La Couvertoirade

Sur le plateau du Larzac (pour lequel j’ai une tendresse toute particulière), La Couvertoirade, commune de l’Aveyron, est un bourg fortifié.

Carte-COUVERTOIRADEjpg

La Couvertoirade, entrée sud du causse du Larzac

Ce sont les Templiers qui entreprirent la construction de son château vers la fin du XIIè siècle ; les travaux furent achevés au milieu du XIIIè siècle.

Les remparts furent bâtis au milieu du XVè siècle par les Hospitaliers ou Chevaliers de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem qui succédèrent aux Templiers.

Les formes les plus anciennes du nom (relevées par André Soutou, La Couvertoirade, Millau, 1972) qui nous sont connues sont les suivantes : l’une, datée du milieu du XIè siècle, est mentionnée à propos de la limite descendant de Cobertoirada jusqu’à Virenque, à l’est ; l’autre apparaît en 1135 dans une bulle du pape Innocent II qui fait de l’ecclesiam sancti Christophori de Cubertoirata une possession de l’abbaye de Nant.

Ces dates d’attestation du toponyme montrent clairement que le village existait bien avant que les Templiers l’aient eu en leur possession et que les Hospitaliers en aient entrepris la fortification. Le toponyme n’est donc en aucune façon lié à ces dernières. Il faut donc en chercher le sens ailleurs.

Ce toponyme est connu en d’autres lieux (nous en verrons quelques exemples en fin de billet), il ne s’agit donc pas d’une formation accidentelle et la présence de l’article la montre bien qu’il s’agissait d’un terme bien connu de l’ancien occitan. Mais quel sens précis lui donner ?

En occitan, un cobèrt, ou une cobèrta, est un toit, d’où le sens d’abri sommaire, de hangar … (cf. le français « couvert » au sens d’abri).

E. Nègre (TGF*) cite Du Cange : coopertorium, « abri, refuge, couvert où se cache le gibier ». À ce coopertorium pourraient donc correspondre cobertor et cobertoira de l’ancienne langue avec ce sens (cf. le portugais et galicien cobertoira, « couverture »)

Le suffixe –ada (latin –atum, pluriel –ata), en tant que collectif donnerait à cobertoirarada le sens d’ensemble d’abris sommaires, de masures, de constructions rudimentaires ou, plus particulièrement, celui d’ensemble d’abris bâtis pour les bergers transhumants. Plus tard et localement, ce nom a pu devenir simplement synonyme de « hameau ».

CPA.la-couvertoirade-

Outre La Couvertoirade aveyronnaise, on trouve quelques noms de lieux comparables :

la serre de la Coubertouyrade à La Cavalerie (Av.) avec serre, « colline de forme allongée » ;

La Couvertourade et Les Couvertirades à Neuvéglise-sur-Truyère (Cant.) ;

Couberturade Est et Couberturade Ouest à Rageade (Cant.) ;

Coubertirade et Coubertirade Est à Anglards-de-Saint-Flour (Cant.) ;

Cuberteyrade au Lac-d’Issarlès (Ardèche) ;

La Cabourtouyrade à Peyre-en-Aubrac (Loz.) ;

Couvertourat à Py (P.-O.), seul exemple (à ma connaissance) de ce type de toponyme à l’extérieur du Massif Central.

Notons enfin que l’adjectif « couvert, -e » a servi à former des toponymes comme Fontcouverte (Aude, Ch.Mar., Sav.), Couvertpuis (Meuse) etc. qui n’ont pas leur place ici.

rog

La devinette

Il vous faudra trouver un lieu-dit de France métropolitaine dont le nom a le même sens que celui étudié dans le billet mais qui utilise un autre radical  et un autre suffixe.

La commune où se trouve ce lieu-dit porte un nom qui la décrit comme incommode.

Ce toponyme est, à une lettre près, à l’origine d’un nom de famille dont un des membres, un industriel bien connu, a  laissé son nom à un lieu-dit d’une commune où il avait installé son usine et dont un musée rappelle aujourd’hui la gloire passée. Le nom de cette commune, issu de la langue régionale, signifie qu’elle est entourée de « crêtes allongées », de reliefs « en forme de dos, d’échine ».

un indice

indice a 19 11 2022

NB D’autres étymologies ont été proposées pour ce toponyme, mais il y a de bons arguments pour privilégier celle dont je parle.

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr

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5 commentaires sur “La Couvertoirade

  1. Bonjour M Leveto
    ———————-
    64 AICIRITS-CAMOU

    camou : camono 1160

    le château de SALAT salha, calaha 1384

    le pays de MICXE
    —————————————-
    05 CEILLAC
    ————————-
    09 à GOULIER

    ————————————-
    la fount de XISOUL
    1665 al cizou
    ciseolum : champ de pois chiches ?
    — CISET ? CESET . LATIN cicer

    09 GOULIER golier, goleys, golerio,
    1 gula ? gula-arium ( gueule, goule )

    2 gol ? ( hauteur )
    ——————————-
    09 goulier LA PIQUE d’ENDRON 2472 m


    noms des toponymes en  » pique » ( pic )
    ——————–
    10 FERREUX-QUINCEY

    —————
    CYNOPOLIS ville antique de sogdiane

    ORKYNIA , ORCYNIA Cappadoce ( guerre des diadoques)

    merci , bonne semaine.

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  2. lecteur

    ■ 64 AICIRITS-CAMOU

    camou : camono 1160

    Du gascon camou, « terrain fertile, voisin d’un gave ». C’est le même nom que l’ancien provençal cambon ou le français chambon, issus du gaulois cambo, « courbe de rivière avec dépôt d’alluvions fertiles », d’où parfois le sens de « champ bon » même sans rivière proche.

    ♦ le château de SALAT salha, calaha 1384

    Du germanique seli, allemand Saal, ayant désigné la chambre, la demeure seigneuriale puis le château. L’appellation « château de Salat » constitue donc un pléonasme.

    ♦ le pays de MICXE

    Il s’agit du pays de Mixe, en basque l’Amikuze, dont on connaît les formes anciennes suivantes : mixa 1119-36 , dominos amixe 1119-36 , amixa 1150-67 , mixia 1150-67 , mixa 1264 , mixe 1292 , mixia 1304 , micxa 1309.
    Il s’agit d’une formation du haut Moyen Âge sur une probable base basque *Amikuza, accentuée sur la deuxième syllabe ce qui explique la disparition du a initial pris pour la préposition dans cette région où le roman a pénétré. Un rapport avec le basque ametz, « chêne tauzin », ne serait pas impossible, sur la base de *ame et d’une double suffixation avec le diminutif iku et le collectif tz(e). (P.-H. Billy, cf. ma bibliographie).
    —————————————-
    ■ 05 CEILLAC

    Celiacum en 1110, du nom d’homme latin Cælius et suffixe acum
    ————————-
    ■ 09 à GOULIER
    ————————————-
    ♦ la fount de XISOUL
    1665 al cizou
    ciseolum : champ de pois chiches ?
    — CISET ? CESET . LATIN cicer

    Attention ! Je vais être long !

    R. Soueix, un érudit local, a rapproché le nom du lieu-dit, al Cizou , de celui du « cizon, une plante utilisée autrefois en médecine contre l’épilepsie, nommée en français céséli » mais, constatant que cette plante est plutôt adepte des terrains secs, il fit appel aux botanistes pour lui dire si cette plante pouvait pousser naguère dans ce lieu-dit. Je n’ai pas trouvé leur réponse … ( cf. page 20 de ce document).
    Il a abandonné cette étymologie pour privilégier, comme vous l’avez sans doute lu ici celle du « champ de pois », par un supposé cise-olum.
    Je vois plusieurs défauts à cette hypothèse : le pois chiche se dit cicer en latin et le suffixe latin olum est un diminutif et ne signifie pas « champ ou clairière ». Si l’auteur pense à un suffixe dérivé du gaulois ialo, « clairière », il oublie que dans cette région ce suffixe a donné des finales en euilh et pas en ou (cf. https://vousvoyezletopo.home.blog/2020/06/22/ialo-la-clairiere-gauloise/ ).
    D’autre part, l’occitan a ceser ou cese (ou cee dans le Niçois, cisedans le Dauphiné ou encore tiche dans le Limousin.) pour « pois chiche » et pas ciset ni ceset  ; le champ de pois chiches se dit ceserio et le diminutif est ceseroun, ceserou ou cesserou selon les régions, correspondant au français « cicerole » (Trésor du Félibrige). On pourrait à la rigueur envisager un *cise-olum comme diminutif, mais dans le Dauphiné…
    Le Dictionnaire languedocien-françois de Pierre-Auguste Boissier de Sauvages, édition de 1785, va dans le même sens, qui écrit cèzes pour le pois chiche, cèzerous pour le diminutif et cèzieiro pour le champ.

    Un rapprochement intéressant peut être fait avec le nom de la commune de Cizons (H.-P.) qui était de Cizolio en 1342, Sizolio en 1379, Cisou, Sizoo, Cisoo, Sisoo en 1429 , Sinzo en 1718 et Sinsos en 1772. L’apparition tardive du s terminal (invisible même chez Cassini) contredit les hypothèses de Dauzat&Rostaing et de Nègre qui penchent pour un nom d’homme latin accompagné du suffixe aquitain –oss(um). Les premières formes orientent plutôt vers un diminutif en olum mais le radical reste, là aussi, difficile à identifier.
    J’ajoute mes propres hypothèses :
    • celle d’un éventuel dérivé du nom de personne gaulois Cisos (formé sur ciso, « corbeille, cabriolet » ) latinisé en Cisius (M.-T. Morlet, Dictionnaire des noms de famille) qu’on trouve par exemple dans les noms de Cissac (Gir.) et Cissé (Vienne).
    • ou, plus vraisemblablement, celle d’un dérivé du basque gizon , « homme », dont on connaît les variantes gison, cison, cisson et le patronyme Cison en Aquitaine.
    J.-P. Mohen dans son ouvrage Vous avez tous 400 000 ans (JC Lattès, 1991) relève des noms de personnes inscrits sur des pierres trouvées dans le domaine gascon parmi lesquels Cisou qu’il rapproche du basque gizou, « homme ». Il explique que les populations de l’Aquitaine de César étaient des proto-Basques dont la majorité s’est laissée romaniser (Gascogne actuelle), ce que n’ont pas fait les actuels Basques qui ont gardé leur langue protohistorique, et qu’il est donc normal de retrouver dans cette région-là, la Gascogne, des racines basques.
    NB : il existe un lieu-dit Cisou à Caujac (H.-Gar.) sur lequel je n’ai pas plus d’information.

    ♦ 09 GOULIER golier, goleys, golerio,
    1 gula ? gula-arium ( gueule, goule )
    2 gol ? ( hauteur )

    Du latin gula, « gorge », et suffixe collectif arium selon Dauzat&Rostaing.
    E. Nègre mentionne l’occitan golhièr, qu’il prétend être « attesté sur place » et qu’il rapproche du limousin gaulhé, « amas d’eau bourbeuse » bien attesté, lui, dans le Trésor du Félibrige. Je n’ai trouvé qu’un seul toponyme de ce type, Le Grand Golhier à Jumilhac-le-Grand, en … Dordogne (et un Golier à Montpon-Ménestérol, toujours en Dordogne).
    En revanche, on trouve plusieurs lieux-dits Goulier en Ariège, dont un ruisseau de Goulier à Auzat, et un Goulier au Bourg dans le Lot qui plaident bien pour le latin gula.
    ——————————-
    ♦ 09 goulier LA PIQUE d’ENDRON 2472 m

    noms des toponymes en  » pique » ( pic )
    Rien à ajouter à l’article wiki
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Pique_d%27Endron#Toponymie
    ——————–
    ■ 10 FERREUX-QUINCEY

    ♦ Ferreux : Feiree1140 (à lire ferrée?), Ferroum en 1147 et Ferreus en 1152-80, de l’oïl ferrée , « garnie de fer », sans qu’on sache bien s’il s’agissait de qualifier la porte, une barrière, une herse …
    ♦ Quincey : Quinciacus en 880, du nom d’homme roman Quinctius et suffixe acum
    —————
    Ah ! Ben, on voyage avec vous, dans l’espace comme dans le temps !

    CYNOPOLIS ville antique de sogdiane

    J’ai bien trouvé une antique Cynopolis en Égypte (wiki), mais pas en Sogdiane.
    En tout cas, l’étymologie est sans surprise.

    ORKYNIA , ORCYNIA Cappadoce ( guerre des diadoques)

    la ressemblance de ce toponyme avec un des premiers noms du massif hercynien, ex forêt d’Orcynie, n’est sans doute qu’une coïncidence. Pour s’en assurer, il faudrait savoir si le nom Orkynia donné par les Grecs à cette cité turque est un mot grec ou s’il s’agit d’une grécisation du nom local. Si j’en crois quelques ouvrages feuilletés ici ou là (le plus souvent en anglais : « Orkynia or Orkynioi is not mentionned elsewhere »), cette cité n’est mentionnée que par Diodore (et reprise par Plutarque), ce qui ne facilite pas les recherches mais plaide en faveur de la seconde hypothèse. On pourrait de plus s’étonner d’une étymologie selon l’indo-européen *erk, « chêne » (d’où l’adjectif « hercynien ») pour une plaine (ou pour des champs, selon une autre traduction) en Cappadoce…

    si vous avez le temps
    POEMANENON ville de mysie

    Très peu d’occurrences sur internet et rien dans mes bouquins. Tout juste ai-je appris que la localisation de cette antique cité n’est pas sûrement établie, qu’il y avait là une source chaude aux vertus guérisseuses et que son nom grec était Ποιμανηνόν . Hélas, je ne suis pas un helléniste suffisamment aguerri pour en dire plus. Si quelqu’un peut aider, il est bienvenu.

    TRYPILLIA roumanie ; l’une des premières villes du néolithique

    Il semble que le village Trypillia se trouve en Ukraine.
    Son nom ukrainien Трипiлля (Tripilla) est mentionné dès 1093 et signifie « trois champs » en langue slave. https://en.wikipedia.org/wiki/Trypillia

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  3. Merci
    effectivement , pour cynopolis , étymologie simple , mais je m’interrogeais sur le sens exact , pour
    nommer une ville .

    la cynopolis égyptienne me renseigne : le chien était un chacal ! ( dieu )

    le problème des noms composées , en grec, gaulois ou en germanique , par exemple ,
    est toujours difficile ,car , associant deux mots , le sens n’est pas toujours évident.

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