Une fois de plus, TRS est le seul à m’avoir déjà donné la bonne solution à ma dernière devinette, bravo à lui !, tandis que TRA n’est pas passé très loin …
L’énoncé en était le suivant, aussi succinct que possible, bien entendu :
Il faudra trouver le nom d’un village français issu d’un des deux mots du jour, mais peu reconnaissable.
( les deux mots du jour étant vicinum et vicanus, tous deux dérivés de vicus ).
La région où se trouve le village était indiquée par :
Le site officiel de la ville du village, s’il donne bien cette étymologie issue d’un dérivé de vicus, en propose une autre issue d’un mot du parler local désignant un taillis, un fourré, muni d’un suffixe collectif local.
Pour aider les retardataires, voici les traditionnels indices du mardi :
■ une sculpture :
■ un dessin :
Ce dernier indice étant particulièrement violent, on s’arrêtera là.
Si je suis bien à jour de lecture de mes courriels, seul TRS m’a donné les deux bonnes réponses. Bravo à lui ! MAJ à 20h43 : in extremis, LGF vient de le rejoindre !
Viel-Arcy
La première mention du nom de ce village axonais date de 1297 sous la forme Vicus Arsus où l’on reconnait le latin vicus, « village », accompagné de l’adjectif arsus, « brûlé ». Le passage de vicus à viel s’explique par un traitement de vicus en veculus, sur le modèle de vetulus, « vieux », et par la chute du -c– intervocalique donnant ve (c) lus. Arsus, « brûlé », a été remplacé par l’ancien français arseis, « incendie, endroit rempli de bois brûlé ».
Le nom du village est écrit Vieil-Arcy sur la carte de Cassini ( feuillet 44, Soissons, 1757 ).
Le nom actuel Viel-Arcy ( site officiel de la mairie, site insee et page wiki ) semble dater de 1793 où on le trouvait en un seul mot Vielarcy. En 1801 cohabitent deux noms : Vieilarcy en un seul mot et Viel-Arcy en deux mots. Curieusement, Dauzat&Rostaing ( DENLF*) et Ernest Nègre ( TGF*) écrivent Vieil-Arcy, en 1961 pour les premiers et en 1991 pour le second.
Carte postale datée de 1914-17 avec le nom Vieil-Arcy
Les indices
Le nom du château de Moulinsart ( verlan du hameau belge de Sart-Moulin) était là pour rappeler le défrichement ( « essart » ) sans doute opéré par le feu sur les terres du vicus arsus ( à moins que le village ait été victime d’un incendie comme l’existence tout proche de Pont-Arcy, « pont brûlé », semble le suggérer … ) et pour la paronymie exartus / arsus.
La terre brûlée était là pour les mêmes raisons : arsus, « brûlé » puis arseis, « incendie ».
Enfin, les haricots étaient de Soissons, chef-lieu de l’arrondissement où se trouve Viel-Arcy.
Coublevie
Le nom de ce village isérois apparait au XIè siècle sous la forme ecclesia de Scoblavia et on trouve ensuite Scoblavif, Escoblevil, Coblavi, Coblavie au XIVè siècle et encore Escoblavi au XVè, tandis que Cassini écrit Couldevic avec sans doute une mauvaise interprétation des deux premières syllabes ( feuillet 119, Grenoble, 1779).
L’étymologie semble être le latin scopilia, « balayures » ( cf. scōpæ, ārum « balai » ), suivi de vicus, « village ». Il pourrait alors s’agir d’un « village des balayures » ou de « balayures de village » ( TGF*) ou bien du village d’un nommé Scopilius, sobriquet pour « balayeur » ( DENLF *). Je suivrai pour ma part J.-C. Bouvier ( NLD*) qui reprend ces deux hypothèses … sans choisir.
« Le nom signifierait « couple de voies » c’est-à-dire deux routes » : cette étymologie proposée par la page wiki , qui fait l’impasse sur les premières formes du nom en Sc- devenues Esc- ( comme scala a donné « échelle » ) contradictoires avec un éventuel copula, est à rejeter, tout comme celle d’André Planck dans L’origine du nom des communes du département de l’Isère ( Édition L’atelier, 2006 ) qui propose une origine gauloise, « vallée sèche qui sert de voie », sans fondement.
