Ces mots désignent un gîte pour les bestiaux généralement situé en montagne. Parfois simple parc entouré d’une barrière de bois ou d’un mur de pierres sèches, il est le plus souvent couvert, incluant l’abri du berger : c’est alors une plus ou moins grande bergerie.
C’est le latin jacere, « être étendu », à l’origine de « gésir », « gisant » et « gîte » en français, qui a particulièrement prospéré en occitan, où le verbe jaçar, « gîter » a donné la forme féminine jaça (francisé en jasse) ou masculine jaç (français jas) pour désigner la place où l’on se couche et, par extension, le gîte et la bergerie. Jasse et jas ont désigné plus spécialement la bergerie construite à l’écart des fermes et hameaux, où l’on enfermait les troupeaux pour la nuit. Selon certains auteurs, le masculin aurait été appliqué plus précisément aux petites bergeries de montagne, utilisées de juin à octobre, le féminin étant plutôt réservé à la grande bergerie.
Ces noms ont fourni de nombreux toponymes des Pyrénées aux Alpes en passant par le Massif Central, en très grande majorité des noms de hameaux, écarts ou lieux-dits et très peu de noms de communes (puisque le jas était construit à l’écart du village existant, voire en montagne et alors non utilisé en permanence). Même si ces noms peuvent encore être vivants dans certains parlers locaux, le tourisme les a fait renaitre ailleurs, notamment en haute Provence, pour des gîtes ruraux ou des chambres d’hôte.
Comme souvent quand les toponymes sont très nombreux, je ne m’intéresserai qu’à ceux désignant des lieux habités.
Jas
Plusieurs communes portent un nom dérivé de jas, ce qui implique qu’un habitat conséquent, devenu hameau puis village ou ville, s’est bâti autour de la bergerie initiale.
C’est le cas avec certitude de Jas (Jaas en 1090) et de Jax, toutes deux en Haute-Loire.
La grande majorité des spécialistes s’accordent aujourd’hui pour voir dans le nom d’Ajaccio (Corse-du-Sud), attesté sous la forme adjectivale Adiacensis en 601, un latin tardif *ad-jacium, « gîte d’un animal ; parc d’animaux ». Ce nom est transcrit Adiazzo sur des cartes italiennes des XVIIè et XVIIIè siècles mais La Hiace sur une carte française de 1719, graphie plus proche de la prononciation corse malgré la mécoupure. La graphie Ajaccio ne s’imposera qu’au cours du XVIIè siècle.
Le nom de Gex (Ain) est un peu plus complexe à analyser, les formes anciennes semblant contradictoires. À partir d’une première forme de Gayo en 1124, certains ont émis l’hypothèse d’un nom d’homme latin, Gaius (DENLF*, DNL*) ou Cajaccius avec aphérèse (TGF*). La seconde forme Gaz en 1128 pourrait faire penser à un dérivé de vadum, « gué ». La troisième forme Gaix en 1137 est la forme romane du Gayo de 1124 qui se révèle être une latinisation qui ne peut pas être issue d’un Gaius ou Cajaccius dont les finales n’auraient pas pu évoluer en –z ou –x. Reste donc l’hypothèse d’un *jacium, « gîte d’un animal , parc d’animaux » : les attestations les plus anciennes sont une latinisation d’une forme gallo-romane Jais (attestée en 1267) qui évoluera en Jez (1293). On sait que, dans les sources médiévales latines, le g– devant –a est fréquemment utilisé à la place du j- étymologique. La formé définitive Gex est attestée à partir de 1559 (DNLF*).
Les micro-toponymes sont beaucoup plus nombreux (près de trois cents !), pour la plupart en Provence. on trouve un grand nombre de fort banals Le Jas, Grand Jas, Jas Neuf etc. Les autres sont déterminés le plus souvent par le nom de leur propriétaire comme le Jas du Moine à Salignac (A.-de-H.-P.), le Jas du Comte à Vidauban (Var), le Jas de Monsieur Henri à Ongles (A.-de-H.-P.), le Jas Durand, le Jas Caristin, le Jas de Carretier et le Jas du Tondu à Saint-Étienne-les-Orgues (A.-de-H.-P.), le Jas de Tyran à Montlaux (A.-de-H.-P.), etc. ou par une particularité remarquable comme le Jas Rouge à Roquefort-les-Pins (A.-M.), le Jas Blanc et le Jas d’Amour à Rognes (B.-du-R.), le Jas des Vaches à Peyrolles-en-Provence (B.-du-R.), le Jas en Tôle à Cruis (A.-de-H.-P.), le Jas Viel à Fontanes (Lot, « vieux »), le Jas Crémad au Barroux ( Vauc., « brûlé ; exposé au soleil »), le Jas des Pèlerins à Bédoin (Vauc.), etc.
On trouve un diminutif le Jasset à La Robine-sur-Galabre (A.-de-H.-P.).
