Ville-sur-Terre et l’île aux Chrétiens ( les répauxdev)

Mes deux dernières devinettes, que je n’imaginais pas si compliquées, n’ont pas été résolues ( aux dernières nouvelles, LGF s’est approché tout près de la première !). En voici donc les solutions :

Ville-sur-Terre

Le nom de ce petit village de l’Aube était noté Villa Saura Terra en 845 puis Villa Sore Terre en 1103, Ville sub Terra en 1143 et Villa Super Terram en 1179 *. On reconnait dans les premiers noms l’oïl ville, « village », l’adjectif féminin saure, « jaune brun, fauve » ( qui  a déjà été vu à propos de Solterre dans ce billet) et l’oïl terre : il s’agissait d’un village bâti sur une terre argileuse jaune. L’adjectif « saure », mal interprété, sera transformé dès le XIIè en préposition avec quelque hésitation : d’abord sub, « sous, en dessous », puis super, « sur, au-dessus » ; c’est cette dernière qui sera conservée jusqu’à donner son nom actuel au village.

ville-sur-terre

Ville-sur-Terre, où Terre serait pris au sens de planète, aurait naturellement toute sa place dans un Guide du routard à l’échelle de la Voie lactée. De la même manière, un Terrestre prié par la police interplanétaire de décliner son adresse pourrait répondre sans mentir qu’il habite une ville sur Terre.

La photo de la tunique blanche du prêtre, l’aube, était une référence au nom du département de l’Aube comme le dessin du poisson, un bar, renvoyait à Bar-sur-Aube, chef-lieu du canton qui abrite Ville-sur-Terre ( et je vous garantis que je n’ai pas fait exprès d’inverser le rébus en Bar-sous-Aube !).

L’île aux Chrétiens

Ce petit îlot de l’archipel de Molène dans le Finistère portait le nom breton d’enez ar C’hrisienn. Ce dernier mot, mal interprété, sera à l’origine du nom français :

Citons enfin un bel exemple d’étymologie populaire, rapporté par M. J. Cuillandre : l’ile aux Chrétiens, îlot au sud de Molène : il s’agit du breton Enez ar C’hrisienn, « l’île au sable fin » (grisienn = sable fin, étendue de sable)**.

ile aux chrétiens

La présence de cet îlot dans un éventuel Guide du routard évangélique à paraître s’explique aisément. Inhabitée, cette île ne pourrait servir d’adresse à personne.

La photo de l’aube comme le dessin du poisson ( ichthus ) sont des références que je pensais limpides à la chrétienté …

*Nègre (E.),Toponymie générale de la France, vol III, p.1429, n°26077, Librairie Droz, Genève, 1998.

**Corby C. Le nom d’Ouessant et des îles voisines . In : Annales de Bretagne. Tome 59, numéro 2, 1952. pp. 347-351