Les Cévennes

Cette région naturelle montagneuse a des contours mal définis, aux confins des départements de l’Ardèche, du Gard, de l’Hérault, de l’Aveyron et de la Lozère. Depuis l’Antiquité, son relief découpé, sa végétation méditerranéenne et son habitat dispersé en ont fait une terre de refuge.

carte cévennes

C’est chez César, au milieu du Ier siècle av. J.-C., que nous trouvons la première attestation de son nom, Cevenna, suivie par Κέμμενον ὄρος (Kemmenon oros) chez le géographe grec Strabon en 7 av. J.-C. Le pluriel apparaît en latin au milieu du Ier siècle chez Pomponius Mela, Cebennae et Cebennici montes et au siècle suivant en grec chez le géographe Ptolémée, Κέμμενα (Kemmena).

L’étymologie proposée par A. Holder en 1896, et souvent reprise depuis, s’appuyait sur une supposée racine celtique cebinno, « dos », bien attestée selon lui dans les langues brittoniques du bas Moyen Âge à aujourd’hui (cf. le gallois cemn-). Pourtant, selon certains spécialistes (DNLF*, DNLFM*), tous les exemples donnés par Holder pour appuyer sa démonstration ramènent plutôt à un *kebn.

Les formes anciennes présentent toutes un radical cem/ceb suivi du suffixe gaulois enna, le même que pour Ardenna (avec le gaulois ardu, « haut ») donnant Ardennes. Les deux formes du radical sont fort voisines : m et b sont des bilabiales qui ont ont été parfois confondues à l’époque romane. L’un des deux radicaux est donc une variante de l’autre, les spécialistes s’accordant pour une évolution kem donnant keb.

Cette racine indo-européenne *kem, probablement ligure, serait une variante du pré-indo-européen kam, « courbure » d’où le sens de « montagne arrondie ». C’est cette racine qu’on trouve par exemple dans le nom du Mont Cemet ou Cimet, près d’Allos dans les Alpes-de-Haute-Provence. Le sens de « couvrir » que lui donne P.-H. Billy (DNLF*) en se référant au couvert forestier des Cévennes décrit par Strabon, semble moins convenir.

C’est toutefois la variante *ceb qui s’est maintenue et a évolué en *cev, par confusion entre les deux consonnes bien souvent articulées de la même manière en occitan d’où le passage de cebèna à cevèna (comme les Gabali, Gabales, ont donné son nom au Gévaudan).

Rappelons que le nom du massif apparaît dans celui du peuple gaulois appelé Volcae Arecomici par César, c’est-à-dire Volques Arécomiques, dont le territoire s’étendait au pied des Cévennes, dans le Languedoc oriental : Arecomici est un composé du gaulois are-, « devant », et de com-, variante vocalique du radical *kem, muni du suffixe latin –icu.

CPA Barre des Cévennes

La forme plurielle du nom du massif, déjà connue dans l’Antiquité, a été réutilisée et s’est imposée en français à partir du XVIè siècle où on trouve mention du pays de Sevenes en 1557. Sans doute le fait que le massif est un ensemble de montagnes a pu influer, même dans l’Antiquité, sur le choix du nombre. La forme actuelle Cévennes est attestée au début du XVIIè siècle.

En Quercy, le terme cebéno désigne une « chaîne de montagne escarpée, une haute falaise » (TdF) et même, plus précisément, une « pente abrupte avoisinant le Lot » (FEW II, 563b). Cette dernière définition décrit parfaitement des lieux appelés (La) Cévenne sur les rives du Lot, comme La Cévenne d’Étienne à Bouziès, La Cévenne à Douelle, La Cévenne de Caïx à Luzech et quelques autres toutes dans le Lot.

