Ce n’est plus guère qu’en géographie qu’on rencontre aujourd’hui le terme « pertuis », pour désigner un col, un passage étroit, une percée ou encore un passage entre deux îles ou une île et le continent ; le même mot peut aussi désigner l’ouverture dans un barrage de moulin, destinée à laisser passer les bateaux.
Pertuis est le déverbal, attesté vers 1140 sous la forme pertus, de l’ancien verbe pertuisier, « faire un trou », employé jusqu’au début du XVIIè siècle puis classé comme « vieux » par les dictionnaires bien que toujours présent dans les dialectes. Ce verbe, dont on connait aussi des formes pertucar ou pertucer, est issu du latin populaire *pertusiare (à l’origine aussi de « percer ». Dès le VIIIè siècle, le latin médiéval atteste pertusium, « trou ». Au début du XIIè siècle apparait le mot pertus bientôt suivi de pertuis pour désigner d’abord couramment un trou, une petite ouverture puis, dès 1155, un col de montagne.
Si la forme pertuis s’est répandue dans toute la France où elle a fourni de nombreux toponymes, c’est dans le Midi, francisé plus tardivement, qu’on rencontre encore la forme pertus. Dans les deux cas sont apparues des formes pseudo-savantes avec un –th– non étymologique donnant perthuis ou perthus.
Une fois de plus, pensant partir pour une petite promenade de santé, j’ai finalement parcouru un marathon : la toponymie est une science épuisante !
Pertuis
■ Forme simple pertuis :
On trouve plus de deux cents toponymes formés sur la forme simple pertuis, parmi lesquels quatre noms de communes : Le Pertuis (H.-Loire, Pertus en 1284), Pertuis (Vauc., Pertusum en 981), Beaumont-de-Pertuis (id.) et Donzy-le-Pertuis (S.-et-L.). Pour ces communes, le pertuis devait représenter le passage obligé, non par les nécessités topographiques du lieu mais en raison de l’établissement de péages. C’est sans doute aussi le cas pour certains des toponymes que nous allons voir, dont il faudrait étudier plus précisément la topographie et l’histoire.
Les noms de lieux-dits, habités ou non, sont près d’une cinquantaine de (Le) Pertuis auxquels on ajoute les Pertuis servant de déterminant comme pour Bois du Pertuis (La Pérouille, Indre), la Croix du Pertuis (Ozolles, S.-et-L.), les Champs du Pertuis (Fâchin, Nièvre), et plusieurs Mont Pertuis, Pierre Pertuis, Roche Pertuis etc. ou encore les Pertuis accompagnés d’un qualificatif comme le Bon Pertuis (Gardanne, B.-du-R.), Froid Pertuis (Jolivet, M.-et-M.), un Pertuis Carré (Brienon-sur-Armançon, Yonee), plusieurs Grand Pertuis, le Beau Pertuis (Ancy-le-Libre, Yonne), le Mal Pertuis (Zincourt et Attigny, Vosges).
![CPA84-Pertuis](https://vousvoyezletopo.home.blog/wp-content/uploads/2023/10/cpa84-pertuis.jpg?w=1100)
Pertuis (Vaucluse) – Le timbre de type Blanc permet de dater la carte de1900 à 1930. Les curieux pourront en savoir plus sur le Service des améliorations (foncières) en suivant ce lien.
D’autres toponymes rattachent le Pertuis à un animal (quatre Pertuis au Loup, un Pertuis aux Loups), à un végétal (Pertuis des Vignes), à un patronyme (le Pertuis d’Allard, Mornay-Berry, Cher ; le Pertuis de Manou, Senonches, E.-et-L. ; le Pertuis Noguet, Inodouër, I.-et-V., etc.) ou à un élément métaphorique (le Pertuis d’Enfer, Clamecy, Nièvre ; le Pertuis de l’Ombre, Ygrande, Allier).
Enfin, il convient de noter que, par relation du lieu à l’habitant, Pertuis a pu devenir patronyme d’où des noms comme pour le Mas de Pertuis à Saint-Haon (H.-L.) ou le Mas Pertuis de Châtillon-sur-Chalonne (Ain).
