Le latin vallis, « vallée », est à l’origine d’un très grand nombre de toponymes. Féminin en latin, il a d’abord fourni des noms précédés d’un article féminin (Laval, May.) ou accompagnés d’un adjectif lui aussi féminin (Longueval, Somme et Aisne), avant d’être utilisé au masculin (Le Val, Sarthe ; Beauval, Somme) ; le pluriel « vaux » est lui aussi fort courant. Si, en français, cet appellatif « val » est relégué au langage soutenu par « vallée », ce n’est pas le cas en occitan où « vallée » se traduit par val ou vau. Le gascon, outre le passage du v initial au b, fait évoluer le l final issu du latin ll en th puis t pour donner bath ou bat.
De la même manière que pour le billet concernant les dérivés de manoir, il n’est pas question de citer ici tous les toponymes issus de vallis, mais d’en montrer l’extrême diversité en ne citant, dans chaque catégorie, que quelques exemples. Ne seront mentionnés que les noms de communes françaises. Les noms de lieux-dits, hameaux ou écarts sont en effet beaucoup trop nombreux ; les noms de pays, de cours d’eau et de reliefs seront (probablement ) vus dans un prochain billet en même temps que quelques micro-toponymes remarquables.
Vallis employé seul
Les formes féminines sont employées avec agglutination de l’article comme à Laval (Mayenne et d’autres avec un déterminant) et Lavau (Aube, Yonne et L.-sur-Loire, L.-A.). Laval a pu servir de déterminant comme au Poët-Laval (Drôme, avec Poët, de podium), à Saint-Bonnet-Laval (Loz.), etc.
Le masculin, plus tardif, se trouve au singulier sans article à Val-et-Châtillon (M.-et-M.), avec l’article à Le Val (Var, Doubs) et Le Val d’Ocre (Yonne) et avec l’article agglutiné à Leval (Nord, T.-de-B.).
Le plus souvent, le mot est au pluriel sous les formes Vals (Ariège et d’autres avec déterminant), Valz-sous-Châteauneuf (P.-de-D.), Vaulx (P.-de-C. et d’autres ) et Vaux ( liste ). L’agglutination de l’article a donné son nom à Leyvaux (Cant.). En gascon, on trouve Bats (Landes) ainsi que Baigts (Landes) et Baigts-de-Béarn (P.-A.) avec la variante baith.

Les dérivés, par divers suffixes, sont là aussi très nombreux :
- suffixe -ata qui est à l’origine du « vallée » français: La Valla-en-Gier et La Valla-sur-Rochefort (Loire), La Vallée (Char.-Mar.), La Vallée-au-Blé (Aisne, cf. ce billet) et La Vallée-Mulatre (Aisne). L’agglutination de l’article a fourni Lavalade (Dord.) et Lavallée (Meuse) ;
- suffixe -itum : Vallet (L.-Atl.) ;
- suffixe –itta : Valette (Cant.), La Valette (Isère), La Valette-du-Var (Var) et, avec l’agglutination de l’article, Lavalette (Aude, H.-Gar., Hér.) ;
- suffixe -etum : Vallois (M.-et-M.) et Les Vallois (Vosges) ainsi que Sans-Vallois (Vosges, in summo devenu anson, ansan puis sans : « au-dessus de Vallois ») et Dommartin-lès-Vallois (Vosges) — notons que Levallois-Perret (H.-de-S.) doit ses deux noms à ses fondateurs ;
- suffixe -aria pour désigner une zone vallonnée: Valaire (L.-et-C.), Vallière (Creuse), Vallières (Aube, I.-et-L., etc.) ;
- suffixe -ar-etum : Vallerois-le-Bois et Vallerois-Lorioz (H.-Saône) ainsi que Valleroy (Doubs, H.-Marne, etc.) ;
- suffixe -ena : Valennes (Sarthe) ;
- suffixe -ina : Valines (Somme) ;
- suffixe -ica : Vallègue (H.-Gar.) et Vallica (H.-Corse) ;
- suffixe diminutif –ilis ou –icula : Valeille (Loire), Valailles (Eure), Valeilles (T.-et-G.), Vareilles (Creuse, S.-et-L., Yonne), Varilhes (Ariège) ainsi que Vazeilles-Limandre et Vazeilles-près-Saugues (H.-Loire) ;
- suffixe diminutif bas latin –icella : Vaucelles (Calv.), Vaucelles-et-Beffecourt (Aisne), Vauchelles (Oise et d’autres ), ;
- suffixe -ona : Vallon-en-Sully (Allier) et Vallon-sur-Gée (Sarthe) — notons que Vallon-Pont d’Arc (Ardèche), ancien Avalone, doit son nom au gaulois aballo, « pomme » ;
- suffixe -osa : Valouse (Drôme).

