De quelques autres genoux

Pour en finir ( ? ) avec ce genou qui nous aura occupé quelque temps ( ici et ), je vous propose de faire un petit tour des différents genoux toponymiques que l’on peut trouver en France.

  • Saint Genou ou saint Genouil ou saint Genoulph :

Ce saint honoré dans le Berry est mal connu, sauf à travers des hagiographies semi-légendaires. 

Né à Rome vers 230, Genulphus, fils de Genitus, fut envoyé avec son père évangéliser Cahors, puis Selles-sur-Nahon où il mourut. On reconnait une origine germanique au nom de Genulphus avec gen- et wulf ( « loup ») ; le premier élément, gen-, pourrait être , comme pour le nom de son père, dérivé de la racine grecque * gen-, « naître » ( cf. genèse, engendrer, gonade, …).

saint genou
La Lanterne des Morts à Saint-Genou ( Indre )

Il à laissé son nom à Saint-Genou ( Indre ) et à Saint-Genouph ( Indre-et-Loire ) ainsi qu’à de nombreux micro-toponymes comme La Croix Saint-Genou ( Noyers, Loiret), Puits Saint-Genoux ( Selles-sur-Nahon, Indre), Saint-Genoux ( Chaussan, Rhône), la Fontaine Saint-Genouph ( Selles-Saint-Denis, Loir-et-Cher) etc.

  • le genou proprement dit :

en tant que pièce anatomique, le genou apparait dans quelques toponymes par métaphore comme à Brise-Genoux ( Échenay, Haute-Marne ) ou par l’aspect topographique comme au Crêt du Genou ( Champfromier, Ain), Genou Côte ( Sampigny, Meuse ), Val Genou ( Vitry-le-Croisé, Aube), etc. Notons un Pied de Genoux à Ginasservis ( Var ) , un lieu-dit au pied de reliefs en forme de genoux.

  • Genou  comme anthroponyme :

Pour la plupart dérivés du nom du saint, des anthroponymes ont laissé leurs traces en toponymie :

  1. Genou : Bois Jean Genou à Plagne, dans l’Ain ;
  2. Genoud : Genoud à Ambronay dans l’Ain ainsi que Château, Bois et Champ de Genoud à Certines toujours dans l’Ain ; au féminin La Genoude à Saint-Martin-du-Mont, oui, dans l’Ain mais aussi aux Marches en Savoie ;
  3. de nombreux Genouillère sont des formations récentes désignant des propriétés d’une famille Genou comme à Orange (Vaucluse), à Saint-Méard (Haute-Vienne), à La Chèvrerie (Charente), etc. Idem sans doute pour les Genouillerie à Saint-Brice et au Bourgneuf-la-Forêt (Mayenne).

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Les devinettes :

  • une devinette « normale » :

un micro-toponyme fait référence au genou d’un certain animal sur fond de légende associée à un saint. Quel est-il ?

Un indice : le saint a pris, par paronymie, celui d’un cours d’eau qui prend sa source non loin de là.

  • une devinette « expert » :

un ruisselet pyrénéen porte un nom pouvant faire penser au genou. Ce nom ( certifié IGN ) se présente sous la forme « la chose du Truc » où « chose » est écrit avec ce qui semble être une erreur d’orthographe, mais elle se retrouve à l’identique dans d’autres hydronymes,  et où « Truc », dans un autre genre, pourrait faire penser au genou.

Un indice : comme son nom l’indique, la commune où coule ce ruisselet se trouve à un confluent — de deux ruisseaux.

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Avis à la population :

pour des raisons tout à fait volontaires, je serai très occupé la semaine prochaine. N’attendez donc pas les traditionnels « indices du mardi »!

P.S. réponses attendues chez leveto@sfr.fr

10 commentaires sur “De quelques autres genoux

  1. Saint-Genou (et un de ses lieuxdits, Brisepaille) ont gagné leurs lettres de noblesse littéraires : tous les deux sont cités au chapitre 5 du Gargantua de Rabelais, où est racontée la naissance du géant :

     » Et soubdain vindrent à tas saiges femmes de tous coustez. […] Dont une horde vieigle de la compaignie, laquelle avoit la reputation d’estre grande medicine et là estoit venue de Brizepaille d’auprès de Sainctgenou d’avant soixante ans … »

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    En fait, Rabelais connaissait bien Saint-Genou, où il était venu voir son ami l’abbé Tranchelion, qui était à la tête du monastère.

