Comme promis, voici un nouveau chapitre de la série consacrée aux édifices accueillant des religieux et des religieuses (pour mémoire : chap. I, chap. II, chap. III et chap. IV). Il s’agira aujourd’hui d’étudier les toponymes dérivés de cella/celle.
Dans l’Antiquité latine, le terme cella (du latin celare, « cacher ») désignait le grenier, la resserre, le cellier. Le sens s’est ensuite élargi à celui de « réduit du pauvre », chambre sans confort des riches demeures où le maître des lieux se retirait pour méditer. Par la suite, on désigna de ce nom l’édifice de retraite pour ermite en rase campagne. Le mot désignera enfin, surtout au pluriel, un petit monastère, une maison où quelques moines étaient chargés de veiller à la gestion du temporel dans un territoire éloigné de l’abbaye-mère. Parallèlement, le latin médiéval du IXè siècle finit par donner le nom de cella à une église, parfois une simple chapelle, attachée à un monastère, tandis que, dans certaines régions, celle pouvait avoir gardé le sens d’habitation pauvre et isolée pour une personne de condition servile. Dans le sens religieux, le terme celle sera progressivement abandonné au profit de monastère : il n’en reste plus que les témoignages toponymiques.
On l’a compris, il n’est pas facile de distinguer, parmi les toponymes en celle, ceux qui désignaient un ermitage ou un monastère, de ceux qui désignaient une simple chapelle ou même une masure isolée. Sans mention expresse dans l’histoire locale, seuls le pluriel ou la présence d’un déterminant explicite peuvent faciliter la tâche.
Les toponymes qui découlent du mot celle sont très nombreux et il ne sera pas question de tous les citer, mais seulement de décrire les différentes formes sous lesquelles on les trouve, accompagnées d’exemples. Les noms de lieux-dits, on s’en doute, sont encore plus nombreux, mais je ne m’y attarderai pas, sauf pour quelques noms particulièrement intéressants.
Celle employé seul
Quatre communes portent le nom La Celle (Allier, Cher, P.-de-D., Var) auxquelles on peut joindre la landaise Cère (avec le passage habituel en gascon du l intervocalique à r). Notons pour être tout à fait rigoureux que la varoise La Celle pose un problème dans la mesure où après la forme Cella de 528 apparaissent des formes Artacella (1160) et Arcella (1182, etc.) qu’on explique mal sauf par un hypothétique arcta cella, « étroite cellule » (TGF*).
Le pluriel, avec le sens assuré de monastère donc, apparait dans les noms de Celles (Ariège, Ch.-Mar., Dord., Hér.).
Enfin, l’agglutination de l’article a abouti aux noms de Lacelle (Corr.), de Lalacelle (Orne ; Cella au IXè siècle puis Lacella en 1200, le redoublement de l’article étant dû à une erreur de copiste quand le sens du toponyme n’a plus été compris) et de Lachelle (Oise). Avec une hésitation sur l’orthographe on trouve Lascelle (Cant.), tandis qu’avec une hésitation sur le genre ou le nombre apparaissent Lecelles (Nord, Cella en 1143-63), Léchelle (P.-de-C., La Celle en 1284) et Leschelle (Aisne).
Celle employé avec un déterminant
On ne sera pas étonné que, devant l’abondance des lieux où s’élevait une celle, on ait utilisé un déterminant pour les différencier :
♦ le nom de la localité voisine : rien de surprenant à ce qu’on accole au nom du monastère celui de la ville dont il dépendait comme pour La Celle-Dunoise (Cr., qui appartenait à Dun-le-Palleteau), La Celle-Saint-Cloud (Yv.), La Celle-Condé (Cher), La Celle-sous-Chantemerle (Marne), La Celle-sous-Gouzon (Creuse), La Celle-les-Bordes (Yv., Bordes, « les cabanes », nom du hameau originel) et Celles-lès-Condé (Aisne).
♦ un nom de personne, généralement celui du seigneur : c’est le cas de Cellefrouin (Char., Cellam Fruinensem en 1025-28 du germanique Frodowin) et de La Celle-Guenand (I.-et-L., du germanique Waning).
♦ un nom de saint : La Celle-Saint-Avant (I.-et-L.) et La Celle-Saint-Cyr (Yonne).
