Creusées dans le sol, les arènes étaient entourées d’un mur de pierre épais qui permettait d’offrir des sièges au spectateur, le podium.
Le mot latin podium désignait à l’origine le mur très épais formant plate-forme autour des arènes sur lequel on pouvait installer plusieurs rangées de sièges. Par la suite ce mot a désigné toutes sortes de hauteur et s’est appliqué, en toponymie, à une colline au sommet plutôt arrondi voire plat qui la différenciait du mons.
En Gaule, toutefois, ce mot n’a pas débordé, sauf exceptionnellement ( en Bretagne par exemple) au nord d’une ligne Nantes – Nevers – Nice.
Après la perte habituelle du -d- intervocalique ( comme Rhodanus a donné Rhône, cauda a donné queue, etc.) ce mot, devenu quelque chose comme *po-ium, a connu des évolutions très variées selon les prononciations locales pour aboutir à des mots fort différents dont certains très éloignés du podium initial.
Une colline au sommet plat : le Puy de Crouël ( Puy-de-Dôme )
La forme la plus répandue est sans conteste puy ( l’accent sur le -i- a fait disparaitre la finale -um et la transformation du -o- en -u- a fait le reste) que l’on trouve à de très nombreux exemplaires, le plus connu étant sans doute Le Puy-en-Velay ( Haute-Loire), Le Puy dans le Doubs étant une des exceptions à ma frontière virtuelle. Le mot « puy » a fini par être intégré au vocabulaire français comme terme de géographie, par exemple au Puy de Dôme, allant jusqu’à perdre sa majuscule pour devenir nom commun.
D’autres évolutions dialectales ont conduit à des noms aussi divers que pech, puech, poey, pouey, pouy, etc. Et par simplification extrême on est parvenu à des formes aussi simples que pi ou pé.
Cette dernière forme que l’on trouve notamment en Haute-Garonne ( Péchabou, Péguilhan, etc.) s’est propagée jusqu’en Sarthe ( Notre-Dame-du-Pé) et en Bretagne où des lieux-dits portent ce nom, parfois transformé en pié voire pied.
D’autres évolutions ont conduit à des toponymes où l’on a du mal à reconnaître le podium. C’est le cas par exemple de Le Poil ( Poio en 1056, Alpes-de-Haute-Provence, qui dev(r)ait se prononcer poïl ou poïeul), de Le Pout ( Gironde) ou encore de La Pouge (Creuse).
Tous les podia n’étaient pas si hauts et certains méritaient même un diminutif:
- avec -ittum on obtient des noms comme Puget ( Vaucluse), Puget-Théniers* (Alpes-Maritimes) ou Le Pouget (Hérault). Une particularité régionale a fait évoluer ce nom vers Poët que l’on retrouve à quatre reprises dans la Drôme ( Le Poët-Célard, Le P.-Laval, Le P.-en-Percip et Le P.-Sigillat) et une fois dans les Hautes-Alpes ( Le Poët).
- Avec -eolum on a Poujols et Le Pujol-sur-Orb ( Hérault), Poyols (Drôme), Puyoo ( Pyrénées-Atlantiques) et d’autres exemples.
Ce mot se retrouve aussi naturellement en Corse sous la forme Poggio, comme à Poggio-Marinaccio, P.-d’Oletta, P.-di-Venaco et quelques autres.
Nous constatons ainsi, s’il en était besoin, grâce à la toponymie qui a figé les mots à une certaine époque, que l’on ne parlait pas tout à fait la même langue selon la région où l’on habitait. Allez dire à un Haut-Alpin du Poët, à un Sarthois de Notre-Dame-du-Pé et à un Corse de Poggio-di-Venaco qu’ils partagent le même podium … nul doute que chacun voudra en occuper la plus haute marche! Comment disait-il, tonton Georges, déjà ?
Comme nous l’avons vu, les toponymes formés sur podium sont très nombreux et, comme les gens ont pris cette fâcheuse habitude de voyager, d’aller voir du pays, il a bien fallu , pour éviter la confusion ( « Mais oui, Messire du Puy, je serai au Puy tandis que mon bien aimé époux sera au Puy et plaise à Dieu que chacun y retrouve ses petits Puy! »), les différencier les uns des autres. On a fait jouer ce rôle à des déterminants qui seront l’objet du prochain billet.
* Mention spéciale à Puget-Théniers dont le nom, Pogit au XIè siècle ( de pogittum, « petit podium », donc) a été complété en Pogeto Tenearum en 1346. Tenearum fait référence non seulement à la rivière Tinée mais aussi au cours moyen du Var qui portait à l’époque lui aussi ce même nom: il y avait donc bien deux Tinées, d’où le pluriel à Tenearum et son maintien dans l’ancien nom local lo puget de tenias et dans son nom actuel Théniers. On remarquera au passage l’ajout d’un -h- que je n’ai pas pu dater mais que l’on peut qualifier, au moins et pour rester aimable, de pseudo-savant.