Vallis en composition
C’est utilisé dans la formation de mots composés que vallis a été le plus productif, le plus souvent en premier élément. On le retrouve :
■ avec un nom de personne, que ce soit le seigneur ou le propriétaire : Valframbert (Orne, germ. Frambert), Valmeinier (Sav., germ. Magin-hari), Vaucresson (H.-de-S., germ. Crisso), Le Val-David (Eure), Vauxbons (H.-M., germ. Bado), Laval-Atger (Loz., Atger nom de famille), Belbéraud (H.-G., Valleberaudi en 1267, « vallée de Béraud ») et bien d’autres ;
■ avec un nom géographique :
- rivière : Valbonnais (Isère, sur la Bonne), Val-d’Isère (Sav.), Valdrôme (Drôme), Valdurenque (Tarn, sur la Durenque), Valleraugue (Gard, sur l’Hérault), Vocance (Ardèche, sur la Cance), etc.
- région : Le Val-d’Ajol (Vosges), Valle-d’Alesani (H.-C.) ;
- village : Le Val-de-Gouhenans (H.-S.), Laval-d’Aix (Drôme), Vauchassis (Aube), Vaudesson (Aisne), Vauvenargues (B.-du-R., ancien village Veranicam du nom de personne latin Veranus et suffixe -icum), Valdeblore (Alpes-Mar. où Blore est l’ancien nom du lieu : in valle Blora en 1067), etc.
- règne végétal : Valderoure (Alpes-Mar., avec latin robur, « chêne rouvre ») et Val-des-Prés (H.-A.) ;
- mot topographique : Valgorge (Ardèche), Valmont (Mos., S.-Mar.), Valpuiseaux (Ess., « petit puits »), Valserres (H.-Alpes, avec serra, « hauteur allongée »), Valzergues (Av., id.), Vauchamps (Doubs, Marne), etc. Notons les tautologiques Vaulnaveys-le-Haut, Vaulnaveys-le-Bas (Isère), Vaunaveys-la-Rochette (Drôme) et l’ancien Vaunavès (Alpes-de-H.-P.) qui sont composés avec le pré-celtique nava, « vallée encaissée », et suffixe latin -ensem.