♦ un nom de rivière : La Celle-sur-Loire (Nièvre), La Celle-sur-Nièvre (Nièvre), La Celle-sur-Morin (S.-et-M.) et Vernou-La-Celle-sur-Seine (S.-et-M.) ainsi qu’au pluriel Celles-sur-Aisne (Aisne), Celles-sur-Ource (Aube) et Celles-sur-Plaine (Vosges).
♦ autres : Chelles-Debat (H.-Pyr., « d’en bas ») et Chelle-Spou (id., avec le gascon espond, « talus faisant limite ») à distinguer des Chelles (S.-et-M., Oise), attestés Cala à l’époque mérovingienne, du bas latin *cala, « abri sous roche, maison ».
Diminutifs de Celle
Les noms issus du diminutif latin cellula sont peu apparents sauf à en connaître les formes anciennes : Celles-sur-Belle (D.-Sèv., Cellula vers 1031), La Celle-sous-Moret (S.-et-M., Cellula vers 1350), La Celle-sur-Loire (Nièvre, Cellula vers 849) et La Celle-Lévescault (Vienne, Episcopalis cellula, « de l’évêque »). Seul le nom de l’ancienne Cellule (P.-de-D., Cellolio en 1230, La Cellaule en 1401), aujourd’hui dans Chambaron-sur-Morge laisse voir son étymologie, sauf à imaginer un *Celloialum, de cella et du gaulois ialo, « clairière, champ ».
Les dérivés du diminutif cellita sont plus faciles à identifier comme pour La Celette (Cher), La Cellette (Creuse, P.-de-D.) et Cellettes (Char., L.-et-C.). Notons que ce diminutif roman cellette a sans doute été employé pour différencier ces localités, qui devaient être à l’origine de simples Celle, de communes voisines homonymes plus importantes : il ne s’agissait probablement pas de « petite cella », comme cellula, mais plutôt de « Celle-la-Petite », comme pour Cellettes (Char.) comparée à Cellefrouin, La Cellette (P.-de-D) comparée à La Celle, etc.
Au locatif pluriel cellis
Avec le sens d’« aux ermitages », le locatif pluriel cellis est à l’origine des noms de Céaux (Manche, Celsis en 1060), Céaux-d’Allègre (H.-L.), Ceaux-en-Couhé (Vienne) et Ceaux-en-Loudun (Vienne). Les noms de Sceaux (Ess., Celsiacus en 1112, apud Cellas vers 1120, Ceaux en 1236, de Cellis en 1352 : d’abord cellis , « aux ermitages », devenu *cels puis *ceux et enfin Ceaux ; la forme Celsiacus est une fausse latinisation de *cels auquel on a ajouté –iacus), Sceaux (Yonne) et Sceaux-sur-Huisne (Sarthe) sont eux aussi issus de ce même cellis mais leur orthographe a subi l’attraction du français « sceau ».
Le nom de Chenonceaux (I.-et-L.) est formé de cellis précédé de l’adjectif latin ablatif pluriel canonicis, « conformes aux règles, canoniques » (TGF*). Celui de Champtoceaux (commune aujourd’hui intégrée dans Orée-d’Anjou, M.-et-L.), attesté Sellensim castrum au VIè siècle, Sellis au VIIè siècle, Sels au VIIIè siècle, de Castello Celso en 1061 puis Chastoceaux à la fin du XIVè siècle, semble avoir d’abord été un cell-ense castellum , « village fortifié pourvu de cellules, d’un monastère », puis castellum cellis, « aux cellules, au monastère du village fortifié » (TGF*) ou bien il s’agit tout simplement d’un composé de castellum et de l’ancien nom de la ville Sels (DENLF*) ; dans les deux cas il y a eu l’attraction de « champ ».
Celle en composition
Le composé le plus productif a été formé avec le latin nova, « neuve », pour désigner un nouveau sanctuaire, ermitage, monastère … C’est ainsi qu’on explique les noms de Naucelle (Av., Nova Cella en 1174), Naucelles (Cant.), Navacelles (Gard, Nova Cella en 1384) et Saint-Maurice-Navacelles (Hér.), Novacelles (P.-de-D.), Neuvecelle (H.-Sav.), Niozelles (A.-de-H.-P., Nuacelles en 1030). Le nom de Neufchelles (Oise), d’abord Nova Casa en 1247 a été formé par substitution de cella à casa, « maison ». Le quartier de Celleneuve à Montpellier (Hér.) complète la liste.
