Ces trois mots désignaient une haie de branches entrelacées, une clôture tressée et, par métonymie, le clos ainsi délimité et, quelquefois, les habitations qui s’y trouvaient ainsi isolées. Ils sont issus des anciens français plaisse (nom féminin) et plaissis (nom masculin), « haie, clôture, palissade », du participe passé plectus du verbe latin plectere, « tresser, entrelacer », de l’indo-européen *plek– de même sens. L’ancien français connaissait aussi le verbe plaissier, « plier, entrelacer, entourer de haies tressées » donnant le participe passé plaissié, « entouré de clôtures tressées ». Tous ces mots ont donné des toponymes en France septentrionale.
Plessis (Le)
Le Plessis est présent dans le nom de vingt-sept communes françaises, toutes au nord de la Loire, dont douze en Île-de-France et quatre en Normandie. J’ai écrit il y a déjà un lustre à ce sujet :
Le plessis pouvait être soit un espace mis en défens (c’est-à-dire défendu à tout un chacun puisque réservé au seigneur) soit la résidence du seigneur elle-même. Le toponyme est dans ce dernier cas le plus souvent accompagné de celui du propriétaire : Le Plessis-Dorin (L.et-C.), Le Plessis-Pâté ( Essonne), Le Plessis-Bouchard (Val d’Oise), etc. On connaît aussi Le Plessis-Piquet qui est devenu Le Plessis-Robinson pour la raison que je donnais tout en bas de ce billet.
On trouvera la liste complète de ces communes en suivant ce lien.
Outre le « plessis défensable », comme on appelait ces espaces clos réservés au seigneur, le « plessis » pouvait donc désigner le château ou, plus souvent, le manoir et même, plus tard, la maison de maître. Dans le Roman d’Aquin de la fin du XIIè siècle, il est ainsi question de « les forteresses, [les] chasteaulx et pleissis ». (en ligne chez Gallica, page 16, vers 383).
Dans un autre article, j’écrivais :
Le Plessis-Bourré à Écuillé ( Maine-et-Loire) doit son nom à Jean Bourré, secrétaire et trésorier de Louis XI puis trésorier de France sous Charles VIII. Visiblement, le poste était enrichissant puisque « cestuy chevalier se fist édifier au pays d’Anjou une très belle et forte place appelée de son nom le Plesseys Bourré, qui est tenu ung des chasteaulx de France, pour ce qu’il contient, le plus grand et le mieux basty » ( Chronique d’Anjou de Jehan de Bourdigné, 1529). Heureusement, les choses ont bien changé depuis ces temps obscurs où on piquait sans vergogne dans la caisse!
Plessis sert de déterminant à Tellières-le-Plessis (Orne) ainsi qu’à Fougerolles-du-Plessis (May.), Colombiers-du-Plessis (May.) et Argentré-du-Plessis (I.-et-V.), ces trois dernières absentes de la liste wiki.
Une variante orthographique a donné son nom à une ancienne commune du Morbihan, Le Plessix-Balisson (avec Baluçon, surnom porté par Geffroy Brient, seigneur du lieu en 1184), aujourd’hui dans Beaussais-sur-Mer.
Une altération de plessis a fourni le nom de Plaisir (Yv., Placicio en 775, Plesiz en 1162 et Plessiaci vulgo Plaisii en 1236).
Plessis apparait dans de très nombreux noms de lieux-dits : dix Château du Plessis, une vingtaine de Bas Plessis et autant de Haut Plessis, vingt Petit Plessis mais seulement quinze Grand Plessis etc. La variante Plessix est beaucoup moins représentée.
Plessier (Le)
Quatre communes, toutes en Picardie, portent un nom formé avec l’ancien français plaissié, écrit plessier. Il s’agit de Le Plessier-Huleu (Aisne), Le Plessier-sur-Bulles et Le Plessier-sur-Saint-Just (Oise) et Le Plessier-Rozainvilliers (Somme).
Une quinzaine de lieux-dits picards portent ce même nom. Ce dernier est devenu nom de famille que l’on retrouve dans La Plessière à La Pommeraye (M.-et-L.) et à Theneuille (Allier) et Les Plessières à Lucenay-lès-Aix (Nièvre).
Éplessier, dans la Somme, était Plaisseium en 1256 puis Es Plaisiers en 1315, où on reconnait l’article ès, « en les », précédant plaissié. En 1118, le village était appelé Septa qui était une traduction en latin saepta, « clôtures, barrières », de son nom roman.
Plesse (La) et Plaisse (La)
Cette variante féminine apparait dans des micro-toponymes principalement en Normandie, Bretagne et Berry, avec le sens de « branche coupée à demi, couchée et entrelacée avec d’autres pour constituer une haie ». Ces noms désignaient originellement des champs clos plutôt que des habitations.
