Bals et bauç

Bals, parfois bauç, est un oronyme méridional désignant un escarpement de rocher ou de montagne, un promontoire, dont le sens s’est parfois étendu à celui de petite falaise vue d’en haut, abîme, précipice, ravin, gorge. C’est ce sens de précipice qu’a pris par exemple le mot féminin balse en haute Ubaye, où il est toujours vivant.

Issu d’une racine pré-indo-européenne *bal, variante de *pal, on suppose que c’est par le ligure que bals (ou bauç) est entré sur notre territoire, étant donné sa présence prépondérante dans le Sud-Est. Sa fréquence dans la toponymie et le fait qu’il soit toujours employé  dans les parlers régionaux impliquent qu’il a été repris par les Gaulois.

Il a pu y avoir télescopage avec le latin balteus : au sens premier de « ceinture » qui, par les sens possibles de bordure, chemin de ronde s’est appliqué aux corniches de falaises, aux passages escarpés et enfin aux escarpements rocheux ; ou bien au sens second de gradin d’amphithéâtre, où le passage du sens architectural au sens oronymique s’explique par l’idée de « terrasse » et donc de rocher en surplomb (cf. le même processus pour l’étymologie de puy ou puech).

Cette racine a fourni des toponymes en bals, en bau ou bauç. D’autres variantes bar, ber, bor, etc. du même pré-indo-européen *bal seront (peut-être) étudiés plus tard.

Bals

C’est de la racine originelle que sont issus les noms du Mont Bal (A.-Mar., 2830 m, sur la frontière italienne), de la crête des Bals (à Val-d’Oronaye, A.-de-H.-P.) du Grand Bals à Ristolas (H.-A.) et de nombreux lieux-dits comme Bals à Alzen (Ariège), Les Bals au pied d’une falaise à Rennes-le-Château (Aude), En Bals à Blan (Tarn) etc. Plus rare, la forme balse apparait dans le nom de la Crête des Balses (Pelvoux, H.-Alpes), du lieu-dit Les Balses (Saint-Germain-de-Calberte, Loz.) et de quelques autres.

Ce radical entre en composition dans le nom de Balmont (H.-Savoie) et dans celui de Bessèges (Gard, Balseguis en 1318, avec le gaulois segia, de sego, « force ») et de Balsiège (Loz.). Enfin, accompagné d’une variante *duk de l’oronyme pré-celtique *tuk, on trouve les noms du Truc de Balduc (Loz.) et du Golfe de Beauduc en Camargue ainsi que ceux, avec un a euphonique intermédiaire, de Balazuc (Ardèche, avec passage du d intervocalique à z) et de Balaruc-le-Vieux et Balaruc-les-Bains (Hér .) avec rhotacisme.

Balaruc le Vieux

Le nom Balaruc concernait à l’origine le vieux village bâti sur un promontoire rocheux

 

Bau ou Bauç

C’est bien entendu ici qu’il faut ranger Les Baux-de-Provence, en occitan Bauç de Provença (B.-du-R., Balcium en 960) et des lieux-dits comme Les Baux à Chambonas (Ardèche) sur un promontoire dominant le cours du Chassezac, Les Baux à Poussan (Hér., Baulx en 1630), le ruisseau des Baux Hauts à Opia (Hér .) etc. Ces formes ont conservé la consonne finale de bauç qui, sentie comme la marque du pluriel, a entraîné le pluriel de l’article défini. Encore un exemple, s’il était nécessaire, de l’écrasement d’une culture par une autre

CPA chateau Baux

Les ruines du château sur la falaise qui a donné son nom aux Baux-de-Provence

D’autres noms existent comme la Bau, un gouffre à Finestret (P.-O.), Les Bauds à Pierrevert (A.-de-H.-P), etc. L’agglutination de l’article a donné Labau à Rodès (P.-O.) et à Valflonnès (Hér.). En Ariège, le Baup, dont le p ne se prononce pas, affluent du Salat est un ancien Bal (en 1268).

Le diminutif a fourni son nom à Baucels (à Moulès-et-Baucels, Hér., connu d’abord sous la forme simple Baucio en 1151 puis sous la forme diminutive Beaucellis en 1293), sur la pente inférieure de la montagne des Cagnasses. On connaît également Le Beausset (Var) et Le Beaucet dans les monts du Vaucluse.

CPA Le Beaucet 84

L’ermitage Saint-Gens au pied de la falaise qui a donné son nom au Beaucet (Vaucluse)

Prolongé par le suffixe (i)s-one, ce radical a abouti au nom du suc de Bauzon (1471 m, à Saint-Cirgues-en-Montagne, Ardèche) et de la Croix de Bauzon (1538 m, à Mayres, Ardèche), etc.

Une variante se retrouve, sous la forme baou, dans des noms comme Les Très Baous à Valleraugue (Gard), un hameau dominant la ville de 150 m, où Très peut avoir le sens de « trois » ou bien de « au-dessus des » ; le Baou de l’Aigle à Puyloubier (B.-du-R.) ; le Rocher des Baous aux Castagnès (Hér.) ; la Serre Baou à Fozières (Hér.), le Baou Trouca (troué) de la chaîne de l’Étoile au nord de Marseille et bien d’autres.

Enfin, une mauvaise compréhension de l’occitan a donné, entre autres, le nom d’Envaux, parfois écrit Enveaux, à Castelnaud-la-Chapelle (Dord., Embauç en occitan).

 

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Les devinettes

Pour me faire pardonner l’absence de devinette lors du dernier billet dominical, je vous en propose deux ce soir, que je classe dans un ordre très subjectif de difficulté croissante.

Les deux toponymes à trouver concernent des lieux de France métropolitaine.

 

Lettrine-1- Le premier nom à trouver complète celui d’un type de relief particulier, comme « bidule de Machin », où « bidule » est un type de relief et « Machin » le nom qui nous intéresse, variante du mot du jour.

Cet endroit se situe à l’extrémité d’un quartier périphérique d’une ville et est contigu à d’autres reliefs du même type, dont ceux de la commune voisine, l’ensemble étant connu sous les noms de « les bidules de Laville », « les bidules de Lavillevoisine » ou le « massif des Bidules ».

Le nom du quartier où se situe l’objet de la devinette rappelle la fraîcheur de son climat.

indice a 22 10 2022

Lettrine-2-233x300 Le deuxième nom à trouver, bien sûr lié au mot du jour, est celui d’un endroit d’une ville qui ne subsiste plus aujourd’hui que dans le nom d’une de ses rues. C’est pourtant là, dans des abris troglodytiques creusés dans la falaise, que les premiers habitants se mettaient à l’abri durant l’hiver … tandis qu’aujourd’hui, en été, au pied de celle-ci, on voit surtout des touristes.

Le nom de la ville indique qu’elle est issue de défrichements gaulois.

NB on trouve sur la toile plusieurs orthographes pour le toponyme à trouver. Toutes seront bien entendu acceptées comme réponse.

indice b 22 10 2022

 

Réponses attendues chez leveto@sfr.fr

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2 commentaires sur “Bals et bauç

  1. bonjour m Leveto

    38 MONTGOUTOUX
    ——-
    73 à chambéry, quartier de MONTJAY

    idem à MONTGEY ( 81 ) ou non

    – patronyme ? JAY , patronyme fréquent en Savoie
    – mons gaudii ?

    – MONS jOVIS ?

    73 le mont PENEY
    origine PEN ?PENN?

    col de la DORIA ( hydronyme DOR / doron )

    74 à SERRAVAL

    pointe de la BAJULLAZ

    refuge de PRAZ DZEURES

    ————————
    74 LES VOIRONS montagne

    1456 Evoeron

    idem à voiron 38 / ou autre origine ?
    ————————-
    10 LANTAGES

    33 BELIN-BELIET
    1 belenos ?

    2 BELENDI ( tribu , Pline l’Ancien )

    88 MORTAGNE

    idem aux autres mortagnes ? ou non ?
    apparemment origine de l’époque romaine.
    SACERDOS DE MORTESNA 1180
    morthanne XIVè s

    88 à la cleurie , lieu-dit

    MOREXARD / MORLEXARD
    = essart de ???

    37 NAZELLES-NEGRON

    SAUMANE 84 30 04
    anse de SAUMATY Marseille

    13 marseille cours d’eau le JARRET

    Rivières la VESGRE 28/78 & La VEGRE 72

    Merci beaucoup

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  2. lecteur

    avec un retard que je vous prie d’excuser.