D’autres composés ont été formés comme Nampcelles-la-Cour (Aisne), attesté Nancele en 1162 avec le gaulois nantos, « vallée », Auxelles-Haut et Auxelles-Bas (T.de-B.) d’abord attesté Aucelle en 1282 avec alta, « haute », puis séparation de la commune en deux d’où « haut » et « bas » avec masculinisation d’Auxelle et –s adventice, et enfin Viricelles (Loire) du latin veterem, « vieille », et là encore –s adventice. Plutôt que de cellules monastiques, les Vincelles (Jura, Marne, S.-et-L.Yonne, ) étaient pourvues de celliers où on entreposait le vin, vini cella (à moins qu’il ne s’agisse de « petite vigne »).
Ah ! Faire la dent d’Oche à l’eau d’Évian !
Avec S- initial : Selle
Plusieurs communes portent un nom dérivé du latin cella mais orthographié avec un S– initial qu’il faudra se garder de confondre avec leurs homonymes issus du germanique seli, allemand Saal, « chambre, château ». Ce sont La Selle (S.-et-L., la Cella au XIè siècle), La Selle-sur-le-Bied (Loiret), La Selle-Craonnaise (May.), La Selle-la-Forge (Orne), La Selle-Guerchaise (I.-et-V.), La Selle-en-Hermoy (Loiret) et La Selle-en-Luitré (I.-et-V.). En pays gascon, avec le passage de l à r, on trouve Sère (Gers)
Le pluriel apparait dans Selles (Eure, Sellas en 1034 ; H.-Saône, Celles en 1230), Selles-sur-Cher (L.-et-C., Celam en 1200), Selles-sur-Nahon (Indre) et Selles-Saint-Denis (L.-et-C., Celle Sancti Dionisii en 1327).
Ah ! Acheter très cher un cheval, le seller … mais ne pas en faire tout un fromage !
En Alsace
Une petite place particulière pour les alsaciennes Zellenberg (H.-Rhin, Cellanberghe au IXè siècle) et Zellwiller (B.-Rhin) formés sur le latin cella, allemand Zell, « monastère », et berg, « montagne », pour le premier, et villare, « ferme », pour le second.
Le nom de Lautenbachzell (B.-Rhin), attesté Lutenbach Cell en 1335, est formé sur le nom d’homme germanique Luto accompagné du germanique bach, « ruisseau », et du latin cella : c’était « le monastère au bord du ruisseau de Luto ».
Je n’ai pas pu m’en empêcher, mais je crois bien avoir été exhaustif pour les noms de communes. Et si c’est tout pour aujourd’hui … nous n’en avons pas encore fini avec ces édifices accueillant des religieux : il nous faudra encore voir les ermitages et autres habitations et aussi faire un tour en Bretagne !
*Les abréviations en gras suivies d’un astérisque renvoient à la bibliographie du blog, accessible par le lien en haut de la colonne de droite.
La devinette
Il vous faudra trouver le nom d’un lieu-dit de France métropolitaine lié au mot du jour.
Il s’agit de l’emplacement d’un prieuré (appelé cella à l’époque) fondé au IXè siècle par l’abbé d’une abbaye située à 26 km de là, mais dans un autre département. Il ne reste plus aujourd’hui de ce bâtiment que le nom qui, associé à celui de l’abbé, forme celui du lieu-dit.
La commune (C1) où se trouve ce lieu-dit porte un nom sujet à discussion : pour les uns il s’agit d’un dérivé d’un mot celtique désignant un éperon rocheux près d’un cours d’eau, pour les autres d’un dérivé d’un mot germanique désignant un pont.
La commune (C2) où se trouve l’abbaye-mère porte le nom d’une tribu gauloise. Son église porte le nom du saint fondateur de l’abbaye.
■ un indice pour C1 :
■ un deuxième indice pour C1 :
■ un indice pour C2 :
Réponse attendue chez leveto@sfr.fr
Bonjour M Leveto
voici ma liste de toponymes, en partie alpins , & en partie normands.
