Le latin balneum, « bain », est à l’origine de nombreux toponymes en France, parmi lesquels il faut distinguer ceux qui désignent des installations de bains d’époque gallo-romaine du type Bagnères, Bagnol (e)s, Bagneux, etc. des formations plus récentes où les bains en question ne sont, le plus souvent, que de simples poins d’eau, des abreuvoirs ou des lieux humides
Parmi les plus réputées des stations thermales de l’Antiquité, nous pouvons citer Bagnères-de-Luchon (H.-Gar.) qui représente le latin Balnearia, « installation de bains ». Luchon est issu du dieu tutélaire des sources comme attesté sur de nombreuses inscriptions latines portant la dédicace Ilixoni deo. Le nom de Bagnères-de-Bigorre n’est, lui, attesté que depuis le XIIè siècle, tandis qu’un autel votif de l’époque romaine impériale appelait ses habitants vicani aquensium, « habitants des eaux » et qu’on trouve encore écrit à la même époque Aquae Convenarum, « eaux des Convènes ».
Le diminutif balneolum, désignant un « petit bain, petit établissement de bains », qu’il soit public ou privé, a été le plus productif en toponymie, sans que l’archéologie n’en apporte nécessairement la preuve irréfutable. C’est de ce diminutif que proviennent les noms de Bagneux, ( H.-de-Seine, Baniolum en 795 ), Bagneaux (Yonne, Baniolum en 872 ), Bagneux ( Marne, Baniola en 813 ), etc. Le suffixe -ittum vient renforcer la valeur diminutive dans Bagnolet ( S.-St-Denis, Baignoletum en 1272 ) ou Baignolet ( E.-et-L.). Dans le Midi, c’est la forme balneolas qui s’est imposée pour aboutir à *bagnol comme à Bagnols ( Var et P.-de-D.), Bagnols-sur-Cèze (Gard ), Bagnols-les-Bains ( Lozère, Aquae Calidae, « eaux chaudes » à l’époque carolingienne puis Banhols en 1352 ), ou encore Banyuls-sur-Mer et Banyuls-dels-Aspres (P.-O.), etc.

Le français « auge » au sens de « bassin, abreuvoir » est issu du latin alveus et est à l’origine de toponymes dont le sens exact n’est pas toujours facile à déterminer. Le sens de « cavité » appliqué à la topographie d’un village dans un creux, une vallée et celui de « prairie humide » ( cf. le bas latin augia ) sont probables dans les noms les plus anciens : Augès dans Mallefougasse-Augès ( Alpes-de-H.-P., de Augeto en 1274 ), Augerolles ( P.-de-D., Augerolie en 1392), Auge ( Creuse, Augia en 1331), Augères ( Creuse, Augeras vers 1110 ). Le dérivé franco-provençal ozd est à l’origine du nom de l’Aujon, affluent de l’Aube à Ville-sous-Ferté ( Aube ) et de l’Aujon, affluent de la Loire à Montrond-les-Bains ( Loire ). La Touque, qui se jette dans la Manche à Deauville ( Calv. ), était autrefois appelée l’Auge ( in Algia en 1207, in valle Augie en 1213 ) : disparu, l’hydronyme est toutefois resté comme nom de la région. Ces derniers exemples montrent un sens ancien d’alveus, « lit de cours d’eau ». Le sens de « bassin, abreuvoir, auge » ou de « lieu où on mène boire les bestiaux » est sans doute celui qu’on trouve dans les formations dialectales les plus récentes, comme les Augères (S.-et-L. et Indre ), Augères ( à Razès et Ssaint-Léonard-de-Noblat dans la Haute-Vienne), etc. Un autre dérivé dans le Centre et l’Ouest, aujou, est à l’origine du nom d’Aujols (Lot ) et de micro-toponymes du même type.

Le latin bacca, à rapprocher du celtique bacco, « auge, baquet », a donné quelques toponymes dans l’est de la France : La Bachasse ( à Ozolles, S.-et-L. et à Saint-Paul-en-Jarez, Loire ) et Les Bachasses ( à Cours-la-Ville, Rhône ) : il s’agissait vraisemblablement de désigner l’auge à bestiaux, l’abreuvoir. L’occitan bachàs a pu avoir un sens étendu à celui de « bassin, mare » qui explique le nom du Bachas, affluent de la Durance à Embrun ( H.-A.) et celui du col de Bachasson près de Romeyer ( Drôme ).

