TRA, une fois de plus, est le seul à m’avoir donné les réponses à mes deux dernières devinettes. Bravo à lui !
Il fallait trouver le ruisseau de Bagne Rougne à Castenau-de-Guers, canton de Pézenas, arrondissement de Béziers dans l’Hérault et le lieu dit Bènechèvre à Louville-la-Chenard, canton des Villages-Vovéens, arrondissement de Chartres en Eure-et-Loir.
Bagne Rougne
■ le ruisseau de Bagne Rougne porte un nom dérivé de l’occitan banh rohna , « bain (pour la) gale des animaux ». C’était un cours d’eau dans lequel les bergers avaient pour habitude de baigner leurs bêtes dans l’espoir, sinon de les guérir, du moins de les soulager de la gale.
■ Castelnau-de-Guers : attesté Castrum Novum, « château neuf » en 1069, le nom de cette commune a été complété au XIVè siècle par celui des barons de Guers, dont elle était le fief. Le nom de ces derniers est issu du germanique Werd, « guerre » et la généalogie en est accessible en suivant ce lien.
■ Pézenas : la ville de Pézenas est traversée par la rivière dite la Peyne dont les sources se trouvent à côté du village appelé Pézènes. Les deux noms de lieux sont tirés de celui de la rivière, attestée in filo Pedene en 1225 et Peyne en 1643. Le nom du village Pézènes , attesté ad Padanam en 1184, Pezene en 1571, Pezennes en 1740-60 est le calque de l’hydronyme : l’un a évolué avec l’accent sur la deuxième syllabe (Pézènes), l’autre sur la première (Peyne). Quant à Pézenas, attesté villa Pedinatis en 990, il est également issu de l’hydronyme muni de suffixe locatif gaulois –ate mis au pluriel. En 77, Pline l’Ancien mentionne un lieu appelé Piscinae sur l’identification duquel tous les savants ne s’accordent pas. S’il s’agit bien de Pézenas, ce toponyme serait issu de l’indo-européen *pisk, « poisson », muni du suffixe –ena, qui serait le nom antique de la rivière transféré au lieu sis sur ses rives ; l’un et l’autre auraient été remplacés, entre le Ier et le Xè siècle, par l’indo-européen *pid, « source », muni du même suffixe ena. Si l’identification est fausse, le nom originel de la rivière et des lieux reste basé sur *pid–ena. (DNLF*)
■ Béziers : la ville est attestée Baeterras dès 17 av. J.-C. sur la quatrième Gobelet de Vicarello. Difficile à analyser, car rarissime, ce nom a donné lieu à diverses interprétations peu assurées comme le composé basque de bide, « route » et erri, « bourg » proposé par Henri Guiter (Autour de Béziers, 1963), repris par Franck R. Hamlin (Toponymie de l’Hérault, 2000) qui ne tiennent compte que des formes du nom connues les plus récentes comme Beteris sur la Table de Peutinger au IIè siècle. D’autres auteurs, sans doute plus proches de la vérité, ont fait le rapprochement avec l’ancien nom du Guadalquivir, Baetis, et le nom antique de la ville catalane Mataró, Baetulo : le radical bae– est bien attesté en zone ibérique, et le suffixe –err est lui aussi attesté dans l’antique Seterras, ville catalane non identifiée. Dans le nom Baeterras, le radical est un allongement en –to d’une racine ibérique *bai, apparentée à l’indo-européen *bei-, « clair, lumineux ». La forme latine, à l’ablatif pluriel Beterris, attestée au IIIè siècle dans l’Itinéraire d’Antonin, a donné l’occitane Beders en 1118 et sa variante Bezers en 1213 (La Chanson de la croisade albigeoise ), d’où la française Béziers attestée vers 1370.
Bagne-Rougne, Pinet et son Picpoul, Sète et son étang …
Les indices
■ l’étendoir des fées : « Cette formation géologique spectaculaire date de 50 millions d’années. De 200 m de long et 50 m de large, c’est une épaisse strate de grès rose lissée par l’érosion. Ses formes arrondies et ses couleurs tachetées originales en font un site particulier où, lorsque la pluie remplit d’eau les petites cuvettes, le ciel s’y reflète et illumine le site.
La légende prétend que les soirs de pleine lune, après la pluie, les fées viennent y laver leur linge et le sécher sur les rochers. » (source).
