Jsp puis LGF ont rejoint TRS et TRA pour un carré de « solutionneurs » de ma dernière devinette. Bravo à tous !
Il fallait trouver La Vallée-au-Blé, un petit village de l’Aisne.

On en sait un petit peu plus sur les formes anciennes du nom que ce que nous dit wikipedia puisqu’on trouve déjà écrit en 1573 Vallée le Bled. La carte de Cassini ( feuillet 43 – Laon – 1755 ) mentionne la Vallée aux Bleds :
et, même si on trouve écrit La Vallée-aux-Blés en 1829 lors de la création de la commune :
Si la première partie de ce nom ne fait pas de difficulté, son déterminant mérite d’être expliqué. Bled est une des formes en ancien français issues du francique *blad, peut-être croisé avec le gaulois *blato, « farine », ayant d’abord signifié « produit d’un champ, récolte » avant de se spécialiser dans « blé » au XIè siècle. Ce francique *blad évoluera par la suite de plusieurs façons : le diminutif blaet donnera la blaeterie puis le « blatier » ( XIIIè siècle) ; la base blav-, avec un -v- de transition, donnera « emblavure » et « emblaver » ( XIIIè siècle ) ; la base blai-, blay- donnera « déblayer», « enlever la moisson » ( XIIIè siècle ) puis « enlever des matériaux quelconques » ( XIVè siècle ) par opposition à l’ancien français emblayer, « ensemencer en blé » puis « embarrasser », et enfin « remblayer » ( XIIIè siècle), d’où « déblai » ( XVIIè siècle), « déblaiement » ( XVIIIè siècle ) et « remblai» ( XVIIè siècle).
Les choses auraient pu en rester là, le nom de La Vallée-aux-Bleds ayant un air vieille France qui aurait pu plaire à certains. Sauf que, de l’autre côté de la Méditerranée, un mot arabe était adopté par les Français d’Algérie : blad, « terrain, pays », ( arabe littéraire bilād ), transformé en bled avec le sens de « campagne, région à l’intérieur des terres » puis, par les troupes françaises en Afrique du Nord, en argot militaire au sens de « terrain, territoire ». Le mot prendra, toujours chez les militaires, le sens de « rase campagne, terrain (inhabité) entre les lignes » dès 1916 et, plus précisément, de « terrain vague séparant deux tranchées ennemies ». Un peu plus tard, bled désignera un « terrain sans culture ni habitation » avant de prendre, entre les deux Guerres, le sens péjoratif de « contrée reculée ou petit village isolé, sans commodités ni distractions ». La Guerre d’Algérie renforcera la perception péjorative de ce mot ce qui entrainera la demande de changement de nom de La Vallée-aux-Bleds qui obtiendra finalement le 19 juin 1961 le droit de s’appeler La Vallée-au-Blé.

Les plus attentifs auront sans doute remarqué le passage du singulier -le-Bled au pluriel -aux-Bleds puis de nouveau au singulier au-Blé. Le sens primitif de bled était celui de « céréale dont le grain sert à l’alimentation » et, par extension, de « champ de céréales ». Cette céréale pouvait être le blé mais aussi le froment, le seigle, etc. Dans certaines régions le mot désignait également les légumes. On dira aussi blé noir pour « sarrasin » et même blé d’Inde pour « maïs » ( 1603). Le sens spécifique de blé que nous connaissons aujourd’hui ne sera acquis que plus tard ( cf. l’étymologie ). Le pluriel aux Bleds signifie qu’il y a eu plusieurs champs de céréales dans la vallée, sans qu’on sache précisément de quelles céréales il s’agissait, tandis que le singulier au Blé semble vouloir dire que la vallée était spécialisée dans la culture du blé, ce qui n’était peut-être pas le cas.
Les indices
■ la photo :
ce no man’s land était là puisqu’un des premiers sens de « bled » a été celui de « terrain vague séparant deux tranchées ennemies ». Peu importait l’endroit où fut prise cette photo, l’essentiel étant d’y voir un bled.
■ le tableau :
Ce tableau d’Edward Hopper ( 1882 – 1967 ), daté de 1930, s’intitule Corn Hill, qui se traduit normalement de l’anglais d’Amérique en français par « colline de maïs ». Or, certains, trompés par le sens de corn en anglais de Grande-Bretagne, ont traduit ce titre par « Blé colline ». Cette erreur, combinée avec le nom de blé d’Inde donné au maïs, est à l’origine du choix de ce tableau comme indice ( en plus j’aime bien Hopper, vous l’avez peut-être remarqué ).
Et confinez-vous bien !