Les oronymes sont également très présents avec des noms simples comme le Pertuis (Chichilianne, Is. ; Saou, Drôme, etc.), plusieurs redondants Col du Pertuis (Mizoën, Is. ; Comps, Drôme etc.), des Aiguilles du Pertuis (Les Borels, H.-A.), l’Aiguille du Pertuis (Abondance, H.-Sav.), des Grand(s) et des Petit(s) Pertuis, un pléonastique Trou des Pertuis (la Haute-Beaume, H.-A.), etc.
On a vu que « pertuis » pouvait désigner un passage étroit en mer : c’est le cas pour le Pertuis de Maumusson entre l’île d’Oléron et le continent, le Pertuis breton entre l’île de Ré et le continent et le Pertuis d’Antioche entre l’île de Ré et l’île d’Oléron, ainsi nommé car il était emprunté par les navires se rendant au Proche-Orient, dans la principauté d’Antioche tenue par les Croisés.
■ Formes dérivées de pertuis :
Les dérivés de « pertuis » sont plus rares mais on peut relever les diminutifs Pertuiset (Mieussy, H.-Sav. etc.), Pertuison (Pont-l’Abbé-d’Arnoult, Ch.-M. etc.) et Pertuisot (Moroges, S.-et-L. etc.) qui sont plus vraisemblablement des patronymes. Les dérivés comme Pertuisière(s) (Réveillon, Orne etc.) et Pertuisserie (Almenèches, Orne) sont à coup sûr des noms formés sur des patronymes.
Le Moulin Pertuizet (Villemotier, Ain) et Pertuizet (Saint-Germain-Laval, Loire) font apparaitre une variante orthographique avec z.
■ Formes composées en un seul mot avec pertuis :
Le composé Roquepertuis, « le rocher du passage », entre dans le nom de Saint-André-de-Roquepertuis (Gard), faisant sans doute référence au roc de l’Aiguille qui marque la sortie de la gorge de la Cèze.
Si on trouve un Bonpertuis (Apprieu, Is.) et un Bonpertui (Notre-Dame-de-Briançon, Sav.), c’est de loin le Maupertuis , « mauvais passage », qui est la forme la plus fréquente avec plus d’une centaine d’exemples, dont les communes de Maupertuis (Manche) et Nouaillé-Maupertuis (Vienne).
Le composé Montpertuis est présent à une quinzaine d’exemplaires comme à Baye (Marne) – mais certains d’entre eux peuvent être d’anciens mau pertuis – tandis que je n’ai trouvé qu’un seul Fraispertuis à Jeanménil (Vosges).
■ Perthuis :
Cette forme pseudo-savante se retrouve dans le nom de la commune de Pierre-Perthuis (Yonne), du Château du Perthuis (Conflans-sur-Loing, Loiret), du Moulin de Perthuis (Gy-le-Nonain, Loiret) et dans celui d’une douzaine de lieux-dits.
On trouve également cette orthographe dans le nom de la commune de Mauperthuis (S.-et-M.) et de quelques lieux-dits ainsi que dans le nom de cinq ou six Montperthuis.
![CPA mauperthuis-chemin-des-tourelles](https://vousvoyezletopo.home.blog/wp-content/uploads/2023/10/cpa-mauperthuis-chemin-des-tourelles.jpg?w=381&h=593)
Voilà un passage qu’il ne faisait sans doute pas bon d’emprunter, à Mauperthuis (S.-et-M.)
Pertus
Comme je l’ai indiqué dans mon introduction, c’est dans le Midi, zone moins influencée par le français moderne, que l’on rencontre la forme pertus (occitan pertús) où elle désigne le plus souvent un col, un passage difficile.
■ Forme simple Pertus :
On trouve moins d’une trentaine de lieux-dits, habités ou non, portant ce nom comme le Pertus (Cieux, Vienne, etc.) ou le pléonastique Trou du Pertus (Plaisians, Drôme). Le plus souvent, il s’agit d’un patronyme comme pour Chez Pertus (Suis, Char.), Bois de Pertus (Peyremale, Gard) ou Mas Pertus (Arpajon-sur-Cère, Cantal) et quelques autres. Notons également les Champs Pertus aux Porcs (Boron, T.-de-B.) dont les porcs devaient aisément pouvoir sortir (à moins qu’il ne s’agisse plus vraisemblablement des champs où un certain Pertus gardait ses porcs).
Les oronymes sont moins de vingt avec une Cime du Pertus (Belvédère, A.-Mar.), un Pertus de Souffre (Les Ollières-sur-Eyrieux, Ardèche), des Ravin ou des Vallon du Pertus etc.