74 à samoens
la tête de BOSTAN ou BOSSETAN
et le lac de la VOGEALLE
74 le massif du GIFFRE
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74 à sixt-fer-à-cheval
le mont BUET
ou mont blanc des dames
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73 sainte-foy-tarentaise
les pointes
d’ARCHEBOC
d’ORMELUNE
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73 le roc de BASSAGNE
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Valgaudemar le pas de l’OLAN
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05 à freissinières
le hameau de DORMILLOUSE
http://www.vallouimages.com/toponymie/freissinieres/cd.htm
le GRAND PINIER ou pic brun
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76 BIHOREL bihorellum
60 SARNOIS cernois ? CERN
60 LHERAULE
61 LA ROUGE
27 L’HABIT : habitat ?
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2 le LIVRADOIS
1° légende du liberatus ab aquis
2° celte LIVAD espace soumis aux inondations ?
3° ?
merci beaucoup.
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M Leveto
petite question pour navacelles
j’avais lu que le nava venait de NAU ( lien avec nanto & nauda , gaulois ) ?
qu’en est-il ?
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https://www.etymologie-occitane.fr/2011/09/naut/
Lien oublié
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►lecteur
D’après l’ensemble de ses formes anciennes, Navacelles, nom du hameau du Gard (in valle Virenche que vocant Nova Cella, en 1005), est à considérer comme les noms de Naucelles (Av., Cant.) et Novacelles (P.-de-D.) qui sont des nova cella dans l’ordre épithète + nom.
La situation de ce hameau au fond de son immense cirque creusé par la Vis, a entrainé l’hypothèse du gaulois nava (dépression du sol, creux de terrain entre deux montagnes) en composition avec cella (F. R. Hamelin Noms de lieux de l’Hérault). Néanmoins, l’argument principal avancé, en l’occurrence que l’ordre épithète+nom est peu courant avec cella est battu en brèche par les noms de Naucelles et Novacelles. Quant à l’argument selon lequel nau, nava aurait été inconnu en Languedoc comme variante de nòu, nòva, « neuf, neuve », il ne tient pas devant les noms de Castelnau ou de Masnau, ni devant celui de Naucelles pour lequel on constate une « masculinisation » de nava en nau par réduction phonétique due à la composition.
[Argumentation reprise du Dictionnaire des noms de familles et noms de lieux du Midi de la France de Jacques Astor)
PS vous me parlez, dans votre liste de topos à étudier; du Livradois précédé du chiffre 2
Que signifie ce chiffre 2 ? Je ne connais qu’un Livradois, dans le Puy-de-Dôme – mais pas dans l’Aisne.
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Que signifie ce chiffre 2
probable lapsus clavis !
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« Et quant de pres s’entraprochierent
Li uns sor l’autre deschargerent
Aussiment com pour tout confondre
Des lances oïssiez respondre
Les grans escrois et les grant glas
Et les tronsons et les esclas
Volent amont devers les nues
Et les testes demorent nues
Si c’on lez pot de plain veoir
Qui lez cognut si pot savoir
Qui fut Miles qui fut Ferris
Se de son sen ne fu maris »
… de même suis resté devant l’énigme…
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Ce que là on vit n’estoit point oeuvre de pucelles !
[ Elle est peut-être macho, mais elle n’est pas sale, mon idée ! ]
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► lecteur
■ 74 à samoens
♦ la tête de BOSTAN ou BOSSETAN
Bostan (qu’on voit aussi écrit Bossetan) serait composé de *tan, dérivé du celte *tnou [avec un a épenthétique], « vallée », et bos, dérivé du gaulois bovi, « vache ». Ce terme d’économie pastorale désignerait donc un vallon à vaches. Les géologues parlent d’ailleurs du vallon de Bossetan. Source : Voyage en Val d’Illiez (Valais, Suisse) : itinéraire d’un randonneur naturaliste de Daniel Vallauri et Pierre Jay).
Discussion :
Pour la racine celtique *tnou , déjà mentionnée par Arbois de Jubainville en 1886 ( page 695, reportez-vous à cette page .
Mais malheureusement, je ne trouve pas cette racine, ni aucun mot apparenté, dans le dictionnaire de la langue gauloise de X. Delamarre.
