Fougères

Les fougères sont des végétaux caractéristiques des terrains vacants, friches et landes. Elles ont joué un grand rôle dans la nourriture des animaux, leur litière et comme fumure. On voyait encore, à la fin des années soixante dans les Hautes- Pyrénées, des fougères étalées autour de la maison afin de les piétiner en permanence pour en faire du fumier.

Le latin filix et son dérivé filicaria, d’où est issu « fougère » dont le premier sens est collectif, ont donné un grand nombre de toponymes sous différentes formes comme on peut le voir sur cette carte ( non exhaustive ) :

On aura remarqué que c’est dans les noms corses, Felce et Feliceto (H.-Corse ), que l’on reconnait le mieux le latin filix — même si Felzins ( Lot, avec suffixe -inum ) n’en est pas très loin.

En zone picarde, le son k de filicaria se maintient pour donner Feuquières ( Oise ) et d’autres comme Fouquerolles ( Oise ). En pays gascon, le passage habituel du -f- au -h– aboutit à Le Houga (Gers ) et d’autres noms comme Heugas ( Landes).

Pour le reste, on retrouve les suffixes habituels : -(i)ères ( latin -aria ), -olles ( diminutif latin -ola ), -et ( collectif latin -etum ) ainsi que -ay ou -ets ( acum, ce qui constitue un des rares cas où ce suffixe complète un nom végétal plutôt qu’un nom d’homme).

Le breton emploie radenec pour champ de « fougère, fougeraie », à l’origine du nom de Radenac ( Morb. ), Rédené ( Fin.) et Rannée ( I.-et-V.).

Dans le Sud-Ouest, l’équivalent est touya ou tuye, souvent un mélange de fougères et d’ajoncs, que l’on retrouve communément dans des micro-toponymes des Landes et des Pyrénées-Atlantiques sous les formes ( La ) Touja, Toujas, Toujan notamment dans le Gers.

Le basque a iratze, à l’origine de micro-toponymes comme Iratzea (« fougeraie » ) et des dérivés comme Iratzeburua ( bout ), Iratzehandia ( grand ), Iratzemendi ( mont ), Irati et la forêt d’Iraty ( oui, comme le fromage ! )

… avec un Pacherenc-du-Vic-Bilh !

J’en termine avec Matafelon-Granges ( Ain). L’hypothèse de Dauzat&Rostaing ( DENLF*) qui en fait un nom féodal, « qui mate le félon », appliqué à un château fort est sujette à discussion. Ernest Nègre ( TGF* ), l’éternel contradicteur, préfère y voir, comme pour Mateflon ( à Seiches, M.-et-L.) l’oïl matefelon, mateflon, nom de la fougère ophioglosse, « langue de serpent ». Il est suivi en cela par Roger Brunet ( TDT* ). Chacun se fera son opinion. Quant à elle, la légende locale raconte l’histoire d’un certain Maté le Félon, surnom d’un sinistre sire d’Oliferne ( le pic et le château d’Oliferne existent bel et bien ), qui se serait livré impunément au rapt des femmes et des jeunes filles, dont il se débarrassait ensuite en les enfermant dans des tonneaux qu’il jetait dans l’Ain. Il fut finalement vaincu par le seigneur du lieu.

Vous attendiez une devinette …

Je dois malheureusement renoncer à celle que j’avais prévu de soumettre à votre sagacité. Après des recherches approfondies, je constate que l’étymologie du toponyme en question est si controversée ( une sorte de querelle des Anciens et des Modernes …) qu’elle n’est pas tranchée, chacun avançant des arguments plutôt convaincants. J’y reviendrai sans doute dans un prochain billet.

Mise à jour du 12/08/2019 à 10h30 : … particularité physique du terrain …

En attendant, peut-être vous amuserez-vous à chercher le nom d’une commune faisant état de la particularité physique du terrain où poussaient des fougères.

Un indice, mais il ne faudra pas venir vous plaindre ! :

*Les abréviations en majuscule renvoient à la Bibliographie.