Une dernière étymologie a été proposée par J. Filleau dans son Dictionnaire toponymique des communes de l’Isère ( Editions de Belledonne, Grenoble, novembre 2006 ). Selon lui,
« Coublevie » provient du patois « couble », issu du latin copula, désignant tout ce qui sert à attacher, un lien, un attelage de chevaux ; « vie » signifie voie en latin. « Coublevie » pourrait être interprété comme la voie, le chemin où se situe le relais, la poste où l’on trouve des « coubles ».
C’est, là aussi, faire peu de cas des formes anciennes qui commencent par sc- incompatible avec un supposé copula et qui, toutes, renvoient au latin vicus ( Cassini ne s’y est pas trompé, lui, qui écrit Couldevic ).
Les indices
L’extrait vidéo de Fantasia ( Walt Disney, 1940 ) était là pour le ballet des balais.
La réglisse : c’est à Coublevie que Noël Perrot-Berton, apothicaire à Voiron (Isère), a choisi d’installer son entreprise de production de la fameuse Antésite en 1898.
Le balai renvoyait à l’étymologie du toponyme
et le gratin dauphinois renvoyait au Dauphiné, région où se trouve Coublevie.
*Les abréviations en gras suivies d’un astérisque renvoient à la bibliographie du blog, accessible par le lien en haut de la colonne de droite.
Dans la civilisation romaine de la colonisation, le vicus a désigné le village gaulois, distingué du municipium, village de citoyens romains, et de la colonia, village de colons. Le terme s’est maintenu jusqu’au haut Moyen Âge pour désigner un gros village. Il a par la suite été balayé par l’extension urbaine de la villa, d’abord simple domaine rural puis à l’origine du village. Si civitas, la ville en tant que corps politique, qui a subi la même exclusion, s’est maintenu dans la langue en donnant « cité » tout comme le municipium est à l’origine de « municipalité », le vicus a quant à lui totalement disparu. Il n’en reste qu’un vestige en gascon où vic désigne une subdivision territoriale : le Vic Nau de la commune de Garlin ( P.-A.) représentant le « vic neuf » opposé au « vic vieux », le Vic Bilh ( Vicus Vetelus au Xè siècle ) qui s’étend au sud.
La représentation de vic est donc aujourd’hui purement toponymique. Le nombre relativement important de communes portant ce nom ou un de ses dérivés montre que ce terme désignait, au cours du haut Moyen Âge, une agglomération de quelque importance. Il serait fastidieux de toutes les citer, aussi ne donnerai-je que quelques exemples permettant de définir différentes formations :
■ nom simple avec ou sans déterminant :
Vic ( Ariège, de Vico en 1195), V.-sur-Aisne (Aisne), V.-de-Bigorre ( H.-Pyr.), V.-Fezensac ( Gers, Vic en 1127 ), V.-la-Gardiole ( Hér.), etc. ;
Vico ( Corse-du-Sud ) ;
Vicq ( Allier, Dordogne, H.-Marne, Nord, Yv. ), Vicq-d’Auribat ( Landes avec valle aurea, « vallée dorée » ), V.-sur-Breuilh (H.-Vienne), V.-Exemplet ( Indre, Vici Exampletum en 1327, de l’ancien français essampler, « agrandir », et, par extension « défricher » ), V.-sur-Gartempe ( Vienne), etc. ;
Vif (Isère, Vicus au XIè siècle) ;
Vis-en-Artois ( P.-de-C., Vico en 1098 ) ;
Vitz-sur-Authie (Somme) ;
Vix ( C.-d’Or, Vendée ).
Vy-lès-Filain, Vy-lès-Lure, Vy-les-Rupt ( H.-Saône ), etc.