Si j’ai bien compris, il s’agit d’une des hypothèses émises par F. Falc’hun dans les années 1960 qui essayait de démontrer que beaucoup de toponymes étaient d’origine gauloise plutôt que latine. Si une partie de sa démonstration est aujourd’hui plus ou moins acceptée, tout n’en est pourtant pas gardé, notamment ce * tnou ou *tan — sauf pour certains lieux bretons.
Mais je n’ai pas d’autre hypothèse à formuler.
♦ et le lac de la VOGEALLE
Vogealle (ou vouzala, vouzaille ) est une variante, avec mutation du d en j, de vaudalle , « vallon ». Ces mots sont issus de l’ancien français vaucele, lui-même du latin vallicella, vallicula , « petite vallée ».
■ 74 le massif du GIFFRE
Le Giffre est un torrent affluent de la rive droite de l´Arve (Faucigny), dont le nom serait une forme régionale de gypsière , « carrière de gypse ». On peut aussi penser à l´ancien français chiffre, chifre , « décombres », qui pourrait passer à Giffre par sonorisation du ch en j. Pour Pégorier, qui ne se mouille pas (ahah), giffre signifie « torrent ».
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■ 74 à sixt-fer-à-cheval
le mont BUET
ou mont blanc des dames
Le Buet est le nom d’un hameau, comme souvent monté au sommet.
Il s’agit d’un bois , de l’ancien français boix, bos, bosc, bou, bousc, box, boz, bouz, issus par le roman bosc et le bas latin boscus, boxus, du germanique *bôkô, « petit bois ».
■ 73 sainte-foy-tarentaise
les pointes
♦ d’ARCHEBOC
ce nom est composé de l’ancien français arche , « sommet », ou du patois arsi , « coffre » et, métaphoriquement, « creux de terrain », et de boc qui désigne non seulement le mâle de la chèvre, mais aussi le chamois mâle, du latin médiéval buccus issu du gaulois *bucco, de même sens.
♦ d’ORMELUNE
appelé aussi Ormeleura côté italien. On trouve au XIXè siècle la graphie Armelune.
L’étymologie est mystérieuse.
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■ 73 le roc de BASSAGNE
Le hameau La Bassagne, aujourd’hui inhabité, est attesté Albassania en 1060, soit probablement albe sagne : marécage, terre humide, boueuse (gaulois sagna) blanchâtre (gaulois alba)
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■ Valgaudemar le pas de l’OLAN
Question à laquelle j’ai déjà répondu le 04 mai 2021 :
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■ 05 à freissinières
♦ le hameau de DORMILLOUSE
Attesté Dormillosa en 1401 et Dormillouse en 1789
On trouve un autre Dormillouse à Val-des-Prés, attesté Montanea Dormillosa (1347) puis Serrum Domilhosium (1410)
Il s’agit sans doute d’une référence à la marmotte, parfois appelée dormilhosa en provençal (« la dormeuse, celle qui aime dormir »). On peut aussi penser au loir, appelé garri-dormilhòs .ou garri-dourmihous (TDF)
http://www.vallouimages.com/toponymie/freissinieres/cd.htm
Attention ! Je vais être long !
L’explication par des racines oronymiques pré-indo-européennes *dor et *mel serait convaincante mais :
— *dor n’est pas attesté comme racine oronymique pré-indo-européenne. On connaît en revanche une variante *dor de la racine hydronymique *dur qui a donné son nom à la Dordogne ou à la Dore.
— mel , qui a donné le celtique mello-, « montagne », n’est pas connu en composition, et ne semble pas avoir donné de variante en *mil.
