Le voici, le voilà, le billet du week-end … avec un peu de retard, pour cause de week-end prolongé.
Mais bon, quand on se réveille face à ça …
Le billet
Il y a à peine moins d’un lustre, je commençais un billet consacré aux étymologies populaire par ces quelques lignes :
Commençons ce billet par une anecdote racontée par Albert Dauzat dans Les Noms de Lieux — Origine et évolution, un ouvrage publié chez Delagrave en 1926 ( dont je n’ai, hélas!, sur mes étagères que la réédition de 1947 …).
Voici l’anecdote :
Quelques exemples rapportés par Rochas [ Rochas (A. de ) Les noms de lieux-dits de l’arrondissement de Vienne, Paris-Tours ; 1880 ] sont tellement extravagants qu’on croirait à des galéjades si l’on n’avait pas les précisions. Un officier avait demandé à un paysan provençal : « Quel est ce col ? », « Quelle est cette ferme ? ». Le brave homme avait répondu en patois, dans le premier cas : Lou sabé pas ( « je ne le sais pas » ) et dans le second : Es la miéu ( « c’est la mienne » ). L’enquêteur prit ces phrases pour les noms demandés et inscrivit gravement sur la carte : col Loussabépas ; ferme Eslamiéu.
D’autres malentendus du même ordre sont à l’origine de toponymes moins anecdotiques. En voici quelques exemples :
Dakar (Sénégal) :
ce nom est issu du terme wolof dakhar, qui désigne le tamarinier. On raconte plaisamment que quand les premiers navigateurs européens abordèrent près de la pointe sud de la presqu’île du Cap Vert (c’étaient sans doute des Portugais au XVè siècle), ils demandèrent à des piroguiers indigènes le nom de l’endroit, mais ceux-ci crurent qu’on leur demandait le nom des grands arbres de la côte et ils répondirent n’dakar. Les autres étymologies proposées comme le wolof deuk raw, « terre de refuge », nom qui aurait été donné par les indigènes fuyant l’oppression coloniale, sont des réfections a posteriori sans base solide. (voir ce billet).
Papeete (Tahiti, Polynésie Française) :
lors de la découverte de Tahiti en 1767, sa plus grosse agglomération indigène n’était qu’un petit village côtier qu’il fallut bien nommer. Lorsque les découvreurs demandèrent son nom en pointant leur doigt dans sa direction, les indigènes crurent qu’ils montraient des femmes qui venaient du ruisseau voisin chargées d’eau douce dans des récipients en tressage serré. Ils répondirent en tahitien pape ete :« c’est de l’eau ( pape ) dans des corbeilles (ete )» ou « ce sont des corbeilles d’eau » (ce qui nous permet incidemment de savoir que la corvée d’eau était réservée aux femmes …). Papeete était née, et plus personne ne sait aujourd’hui le nom que ses habitants donnaient à leur village. (voir ce billet)
Alabama (États-Unis d’Amérique) :
Alabama aurait d’abord été le nom d’une localité indienne fortifiée découverte par l’explorateur espagnol Hernando de Soto en 1540. La forme actuelle serait une hispanisation d’Alibamo (ou Alibamon chez les anciens colons français) qui signifierait en langage indigène (choctaw) « Ici nous habitons ». C’est du moins l’explication officielle adoptée en 1868, le sceau de l’État portant l’inscription « Here we rest ». Mais une autre hypothèse plus vraisemblable traduit alabama comme issu de alba (herbes) amo (couper) : défrichement ou cueillette. (voir ce billet).
Après ce rappel de toponymes déjà vus, en voici quelques autres inédits sur ce blog :
Texas (États-Unis d’Amérique) :
ce plus grand des États-Unis d’Amérique après l’Alaska fut progressivement colonisé par les Espagnols aux XVIè et XVIIè siècles. Il fut d’abord une province de la Nouvelle-Espagne, puis du Mexique. C’est à cette époque que remonte le nom que les Espagnols écrivaient Texas ou Tejas, avec x et j notant une même fricative (cf. Mexico et Méjico). La prononciation avec x valant ks s’est imposée ultérieurement et s’est naturellement maintenue quand le Texas est devenu un état de l’Union en 1845. L’origine du nom Texas n’est pas connue avec certitude mais il semble que les Espagnols ( on raconte qu’il s’agit du frère franciscain Damian en 1690) aient pris pour un nom de pays le mot par lesquels les Indiens se présentaient et qui signifiait simplement « amis ». La quasi homophonie entre l’indien tejas et l’espagnol terras est sans doute pour beaucoup dans cette confusion.
Pérou (espagnol Perú) :
ce pays d’Amérique du Sud recouvre une partie de l’ancien royaume des Incas, mais celui-ci ne s’appelait pas ainsi en quechua. L’origine exacte du nom du Pérou n’est pas connue avec certitude, malgré de nombreuses hypothèses. C’est le navigateur et explorateur espagnol Vasco Nuñez de Balboa qui, ayant franchi en 1513 l’isthme de Panama, entendit le premier parler du riche royaume des Incas, mais on ne sait en quels termes. Dès 1515 les Espagnols organisèrent des expéditions vers le sud, cherchant à rencontrer et à remonter des vallées à partir de la côte du Pacifique. C’est ans doute lors d’une de ces explorations que les conquistadors, s’informant auprès des indigènes, entendirent le mot piru ou peru, « fleuve, rivière », qu’ils prirent pour le nom du pays qu’ils cherchaient. Cette explication est confirmée par le témoignage de Garsilasco de la Vega, fils d’un capitaine espagnol et d’une princesse inca, qui écrit en 1609 (Comentarios reales de los Incas) que son pays a été appelé d’un nom quechua pelu signifiant « rivière ». Le guarani actuel dit piru ou biru pour « eau, rivière ». Quoi qu’il en soit, les Espagnols continuèrent à employer ce nom comme celui du pays. Ce fut tout à fait officiel quand fut créée, en 1543, la vice-royauté du Pérou, qui d’abord s’étendit à presque toute l’Amérique du Sud avant d’être amputée et réduite au Pérou actuel. L’étymologie du nom du Pérou donnée par wikipedia, qui fait appel au nom d’un cacique local, n’est pas documentée.
Gran Chaco (région d’Amérique du Sud) :
cette région d’Amérique du Sud s’étend en partie sur les territoires de l’Argentine, de la Bolivie, du Brésil et du Paraguay, entre les rivières Paraguay et Paraná à l’est, et l’Altiplano andin à l’ouest. Son nom est emprunté au quechua chacu qui désigne une manière de chasser pratiquée anciennement par les indigènes et qui consistait à encercler le gibier pour le forcer. Quand les conquérants espagnols du XVIè siècle entendirent ce mot, ils crurent qu’il signifiait « domaine de chasse » et l’appliquèrent à la région — comme si on avait appelé Vénerie les forêts soloniotes. Contrairement à ce que dit wikipedia, chaco ne veut pas dire « territoire de chasse ». Le nom de la région est précédé de l’adjectif espagnol gran, « grand », permettant ainsi de la distinguer de la province argentine du Chaco qui n’en est qu’une partie.
Yucatán (presqu’île et État du Mexique) :
On sait que cette région fut découverte en 1517 par le conquistador Hernandez de Cordoba, mais on ne sait pas avec certitude d’où fut tiré son nom espagnol Yucatán. À défaut d’une étymologie contrôlable, on retient souvent une explication anecdotique. Un indigène à qui les Espagnols demandaient le nom du pays aurait répondu dans sa langue quelque chose signifiant « je ne comprends pas » que les Espagnols auraient noté Yucatán. C’est ce qu’écrit en 1541 le franciscain Toribio de Benavente dans son Histoire des indiens de la Nouvelle Espagne. Il est permis de douter de cette étymologie. Une autre explication voit dans ce nom un composé de deux mots locaux yuka, « tuer », et yetá, « beaucoup », rappelant l’extermination du peuple maya par les maladies et les conquistadors. Une troisième explication fait appel au yucca dont les Mayas consommaient les fruits ou bien au yuca, nom tupi-guarani du manioc que les Mayas avaient peut-être adopté. D’autres explications ont été données, mais moins crédibles.
La devinette
Il vous faudra trouver une localité non française.
L’ancien nom de cette localité est l’adaptation par ceux qui venaient y commercer d’une expression que les indigènes disaient dans la langue locale en signe de bienvenue.
Son nom moderne désigne, toujours dans la langue locale, le cours d’eau qui la borde.
Une base aérienne américaine avait été installée là pendant la Seconde Guerre mondiale, ce qui a largement contribué au développement de la localité.
■ un indice :
■ et un autre :
Réponse attendue chez leveto@sfr.fr
Bonjour m Leveto
courte liste
51 SAINT-IMOGES quel saint ,nom latin ?etc..
51 BINARVILLE
78 HOUILLES 1 oviles : brebis 2) hullium ; hauteur ? holle
08 BUZANcY
67 MOLLKIRCH = « église sur la MAGEL »
( mahlkirch)
la MAGEL ?
rocher du GRAUSCHLAG grau : gris schlag : coup, choc ( la schlague) ?
88 VEXAINCOURT – vessincourt XVIIème siècle
Merci beaucoup.
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Le Canada … un malentendu
https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/services/origines-nom-canada.html
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Sète, vu du quai Suquet.
Pas mal comme villégiature.
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►Brosseur
Le Canada, bien sûr, oui. Mais il y en a tant d’autres ! Je ne pouvais pas tous les donner…
► LGF
C’est vous qu’on appelle aussi IGN ?
Léopold Suquet fut président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Sète de 1962 à 1967.
Ça ne fait pas beaucoup avancer le schmilblick, mais bon, l’odonymie est une branche de la toponymie.
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C’était un peu fastoche avec le magasin citadin d’épicerie fine parisienne, puis un petit tour sur Google Maps.
Et non, pas avec le Geoportail de l’IGN, un peu moins pratique pour ce genre d’exercice.
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►lecteur
■ 51 SAINT-IMOGES quel saint ,nom latin ?etc..
Le Dictionnaire topographique de la Marne (Auguste Longnon, Paris, 1891) nous donne de nombreuses formes anciennes dont les suivantes :
Saintemoige (1207) ; Ad nemus Saintimoge (1211) ; La Nueve-Ville à Saint-Ymoige (vers 1274) ; Saint-Ymoge (1308) ; Sanctus Imogius (1380) ; Villa Nova de Ymogio (1380) ; Sainct-Ymoge (1573) ; Saint-Imoges, Saint-Imoge (1630) ; Longmont (1794)
Pour l’étymologie de ce nom, cf. le site de la mairie ( paragraphe « De l’origine du nom de la localité ») :
https://www.saint-imoges.com/histoire
Je n’ai rien à ajouter à ces explications sauf que le magus dont il est question est la latinisation du gaulois magos qui désignait à l’origine le champ de foire, le marché.
■ 51 BINARVILLE
Le même dictionnaire que précédemment nous donne des formes anciennes dont les suivantes :
Buisnartvile (1197) ; Buignardi Villa (1243) ; Buinarville (1359) ; Binarville (1366) ; Bienarville, Biennarville (1686) ; Benarville (1718)
Le nom Buisnart qui apparaît en 1197 est un patronyme issu du nom de personne germanique Benehardus. Il est ici accompagné de ville.
■ 78 HOUILLES 1 oviles : brebis 2) hullium ; hauteur ? Holle
Formes anciennes : Hullium et Holles en 1205.
Dauzat & Rostaing (1963) jugent le toponyme « obscur » et proposent à tout hasard l’ancien français holle , « hauteur ».
E. Nègre (1991) y voit le nom d’homme germanique Hodilus accompagné du suffixe ias (sous-entendu terras).
Marianne Mulon (en 1997), Stéphane Gendron (en 2008) et Roger Brunet (en 2016) préfèrent y voir des brebis, de l’ancien français oeille, ouille (du latin ovicula).
Victoire des brebis, donc.
■ 08 BUZANcY
Probablement de l’ethnique latin Byzantius, devenu nom de personne, et suffixe acum ou d’un nom d’homme germanique Buso et double suffixe in – iacum.
■ 67 MOLLKIRCH = « église sur la MAGEL »
( mahlkirch)
En effet, Dauzat & Rostaing comme Nègre expliquent le nom de Mollkirch par « église sur la Magel ».
Je pense quant à moi qu’on peut voir dans le premier terme du nom Mahl (kirch) de 1220 une variante de Mühle, « moulin » (cf. mahlen, « triturer », et le bas-breton mala, « moudre »).
♦ la MAGEL ?
Le Dictionnaire topographique, historique et statistique du Haut et du Bas-Rhin (Jacques Bacol, 1865) explique que le village est arrosé par la Magel qui y fait mouvoir un moulin et une scierie. Il explique le nom de la Magel par le celtique mag(o), « champ », et en, « eau ».
https://books.google.fr/books/about/L_Alsace_ancienne_et_moderne_ou_Dictionn.html?id=eV2BSkEi6doC&redir_esc=y
Mollkirch serait donc plutôt « l’église (près) du moulin » et bordée par la Magel.
♦ rocher du GRAUSCHLAG grau : gris schlag : coup, choc ( la schlague) ?
Ce nom n’est pas mentionné dans le dictionnaire précité.
Pour avoir une idée de sa signification, il faudrait connaître l’histoire locale (sans doute une anecdote ou une légende est-elle à l’origine du toponyme ).
■ 88 VEXAINCOURT – vessincourt XVIIème siècle
Wessincourt en 1656 et Vexincourt en 1710, du nom de personne germanique Vuasinus et latin cortem, « domaine rural ».
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Merci beaucoup
Binarville est donc comme Besnard, Besnehard ( patronymes)
& Houille comme les ouailles !
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Pas de malentendu là
https://www.townofcomebychance.com
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