    ■ 38 MONTGOUTOUX

    Montgotoudum au XIVè siècle puis montem Gothoudum au XVIè siècle.
    dum  : du gaulois dumio, « monticule, colline, tertre ». D’où le nom du Mercure gaulois, c’est-à-dire Dumiatis , honoré au sommet Puy-de-Dôme, dont le nom signifie « celui de la colline ».
    gotou et gothou  : de Gotones, sur l’ethnique Gothus, désignant une « colonie de Goths ».
    Il s’agissait de la « colline des Goths ». Une fois oublié le sens de ce nom, on l’a pléonastiquement baptisé montem, avant que finalement le dum gaulois ne disparaisse.

    ——-
    ■ 73 à chambéry, quartier de MONTJAY
    idem à MONTGEY ( 81 ) ou non
    – patronyme ? JAY , patronyme fréquent en Savoie
    – mons gaudii ?
    – MONS jOVIS ?

    ♦ Montgey (Tarn) est attesté Monsgaudii en 1211 et Montjoi en 1228, de l’occitan monjòi, « monticule, tas de pierres » pour indiquer le chemin ou « monticule servant d’observatoire ». C’est cette même étymologie qui est donnée pour Montjay (H.-Alpes).

    ♦ Montjay (Chambéry, Sav.) : le nom de ce quartier s’est écrit jusqu’à récemment Montgex. On trouve mentionné en 1222 un certain Willelmus de Monte Jay .
    Jay ou Geaiou Gex sont les formes romanes d’un patronyme dérivé d´un nom de domaine d´origine gallo-romaine *Gaiacum, lui-même dérivé avec le suffixe –acum du gentilice Gaius. Jay est par exemple la forme ancienne attestée en 1236 du nom de Gex (Ain)

    Encore un bon exemple de l’importance cruciale des formes anciennes : Monsgaudii vs Monte Jay pour deux toponymes aujourd’hui très proches .

    ■ 73 le mont PENEY
    origine PEN ?PENN?

    Du latin pineta , pluriel neutre latin pris pour un féminin de pinetum, « pinède, forêt de pins » . La finale eta a produit localement des suffixes aussi divers que at, -ay, -et, -ex, -ey, -y,

    ■ col de la DORIA ( hydronyme DOR / doron )

    En effet, il s’agit à l’origine d’un hydronyme gaulois dubro, « eau », issu du pré-celtique *dor, *dora, « torrent » .

    ■ 74 à SERRAVAL

    Serravalle en 1227, composé de Serra, et Val, « vallée resserrée ».
    ♦ pointe de la BAJULLAZ
    Il s’agit probablement d’un patronyme ou sobriquet issu d´un nom de métier, du latin médiéval bajulus, « tuteur, gouverneur », ou du latin bajulus, « portefaix, porteur, messager ». Le patronyme est ici au féminin.

    ♦ refuge de PRAZ DZEURES

    Praz : sans difficulté, « pré ».
    Dzeures : forme patoise de Jeur, avec mutation du son [j] en [dz]. Jeur désigne une forêt de haute futaie des régions montagneuses. C’est un mot issu du latin médiéval juria, jurim, joria , lui-même du bas latin juria, lui-même repris au gaulois *jor, juris, « hauteur boisée ».
    ————————
    ■ 74 LES VOIRONS montagne
    1456 Evoeron
    idem à voiron 38 / ou autre origine ?

    La forme ancienne Evoeron permet de penser à une racine patoise évoué, « eau », accompagnée d’un suffixe diminutif –on, précédé d’un r épenthétique.
    Le patois évoué est issu du celtique eve, lui-même de l’indo-européen *av(e), « eau, couler, mouiller … ».
    L’iséroise Voiron est attestée de Voirone au XIIIè siècle. Dauzat & Rostaing imaginent un pré-celtique vor-, variante de kar, « pierre » muni d’un suffixe ionem. J’aurais plutôt pensé à un dérivé du gaulois vober , « source, ruisseau plus ou moins caché », muni du diminutif on. Ce vober , outre la série des Vabre et dérivés, a aussi donné des noms en Voire, Voiré ou Vourey (Is.)
    ————————-
    ■ 10 LANTAGES

    Nantavia en 753 puis Lantagia en 1101
    On reconnaît dans la première forme le gaulois nanto, « vallée ». Le L initial s’explique par une dissimilation du ninitial par le n de fin de syllabe. accompagné du suffixe gaulois avia.

