Me voici arrivé presque au bout de mon exploration des édifices accueillant des religieux entamée avec les monastères et poursuivie avec les petits monastères puis avec les abbayes et les prieurés. Je me penche aujourd’hui sur d’autres types de bâtiments à vocation religieuse que sont les cloîtres et les couvents. Il me restera à étudier les premiers établissements monastiques, à savoir les celles et les ermitages, qui ont précédé aux débuts du christianisme les monastères et les abbayes.
Le cloître
Le latin claustrum, « enclos, enceinte », est à l’origine du français « cloître » et de l’ancien occitan claustre donnant les modernes clastre (n. masc.) et clastra (n. fém.), employés pour désigner un lieu de vie monastique, le plus souvent en milieu rural.
On trouve une vingtaine de Le Cloître, moins de cinq La Cloître ou Les Cloîtres. Ces noms sont particulièrement présents dans le Finistère. C’est d’ailleurs dans ce département que se trouvent les deux seules communes portant un tel nom : Le Cloître-Pleyben (anciennement Plebs Yben, du nom de saint Yben) et Le Cloître-Saint-Thégonnec.
Dans le domaine occitan, on l’a vu, une distinction s’est faite entre la forme masculine qui désigne proprement le cloître et la forme féminine qui, outre le cloître, peut désigner le presbytère (cf. le Trésor du Félibrige). On trouve une quinzaine de lieux-dits habités (La) Clastre, cinq (Les) Clastres et un seul Le Clastre (à Castelnau-Valence, Gard), auxquels on peut rajouter le hameau qui sert de déterminant à Piégros-la-Clastre (Drôme, Podium grossum en 1332 ; Le Cloistre en 1591).
Une variante (La) Clautre apparait en quelques exemplaires en Ardèche (à Lemps, Mauves …), dans la Drôme (à Saint-Donat), en Haute-Vienne (à Javerdat, Rochechouart, …), etc. La forme Claustre(s) qu’on rencontre à Clairac (L.-et-G.), à Bertigant (P.-de-D.) et à quelques autres exemplaires est encore plus rare tandis que la variante La Clostre n’apparait qu’à un seul exemplaire, à Chaniat (H.-L.).
Notons pour finir la commune de Clastres (Aisne, Clastris en 944 et Claustres en 1174) dont le nom est issu du bas latin clastrum, variante attestée de claustrum.
Le couvent
Le latin conventus, « assemblée, réunion » a été adopté par l’Église au sens d’« assemblée de moines, congrégation ». Par métonymie, convent puis couvent ont désigné le « lieu où vivent les membres d’une même confrérie religieuse ».
La forme la plus proche du latin étymologique se trouve dans quelques hameaux corses nommés Convento qui rappellent la présence d’un couvent, comme à Corbara (couvent fondé en 1430 par des Franciscains), à Belgodère (couvent du XVIè siècle aujourd’hui ruiné), à Talasani, Morosaglia, etc.
On trouve en France continentale des dizaines de lieux-dits Le Couvent, parfois qualifié d’Ancien, Grand ou Petit et quelques Pièce, Combe, Champ, Ferme, Mas, Étang, Rue, Bois du Couvent.
La grange
Parallèlement à son emploi agricole, grange a désigné au Moyen Âge un ancien établissement monastique destiné à rassembler les récoltes ; c’est là que les paysans allaient verser leur dîme en nature. Grange est un mot bourguignon qui a été propagé dans l’Europe entière par les moines de Citeaux (le vieux français avait granche, attesté dans des écrits médiévaux).
Évidemment, la plupart des toponymes de ce type ont le sens commun de grange, « lieu où on conserve le grain». Néanmoins, son emploi religieux est assuré, pour certains d’entre eux comme La Grange à Méasnes (Creuse, Grangia abbatiae en 1385), ancienne possession de l’abbaye d’Aubepierre, La Grange-Saint-Leu à Chantilly (Oise), La Grange-du-Prieuré à Leugny (Vienne), La Grange-des-Dîmes à Reugny ou à Thilouze (I.-et-L.) , La Grange-à-Dîmes à Belval ou Cavigny (Manche), La Grange à l’Abbé à Geneston (L.-A.), La Grange au Prieur à Champdeniers (D.-S.), La Grange aux Moines à Sévignac (C.-d’A.) et quelques autres.
Le nom de Granges (S.-et-L.) est certainement lié au prieuré et à la grange que les abbés de Saint-Martin d’Autun y avaient installés. Poiseul-la-Grange (C.-d’Or) était une dépendance de l’abbaye de Saint-Seine. Les autres communes comportant le mot grange dans leur nom mériteraient d’être étudiées une à une pour déterminer l’origine de cette grange.
La devinette
Il vous faudra trouver une commune de France métropolitaine dont le nom est lié à un des deux premiers mots du jour (ben oui, avec « grange », comme expliqué plus haut, ça aurait été compliqué) et qui n’a bien sûr pas été citée dans le billet.
La grande ville la plus proche porte un nom incluant celui de son fondateur.
■ un indice, pour la commune elle-même :
■ et une chanson, pour la grande ville la plus proche :
Réponse attendue chez leveto@sfr.fr
C’était inévitable, et si je ne le faisais pas, TRS s’en chargerait sans doute :
Il est ironique de penser que les toponymes La Grange se réfèrent initialement à des lieux religieux et même de retraite monastique, quand le plus célèbre d’entre eux en est arrivé à être connu par son bordel et ses filles de joie…
J’aimeJ’aime
Bonjour m Leveto
27 MOUETTES
60 COLAGNIES-LE-BAS ou les-bois
60 ANSAUVILLERS Oie ou ANSOALD
60 DOMELIERS Duamvillare ?
60 CRAPEAUMESNIL Crappo
61 BOCQUENCé
80 LAUCOURT laucurt , loccourt
14 GRIMBOSQ Grim(r) , grimo, grinius ?
14 OUFFIERES Offeriis 1096 passage de la rivière OUVE ? Ouve fière ?
76 Saint-michel d’ HALESCOURT Vallée d’Halescourt
MERCI , bonne semaine
J’aimeJ’aime
►Jacques C
ça me rappelle une discussion en décembre 2020 où, déjà, les zztop avaient été cités.