— les racines pré-indo-européennes sont en très grande majorité utilisées seules accompagnées d’un suffixe et ne sont très généralement jamais associées. (et quand j’écris « très grande majorité » ou « très généralement », c’est pour ne pas écrire « à 100 % », on ne sait jamais). Les rares compositions que l’on connaisse le sont avec un appellatif celtique tel que briga ou ialo
— les suffixes sont soit pré-celtiques, soit celtiques, parmi lesquels ne figurent pas osa. Les seuls rares suffixes latins que l’on trouve associés à une racine pré-indo-européenne sont aceu, ale, ellu/ella, etu, ittu et one . (Ben oui, y a des mecs, ils ont pensé à étudier tout ça, par exemple Jacques Asor, cf. ma bibliographie)
— le suffixe latin osa (donnant « -euse » en français, -ouse en occitan), est un suffixe adjectival indiquant la qualité et s’applique, parfois avec un sens collectif, à des végétaux (Espinouse), des lieux rocailleux (Peyrouse) ou des animaux (Couloubroux … et pourquoi pas Dormilhouse, notamment pour la Montanea Dormillosa , « montagne où abondent les marmottes »). On ne comprend pas bien le sens qu’aurait dans ce cas un *dor-mel-osa .
Tous ces arguments sont issus de chez J. Astor (cf. plus haut), Ch. Rostaing( Essai sur la toponymie provençale ) et B. et J.-J. Fénié (cf ma bibliographie).
Enfin, si dormilhosa n’est pas attesté dans les Alpes avec le sens de marmotte, rien ne permet d’exclure l’utilisation d’un adjectif la qualifiant affectueusement et plaisamment de « bonne dormeuse »
Pour finir, je vous cite Roger Brunet ( Trésor du terroir) : « La marmotte est nommée dormillouse dans les Alpes du Sud, ce qui donne dix noms de lieux, assortis de précisions comme Crête,Tête, Pointe, Plane, Pic, Col des Dormillouses, plus trois lieux-dits Les Dormillouses dont un hameau à Freissinières et un Dormilleuse à Authon (H.-A.) ».
Sur le même modèle, on trouve Darbounouse (une prairie de La Chapelle-en-Vercors) avec l’occitan darbon, « taupe ».
♦ le GRAND PINIER ou pic brun
Pinier est l’équivalent de pinède, grande forêt de pins. Mais le Grand Pinier, comme la Pointe Pinier, qui culminent tous les deux à plus de 3000m, ne peuvent que dominer de toute leur stature des lieux de forêts (de pins ou d’autres conifères).
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■ 76 BIHOREL bihorellum
Dauzat & Rostaing voient dans ce nom l’ancien français buhorel, bihorel, « héron nocturne »,, peut-être employé comme nom de personne.
E. Nègre préfère y voir un diminutif de l’oïl bohort, beort , « tournoi », avec le sens de « champ de tournoi ». Il remarque qu’il existe 8 autres Bihorel en S.-Mar.
■ 60 SARNOIS cernois ? CERN
Parmi les formes anciennes connues, on retiendra : Sarnetum (1136) ; Sarneium (1136) ; Sarnoi (1180) ; Sarnois (1840), à rapprocher des noms de Cernoy (Loiret, Oise), de Cernois, un hameau à Vic-de-Chassenay (C.-d’Or) et de Cernay (Yv.) qui sont aussi d’anciens Sarnetum (en 768 pour Cernay). Ces noms sont tous issus du latin acernetum , « plantation d’érables », avec aphérèse du a.
■ 60 LHERAULE
attesté Arabla en 1143 et de Erablio en 1147, de l’article le et latin acer arbor , « érable ».
■ 61 LA ROUGE
Du latin rubeus appliqué ici sans doute à une maison, ou plutôt à une auberge que l’on peignait traditionnellement en rouge au Moyen Âge.
■ 27 L’HABIT : habitat ?
Attesté Habitus au Moyen-Âge : habitation d’ermite. Pour plus d’infos, attendre mon prochain billet !
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■ 2 le LIVRADOIS
1° légende du liberatus ab aquis
2° celte LIVAD espace soumis aux inondations ?
3° ?
J’ai déjà parlé du Livradois lors de la résolution de cette devinette
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Bihorel
Bihoreau serait de la même origine que Butor
Sans doute d’un lat. vulg. *buti-taurus, composé du rad. de butio « butor » et de taurus « taureau ». Pline signale qu’à Arles, on appelait le butor taurus, à cause de son cri rappelant le mugissement des bœufs ou des taureaux.
Bihoreau serait probablement un diminutif. du m. fr. buor(t) « butor », terme de l’Ouest
buor(t) représenterait le résultat d’un amuïssement tardif de i entraînant la chute des deux t intervocaliques.
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Merci pour ces précisions, jsp !
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