Dérivé de monos, « seul », le grec monakos, « solitaire », a été emprunté par le latin ecclésiastique où monachus a, sous la forme altérée *monicus, donné le français « moine » (monies, munies en ancien français) et l’occitan morgue/monge.
Précision d’importance : tous les noms qui suivent sont devenus, tels quels ou sous une forme proche, des patronymes : il est donc fort possible que certains des toponymes cités ne soient liés au moine que de manière indirecte.
Moine
Le moine est très présent en toponymie, qu’il apparaisse seul, avec des compléments ou comme complément. Dans la plupart des cas, le pluriel s’est imposé. On trouve ainsi des noms comme la Ville aux Moines, la Pièce aux Moines, le Bois au Moine, l’Étang au Moine, la Vigne au Moine, la Croix au Moine, etc. ainsi que des Fiefs aux Moines, des Moulins au(x) Moines(s), des Île aux Moines, etc. Notons pour le plaisir un Beau Moine (le Poiré-sur-Velluire, Vendée), la Verge-au-Moine (Saint-Aubin-le-Monial, Allier), un Bagne au Moine (Forges, Ch.-M.), un Faux Moine (Saint-Gildas-des-Bois, L.-A.), le Gobu Moine (Mohon, Mor.) et l’inévitable Froc aux Moines (la Neuville-Chant-d’Oisel, S.-M.).
Quand le roi Érispoë de Bretagne fit don de la morbihannaise Île-aux-Moines à l’abbaye de Saint-Sauveur de Redon en 854, son nom était au singulier dans l’acte de donation qui indiquait Enes-Manac ad fabas, « l’île du moine produira des fèves ». Le pluriel ne prendra le dessus qu’au XVè siècle.
Le Bois-d’Amour de l’Île-aux-Moines… euh, non, rien.
L’adjectif monial sert de déterminant à Paray-le-Monial (S.-et-L.), Pouilly-le-Monial (Rhône) et Saint-Aubin-le-Monial (Allier) et apparait dans quelques noms de lieux-dits comme au Poirier Monial de Bourbon-l’Archambault (Allier).
Le nom de la Moine, affluent droit de la Sèvre nantaise, qui était aussi appelée Mayne ou Mayenne, doit son nom au gaulois *medhuana, « la rivière du milieu », repris par le latin mediana. On retrouve son nom dans celui de la commune nouvelle Sèvremoine.
Moineville (M.-et-M.), attestée Moyennivilla en 875 et Moenenus villa en 896, devrait son nom au nom de personne germanique Maino suffixé -iaca (TGF*) plutôt qu’au latin mediana ou au nom de personne germanique Megino (DENLF*) — en tout cas, aucun moine dans ce nom.
Monge
Le masculin monge, « moine », comme le féminin monja, « moniale, se retrouvent à de très nombreux exemplaires comme Monge (à Arue, Landes, etc.), Le Monge (à Eyzerac, Dord., etc.) et La Monge (à Betchat et Bonnac, Ariège, etc.) ou encore au pluriel comme pour Monges (à Uzech, Lot, etc.) ou Les Monges (à Nyons, Drôme, etc.). Par métonymie, monge a pu désigner aussi le lieu où vivaient des moines, d’où le sens de monastère de certains de ces lieux.
Ce terme apparait comme déterminant dans le nom de Lioux-les-Monges (Creuse, en référence aux bénédictines de Beaumont du Puy-de-Dôme dont Lioux dépendait) et de Saint-Hilaire-les-Monges (P.-de-D., en rappel de l’abbaye de Saint-Genès rattachée à Saint-Hilaire avant la Révolution).
De nombreux éléments du relief portent aussi un nom en lien avec le monge comme Les Monges (Manosque, Tuniers, Authon, A.-de-H.-P.), la Tête des Monges (Vaumeilh, id.), le Col des Monges (Larche, id.), la Crête des Monges (La Bégude-de-Mazenc, Drôme), les Rocs de Monges (Pinsac, Lot), et d’autres. Il est toutefois difficile, à la lecture du seul nom, de savoir s’il est dû à un ou des moines propriétaires ou bien s’il a été donné par analogie de forme.