■ avec un appellatif à valeur religieuse : Valdampierre (Oise), Lavaudieu (H.-L.), Valdieu-Lutran (H.-Rhin), Vaudemange (Marne, Vallis Dominica en 1090), Le Val-Saint-Germain (Ess.), etc.
■ avec une épithète indiquant une production ou une présence remarquable : Valcabrère (H.-Gar., avec capra,« chèvre »), Valcivères (P.-de-D., avec caepa, « oignon »), Vallorcine (H.-Sav., avec ursina, « aux ours »), Orcival (P.-de-D., id.), Valvignères (Ardèche, Vallevinaria en 892 qui montre l’ancienneté de l’exploitation viticole en ce lieu), etc.
■ avec une épithète descriptive :
- latin aurea, « dorée », à valeur laudative soit pour la couleur de sa végétation soit pour sa richesse : Valaurie (Drôme), Vallauris (A.-Mar.), Valloire (Sav., Valle Aurea en 1038), etc.
- bella, « belle » : Valbelle (Alpes-de-H.-P.) et Beauval (Somme), Belval (Vosges) et avec l’adjectif au féminin Bellevaux (H.-Sav.) ainsi que la gasconne Bellebat (Gir.) ;
- bona, « bonne » : Valbonne (Alpes-Mar.), Bonneval (E.-et-L. et d’autres), Bonneveau (L.-et-C, ), etc ;
- clarum, « clair » : Vauclerc (Marne, Vallis Clara en 1218) et Clairavaux (Creuse), Clairvaux-les-Lacs (Drôme, etc.), Clerval (Doubs), etc.
- clusa, « close » : Vaucluse (Doubs), Fontaine-de-Vaucluse (Vauc.), Verclause (Drôme, Vallis Clausa en 1262) et le diminutif Vauclusotte (Doubs) ;
- crosum, « creux » : Valros (Hér., Valcros en 990) ;
- floridum, « fleuri » : Valfleury (Loire, Vallis florida en 1225) ;
- frigidum, « froid » : Vaufrey (Doubs) et le quartier de Vaufrèges ( vau frèja, « vallée froide ») de Marseille;
- grand qui était invariable en genre au Moyen Âge : Grandval (P.-de-D.), Grandvals (Loz.) et Grandvaux (Jura, S.-et-L.) ;
- ancien français grignos, grigneuse, « grognon, acariâtre» et « rude, violent » : Vaugrigneuse (Ess.) ;
- longue : Longueval (Somme) ;
- magna, « grande » : Valmanya (P.-O.) ;
- latin mala, « mauvaise », signalant le plus souvent un mauvais ensoleillement ou un mauvais drainage d’où une vallée humide : Malleval (Loire), Malleval-en-Vercors (Isère), Linard-Malval (Creuse) et le diminutif Malvalette (H.-L.) ; la gasconne Bethmale (Ariège, de Bat Mala en 1435) se range dans cette catégorie ;
- mascula, « mâle, rude » : Valmascle (Hér.) ;
- maurum, « sombre, noir » : Vaumort (Yonne, Vallis Maurus en 1129, ce serait la plus ancienne attestation de vau au masculin) ;
- occitan megièra, « de moitié, moyenne, médiocre » : Valmigère (Aude) ;
- privatum, « privé » sans doute au sens d’« isolé » : Valprivas (H.-L., vallis privata vers 990) ;
- profondus, « profond » : Parfondeval (Aisne, Profundo valles en 1340) ;
- regalis, « royal » : Vauréal (Val-d’Oise) ;
- torta, « tordue » : Vautorte (May.) et l’ancienne Torteval (Calv.) ;
- viridem, « vert » : Vauvert (Gard).


La devinette
Je vous propose de chercher le nom d’une commune française issu du latin vallis.
Mal compris au fil du temps, ce nom, en deux mots, ne dit plus aujourd’hui ce qu’il disait à l’origine, ce qui n’empêche pas ses habitants d’être fiers, voire de se hausser du col.
■ une image :

■ une autre :

