma vieill’ pipe en bois
Sacré nom d’un’ pipe.
La grotte de la Sibylle de Panzoult était une référence à la Sibyl’s Cave de Hoboken, une grotte d’où jaillit une source d’eau douce qui connut une notoriété mondiale quand une jeune fille y fut retrouvée morte en 1841. L’énigme de cette mort inspira à Edgard Allan Poe sa nouvelle intitulée Le Mystère de Marie Roget, considérée comme l’acte de naissance du roman policier.
Ah oui!Pour finir,la marque de cigarette dont je parlais était bien sûr la Peter Stuyvesant dont le nom doit tout à Pieter Stuyvesant quoi qu’en dise wiki.
*de par moi-même. À paraître un de ces jours.
« On dit que c’est à cette occasion que les Indiens et les Blancs fumèrent pour la première fois le calumet de la paix. »
Champlain et François Gravé Du Pont sont arrivés à Tadoussac le 24 mai 1603; trois jours après, ils se déplacent chez le « grand sagamo » Anadabijou. Avec quelque 80 à 100 membres de sa tribu, il célébrait la victoire de 1 000 guerriers montagnais, algonquins et etchemins sur les Iroquois, à l’embouchure de la rivière des Iroquois.
…
Adanabijou fit ensuite distribuer du petun et, quand tout le monde eut fumé dans le calumet de la paix, le chef fit à son tour une longue harangue dans laquelle il se félicitait d’avoir su conquérir l’amitié du Français. Puis, le festin se continua : on mangea, on chanta et l’on dança jusques près du matin.
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Non mais … on s’est habitué à plus rigueur
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►Le brosseur
Ils étaient blancs, Champlain et Gravé du Pont ? 🙂
Je n’ai fait que m’inspirer du site wiki en anglais …J’aurais dû me méfier!
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Champlain, aussi blanc qu’on peut* l’être(?).
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* puisse ?
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Pour l’oreille – la dose (homéopathique) de québécois (passer la première intervention ~20 sec).
Puis. Une rumeur sur la blancheur de Champlain .
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http://www.huffingtonpost.fr/2016/09/29/accident-de-train-new-jer_n_12246316.html
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J’espère que je n’y suis pour rien !
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