Les diminutifs sont présents comme pour Monget (Arbus, P.-A., etc.), Mongette (Arancou, id., etc.), Les Mongettes (Narbonne, Aude, etc.), Il semblerait que la commune Monget (Landes) doive son nom aux moines de l’abbaye de Pontaut dont elle était une dépendance.
Avec le sens de monastère ou de couvent, le nom féminin mongie est à l’origine du nom de La Mongie, la station de sports d’hiver bien connue de Bagnères-de-Bigorre (H.-P.) au col du Tourmalet. Mais on trouve d’autres lieux-dits La Mongie dont six en Vendée (Soullans, Apremont, Saint-Hilaire-de-Loulay, Les Essarts, La Pommeraie-sur-Sèvre, Vouvant), quatre en Gironde (Génissac, Vérac, Cazals, Pompéjac) et quelques autres. Avec un t non étymologique, par attraction de « mont », on a écrit Lamontgie (P.-de-D) pour ce qui était anciennement une Mongia, et pour des lieux dits La Montgie (Châteauneuf-les-Bains et Sauvessanges, P.-de-D., Saint-Pierre-du-Champ, H-L.). En Dordogne apparaissent Lamonzie-Saint-Martin et Lamonzie-Montastruc, ainsi que des lieux-dits la Monzie (Périgueux, Château-l’Évêque, etc.) et les Monzies (Peyriniac). Avec le préfixe –erie, on trouve Lamongerie en Corrèze, et les Mongeries à Roullet (Char.).
Mourgue
La forme féminine occitane mourgue désigne la nonne, la religieuse. Par paronymie avec l’occitan murga, « souris », du latin muricus, « souris », on a dit mourgue dans le Midi , familièrement et parfois avec mépris, pour désigner la religieuse, à cause de leur costume gris, de leur discrétion et de leur cornette qui rappelait les oreilles de la souris.
Nombreux sont les toponymes issus de ce terme, aussi bien au singulier comme La Mourgue (Montchamp, Cant., etc.) ou au pluriel comme Les Mourgues (Monteux, Vauc.). On trouve aussi des Mas de Mourgues (Lunel, Hér., etc.), des Bois de Mourgues (Blesde, H.-L.), etc. Les oronymes sont présents avec une Colline des Mourgues (Villeneuve-lès-Avignon, Gard), un Roc des Mourgues (Beaucaire, Gard), un Puech des Mourgues (Saint-Bauzille-de-Montmel, Hér. — qui pourrait être une « colline des musaraignes » selon l’archéologue J.-L. Fiches) et d’autres.
Rajoutons à cette liste la commune de Saint-Geniès-des-Mourgues (Hér.) qui doit son nom à un couvent de nonnes.
Le diminutif est représenté avec des noms comme le Mourguet (Champs, P.-de-D., etc.) et les Mourguettes (Portiragnes, Hér.).
Manac’h
On rencontre en Bretagne quelques Manac’h de même étymologie (latin monachus) et de même sens , comme des Coat Manac’h (bois, à Saintrena, Fin.), Mézou Manac’h (champ, à Garlan, Fin.), Ty ar Manac’h (maison, à Brasparts, Fin), Beg ar Manac’h (pointe, à Landunvez, Fin.) et quelques autres.
Munch
L’alsacien munch, de l’allemand Mönch, « moine », a donné leur nom à Munchhausen (B.-Rhin) et à Munchhouse (H.-Rhin), avec le germanique haus, « maison ».
*Les abréviations en gras suivies d’un astérisque renvoient à la bibliographie du blog, accessible par le lien en haut de la colonne de droite.
La devinette
Il vous faudra trouver le nom d’une commune de France métropolitaine en deux mots précédés d’un article, dont l’un est lié au latin monachus et l’autre au règne végétal.
On y faisait un vin apprécié, dit-on, d’un roi de France et même, écrivit-on, de l’écuyer d’un géant de fiction. De nos jours, ce vin de pays n’est plus aussi réputé.
Le chef-lieu de l’arrondissement où se trouve cette commune porte un nom qui rappelle qu’on y avait aménagé un nouveau passage.
Un indice ? Bon :
Et je vous assure que je n’ai pas mieux — sauf à trop vous aider!
Réponse attendue chez leveto@sfr.fr