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr

Bonus : Que font les clones de la Comtesse ?
Réponse : ˙ʇuǝɥɔos sǝuolɔ sǝl
Le titre de ce billet « sonne » très balzacien.
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Bien vu, Jacques C. ! Enfin un lecteur attentif!
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Ben moi aussi, Balzac m’était venu en tête un bref instant… tout en me disant qu’en version anglaise, ça allitérait joliment aussi : THE LILY OF THE VALLEY.
……
Dépité de constater que j’étais incapable d’extirper de ma mémoire le nom de l’héroïne, je me suis consolé avec une autre figure féminine, une qui allitère relativement avec VALLIS… c’est la WALLY avec sa chanson
grolandaisegroenlandaise :Ensuite – et Dieu seul sait pourquoi- j’ai dérivé jusqu’à Sochaux… possiblement à cause des « clones qui sochent » et des cloches que l’on sait fondre dans le Doubs…
Piteuse excursion…. mais allez donc savoir et où errer avec les « plaisanteries fines made in PACA » ?
Je m’y suis donc égaré.
De retour par chez moi, je suis alors inquiété de WELLES-PERENES (60 702), charmante localité de ma proximité, au toponyme curieux, formé de deux mots qui ne disent plus rien au public, même aux plus cinéphiles d’ycelui.
Wikipédia reste coi en cette affaire et à peine suis-je tombé sur un site qui propose « Welles means kifkif Vallis/Vallée».
Vu l’idée que je me fais d’une vallée, l’inscription de ce village dans un talweg digne de ce nom relèverait de l’hallucination.
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Mais tout ça, c’était avant et maintenant on me propose une Deudeuche maquillée comme une
star de cinéune gourdasse tunée.Les personnes âgées méritent-elles tant de cruauté infligée ? et que font la police et L214 quand on maltraite deux chevals innocents?
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Mais maintenant, lucky dudes, un moment de pure délectation morose, avec some kind de métaphysique pratique inside the landscape… ou quand la country-rock music oublie le convenu du Man in Black et s’aventure aux paysages inquiétants, façon les Monsu Desidero qui revisiteraient le Far West.
Johnny
MoneyCash et Calvin Russel avaient tous deux une sacrée putain de voix… mais, à tout prendre et en quelque transaction de crossroad, j’aurais sans hésiter signé pour celle de Calvin :https://greatsong.net/PAROLES-CALVIN-RUSSELL,VALLEY-FAR-BELOW,223756.html
Tout ça pour dire :
Que l’intro’ menée «drums & nappe au synthé», chez Calvin, est une merveille de simplicité opportune.
Que CALVIN (Jean) + RUSSELL (Bertrand), ça donne dans l’élévation… tant au théologique qu’au scientifique alors que JOHNNY + CASH ça fait parvenu gominé du capillaire et écornifleur chez la Carter Family.
Que, si j’avais eu du temps à perdre, maintenant et surtout dans les early seventies, m’aurait parfaitement convenu un bout de route en compagnie de délicieuses primates, Valérie L. et Bulle O. considérées en milieu jungle avec B.O concoctée in Hérouville .
Que me désolent les récents propos du sieur TRA quant à la Gréco, fraichement défunte à un âge aussi avancé que celui que ma mère a jugé bon pour faire ses adieux aux fourneaux.
Cette brave femme, je parle là de ma mère, savait tout de l’art du réchauffé, du plat mijoté depuis veille ou la surveille et que l’on sert à table à l’entière satisfaction de convives épatés.
Quand Juliette ressort un Déserteur de son congélateur, ça l’fait moins… et quand elle s’autorise une reprise de Je suis un soir d’été on sent bien que Brel ne méritait pas un tel réchauffé
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Welles-Perenes
En regardant du côté de Veules-les-Roses (S.-Mar.), on trouve écrit Wellas en 1025 puis Welles au XIVè siècle. E. Nègre donne comme étymologie le pluriel du saxon wella, « fontaine, cours d’eau ».
Perenes semble être issu d’un anthroponyme Perenesius (attesté notamment en Bretagne à Redon, Quimperlé, Quimper, etc. , mais bon, ils voyageaient aussi, ces gens-là…).
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Pas la peine que TRS me sonne les cloches.
Je ne dénigre pas Juliette G. : en un temps où elle avait encore sonné, elle était dans mon panthéon des pousseurs de chansonnettes honnêtes.
Sa version du « Déserteur » n’est peut-être pas la meilleure (en fait, dans ma jeunesse, je ne connaissais que celle de Boris Vian lui-même et celle de Léonard Cohen), mais j’ai toujours aimé bien des choses d’elles.
Et, pour faire encore monter l’ire des contempteurs de mes choix musicaux :
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Je suis, par ailleurs, étonné qu’il n’ait pas encore été question de Vallis et Futuna … (c’est là piteuse omission !)
Ni de la baudelairienne Jeanne Duval, dont on fait souvent la réunion avec les îles Mascareignes, bien qu’elle n’en soit pas forcément native.
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