Vyt-lès-Belvoir ( Doubs ) ;
■ diminutif viculus : Viel-St-Remy ( Ardennes, Vici S. Remigii en 1241 ), Vieu-en-Valromay ( Ain, Vyu en 1267), Vieu-d’Izenave ( Ain, de Vico en 1185 ), Vieux Viel ( I.-et-V., Veteri Vicello au XVè s.) ;
■ avec le suffixe locatif gaulois –iaco : Vichy ( Allier, Viciacus au VIIIè siècle ), Vissac ( H.-Loire, Viziaco vers 900 ) et Vichel ( P.de-D., Vichey en 1630) ; mais ces trois noms pourraient aussi être issus de noms d’hommes latins Vippius ou Vicarius suivis du suffixe –acum et je me garderai bien de trancher.
■ nom composé avec ou sans déterminant :
avec un nom d’homme : Viabon ( E.-et-L., du germanique Abbo ) ;
avec une épithète : Viâpres-le-Grand et Viâpres-le-Petit ( Aube, vicus asper, « le rude » ), Vieuxvicq (E.-et-L., Vetus vicus en 1041, « vieux »), Vieuvy (May., id.), Vieux-Vy-sur-Couesnon ( I.-et-V., id.), etc., Viffort ( Aisne, latin fortis ), Longvic ( C.-d’Or ), Longwy ( Jura, M.-et-M.), Moyenvic ( Mos.), Crévic ( M.-et-M., Curvico en 950, avec le latin curvus, « courbe »), Viplaix ( Allier, Vipleis en 1327 puis Vicus Plexus en 1422, du participe passé plexus, « plié », pour décrire une agglomération en arc de cercle – à moins qu’il ne faille voir dans le -pleis du premier nom une altération de plessis, « enclos fait de branches entrelacées », qui sera mal interprété pour donner plexus ) etc. Les composés de loin les plus nombreux de ce type sont formés avec « neuf » comme Vigneux-sur-Seine ( Ess., Vicus Novus au VIè s., avec attraction tardive de « vigne »), Vinneuf ( Yonne, avec attraction de « vin neuf »), Neuvic ( Corrèze, Dord., Vienne, Char. ), Neuvy ( Allier, L.-et-C., Marne, etc.), Nevy-les-Dole ( Jura ), Nouic ( H.Vienne, novo vico sur une monnaie mérovingienne ), etc. Le nombre important de « nouveaux vicus » au haut Moyen Âge montre bien l’accroissement démographique de cette période à l’origine de nombreux défrichements et de nouveaux établissements ruraux : il y avait alors plus d’agglomérations qu’aujourd’hui !
avec un nom de rivière : Blévy ( E.-et-L., Blesiae Vicus en 1125, sur la Blaise ), Vibraye ( Sarthe, Braio vico sur une monnaie mérovingienne puis Vibraium en 1092, sur la Braye ), Vienne-la-Ville et Vienne-le-Château ( Marne, Viasna en 1074 de vicus Axona, avec axona, ancien nom de l’Aisne ), Visseiche ( I.-et-V., sur la Seiche ), Vivonne (Vienne, Vicovedonense en 857, sur la Vonne ), Vicdessos (Ariège, avec l’ancien nom attesté en 1272 du ruisseau Sos qui a pris aujourd’hui le nom du village ).
avec le nom de l’ancien village : Vimarcé ( May., de Vico Marciano au IXè s. puis Vimarcio en 1290 : de Marcius et –acum), Vimory ( Loiret, Vico Mauro en 1152 puis Vimoriacum en 1350, de Maurius et –acum ).
Mais ce n’est pas tout ! On sait que le latin vicus est à l’origine de vicinum qui désignait le voisinage, d’où « voisin » en français et de vicanus, épithète signifiant « du village ». Ces deux dérivés sont à l’origine de différents toponymes qui seront vus dans un prochain billet.
Devinettes
Il vous faudra trouver les noms de deux communes françaises dont l’étymologie, outre le vicus, évoque
1 – une terre brûlée :
et cet indice devrait sans doute suffire pour celle-ci ;
2 – un « technicien de surface » :
et, comme c’est sans doute introuvable avec ce seul indice puisque ni le site officiel de la mairie ni la page wiki ne donnent cette étymologie mais préfèrent parler d’un prétendu carrefour, voici un indice sans doute plus efficace :