Une fois de plus en manque d’inspiration, je poursuis mon exploration des blasons parlants avec quatre nouveaux exemples … et une devinette, bien sûr.
Claviers (Var)
D’azur aux deux clefs affrontées d’or, pendant en chevron d’un annelet d’argent en chef : le blason de cette commune varoise « parle » mieux par le latin claves (singulier clavis) que par le français, sans oublier qu’un des premiers sens de clavier est bien celui de « chaisne, ou cercle d’acier, ou d’argent servant à tenir des clefs ensemble » (Acad., 1694).
Les formes anciennes de Clavero (XIè siècle) et Claviers (dès 1179) montrent une étymologie selon l’ancien occitan clavièr, au sens de « clôture, enclos », qui pouvait être devenu un anthroponyme.
La Cadière-d’Azur (Var)
Le blason moderne de cette autre commune varoise est d’azur au tabouret d’or ; au chef cousu de gueules chargé d’un sautoir d’or selon Louis de Bresc (Armotial des communes de Provence, 2002) :
tandis que D’Hozier (Armorial général de France, 1696) donnait d’azur à la chaire de prédicateur d’or ; au chef cousu de gueules chargé d’un flanchis d’or :
Quoi qu’il en soit, ces armes ne sont parlantes qu’à travers l’occitan en référence aux formes anciennes du toponyme. Le nom le plus ancien connu date de 993 sous la forme Cathedra et est suivie de Cadera en 1047. E. Nègre (TGF*) voit dans ces noms l’occitan *cap d’ièra, « aire à battre le blé », restitué d’après capsòl, « aire à battre » (sòl ayant tendance à remplacer ièra) avec attraction de cadièra, « chaire » (du latin cathedra). J.Astor (DNFLM*) propose un dérivé de l’occitan cadenèda, « lieu riche en genévriers » (du latin catanus) avec, là aussi, attraction de cadièra.
La substitution d’un tabouret à une chaire de prédicateur reste, pour moi, mystérieuse, sauf à y voir la volonté de préserver une laïcité sans faille…
Éguilles (Bouches-du-Rhône)
Commune des Bouches-du-Rhône, Éguilles est blasonnée d’azur à trois aiguilles d’argent rangées en fasce, les deux des flancs le chas en chef, celle du milieu le chas en pointe, chacune surmontée d’une étoile du même.
Ce sont évidemment les trois aiguilles qui sont parlantes. Les formes anciennes sont : Aculia (1004), Agulia (1056), de castro Agullie (1092) et de Aguilla (1200). E. Nègre (TGF*) y voit un dérivé du nom d’homme latin Aquilius avec le suffixe féminin -a (sous-entendu villa ou terra) tandis que J.Astor (DNFLM*) préfère y voir un dérivé du latin aculeus, « piquant, mordant », ce qui ferait des aiguilles des armes parlantes étymologiques.
Gonesse (Val-d’Oise)
De gueules à la tour couverte en dôme d’argent, ouverte, ajourée et maçonnée de sable, accostée à dextre d’une gerbe de blé d’or et à senestre d’un gond enlacé de la lettre capitale S du même ; au chef cousu d’azur semé de fleurs de lis d’or : c’est ainsi qu’est décrit le blason de cette ville du Val-d’Oise.
Ces armes sont parlantes par le rébus gond + S (esse). La gerbe de blé et la tour, qui symbolise sans doute un four à pain, évoquent le fameux pain de Gonesse.
Les formes anciennes Gaunissa (862) puis granchia de Gonessa (1198) s’expliquent par le latin gallinacea (villa), « (ferme) aux poules » (TGF*), granche désignant en ancien français la carcasse du poulet.
*Les abréviations en gras suivies d’un astérisque renvoient à la bibliographie du blog, accessible par le lien en haut de la colonne de droite.
Les dessins de blasons sont issus du site l’Armorial des villes et villages de France, avec l’aimable autorisation de leur auteur, Daniel Juric.
La devinette
Je vous propose de chercher et d’éventuellement trouver le nom d’une commune de France métropolitaine. Comme La Cadière-d’Azur vue plus haut, cette commune possède un blason moderne différent du blason primitif.
Le blason d’aujourd’hui, purement descriptif, montre l’élément topographique qui a donné le nom masculin du bourg accompagné d’un végétal qu’on y cultive.
Le blason primitif était, lui, « parlant » : on n’y voyait qu’un outil de travailleur du bois dont le nom est homophone de celui du bourg au féminin.
Un indice ? Bon.
Réponse attendue chez leveto@sfr.fr