La devinette
Une des trois racines latines qui font l’objet du billet, au diminutif, est à l’origine du nom d’une commune française, au confluent de deux rivières, où fut inventé il y a un peu plus d’un siècle un procédé industriel qui fit sa renommée et sa prospérité. Quelle est cette ville ?
Un indice
… qui concerne aussi bien la ville que l’industrie qu’elle abrite.

Dans le Sud-Ouest, le mot « timbre » désigne un grand abreuvoir monolithique.
Il a laissé quelques traces en microtoponymie, comme en témoignent une voie nommée « le Timbre » à Agonac (Dordogne) et un lieu-dit « Le Timbre aux-Chats », à Pugny, commune déléguée de Moncoutant-sur-Sèvre (Deux-Sèvres) :
https://www.google.fr/maps/place/Le+Timbre,+24460+Agonac/@45.2576651,0.7321735,18z/data=!4m5!3m4!1s0x47ff72584f654a05:0x624a10de53c47f97!8m2!3d45.257667!4d0.733064?authuser=0
http://www.lachapellesaintlaurent.fr/fr/information/76688/legendes
http://chateaudepugny.fr/index.php/autour-du-chateau-2/la-legende-du-timbre-aux-chats/
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Le mot « timbre », comme sa variante « timbale » viendraient de l’arabe « tabl ».
Voilà qui va faire plaisir à certain commentateur qui voudrait que tous nos toponymes viennent de la langue d’Averroés.
https://www.cnrtl.fr/definition/timbale
http://micmap.org/dicfro/page/dictionnaire-godefroy/719/7/timbre
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►TRA
En pays de langue d’oc, je connaissais le timba ou timbal au sens de « précipice, escarpement » ( GTD voir Bibliographie ), d’où quelques reliefs en Haute-Garonne, dans l’Aude, etc. bien que la confusion avec une corruption du nom de Thibaud soit quelquefois possible notamment pour Laroque-Timbaut ( L.-et-Gar.) et des hameaux nommés sur le même modèle.
Je ne connaissais en revanche pas cette acception de « timbre » ( auge, abreuvoir ) que vous me faites découvrir.
J’ai cherché vite fait et suis tombé sur :
— Le Timbre à Agonac ( Dord.), Beauvoir-sur-Mer ( Vendée ) , Mesnil-sous-Vienne (Eure ), Salvezines ( Aude ), Estrée-Cauchy (P.-de-C.), etc.
— Les Timbres à Chaunay ( Vienne ) et les Cinq Timbres à Montpellier-de-Médillan (Ch.-Mar.)
— un Grand Timbre à Lahayville ( Meuse )
— un Bois du Timbre à Longchamps ( Eure ) et une Butte de la Timbre à Sceaux-du-Gâtinais (Loiret )
Le dernier exemple, au féminin, me laisse perplexe …
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Antidote propose
Divers (sens)
Timbre d’office, un petit évier.
Timbre, abreuvoir monolithique taillé dans un bloc de pierre.
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Dans le coin de Saintonge d’où je suis originaire, où la viticulture n’était qu’une activité importante mais pas exclusive, on trouvait dans chaque ferme au moins un « timbre » pour abreuver les vaches laitières et le cheval de trait (et le terme était, bien sûr, employé).
La mécanisation, la disparition des petites unités de production de lait et les nouvelles pratiques de stabulation ayant fait leur oeuvre, les timbres finissent généralement leur vie (monolithiques et massifs, ils sont difficiles à détruire) en grandes jardinières.
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Pour ce qui est de la Butte de la Timbre, il faut remarquer :
– que, si « timbre » est masculin, la variante « timbale » est féminine ;
– qu’un mot peut, dans un dialecte, être d’un genre différent de celui qu’il a en français standard (chez moi, on disait « la serpent » pour désigner ce sympathique reptile apode, qui a tendance à prendre ses jambes à son cou en même temps que moi – mais en direction opposée – toutes les fois que je le rencontre) ;
– que le Godefroy associe dans plusieurs exemples « timbre » et « fontaine » ;
– et, enfin, que sur la commune de Sceaux-du-Gâtinais, on a retrouvé, au lieu-dit « Le Préau », le sanctuaire thermal d’Aquae Segetae.