    Il en parle au chapitre 43 de Gargantua:

    « Et comment (dist le Moyne) se porte l’abbé Tranchelyon, le bon beuveur. Et les moynes, quelle chière font ilz ? Le cor dieu ilz biscotent voz femmes ce pendent que estes en romivage. »

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    En revanche, je n’ai pas localisé le Saint-Genou de Villon (sis près de Saint-Julien des Vouvantes) : il s’agit, sans doute, d’une facétie de l’auteur.

    « Filles sont très belles et gentes,
    Demourantes à Sainct-Genou,
    Près Sainct-Julian des Voventes,
    Marches de Bretaigne ou Poictou,
    Mais je ne dy proprement où,
    Or y pensez trestous les jours,
    Car je ne suis mie si fou…
    Je pense celer mes amours. »

    « Le Testament » (strophe 94)

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    Il semblerait, par ailleurs, qu’il existe une légende parlant de Gargantua (personnage très présent dans la toponymie) traversant la rivière pour venir voir les filles de Saint-Genou : mais je n’ai rien trouvé de précis à ce sujet.

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  2. On trouve une autre occurence de Saint-Genou dans le chapitre 43 de Gargantua :

    « Ce pendent Grandgouzier interrogeoit les pelerins, de quel pays ils estoient, & dont ilz venoient, & où ilz alloient. Lasdaller pour tous respondit. Seigneur ie suys de sainct Genou en Berry, cestuy cy est de Paluau, cestuy cy est de Onzay, cestuy cy est de Aroy, & cestuy cy est de Villebrenin. »

    On voit que Rabelais connaissait bien l’endroit car, outre Saint-Genou (d’où est originaire le chef de la troupe), on rencontre :

    – Paluau, qui est l’actuelle Palluau-sur-Indre, commune limitrophe au nord-ouest de Saint-Genou ;
    – Onzay, lieudit de Palluau-sur-Indre, qui était primitivement le siège de la paroisse ;
    – Aroy, que je n’ai pas pu localiser, mais qui pourrait bien être (du fait d’une coquille) la commune proche d’Argy ;
    – Villebrenin, qui est l’actuel Villebernin, lieudit de Palluau-sur-Indre.

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    Toujours au même endroit, on trouve une des fonction de saint Genou : c’est un guérisseur des articulations (magie sympathique) :

    « Ainsi preschoit à Sinays un Caphart, que sainct Antoine mettoit le feu es iambes, & sainct Eutrope, faisoit les hydropicques, & saint Gildas les foulz, sainct Genou les gouttes. »

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    Pour ce qui est de la « horde vieille » qui figure parmi les sages-femmes venues assister Gargamelle (quoi de plus normal que son rôle « génésique » l’associe à saint Genou) elle vient de deux lieux qui existent bien : »Brisepaille » près de « Saint-Genou ».

    Mais Rabelais s’amuse car dire d’une femme « elle est de Brisepaille près de Saint-Genou » veut dire à l’époque qu’elle est de moeurs légères : elle a brisé la paille de sa paillasse à force d’y frotter ses genoux.

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    Mon ignorance de la chose ligure était presque totale. Les billets qui y ont été consacrés ont piqué ma curiosité.

    Je me suis donc procuré l’ATLAS DE LA LIGURIE PRIMITIVE (« Essai de reconstruction d’une toponymie originelle protoceltique »), de Jean Sylvestre MORABITO.

    J’en commence juste la lecture : il me semble très intéressant.

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  3. C’est bien de faire ainsi des excursions dans ce Berry négligé ! Ceci dit Saint-Genou ne casse pas trois pattes…. Palluau est nettement plus intéressant.

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  4. Palluau est aussi le lieu de naissance de Louis de Buade, comte de Frontenac et de Palluau, nommé à deux reprises gouverneur de la Nouvelle-France par le roi de France Louis XIV.

    Il a laissé de nombreuses traces dans la toponymie du Canada (sans parler du célèbre hôtel Château Frontenac à Québec).

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    Les habitants de Palluau s’appellent les Palludéens : souhaitons-leur de ne jamais devenir paludéens.

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  5. « Les habitants de Palluau s’appellent les Palludéens : souhaitons-leur de ne jamais devenir paludéens.»
    ( TRA, le 29 août 2018 à 9 h 24 min )

    Ils ont avaient tout pourtant pour le devenir puisque étymologiquement Palluau ( de Paludello en 1155 ) vient de l’oïl palu(d), « marais » et suffixe diminutif -ellum, devenu -eau.

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