■ Formes dérivées :
On retrouve là aussi des diminutifs comme Pertuset, Pertusette ou Pertusot, mais vraisemblablement patronymiques. Apparaissent aussi des Pertusière et une Pertuserie (Carbay, M.-et-L.). Le féminin se retrouve dans le nom de la Roche Pertuse à Névache (H.-A.) à rapprocher de la Pierre Pertusée à Jouac (H.-V.). Quant au Pas de Pertuson du massif du Vercors (à Méaudre, Is.), il constitue à son tour une tautologie.
Mes lecteurs les plus attentifs se souviendront sans doute du Pas de Pertuité (Valloire, H.-Sav.), mentionné dans une récente liste de lecteur.
Des variantes orthographiques avec un z se retrouvent dans des noms comme Pertuza (l’Argentière-la-Bessée, H.-A.), Pertuzou (Saint-Vérand, Is.), le Pertuzat (Monastier-sur-Gazelle, H.-L.), la Pertuzerie (Saint-Savinien, Ch.-M.) et quelques autres.
■ Formes composées en un seul mot avec pertus :
Pertús est le plus souvent composé avec mal ou mau, « mauvais », d’où les noms du Roc de Malpertus, sur le mont Lozère, du Valat de Malpertus (Les Bondons, Loz.) et d’une petite dizaine de lieux-dits Malpertus. Le composé Maupertus est plus rare qui ne se retrouve que dans le nom de la commune de Maupertus-sur-Mer (Manche) où il désigne la difficile entrée du port, ainsi que dans celui du Bois des Maupertus à Dampmesnil (Eure) et des lieux-dits Maupertus (Ancelle et Ascros, H.-A.).
La commune de Duilhac-sous-Peyrepertuse (Aude) a adopté son déterminant en 1976 en référence aux ruines du château de Peyrepurtuse qui le surplombe et mentionné par Cassini sous le nom de Pierre Pertuse. Le nom du château a servi à créer celui du pays, le Peyrepertusès.
Signalons également le lieu-dit et site archéologique de Roquepertuse (à Velaux, B.-du-R.).
■ Perthus :
Moins de vingt toponymes montrent l’orthographe perthus. C’est bien entendu le cas de la commune des Pyrénées-Orientales et du col du Perthus, entre France et Espagne. On trouve un autre col du Perthus à Saint-Raphaël (Var), accompagné d’un Pic du Perthus Occidental et d’un Pic du Perthus Oriental, du Ruisseau et d’un Ravin du Perthus. On trouve à peine six lieux-dits portant un tel nom simple comme le Perthus à Saint-Cyprien-sur-Dourdo (Av.).
Variantes régionales
■ En Corse
Onze toponymes corses sont issus de ce même pertus, parmi lesquels Pertuso à Marignana, le Capo Pertusato de Bonifacio, la Petra Pertusa à Bocognano, le ruisseau de Pertusella à Ola, etc.
On trouve également la variante partusu dans les noms de la Fontaine de Partusu à Quenza, de de la Punta di I Partusi à Sartène et du ruisseau de Partuso à Galéria.
■ Dans les Alpes
Le franco-provençal connait lui aussi la variante partu, d’où dans les Hautes-Alpes les lieux-dits Partus et Partusas à La Motte-en-Champsaur et le Ravin du Partus à Arvieux.
![herge-.-carte-double-tintin-point-d-interrogation_2069395](https://vousvoyezletopo.home.blog/wp-content/uploads/2023/09/herge-.-carte-double-tintin-point-d-interrogation_2069395.jpg?w=181&h=245)
La devinette
Il vous faudra trouver un lieu-dit de France métropolitaine dont le nom est lié à ceux du billet du jour.
La commune dans laquelle se trouve ce lieu-dit doit son nom, précédé d’un article, à un matériau de construction typique de la région.
Le chef-lieu de canton doit son nom, précédé d’un article, à l’Église.
Le chef-lieu d’arrondissement doit son nom à des divinités gauloises protectrices de la montagne voisine.
Un seul indice :
![indice a15 10 2023](https://vousvoyezletopo.home.blog/wp-content/uploads/2023/10/indice-a15-10-2023.jpg?w=1100)
Réponse attendue chez leveto@sfr.fr