Je n’ai malheureusement pu déterminer si les lieux-dits « la Butte de la Timbre » et « le Préau » sont à proximité immédiate.
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J’ai oublié de citer mes sources :
https://www.persee.fr/doc/sracf_1159-7151_1999_ant_17_1_1071
http://agendicum.over-blog.com/article-sceaux-du-gatinais-78789732.html
https://www.google.fr/maps/place/Butte+de+la+Timbre/@48.1131287,2.5358434,4842m/data=!3m1!1e3!4m5!3m4!1s0x47e59c8c758277e3:0x67b2519ff9199bb5!8m2!3d48.115694!4d2.531254?authuser=0
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►TRA
Merci pour ces recherches et ces liens!
Autant que je me souvienne, mes ancêtres bitterois amenaient le cheval à la begudo ou, plus simplement, « à la fontaine ». Au travail, à la vigne, on le laissait s’abreuver au rec . En tout cas, pas de timbre par chez moi dans ce sens-là…
Si j’en crois Géoportail, Le Préau ( site Archéologique de Ségeste ) se trouve à 2,5 km à l’est du centre de Sceaux-du-Gâtinais, tandis que La Butte de la Timbre s’en trouve à près de 3 km, mais à l’ouest .
Ceci dit, il y a de l’eau partout, dans ce coin !
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Incertitudes (dans certains cas) de la toponymie : le Préau, dans l’article de Jocelyne Vilepoux est graphié (p. 214) dans une notice de présentation de l’ouvrage figurant dans la bibliographie de J.Soyer datant de 1917 « le Préau ou le Pré-haut », cette dernière graphie étant celle employée (p. 212) par l’abbé Cosson, inventeur du site, dans le titre d’un ouvrage de 1873, alors qu’elle-même indique (p. 214) qu’il s’agirait « d’une dérivation du patois local ‘perriau’ (lieu où l’on trouve des pierres).
Quant à Sceau-du-Gâtinais, il s’agirait d’un « Segeta » (du nom de la déesse éponyme) , et son nom n’aurait rien à voir avec celui de la ville de Sceaux, dans les Hauts-de-Seine) [source : Dauzat et Rostaing], pas plus qu’avec celle de Sceaux, dans l’Yonne (anciennement Saux-sous-Montréal : voilà qui devrait plaire à Brosseur).
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so-so !
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Bilan des recherches :
Rien de particulier ne s’est présenté à mes investigations laborieuses… hormis un Charbonnières-les-Bains (69 044), si séduisant rapport au charbon de bois qu’on imagine sous la grille à barbecue montrée en indice.
Anecdote :

La première et unique fois où j’ai eu ‘la gaule à la main’ – au sens halieutique, vous imaginez bien – c’était vers mes 8 ou 10 ans et ce fut au Château de Bains. Mon père connaissait bien le propriétaire des lieux :
Localement, le microtoponyme « Bains » se prononce comme ‘Bince’.
Vient-il de présumés thermes, comme semble le dire Wikipedia ?
Je ne sais vraiment pas mais, perso’, je serais plus enclin à y retrouver la nature du terrain : terres ‘grasses’ et donc argileuses, ainsi qu’il est évoqué dans le billet de Leveto, au premier paragraphe et 5ème ligne : « lieux humides ».
D’ailleurs, la commune la plus voisine (et très sympathique aussi) est Conchy-les-Pots… et de quoi auraient-ils été faits les pots, sinon d’argile ?