    ■ 33 BELIN-BELIET
    1 belenos ?
    2 BELENDI ( tribu , Pline l’Ancien )

    Belin est attesté Belinium au XIè siècle, peut-être du nom d’homme gaulois Belinius dérivé de celui du dieu Belenus(D&R) ou d’un nom de personne roman Bellinus peut-être d’origine germanique (Nègre).
    Beliet est le diminutif.

    ■ 88 MORTAGNE
    idem aux autres mortagnes ? ou non ?
    apparemment origine de l’époque romaine.
    SACERDOS DE MORTESNA 1180
    morthanne XIVè s

    Mortagne (Vosges) est en effet attesté Mortesna en 1180, nom dérivé de celui de la rivière , qui est attesté Mortesne en 1186, du latin mortua (aqua), « (eau) morte », suivi du suffixe gaulois ou latin icina, accentué sur le i bref initial, d’où esna. Il y a eu plus tard attraction des finales en agne.

    ■ 88 à la cleurie , lieu-dit
    MOREXARD / MORLEXARD
    = essart de ???

    Ce nom , attesté Morlexard en 1829, est écrit « Maure-les-Xards ou Mourexard » dans le Dictionnaire topographique du département des Vosges (Paul Marichal, 1941).
    Si la seconde partie de ce nom ne fait pas de difficulté, xard signifiant en effet « essart », la première est plus difficile à analyser. Le nom Maure-les-Xards peut faire penser à un patronyme Maure mais il peut s’agir d’une réinterprétation d’un latin ou germanique Maurus (comme pour Morcourt dans l’Aisne, Maurincurtis en 1145 puis Morocurt en 1146).

    ■ 37 NAZELLES-NEGRON
    Nazelles : Navicellae au VIè siècle, du latin navis, « nef, chapelle » et diminutif icella
    Negron : de Negronio en 1272, du nom d’homme latin Niger et suffixe onem

    SAUMANE 84 30 04

    ♦ Saumane-04 est attesté Saumana en 1204 ; Saumane-30 est attesté Saumanna en 1079 ; Saumanes-84 est attesté Somanna au XIè siècle.
    Le provençal saumo, « ânesse, bête de somme » (latin sagma, « charge »), proposé par D&R , ferait de ces lieux des équivalents des Asnières des pays d’oïl. Fidèle à ses obsessions, Nègre propose le nom d’homme germanique Salemannus (au féminin –a).

    ♦ anse de SAUMATY Marseille

    La Tour Saumaty, aujourd’hui détruite, qui a donné son nom au quartier de Marseille était la Tour des Jourdans au XIIIè siècle, avant de prendre le nom de Tour Sommati ou Tour Saumati au XVIè siècle. Il s’agit du nom des seigneurs, qui est peut-être une variante du mieux connu Saumathé, de l’occitan saumatièr, le conducteur de bêtes de somme, le muletier.

    ■ 13 marseille cours d’eau le JARRET

    Fluvium Jerre au VIIIè siècle, Gerenus et Gerennus en 1030, Jarret en 1080, Jarrenus en 1238 et Jarretum en 1329.
    Il s’agit probablement à l’origine d’un dérivé de la racine pré-celtique ger, variante du pré-indo-européen *gar attachée à l’idée de « roche, pierre », variante de *kar (cf. le pic du Jer dans les H.-Pyr et la tête de Jarret dans les H.-Alpes).
    De nombreux hydronymes sont formés sur cette racine (sans doute en lien avec un lit caillouteux) comme la Garonne, le Girou (affluent du Lot), la Gervanne (Drôme), le Gier (affluent du Rhône) etc.

    ■ Rivières la VESGRE 28/78 & La VEGRE 72

    La Vesgre : Volgria en 1164 ; Vesgra en 1244 ; Vegram en 1348 ; Veigre en 1595
    La Vègre : Fluvius Vegra (fin du XIe siècle) ; Alveum Veigrie (vers 1090) ; Vegria (1219) ; La riviere de Vesgre (1249) ; L’ayve de Vaygre (1371) ; La Vaigre (1402) ; La riviere de Veigre (1406)
    Toutes ces formes anciennes sont assez déconcertantes car elles semblent ne se rattacher à rien de connu. Dauzat, Deslandes et Rostaing, dans le Dictionnaire étymologique des noms de rivières et montagnes de France parlent d’une « racine obscure ». Pas mieux.

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