On trouve ainsi par exemple une Basse et une Haute Plesse à Saint-Didier-sous-Écouves (Orne), un diminutif La Plessette à Orgères (I.-et-V.), la Motte Ès Plesse d’en bas et la Motte d’Ès Plesse d’en haut à La Harmoye (C.-d’A.), un Bois des Plesses à Triguères (Loiret), etc.
Ce toponyme se retrouve aussi en Bourgogne avec La Plesse à Saint-Fargeau (Yonne), en Vendée avec La Plesse à Mervent, en Pays de la Loire avec La Plesse à Fontaine-Milon (M.-et-L.) et jusqu’en Savoie avec La Plesse à Saint-Offenge-Dessous.
La variante orthographique plaisse se retrouve en Bretagne comme la Métairie de la Plaisse à Saint-Gonnery (Mor. — oui : Bond, my name is Bond), en Normandie comme les Plaisses à La Génevraie (Orne), en Pays de la Loire comme La Plaisse à Chazé-sur-Argos (M.-et-L.), mais aussi en Savoie avec La Plaisse au Bourget-du-Lac ou avec le diminutif Plaisset à Montaimont.
Plaix (Le)
Nom masculin, la variante contractée plaix apparait principalement dans le centre de la France avec une quarantaine de Le Plaix et quelques Les Plaix.
Ces noms peuvent être déterminés comme le Grand Plaix et le Plaix Joliet à Lourdoueix-Saint-Michel (Indre) ou le Petit Plaix à Nozières (Cher) mais aussi servir de déterminants comme pour le Château du Plaix à Chamblet (Allier, où plaix a bien le sens de haie entourant le château), la Touche aux Plaix à Paulnay (Indre, avec touche, « petit bois de haute futaie préservé du défrichement »), la Brande du Plaix à Gournay (Indre, avec brande, « lande de bruyère, genêts et ajoncs subsistant après une déforestation très ancienne, et qui servait de pacage aux troupeaux de petit bétail »), etc.
Une variante orthographique se retrouve avec Le Plex à Mérigny (Indre). On retrouve cette orthographe dans les formes anciennes de plusieurs lieux-dits du Centre comme Le Plaix à Saint-Hilaire-en-Lignières, Levet et Chapelle-Hugon dans le Cher qui étaient tous Plex aux XVè – XVIè siècles. Ceci explique le nom de famille Duplex qui est à son tour devenu toponyme pour Duplex à Lahitte-Toupière (H.-Pyr.).
Notons d’autres variantes plus rares comme Le Play à Mailhes (Loire), à Saint-Disdier (H.-Alpes), à Bayons (A.-de-H.-P.), le Bois de Play à Espinchal (P.-de-D.), etc. ou comme Pley à Castels (Landes) et à Cherves-Richemont (Char.).
Il conviendra d’éviter la confusion avec des toponymes alpins où play est le nom de l’érable blanc dit « faux platane » (occitan provençal et vivarois plai, du latin platanus ; plaï dans le Queyras, plai dans le Velay) : d’où la Jasse du Play ou la Serre du Play en Isère.
Une autre confusion est possible avec le breton plé -, issu du latin plebs, avec le sens de paroisse, mais celui-ci est toujours accompagné d’un déterminant qui rend l’identification plus aisée
Plech
En région de langue d’oc, on rencontre, principalement dans le Sud-Ouest, la forme plech ou son féminin plèche qui désignaient là aussi une haie. On trouve ainsi une dizaine de La Plèche rien que dans le Gers, un Plech à Oust (Ariège), à l’Isle-en-Dodon (H.-Gar.) etc., des Plèches Basses, du Milieu et Hautes à Nasbinals (Loz.). Avec un suffixe collectif ou augmentatif apparaissent des noms comme la Pléchade à Brignemont (H.-Gar.), à Abidos (P.-Atl.), etc. ou encore Pléchat à Eauze (Gers), à Bize (H.-Pyr.), etc.
On trouve une variante dans les noms de Pleich à Montseron (Ariège), à Moirax (L.-et-G.) et à Savères (H.-Gar.).
La devinette
Il vous faudra trouver le nom d’un lieu-dit de France métropolitaine lié aux mots étudiés dans le billet du jour.
La commune où se situe ce lieu-dit porte un nom absent des dictionnaires toponymiques de référence. Le Conseil général du département, cité par wikipedia, rapproche ce nom de celui d’un insecte ou de celui d’un crochet de fer. Que dire d’autre à propos de ce nom sinon qu’il lui manque beaucoup pour me faire des choses ?
■ une bédé, pour le lieu-dit lui-même :
■ une photo, pour le pays :
■ une autre photo, pour la région :
■ et un habitué :
Réponse attendue chez leveto@sfr.fr