Ça fait toujours du bien !
J’aimeJ’aime
FASTOCHE !
Il est évident que la réponse est Poule-les-Écharmeaux, dans le Beaujolais.
En effet, les poules COUVENT !
Indices :
-la grande ville proche est Lyon, fondée par Richard Cœur de Lion, qui lui a laissé une partie de son propre nom ;
– le moine est frère Jean des Entommeures, personnage du Gargantua, qui attache autant d’importance au service du vin qu’au service divin (nous sommes dans le Beaujolais ! ) ;
– le bruant est un passereau : or le beaujolpif fait passer le goût de l’esu.
Q. E. D.
J’aimeJ’aime
Enquête rondement menée, TRA !
J’aimeJ’aime
►lecteur
■ 27 MOUETTES
Attesté Moeete en 1456, du latin movita, donnant l’oïl muete, moete , « groupe de chiens courants », qui a pris le sens de « pavillon de chasse, abri pour les chiens et les veneurs ». C’est le même nom que celui du quartier de La Muette à Paris.
■ 60 COLAGNIES-LE-BAS ou les-bois
La terminaison en -ies est, dans cette région, le résultat du suffixe latin -iacum au féminin pluriel -iacas , sous-entendu terras.
Colagnies-les-Bois est d’abord attesté Coligny des Bois (1667) puis Colagnies du Bois (XVIIe). Comme pour les Coligny (Ain, Marne), Colligny (Mos.) ou Colognac (Gard), on y voit le nom d’homme latin Colonius et, donc, le suffixe -iacas. Le nom Collanius n’est cependant pas exclu : il a pu y avoir confusion entre les deux.
Colagnies-le-Bas : Colegnies en 1226, de même étymologie
■ 60 ANSAUVILLERS Oie ou ANSOALD
Ansoaldvillare en 766. Vraisemblablement du nom d’homme germanique Ansoald et latin villare
■ 60 DOMELIERS Duamvillare ?
Les formes les plus anciennes, Dommerez en 1142 et Domeliers en 1150 ne nous aident pas beaucoup. On s’accorde pourtant pour voir dans ce nom le latin domnus , « saint », et Hilarius , Hilaire. Saint Hilaire (vers 315-367) fut évêque de Poitiers où il accueillit saint Martin. Les rois francs favorisèrent le culte conjoint de ces deux saints et la dédicace est assurément plus ancienne que les premières attestations. Le -s final de Domeliers est adventice mais non étymologique.
Déjà, le 8 décembre 2020 :
■ 60 CRAPEAUMESNIL Crappo
Crapoutmesnil en 1201 : du nom d’homme germanique Crappo (D&R) ou Griboldus (E. Nègre) et latin mansionile donnant mesnil , « ferme ou maison rurale ».
■ 61 BOCQUENCé
Attesté Balcantia en 900 puis Balchencei en 1050. On peut voir dans le premier nom celui d’un nom de personne germanique Baldegontia (E. Nègre) ou d’un homme gaulois Balcantia (D&R) (mais les anthroponymes gaulois sont rarement employés seuls sans suffixe contrairement aux germaniques). Dans les deux cas, ce nom de personne sera plus tard accompagné du suffixe acum donnant la finale -é
■ 80 LAUCOURT laucurt , loccourt
Attesté Loocourt en 1165, du nom d’homme germanique Lodo et latin cortem, « domaine rural ».
■ 14 GRIMBOSQ Grim(r) , grimo, grinius ?
Attesté Grimbost en 1356 du nom d’homme germanique Grimo et bas latin boscus, « bois »
■ 14 OUFFIERES Offeriis 1096 passage de la rivière OUVE ? Ouve fière ?
Le Dictionnaire topographique du Calvados (Célestin Hippeau, 1883) donne les formes anciennes suivantes : Ouferiœ (1096) ; Olferes, Olfers (xie siècle) ; Offeriœ (1210) ; Ouphières (1228) ; Ouffiervilla (1277) ; Oufières (1387) ; Parochia Sancti Laudi de Oufferiis (1417) ; Ofiere (1716) ; Ouffiers (1745)
Aucune explication convaincante de ce nom n’a été donnée (D&R, E. Nègre et les autres font l’impasse…).
J’ai bien déniché le texte qui donne « passage de la rivière » pour ouve-fière , mais il ne donne aucun argument pour étayer cette hypothèse.
Quant à la rivière Ouve, elle ne passe pas à Ouffières.
■ 76 Saint-michel d’ HALESCOURT Vallée d’Halescourt
Le hameau est attesté Halacort (1292) puis Halescourt (1321) .
Une certitude : en Normandie, les noms en –court sont antérieurs à l’arrivée des Vikings et donc au Xè siècle : ils sont donc formés sur des noms franciques. Reste à trouver lequel. Malheureusement, aucun de mes dicos ne m’aide (même pas E. Nègre, pourtant « obsédé » par les anthroponymes germaniques !)
Je me lance en proposant le nom de femme germanique, Adalhaid (de adal , « noble » et haid, « lande »), dont la forme savante est Adélaïde et qui a donné les patronymes bien connus Allais, Alais et aussi Hallais particulièrement présents en Normandie. Le nom Adalhaid n’aurait-il pas pu passer à Hala ?
J’aimeJ’aime