Ambition d’un ex-édile, autrefois membre du Comité exécutif de sa Com’ de Com’, de pouvoir jumeler enfin les disproportions démographiques dans un esprit d’ambiguïté sémantique :
Boulogne-la-Grasse (475 habitants des Hauts-de-France) et Boulogne dite « la Grasse » (Italie et avec 390.000 habitants) :
https://www.cityzeum.com/ex/9533_la-ville-de-boulogne-en-italie
La tradition lexicale a voulu que Boulogne et Bologne aillent kif-kif aux agences de tourisme antiques:
https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Dictionnaire_de_Tr%C3%A9voux,_1771,_II.djvu/11
Précision à l’usage de ceux que préoccupent l’Histoire de l’art et la ‘statuaire attitude’ ordinaire
Giambologna (il a sa notice Wikipedia) n’a pas cédé à cette mode ridicule qui voulait que Léonard soit de Vinci ou le Véronèse de Vérone. Non, il était tout simplement originaire des Hauts-de-France : Jean (de) Boulogne était son nom et sa Fontaine de Neptune (à Bologne), c’est pas vraiment la même camelote que du César ou du Niki de Saint Phalle) :
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détails https://fracademic.com/pictures/frwiki/70/Fontneptbologne_082005.jpg
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Cher Brosseur (et ‘Chum de mon cœur’), j’avoue ne pas bien saisir le sens à donner au lien que vous proposez plus haut, vers les 1h 08.
– Est-ce que « pisser dans un violon », pour simplement signifier le dérisoire des choses, est une expression qui a cours chez vous et parmi les peuplades qui vivent dans vos vastes espaces ?
Chez moi, au propre comme au figuré, les bonnes manières ne nous conduisent pas à la miction dans des instruments innocents : il y a d’autres endroits pour ça !
A ce propos, avez-vous déjà pissé dans un gastéropode de fantaisie, édiculé en plein-air et bâti en béton vintage ?
Moi, je l’ai fait, il y a bien longtemps… du temps où mon père connaissait le propriétaire de l’autre château de Boulogne-la-Grasse.
Je devais avoir 10 ou 12 ans à l’époque, au tout début des sixties.
Attestation des gogues configurées façon mollusque :
https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/picardie/oise/pays-bray/histoires-14-18-chateau-courants-air-1168387.html
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Je sens maintenant que vous allez me demander pourquoi j’insiste tant sur la localité de Boulogne-la-Grasse.
Alors Quiz :
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Si vous avez coché toutes les cases, mon Brosseur, vous avez « tout bon »… Bravo !… et pour la pierre dite de Bologne, c’est une autre affaire… pas vraiment architecturale.
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Mortemer ( Oise ) :
de Mortuo mari ( vers 1080), de Mortemer ( 1236 ), Mortemé (1463 ) :
de l’oïl morte, « dormante », et mer, « grande étendue d’eau non salée », pour désigner les étangs attestés.
Idem pour Mortemer ( S.-Mar, Mortuum mare en 1035 ), Morthemer ( Vienne, de Mortomarum en 1077 ), Morthomiers ( Cher, Mortuum mare, 1164 ).
Cf. aussi Mortemart ( Vienne, de Mortemar en 1105 ): occitan mòrta, « dormante », et mar, « mer », qui a pris le sens de mara, maro, « petit amas d’eau dormante ».
Il convient de se souvenir qu’au Moyen Âge, «mer » pouvait désigner une simple étendue d’eau, pas forcément salée, relativement plus grande que les autres ( un fleuve vs un ruisseau, un lac vs un étang, un étang vs une mare …) : cf. l’Entre-Deux-Mers, région entre deux … fleuves.
Pour une fois Dauzat&Rostaing et Ernest Nègre sont d’accord! Seuls les premiers ajoutent que pour Mortemer, le deuxième élément pourrait être le latin mansum, donnant l’ancien français meix prononcé mé et que, pour certains de ces noms, un souvenir de la mer Morte rapporté des Croisades n’est pas exclu.
En tout cas, nulle trace de mortier ici ( latin mortarium ), désolé de vous décevoir, TRS.
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Vous me donnez une idée pour le repas de midi : une saucisse de Morteau (Mortua Aqua).
Après un apéritif accompagné d’olives d’Aigues-Vives (Gard).
Et, au dessert, une fougasse d’Aigues-Mortes.
Le tout arrosé d’un bon bordeaux d’Ayguemorte-les-Graves.
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Détails (1 h tapant)
– On dit des tritons ou des tritonnes (?) (3 tonnes)
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tapante ?
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