Une dizaine de lieux-dits portent ce nom au pluriel (Les) Cévennes, en Corrèze à Sainte-Ferréole, en Haute-Loire au Puy-en-Velay, dans le Lot-et-Garonne à Saint-Étienne-de-Villeréal, dans le Gard à Cros etc. Ce même nom sert de déterminant à celui de la commune lozérienne de Barre-des-Cévennes et de complément à plusieurs dénominations géographico-touristiques comme la Corniche des Cévennes au Pompidou (Loz.), le Travers des Cévennes à Chasseradès (Loz.), la Porte des Cévennes à Anduze (Gard) et quelques autres.

Cebenna fut-il un appellatif gaulois de la montagne ? se demande P.-H. Billy (Thesaurus linguae gallicae, éd. Olms-Weidman, 1993), ou bien a-t-on affaire à un essaimage du nom des Cévennes ? Ce sont les questions que l’on doit en tout cas se poser pour Savennes (P.-de-D., Cevena dès 1200, Savena en 1392 et pluriel d’apparition tardive), Savennes (Creuse, Savennas en 1447), Savenès (T.-et-G., Sevenès en 1441) ou encore Sévenne à Chambonchard (Creuse) et Sévennes à Saint-Genest-en-Roselle (Haute-Vienne, Cevenna au XIIè siècle).

Notons pour finir que le nom du massif a fourni les noms de famille Sévenier et Sévenèry qui désignaient les muletiers franchissant régulièrement les Cévennes, d’où quelques noms de lieux-dits Sévenier en Ardèche.

*Les abréviations en gras suivies d’un astérisque renvoient à la bibliographie du blog, accessible par le lien en haut de la colonne de droite.

index

La devinette

Il vous faudra trouver un lieu de France métropolitaine dont le nom est bien entendu lié au mot du jour.

Une étymologie populaire lie son nom aux grands arbres qui le recouvraient.

Le nom de ses premiers occupants pourrait être une allusion à leur pratique assidue de la prière.

Il s’agit d’une ancienne préfecture.

Un indice

indice-a-12-11-2022

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr

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3 commentaires sur “Les Cévennes

  1. bonjour , bonjour …

    38 à voreppe rivière la ROIZE

    ( et veurey-voROIZE , à côté)


    35 VIGNOC

    21 VAUCHIGNON ( à corot-vauchignon )

    69 à yzeron : Goutte CHERINE


    37 GIZEUX

    37 LUYNES

    72 LE LUDE

    54 FROUARD Finis de froart 1206
    Frod–Hard ??

    82 Moissac : la DEROCADE

    Merci , bonne semaine M Leveto

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  2. de retour ..

    j’ai oublié
    30 à aigues-mortes , la Tour de MATAFERE
    ou Karl der Gross fit ensevelir son bâtard, Théodomir

    30 hameau de REGAGNAS , causse de CAMPESTRE

    Merci encore

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  3. lecteur

    ■ 38 à voreppe rivière la ROIZE

    À propos du ruisseau des Roizes, affluent de la Meuse à Greux (Vosges), E. Nègre explique que l’oïl roize a le sens de « routoir », c’est-à-dire de lieu où l’on fait rouir des fibres textiles.
    La rivière iséroise est attestée Roisa au XIIè siècle, Roysia au XIIIè siècle puis la Roise, probablement de même étymologie (l’Isère se trouve dans la zone du francoprovençal où on trouve employés des mots de langue d’oïl).
    « La Roize a aussi été d’une grande utilité économique pour Voreppe pendant des siècles. Son eau, souvent via des canaux de dérivation, a permis de faire fonctionner des moulins (à blé, à huile, à foulons pour battre les étoffes, à battoirs pour battre le chanvre), des martinets, des scieries à bois et à marbre, des taillanderies, des tanneries. »
    On y trouvait des « moulins à battoirs qui servaient à battre le chanvre pour dissocier les fibres après les avoir fait tremper dans les routoirs et produire du fil à tisser »
    Cf. ce site https://www.corepha.fr/66+le-torrent-de-roize.html

    ( et veurey-voROIZE , à côté)
    La Voroise qui coule à Veurey est attestée aqua Voreysie au XIIIè siècle, nom formé sur la racine hydronymique *var (celle du Var et du Gard) munie du double suffixe is-ia.
    Veurey : de Voreio au XIè siècle, du gaulois vobera, « source, ruisseau caché ». C’est la même étymologie que pour Vourey, le village qui lui fait quasiment face sur l’autre rive de l’Isère.