De la Savoie aux Alpes-Maritimes, une forme dialectale gias a donné quelques noms de lieux non habités notamment autour de Tende (A.-M.) avec les Gias de Cardon, de l’Angelière, de Sainte-Marie, des Pasteurs, etc. Cette forme a aussi donné des toponymes côté italien notamment celui de la commune d’Ayas en Vallée d’Aoste, anciennement Eacia, Agacia, Ayeczo, Ayacio puis Aiaz, du latin tardif *ad-jacium comme Ajaccio.
Jasse
Cette forme féminine se retrouve principalement dans les toponymes des Dauphiné, Vivarais et Gévaudan. Une seule commune porte ce nom, au pluriel : Jasses (P.-A.), produit de la cristallisation urbaine autour d’une ferme proche d’une bergerie. Mais, comme pour les précédents, il s’agit avant tout de hameaux, écarts ou lieux dits dont le nombre explique l’usage de déterminants. Le nom du propriétaire est bien entendu souvent employé comme à la Jasse d’Albinet et la Jasse de Gineste à Cassagnes-Bégonhès (Av.), la Jasse d’Isnard à Aimargues (Gard), la Jasse du Prince à Peux-et-Couffouleux (Av.), la Jasse d’Audibert à Soulorgues (Gard), et bien d’autres. Quelques caractéristiques particulières sont aussi utilisées comme la Jasse Brûlée à Salon-de-Provence (B.-du-R.), la Jasse de la Borie à Soulorgues (Gard ; borie), la Jasse de Peyre Rouge à Chichilianne (Is. ; « pierre rouge »), etc. Les épithètes se retrouvent dans des noms comme les nombreux Jasse Neuve, Jasse Haute, Petite Jasse ou encore la Jasse Noire aux Saintes-Marie-de-la-Mer (B.-du-R.), la Jassenove sur le Larzac, non loin de Millau (Av.), la Belle Jasse à Chénérailles (Creuse), la Nouvelle Jasse de la Chau à à Gresse-en-Vercors (Is. ; chau du pré-indo-européen *cal, « rocher, endroit pierreux » d’où « terrasse ou pente pierreuse en montagne, souvent abritée du vent »), la Jasseplagne à Arvillard (Sav., « plane »), etc.
Jasse a produit le diminutif Jassette à Lunel, Montagnac, Vallaunès et Sérignan (Hér.) ainsi qu’à Moussac et La Roque-sur-Cèze (Gard).
Le collectif occitan jaçaria, « ensemble de bergeries », a fourni des noms principalement dans le Massif Central comme la Jasserie à Doizieux et Gumières (Loire), la Jasserie les Airelles à Saint-Anthelme (P.-du-D.), les Jasseries des Supeyres à Valcivières (id.), la Jasserie Saint-André à Saint-Just-Saint-Rambert (Loire). Notons que, dans cette région, le mot jasserie est encore vivant dans le langage courant.
L’étymologie du nom de Jasseron (Ain) n’est pas assurée. On trouve en 1084 le nom de la silva Jasseronis, dans lequel E. Nègre (TGF*) voit l’équivalent franco-provençal de l’occitan jassarié, « ensemble de bergeries, réunion de pasteurs » accompagné du suffixe diminutif –on, tandis que Dauzat & Rostaing (DENLF*) y voyaient un nom de personne dérivé de jas avec double suffixe –arius-onem.
*Les abréviations en majuscules grasses suivies d’un astérisque renvoient à la bibliographie du blog.
La devinette
Il vous faudra trouver le nom d’un lieu-dit de France métropolitaine lié au latin *jacium étudié dans le billet.
Le nom de la commune sur le territoire de laquelle se trouve ce lieu-dit est un hagiotoponyme déterminé par le nom de la rivière qui l’arrose.
Et voici quelques indices :
■ un tombeau :
■ un panneau :
■ et comme tout finit en chanson :
Réponse attendue chez leveto@sfr.fr
Bonjour M Leveto
Ah , la jasse , pour moi , ceci me rappellera toujours mes deux traversées du Vercors en ski de fond
Jasse de la Chau
Jasse du Play .
Je reviens sur le Pilat
42 PLANFOY 1 plateau des fées ??????????
2 fayards
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42 pays BOURGUISAN ( BOURG-ARGENTAL )
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42 La Déôme ou Deûme
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42 SAINT-HEAND sanctus EUGENDUS ??
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42 Menhir du FLAT à colombie ou Saint-Julien-molin
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bretagne
56 LAUZACH lauzac lauza lausa : lausa ? ou mot breton
56 BERRIG bro-wened
–80 MARQUIVILLIERS marka – villare ?
88 hadol
— Belgique wallonnie
FLEMALLE Fort de Flemalle
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c’est un festival sur ouiki , article sur le fort , avec en prime , multiples fautes de déclinaisonn
-fledismalacha / – fledismamalacha
– Salviae Fledimellae
– Flethiz – malhô ( dépression des sureaux ? )
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90 FELON matefledis ?
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07 LIMONY
1 pays de lumière pagus luminis
ou 2 Limus = boue , limon
Merci , bonne semaine
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Rappelons que le « lumen » (on dit aussi « lumière ») est l’espace intérieur d’un organe creux (l’intestin, par exemple).
Peut-on considérer que LUC, dont il fut question ici tout récemment, est un « pagus luminis » ?