■ ce dessin informatif, destiné à la clientèle vétérinaire, devait orienter les recherches vers une maladie de peau d’origine parasitaire. Le dessin représente l’infestation d’un chien par des puces, ce qui m’a semblé suffisant – puisque je n’ai pas trouvé l’équivalent pour la gale qui est due à une infestation par des acariens.
Bènechèvre
■ Bènechèvre (le nom est écrit Bennechèvre sur certaines cartes IGN les plus récentes) : les formes anciennes du nom Baigne-Chièvre (vers 1250), Balneum-Capre (1300), Boigne-Chièvre (1388), Bonnechièvre (1472), Bunechièvre (1413), Bonnechèvre (1589) et enfin Bonnechèvre (Cassini), ne laissent aucun doute : il s’agit bien d’un endroit où on baignait ou se baignaient les chèvres. Il n’y a en effet pas de cours d’eau mais une simple mare dans la propriété de Bennechèvre (merci à jsp pour ses judicieuses remarques) :
■ Louville-la-Chenard : attesté Loovilla vers 1120, Laudulvilla vers 1130 et Lodovilla vers 1160, du nom de personne germanique Leodulfus accompagné du latin villa, « domaine agricole ». Le nom sera prolongé au XIIè siècle par celui des nouveaux seigneurs du lieu, les Chenard. Ce patronyme est attesté Philippus Chanardi de parochia Loville en 1101.
■ Villages-Vovéens : cette nouvelle commune, créée en 2016, doit son nom à l’ancienne Voves. Cette dernière est attestée Vovae en 1256, du celtique vidua, « forêt », au pluriel.
■ Chartres : la ville a d’abord porté le nom Αυτρικον, attesté chez Ptolémée au IIès siècle, qui repose sur celui de la rivière qui traverse la ville, l’Eure (Audura en 834-45) de l’indo-européen *Auduros, « eau », avec l’ajout du suffixe gaulois –ico. Comme d’autres villes de Gaule au IIIè-IVè siècle, Chartres a reçu pour nouveau nom celui du peuple dont elle était alors le chef-lieu. Ce peuple est celui des Carnutes, mentionné par César au milieu du Ier siècle av. J.-C.. Le nouveau nom de la ville apparait sous la forme Carnunti, au génitif locatif, en 374, un hapax formé par analogie avec la ville de Carnuntum en Pannonie. Le nom va se figer à l’ablatif pluriel de la première déclinaison, Carnutis vers 575, d’où les formes latines tardives, avec accent tonique à la gauloise sur la première syllabe, Cartis en 923-26 et Carntis à la fin du XIIè siècle. On s’attendrait à un nom *Chartes mais le nom est pourtant attesté Chartres en 1268, sans doute parce que le groupe consonantique rnt, sous l’accent tonique, est passé par métathèse à rtn, puis rtr.
L’indice
Cette case de bédé extraite de la Chanson aigre-douce de Gotlib (Rubrique-à-Brac, tome II, pp. 58-59, 1969) montrait une chèvre mouillée. Bêêê oui.
roña (espagnol) = gale (des moutons par exemple), crasse, au figuré ladrerie, pingrerie
http://etimologias.dechile.net/?ron.a
roña viendrait du latin aerūgo = rouille du cuivre ou du bronze (vert-de-gris), aussi rouille des céréales et au figuré rouille , cupidité qui ronge le cœur. La racine est aes, aeris = airain, bronze, cuivre . Une attraction avec aranea (araignée, mais aussi herpès) aurait produit le féminin en a.
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« Du b. lat. *ronca (d’où aussi ital. rogna, esp. roña, port. ronha), altér. sous l’infl. de rodere « ronger », de aranea « araignée », att. en 447 chez Cassius Felix au sens de « herpès [maladie de la peau] » (TLL) et qui survit dans le roum. rîie. »
https://www.cnrtl.fr/definition/rogne//1
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Il existe à l’extrémité de la presqu’île d’Arvert, près de l’estuaire de la Seudre, la petite station balnéaire de Ronce-les-Bains.
I paraît absolument évident que « Ronce » vient, comme « rogne » de Ronca !
Il s’agit donc indubitablement d’un doublet saintongeais de Bagne Rogne …
[ D’ailleurs, le bagne de Rochefort, ville où je fus interne sept ans – au lycée Pierre Loti, et non au bagne (quoique dans des conditions peut-être pas si différentes) – n’était pas bien loin. ]
Je suis bien souvent, dans ma jeunesse allé sur cette plage pêcher des sourdons et des couteaux (ces derniers s’attrapent avec du sel et une baleine …).
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