    ■ 35 VIGNOC

    Peut-être s’agit-il d’un dérivé du nom de personne breton Guinioc, Guiniec ou du vieux breton Winnoc après mouillure du n interne.

    ■ 21 VAUCHIGNON ( à corot-vauchignon )

    Il s’agit très certainement d’un « val » suivi du même élément que dans Château-Chinon. Ce dernier était Castro Canino en 1193 puis Chasteaul Chignon en 1372, dont on ne peut pas dire si Canino , devenu Chinon, représente le nom du site ancien ou celui du seigneur.

    ■ 69 à yzeron : Goutte CHERINE

    Gutta , « goutte, petite quantité d’eau » apparaît dans de nombreux noms pour désigner des lieux humides.
    Chérine : dérivé de l’occitan escharena qui désigne une pente raide, un flanc raviné de montagne, ce qui semble être le cas de la Goutte Chérine située en amont d’une ravine où coule un ruisseau qui va se jeter dans l’Yzeron.

    ■ 37 GIZEUX

    Gisons en 1236 et Gizeux au XVè siècle, du nom d’homme germanique Gizo et altération de la syllabe finale.

    ■ 37 LUYNES

    Cette commune, d’abord appelée Maillé a été érigée en duché en 1619 pour Charles d’Albert, seigneur de Luynes (B.-du-R.) dont elle a pris le nom.
    Cette dernière doit elle-même son nom à la Luyne, affluent de l’Arc en amont des Milles (B.-du-R.), attestée Lodena en 1025 sans doute du gaulois lut, « marais, boue » et suffixe gaulois ena.

    ■ 72 LE LUDE

    Lusedus, Lusdum en 976, de Lusdia en 1006-40, de Lusdo en 1065, Lus en 1072, de Ludo vers 1085 … le Lude dès 1352. E. Nègre pense au nom de personne roman Lucidus tandis que D&R préfèrent y voir le latin lucidus, « clair » pour désigner une clairière — comme pour Ludes dans la Marne qui était Lucida en 818 ).

    ■ 54 FROUARD Finis de froart 1206
    Frod–Hard ??

    Froardum en 1156, du nom de personne germanique Frothardus, du vieux haut allemand frot, « avisé, intelligent » et harti, « rude, dur, intrépide ».

    ■ 82 Moissac : la DEROCADE

    l’occitan a le verbe desrocar, formé sur ròc, et signifiant « renverser, démolir ». Le déverbal desròc signifie « ruine, destruction, renversement ». Le participe dérocade peut avoir qualifié des ruines ou un éboulement de rochers.

    ■ 30 à aigues-mortes , la Tour de MATAFERE
    ou Karl der Gross fit ensevelir son bâtard, Théodomir

    Aucun savant ne s’est penché sur l’étymologie de ce nom attesté Turris Matafera en 791. On peut peut-être y voir un nom destiné à impressionner d’éventuels assaillants, de l’occitan « mata », « tuer », et fero , « féroce, sauvage ». Ce serait alors un équivalent local des Matafelon.

    ■ 30 hameau de REGAGNAS , causse de CAMPESTRE

    ♦ Regagnas : Mansus de Reganhacio en 1468, probablement nom de famille tiré par sobriquet de l’occitan regagnhàs, « rire sardonique, ricanement ».

    ♦ Campestre ne fait pas de difficulté : issu du latin campestris , il évoque l’étendue des champs, la plaine champêtre.

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