Les restes du sapin …

Me voici de retour au clavier, en route vers de nouvelles aventures. J’en profite pour vous souhaiter une excellente année 2023 ! 

Abies alba

Alors que les dernières aiguilles du sapin de Noël ont été balayées, je vous propose de partir sur les traces que cet arbre a laissées … en toponymie. Comme on le constatera, elles sont bien moins nombreuses que celles laissées par les autres essences, comme le chêne, le bouleau, le hêtre, le tilleul et d’autres que je vous laisse chercher en tapant leur nom dans le champ de recherche ad hoc.

Trois termes différents ont été utilisés pour parler de ce conifère, auxquels ont peut ajouter deux mots de langues régionales.

ci-contre : planche botanique Abies alba

Abies

Le latin abies, « sapin », est à l’origine de l’ancien occitan abet, de même sens, d’où abetosa, « forêt de sapin ». L’occitan moderne dit respectivement avet et avetosa/avetada ; le catalan a conservé abet et l’espagnol abeto.

On ne sera pas surpris de trouver des toponymes correspondants principalement dans l’Aude et le Sud-Ouest :

forme simple : Abet à Laruns (P.-A.), Notre-Dame-d’Abet à Lahontan (id.) et quelques cols de l’Abet ou de l’Abeta dans les Pyrénées ;

collectif (latin –etum) : L’Abédet à Aucun (H.-P.), le bois de Labétet à Aste-Béon (P.-A.) avec soudure de l’article, l’Abetat à Audry (id.) ; 

collectif (latin -osum) L’Avétouse à Camps-sur-l’Agly (Aude) et Lavetosa à Baillestavy et Amélie-les-Bains (P.-O.) à comparer à La Abetosa espagnole (à Benasque, en Catalogne) ; plus un diminutif Bétouset à Andrein (P.-A.) ;

la déglutination de l’initiale a donné son nom à Bétous (Gers) et à des lieux-dits homonymes à Caupenne-d’Armagnac (Gers) et à Réaup-Lisse (L.-et-G.) ainsi qu’à la forêt de la Bétouse à Camps-sur-l’Agly (Aude).

le nom de Bédeille (P.-A.) attesté Avedele en 1101 et Avedelha en 1429 est semble-t-il lui aussi formé sur le latin abies, comme celui de Bédeille (Ariège) – mais la forme Bedelhe de 1402 a fait émettre l’ hypothèse d’une origine d’après le nom d’homme latin Vitellius.

CPA Bédeille Ariège

Sap

Le gaulois *sapo est à l’origine du latin impérial sapinus/sappinus qu’on trouve chez Varron et Pline. Si on rapproche ce terme gaulois du sanscrit sapa, « résine », du breton sap , « sapin », du vieux cornique sibnid, « sapin blanc », on peut lui supposer une origine indo-européenne. Les toponymes qui en découlent se retrouvent principalement en territoires nord-occitans.

Rappelons tout d’abord que la Savoie elle-même, appelée Sapaudia par Ammien Marcellin en 391, doit son nom à ce gaulois *sapo, « sapin », accompagné de *uidu, « arbre, bois » et classiquement suffixé en –ia.

Si on excepte tous les noms de formation récente formés sur Sapin(s), Sapinière, Sapinerie etc. , on peut citer ces toponymes :

forme simple : Sap-en-Auge (Orne), Le Rif du Sap à La Chapelle-en-Valgaudemar (H.-Alpes – avec rif, « ruisseau ») et de nombreux lieux-dits Le Sap, notamment en Ardèche, Lozère …. et dans les Alpes comme Les Saps à Ancelle (H.-A.). La forme féminine existe comme à La Sapine à Charpey (Drôme) et à Maubec (Vauc.). Le suffixe –onia est à l’origine du nom de Sapogne-et-Feuchères (Ardennes) ;

CPA Le Sap Orne

collectif : Le Sapet à Châtillon-en-Diois (Drôme), à Lanuéjols en Lozère et à Saint-Sauveur-en-Rue (Loire), Le Sapey à Estivareilles (Loire), Le Sapey très présent en Savoie comme aux Déserts, Le Sappey à Thônes (H.-Sav.), Le Sapenay à Saint-Cassin (Sav.), Sapetière au Fontanil (Is.) etc. Et ajoutons les noms de plusieurs communes : Le Sappey (H.-Sav.), Le Sappey-en-Chartreuse (Is.), Sapois (Jura et Vosges) ainsi que Seppois-le-Bas et Seppois-le-Haut (H.-Rhin, avec un joli Sept Pois chez Cassini pour la première).