[En tout cas, en ce qui concerne le Président Biden , on est fixé maintenant sur l’étendue de ses lumières …]
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Quelques belles photos de jas …
Ne ratez pas le diaporama (en prime : des drailles, des bories, des cairns et des souvenirs de Giono) :
https://sacha-unjourunephoto.blogspot.com/2015/11/les-bergeries-du-contadour-jas-des.html
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► lecteur
■ 42 PLANFOY 1 plateau des fées ??????????
2 fayards
Planfey en 1407 : du latin planum, « plat, uni », et fagetum, « hêtraie ».
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■ 42 pays BOURGUISAN ( BOURG-ARGENTAL )
♦ Bourg : du bas-latin d’origine germanique burgus, d’abord« château-fort » puis « groupe de maisons, village ».
♦ Argental : Argentaus en 844, du gallo-roman argentum suivi du suffixe gaulois -avu qui évoque la présence ancienne de mines argentifères, probablement du plomb argentifère.
♦ Bourguisan : sans surprise il s’agit d’un adjecti formé sur Bourg (*burgus-anum ). C’est aussi le gentilé de Bourg-Argental.
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■ 42 La Déôme ou Deûme
Deuma en 1060, sans doute du gaulois dubi « noir » : rivière à l’eau noire.
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■ 42 SAINT-HEAND sanctus EUGENDUS ??
eccl. S. Eugendi en 984. Il s’agit probablement d’Eugendus, abbé de Condat (aujourd’hui St-Claude, Jura) au VIè siècle. C’est le même nom que St-Gein (Landes), St-Oyen (Sav.) et St-Yan (S.-et-L.). En français d’ajourd’hui, saint Oyand.
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■ 42 Menhir du FLAT à colombie ou Saint-Julien-molin
Je vous renvoie à cette page consacrée audit « menhir » qui nous apprend entre autres que ce menhir n’en est pas un mais qu’il s’agit d’une aiguille de granit encore attachée au socle rocheux.
Je ne pense pas, en revanche, qu’il y ait un rapport avec Flat (P.-de-D.) qui était Flayat en 1373 et Flayacus en 1392, du nom d’homme roman Flavius et acum.
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bretagne
■ 56 LAUZACH lauzac lauza lausa : lausa ? ou mot breton
Lauza en 1387. Dauzat & Rostaing font l’hypothèse du breton louz, « blaireau », et acum.
Je ne crois pas que le gaulois lausa , qui est emprunté aux Ligures, ait été utilisé au nord de la Loire.
■ 56 BERRI
GC bro-wenedJe pense que vous vouliez écrire Berric.
Attesté Berry en 1433 : du nom d’homme gaulois Berrius et suffixe acum
■ –80 MARQUI(N)VILLIERS marka – villare ?
Je pense que vous vouliez écrire Marquinvilliers, du nom d’homme germanique Marchinus et latin villare, « ferme, domaine rural »
■ 88 hadol
Haidois au XIIè siècle, Hadoz en 1300 puis Haidolz au XIVè siècle, du nom d’homme germanique Haido et germanique holz, « bois », ou, plus simplement, du nom de personne germanique Haidolfus .
— Belgique wallonnie
■ FLEMALLE Fort de Flemalle
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c’est un festival sur ouiki , article sur le fort , avec en prime , multiples fautes de déclinaisonn
-fledismalacha / – fledismamalacha
– Salviae Fledimellae
– Flethiz – malhô ( dépression des sureaux ? )
L’article wiki dont vous parlez semble être en effet un grand fourre-tout. Il m’est impossible d’en vérifier toutes les références citées.
Quelques recherches rapides me permettent néanmoins de m’assurrer que l’ancien suffixe germanique -malho a donné -maal en flamand et -mal(le), mael , meau en wallon avec le sens de « dépression » (page 25)
Pour la première partie du nom, il semble qu’on ait le choix entre un nom de personne (soit un anthroponyme germanique féminin Fledis , soit Flad- ou encore Flois) ou le nom du « sureau » (qui se dit aujourd’hui vlier en flamand et Flieder en allemand du nord).
Selon certains auteurs, malho , « sac », aurait bien le sens topographique de « dépression » et serait le plus souvent accompagné d’un nom commun : un point pour le « sureau », donc.
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■ 90 FELON matefledis ?
Vurlon, Furlon en 1235-41, Foulon en 1565-1585 : du nom de personne germanqiue *Fordolo(n) (seul le féminin Fordola est attesté).
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■ 07 LIMONY
1 pays de lumière pagus luminis
ou 2 Limus = boue , limon
Limoniaco en 1186, de Lymonis en 1250, de Limanif en 1275, de Lymonins en 1311, de nouveau Lymoniaco en 1461 puis Limoni en 1617 : du nom de personne roman Limo(n) et suffixe acum.
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►TRA
Jolies photos ! Merci !
Ça m’a donné envie d’aller y refaire un tour … mais j’attendrai la belle saison.
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Un toponyme très présent en bas-languedoc, pays de garrigues et de drailles que mes ancêtres bergers empruntaient pour rallier les Cévennes et la Margeride.
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