En toponymie, le vieux est moins présent que le neuf. Néanmoins, on relève de tels noms sous différentes formes issues de plusieurs langues, du gaulois seno au français vieux, en passant par le latin vetulus et des formes bretonnes, basques, alsaciennes, corses, etc.
Je m’intéresse aujourd’hui à l’adjectif « vieux » et à ses variantes, réservant les autres formes pour un ou plusieurs autres billets.
Le latin classique vetullus, diminutif de vetus, veteris, a donné, par disparition du premier u bref, la forme vetlus altérée en veclus d’où est issu notre adjectif « vieux ». Cet adjectif apparait sous différentes dans le nom de plus d’une soixantaine de communes :
♦ les masculins : Vieux-Bourg et Fresney-le-Vieux (Calv.), Le Vieux-Bourg, Le Vieux-Marché et Saint-Gilles-Vieux-Marché (C.-d’A.), Vieux-Pont et Saint-Germain-le-Vieux (Orne), Saint-Jean-le-Vieux (Ain, Isère, Pyr.-Atl.), Saint-Pierre-le-Vieux (Vendée), Savigny-le-Vieux (Manche), Vieux-Boucau-les-Bains (Landes), Vieux-Moulin (Oise, Vosges), Vieux-Port (Eure, était un Portus tutus en 1147, avec latin tutus, « sûr », avant de vieillir Vetus Portus au XIIIè siècle), Vieux-Champagne et Saint-Mars-Vieux-Maisons (S.-et-M.), Vieux-Berquin, Vieux-Condé et Vieux-Mesnil (Nord), Vieux-Ferrette et Vieux-Thann (H.-Rhin), Vieux-Lixheim (Mos.), Vieux-Ruffec et Vieux-Cérier (Char., cérier pour « cerisier »), Vieux-Vy-sur-Couesnon (I.-et-V.), Vieux-Manoir et La Vieux-Rue (Seine-Mar.), Vieux-Château (C.-d’Or) auxquels s’ajoutent Ainay-le-Vieil (Cher), Chauviray-le-Vieil (H.-Saône), Gissey-le-Vieil (C.-d’Or), Pithiviers-le-Vieil et Rozoy-le-Vieil (Loiret), le Vieil-Dampierre (Marne), le Vieil-Évreux (Eure), Saint-Martin-le-Vieil (Aude), Saint-Maurice-le-Vieil (Yonne), Vendin-le-Vieil, Vieil-Hesdin et Vieil-Moutier (P.-de-C.), Vieilmoulin (C.-d’Or. Notons le curieux Vieux-Viel (I.-et-V.) qui est un ancien Veteri Viello, un « vieux village ».
♦ les féminins : Crosville-la-Vieille et la Vieille-Lyre (Eure), Paray-Vieille-Poste (Ess.), Peyrusse-Vieille (Gers), la Vieille-Loye (Jura, oïl loie, « hangar, avant-grange ; loge »), Vieille-Église (P.-de-C.), Vieille-Brioude (H.-Loire), les Vieilles-Maisons-sur-Joudry (Loiret) et , avec agglutination, Vieillevie (Cant., « vieille voie »), Vieillevigne (L.-A.) et Vieillespesse (Cant., occitan vièla pèça, « vieille pièce (de terre) ») ainsi que Vignevieille (Aude)
♦ et des formes plus ou moins altérées : Vielmanay (Nièvre, nom de personne germanique Manno), Vielmur-sur-Agout (Tarn) à rapprocher de Murviel-lès-Béziers (Hér.), Vielprat (H.-Loire, avec le latin pratum, « pré »), Viels Maisons (Aisne), Vielverge (C.-d’Or, Vielverges en 1230, oïl verge, « scion, baguette »), Viévigne (C.-d’Or), Viéville (H.-Marne), Viéville-en Haye (M.-et-M.). Le nom de Villechenève (Rhône) attesté Vetus Canivas en 889 est une « vieille échoppe », du latin cannaba. On trouve également avec le latin vicus, « village », les noms de Vieuvicq (E.-et-L.), Vieuvy (May.), Vivy (M.-et-L.), Viévy (C.-d’Or) et Viévy-le-Rayé (L.-et-C.) et, avec le latin villare , « ferme », le nom de Viefvillers (Oise).
♦ Les faux amis sont nombreux, comme souvent quand il s’agit de monosyllabes : Vieux (Calv.), attesté Vediocae en 1190, doit son nom aux Viducasses dont elle était devenue la capitale ; Vieux (Tarn), Viantium au VIè siècle, est sans doute une (statio) viantium, « (station, relais) des voyageurs » ; Vieille Chapelle (P.-de-C.), le Viès Capelle en 1296, est un « gué de la chapelle » : l’oïl viez, « gué », a subi l’attraction de l’adjectif « vieille », par opposition à la commune voisine Neuve Chapelle ; Vieil-Arcy (Aisne) est un ancien Vicus arsus (1297) soit « village brûlé » ; et la liste pourrait être bien plus longue.
Les noms de lieux-dits sont, on s’en doute, beaucoup plus nombreux et même trop nombreux pour être tous passés en revue ici. En réalité, tout ce qui était considéré comme ayant fait son temps, digne d’être remplacé ou pas, a pu être qualifié de vieux. À commencer par le village lui-même souvent devenu un simple quartier de la commune nouvelle et alors qualifié de vieux : Les Vieilles-Fumades (à Fumades, Gard), Vieil-Quézac (à Quézac, Cant.), Vieux-Mareuil (à Mareuil-sur-Belle, Dord.), etc. Mais toutes les constructions vieillissent et peuvent être ainsi qualifiées de vieux ou vieilles : les châteaux et les moulins, les églises et les croix, la haie et le plessis, le bourg et la ville, la rue et le chemin, le four, le logis, le manoir, le pont, le port, le presbytère, la liste est interminable, je vous en fait grâce ! Notons encore quelques Vieillerie(s) comme à Colomby (Manche), à Ceaucé (Orne), à Lasse (M.-et-L.) etc. Le Vieillard n’est pas oublié qui apparait ainsi à Jujurieux (Ain) ou au pluriel Les Vieillards comme à Châtellerult (Vienne) et qu’on trouve au Hamel Vieillard de Saint-Martin-de-Bonfossé (Manche) et dans quelques autres lieux-dits.
Connaissez-vous la Vieille Morte ? Mais attention ! La Basse et la Haute Vieille Morte de Suze-sur-Sarthe (Sarthe) sont d’anciennes « mottes » et la Vieille Morte d’Ids-saint-Roch (Cher) est une « ville morte » en 1693.
Et pour finir dans les curiosités, voici la Vieille Oreille à Arnay-le-Duc (C.-d’Or) et à Chantepie (I.-et-V.) qui sont de « vieilles orées » (ancien français oroille), les Treize-Vieilles à Saint-Jean-le-Blanc (Calv.) qui signalaient sans doute un carrefour de trois voies, le château de Trotte Vieille à Saint-Émilion (Gir., cf. son histoire), le Petit Vieux Sou à Brecé (Mayenne) qui était sans doute une petite loge à porcs (ancien français sou) et, bien sûr, les Vieilles Bourses à Valencisse (L.-et-C.).
La devinette
Il vous faudra trouver un lieu-dit de France métropolitaine dont le nom est lié au mot du jour et qui est situé dans la localité L1
Il a donné son nom à une famille dont un des enfants, né à la fin du XVIIIè siècle dans la localité L2 voisine, a connu un tel succès à Paris qu’il a laissé son nom à un établissement toujours présent aujourd’hui.
D’une certaine façon, le nom du lieu-dit est assez bien adapté à ce qu’on fait dans cet établissement.
Les noms de L1 et L2, qui partagent le même canton, sont des hagiotoponymes différents complétés, pour L1, par le rappel d’un château aujourd’hui en ruine et, pour L2, par une indication topographique.
Un seul indice :
Réponse attendue chez leveto@sfr.fr
» Vieux-Port (Eure, était un Portus tutus en 1147, avec latin tutus, « sûr », avant de vieillir Vetus Portus au XIIIè siècle) »
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Il est un autre « vieux port », que l’on ne doit point oublier (son nom n’est pas romain, mais on y trouva César et Marius) :
[ Il s’agit du port de … manille ! ]
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