Vargne

Le gaulois *varno, « sapin » (du celtique *vuarnia, « résineux ») a donné des noms régionaux pour désigner le sapin blanc comme vargne, vuargne, vuarne et quelques autres qu’on retrouve dans de nombreux toponymes en Savoie et Franche-Comté :

forme simple : La Vargne aux Villards-sur-Thônes (H.-Sav.), Les Vargnes à Thônes et à Megève (H.-Sav.), Les Vuargnes à Mont-Saxonnex (id.), etc. et une forme patoisante pour la forêt du Vargnoz à Seytennex (id.) ;

collectif : Le Varnet à Brenthonne (id.), Vuarnet à Allinges (id.) … Le Vuargni aux Gets (id.) et Le Vuargneux à Samoëns (id.).

NB : il ne sera pas question ici des toponymes formés sur un radical garn– que certains linguistes rapprochent du même gaulois *varno. Le Trésor du Félibrige définit garno comme une « ramée de pin ou de sapin, branche de mélèze, bois pour chauffer le four, cépée ». L’occitan actuel désigne plus généralement par garna une « ramée de conifères ». Cependant, ce terme garn se retrouve dans des régions où il a plus particulièrement le sens de « buisson, taillis, fourré épais » (Massif-Central, Vendée, etc.) et sera étudié dans un prochain billet.

Autres langues

le germanique tann, « sapin », se retrouve dans les noms de Thann et Vieux-Thann (H.-R.), Thannenkirch (id., avec kirch, « église »), Thanvillé (B.-R.), Schweighouse-Thann (H.-R., avec Schweighouse, « maison du bétail ») et dans celui de plusieurs lieux-dits.

le basque izei/izai, « sapin », a donné peu de toponymes parmi lesquels on trouve le lac d’Isabe aux Eaux-Chaudes (P.-A.) et le col d’Isseye ou Isaye sur la même commune. Notons toutefois qu’une autre hypothèse fait dériver ces noms d’un oronyme *is, variante de aitz, « pierre, roche ».

 

rog

La devinette

Il vous faudra trouver un lieu-dit de France métropolitaine dont le nom est, sans surprise, lié à un des mots du jour.

Il s’agit à l’origine du nom d’un hameau, voire d’une seule ferme, passé au ruisseau qui l’arrose.

Selon le fichier ou la carte qui le mentionnent, ce toponyme est écrit de différentes façons mais sans qu’en soit altérée sa compréhension.

La commune qui abrite ce lieu-dit doit son nom au franchissement d’un cours d’eau – mais sans doute pas  celui dont il est question plus haut.

À une trentaine de kilomètres par la route, dans le même département, se trouve une commune dont le nom est le diminutif du précédent suivi d’un déterminant.

On trouve aussi, dans d’autres départements, deux stricts homonymes, un homonyme précédé d’un article et un homonyme suivi d’un déterminant.

Cette commune fut jadis offerte par le vainqueur d’une croisade à un de ses lieutenants, dont le fils fit bâtir un château dont il ne reste plus aujourd’hui que le donjon

Le chef-lieu de canton où se trouve le lieu-dit à trouver porte un nom issu de celui d’un homme accompagné d’un suffixe, les deux latins.

Le nom du pays a été étudié naguère, avec ses voisins, dans un billet du blog que vous êtes en train de lire.

Un indice pour la production agricole régionale :

indice a 08 01 2023

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr