La ronce, deuxième partie : en langue d’oc

Comme promis dans mon précédent billet, je m’attaque aujourd’hui aux traces laissées par la ronce dans la toponymie occitane.

Les mots occitans romec, rome, désignant la ronce, sont issus du latin rumex à l’accusatif rumicem, après adoucissement du i bref en e. (Pour plus de détail, lire la première partie !).

Il convient de ne pas oublier que, même en régions de langue d’oc, le terme de langue d’oïl « ronce » a été  utilisé (d’où des noms comme Ronzière, Rongière etc. ou même simplement Ronce ou Ronze) comme il l’a été en francoprovençal.

Les formes simples

Le nom de la ronce se retrouve, au féminin ou masculin (una rome ou un rome), variance héritée du double genre de la racine latine, dans des noms de lieux-dits du type La Roumec (Escandolières, Av. etc.), Au Roumec (Orbessan, Gers) ou simplement Roumec (Dausse, L.-et-G.). La forme roume se retrouve à La Roume (Pompogne, etc.), Le Roume (Beaulon, Allier, etc.), Les Roumes (Bessuéjouls, Av., etc.) et Roume (Oust, Ariège etc.).

Avec substitution du t à c, l’occitan romet désigne également la ronce, sans en être un diminutif. Il apparait dans des noms de lieux-dits comme Roumet (Sain-Vit, L.-et-G. etc.), La Roumet (Saint-Julien-de-Crempse, Dord. etc.), Les Roumets (Viols-le-Fort, Hér.) et Roumets (Boos, Ardèche).

Issus de l’occitan romega (prononcé « roumègo« ) sont apparus les noms de (la) Roumega (Manciet, Gers ; Pibrac, H.-G.), de Roumège (Salles-Curan, Av. ; Viazac, Lot ; Saint-Nectaire, P.-de-D.) et de (Les) Roumèges (La Chapelle-aux-Brocs, Corr. ; Poussan, Hér.).

Avec un a prosthétique est apparu le terme arromet, de même sens. On trouve ainsi Les Aroumets (Hounoux, Aude), Aux Arroumets (Saucats, Gir.), Les Arroumets (Sabres, Landes) etc. L’agglutination de l’article est à l’origine du nom du Port de Laroumet (Lanzac, Lot – où Laroumet peut être un nom de famille) tandis que l’adjectif mal, « mauvais », a donné Malaroumet (Issac, Dord.).

Une variante en –ic de –ec a donné le gascon arramic, aramits (Dictionnaire du béarnais et du gascon moderne, Simin Palay, CNRS, 1961) à l’origine du nom de la commune Aramits (P.-A.) qui était Aramic en 1270.

CPA aramits

Les adjectifs

Bien plus connu et représenté, l’adjectif romegós, « ronceux, plein de ronces », est à l’origine de nombreux toponymes. On trouve ainsi près d’une centaine de lieux-dits Roumégous (notamment en Aveyron à Auzit, Centrès etc., dans le Lot à Planioles etc., dans le Tarn à Castres etc.) ou (La) Roumégouse (Gramond, Av. ; Saint-Pompon, Dord. etc.). La forme avec –x final est plus rare mais, outre la commune Roumégoux (Cantal), on la trouve quand même à près de cinquante exemplaires comme Le Roumégoux (Gissac, Av.) ou Roumégoux (Gluiras, Ardèche ; Ally, Cantal ; Saint-Martin-la-Méanne, Corr. etc.). Notons également l’ancienne commune tarnaise de Roumégoux (aujourd’hui dans Terre-de-Banclié) et la commune de Romegoux en Charente-Maritime dont le nom est dû au substrat occitan qui a persisté dans la région.

La perte de la valeur occlusive du –g– a donné des noms comme Rouméjoux (Ispagnac, Loz. etc.), la Rouméjouse (Janalhac, H.-Vienne) ou encore Romejoux (Saint-Victurnien, id.).

Une variante signalée par E. Nègre,  localisée semble-t-il au Mirepoix, est apparue par croisement de la finale –ec de rumec avec le suffixe –enc et est à l’origine de la forme romengós représentée par Roumengoux, commune de l’Ariège. Cette même suffixation a également servi à former le nom de Roumens, commune de Haute-Garonne. On trouve aussi deux lieux-dits Roumengous dans l’Aude (Arzens et Pennautier) et le féminin La Roumengouse dans la Haute-Garonne (Puydaniel).

On peut également signaler quelques variantes locales comme Les Roumégons (Grasse et Rigaud, A.-Mar.) qui a conservé une graphie partiellement occitane ou Roumezoux (Saint-Julien-le-Roux, Ardèche).

CPA Roumégoux

Pittoresque ? Pittoresque ? Est-ce que j’ai une gueule de pittoresque ?

Les collectifs

■ Le suffixe collectif latin –atum a donné –at / –ada en occitan que l’on retrouve à Roumat (Lannes, L.-et-G. ; Saint-Avit, Landes etc.), Roumats (Savinnes-le-Lac, H.-Alpes) ou encore à la Roumade Basse (Javols, Loz. etc.).

■ Le suffixe latin –aceu, –acea a donné l’occitan –às, –assa généralement augmentatif mais qui prend un sens collectif avec des noms de végétaux (et de minéraux). C’est ainsi qu’a été formé le mot romegàs, « fourré de ronces », que l’on retrouve à Romegas (Buis-les-Baronnies, Drôme ; Maubourguet, H.-P.) et Romegasse (Moulinet, A.-Mar.) ainsi que dans de nombreux (Le) Roumegas ou (La) Roumegasse (Av., Tarn, L.-et-G., T.-et-G., etc.) auxquels on peut rajouter Laroumegasse (Sabadel-Latronquière, Lot), Larroumegas (Louslitges, Gers), avec agglutination de l’article, et Arroumegas (Clarac, H.-Pyr.) avec un a– prosthétique. Avec la perte du –g– intervocalique sont apparus les noms de Roumeas (Gilhoc-sur-Ormèze, Ardèche) et de Romeas (La Tourette, Loire).

■ Comme souvent avec les végétaux, le plus productif des suffixes collectifs est le latin –ariu / –aria, donnant l’occitan –ièr / –ièra (français –ier / –ière), d’où l’occitan romeguièra, « ronceraie ». Citons pour commencer la commune de Romiguières (Hér., de Romegueira en 1246 et Romiguières en 1740-60), accompagnée d’une trentaine de lieux-dits (La) Romiguière (Av., Cant., Lot, Loz. etc), ou, avec agglutination de l’article, Laromiguière (neuf exemples dans le Lot), auxquels s’ajoutent à peu près autant de (La) Roumiguière (Av., Cant., Gir., T.-et-G. etc) ou Roumiguières (Ardèche, Tarn etc.). Dans le Sud-Ouest, avec –èra mis pour –ièra, on trouve Roumeguère (Auch, Gers ; Lespouey, H.-P.), La Roumeguère (Fargues-sur-Ourbise, L.-et-G.), ou encore À Larroumeguère (Mirepoix et Montaut-les-Créneaux, Gers), avec l’agglutination de l’article. Dans le Mirepoix et ses environs (avec suffixe –ec passé à –enc, cf. ci-dessus) sont apparus les noms de la Roumenguière (Revel, H.-G. ; Puivert, Aude etc. ) et de la Roumenguère (Cornebarieu, H.-G.) auxquels s’ajoute la Rominguère (Antras, Ariège).

Principalement dans le Dauphiné, la perte de la valeur occlusive du –g-, a donné  les noms de Romégier (Pont-de-Labeaume, Ardèche) et de (la) Romégière (Le Poët-en-Percip, Drôme ; Saint-Martin-de-Vésubie, A.-Mar.) ainsi que de Romeyère ( Méolans-Revel, A.-de-H.-P. ; Montagne, Rencurel etc. en Isère  etc.),de La Romeyère (Lardier-et-Valença, H.-A. etc.) et de  Romeyères (Bourdeaux, DR. ; Lalley , Is.), auxquels s’ajoutent Les Romières (Saint-Laurent-en-Royans, Drôme).

La forme masculine occitane romeguièr, désignant le lieu plein de buissons (ronces bien sûr, mais aussi aubépines et autres épineux) est à l’origine des noms de lieux-dits comme Roumiguier (Mazan, Vauc.), le Vallon du Roumiguier (Cheval-Blanc, Vauc.), la Croix de Romiguier (Cornus, Av.) et du nom de la commune de Romeyer (Drôme) qui était Romeier (1178), Romearium (1218), prioratus de Romeario (XIVè siècle) et enfin Romeyer en 1891 (cf. ce billet ) et du lieu-dit de Romeyer (Saint-Baudille-et-Pipet, Is.).

Il convient de remarquer que l’occitan romegar (ronchonner, maugréer, rouspéter) est à l’origine de romegaïre, « rouspéteur », d’où sont issus des noms de famille du type Romiguier, Roumiguier, Roumiguière, Roumeguère etc. qui peuvent prêter à confusion avec des noms de lieux quand on ne sait pas lequel a donné son nom à l’autre.

Les dimiutifs

Les diminutifs en –et sont représentés par des noms comme Roumette (Orange, Vauc. ; Meynes, Gard etc.), Roumettes (Mounes-Prehencoux, Av. etc.), Laroumette (Salies-du-Béarn, P.-Atl.) et, au masculin, le Grand Roumette (Barbentane, B.-de-R.) ou le Petit Roumette (idem et Castéra-Verduzan, Gers). On trouve également Rouméguet (Najac, Av. etc.) et Roumeguète (Angeville, T.-et-G. etc.) ainsi que  Roumigué (Claracq, P.-Atl ; Mauléon-d’Armagnac, Gers etc.).

Avec la graphie –eix pour –ets propre à l’Auvergne, ont été formés les noms de Roumeix (Saint-Étienne-de-Chomeil) et de Laroumeix (Saint-Martin-Cantalès), tous deux dans le Cantal.

Les diminutifs en –on sont rares mais on rencontre néanmoins les noms de Roumegon (Le Val, Var), Les Roumegons (Grasse et Rigaud, A.-Mar.) et Roumejon (Pourcharesse, Florac-Trois-Rivières et Bédouès-Cocurès, en Lozère). On peut signaler également le pont Rouméjon qui enjambe le Tarn depuis le XVIIè siècle et autour duquel s’est développé le village du Pont-de-Montvert, en Lozère (aujourd’hui Pont-de-Montvert–Sud-Mont-Lozère, cf. ce billet).

Rog-loupe-rouge

La devinette

Il vous faudra trouver un lieu-dit de France métropolitaine dont le nom est lié au mot du jour.

La commune où il se situe ne doit pas son nom au débit de l’eau, comme il est écrit sur le site municipal, mais au débit de parole du personnage éponyme.

Le nom du canton désigne, en trois mots, la partie du pays dans lequel il se situe.

Le chef-lieu d’arrondissement doit son nom à son fondateur, lequel doit le sien à un village d’un département voisin, d’où sa famille est originaire.

Un indice :

indice b 12 05 2024

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr

L’Érondis à Muron et Les Érondis à Soulignonne, en Charente-Maritime : les répàladev

L’énoncé de ma dernière devinette, accumulant les erreurs dans ses indices (à propos de la première commune puis des chefs-lieux de canton), n’a pas aidé mes lecteurs à trouver la bonne solution et je leur demande de bien vouloir m’en excuser. J’essaierai de faire mieux la prochaine fois !

podium seulNéanmoins, cela n’a pas empêché LGF d’en venir à bout ! Félicitations !

Il fallait trouver Les Érondis à Muron, du canton de Tonnay-Charente de l’arrondissement de Rochefort et Les Érondis à Soulignone, du canton de Saint-Porchaire de l’arrondissement des Saintes.

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La toponymie

Érondis : dans le parler saintongeais, un érondis est un lieu rempli d’éronces, de ronces (cf. le billet correspondant).

érondisLes exemples donnés dans le dictionnaire ci-dessus n’existent plus aujourd’hui.

À Muron, le nom apparait sous la forme L’Érondis sur la carte IGN (en bas à gauche)

Erondis Muron IGN Capture

mais sous la forme Les Rondis sur le fichier Fantoir. On retrouve ce même nom Les Rondis à Bonnoeuvre et aux Essards (Ch.-Mar.) et à Mouton (Char.)

À Soulignone, Les Érondis sont connus du fichier Fantoir mais pas de la carte IGN.

érondis fantoir

Muron : j’avoue m’être trompé (désolé pour ceux que cela aura mal aiguillés !) à propos de cette commune. Je n’en avais pas parlé à propos d’une question de mon lecteur qui signait lecteur, mais à propos de mes derniers mots croisés du 20 avril 2024, où j’expliquais :  » Muron, petite commune de Charente-Maritime, porte un nom diminutif de « mur », désignant vraisemblablement un petit mur d’enceinte, un petit rempart ».

Tonnay-Charente : attesté de Tauniaco en 1068, Tauniacum en 1090, de Taunai en 1174 et de Tonai en 1214, il s’agit d’un ancien *Talinacon, « domaine de Talinos », du nom de personne gaulois Talinius (racine tala-, « soutien, appui, bouclier ») et suffixe –acon. Le nom de la Charente a été rajouté dès le XIIè siècle où on trouve Tauniacum ad Carantonam. Le nom de cette dernière est issu du gaulois *caranto-, « roche sablonneuse».

Rochefort : portait ce même nom dès 1250. Le français « roche », du pré-latin *rocca, a d’abord désigné une montagne ou une simple butte rocheuse, puis le château fort bâti à son sommet, puis un simple château fort, même en l’absence de butte. Ici, le château était vraiment très fort …

Soulignonne : en l’absence de forme ancienne, il est difficile d’établir une étymologie certaine. Plusieurs hypothèses ont été avancées notamment par A. Éveillé en 1887 dans son Glossaire Saintongeais : citant un certain Bourignon (en fait : François-Marie Bourguignon, dit Bourignon, Antiquités de Saintes), il explique que le nom viendrait de sau, su et on, mots celtiques qui auraient désigné les eaux (une référence à la rivière Arnoult qui traverse le village ?), mais il ajoute que pour M. Bullet (Mémoires sur la langue celtique), le mot soul désignerait la paille, la chaumière ou la maison couverte de paille. On n’est bien entendu pas obligé de suivre ces hypothèses. Aucun des toponymistes contemporains qui « font référence » ne semble s’être occupé de ce toponyme. Par comparaison avec des noms proches comme Soulignac (Gir.), Souligné (Sarthe), Souligny (Aube) etc. qui sont formés sur un nom d’homme gallo-romain *Sollenius ou *Solinius avec le suffixe –acum , on pourrait envisager le même nom suffixé en –onem

Saint-Porchaire : Sanctus Porcharius en 1275, du nom de saint Porchaire, abbé de Saint-Hilaire de Poitiers au VIè siècle, dont nous ne connaissons que son intervention dans un conflit qui opposa les moniales du monastère de Sainte-Radegonde aux évêques du diocèse.

Saintes : comme chacun sait, cette ville doit son nom au peuple gaulois occupant alors la Saintonge, les Santones. Strabon, au Ier siècle ap. J.-C. écrivait Santonôn Mediolanion (on aurait donc pu avoir un Meillan ou, mieux, un Milan-en-Saintonge …) qui a donné  Sanctone au Xè siècle et Xainctes au XIè.

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Les indices

indice a 05 05 2024  ■ Ramuntcho : ce film est adapté du roman de Pierre Loti, né le 14 janvier 1850 à Rochefort (Ch.-M.) et qui a habité quelque temps dans la maison de sa sœur à Saint-Porchaire (Ch.-M.) [ et c’est là que je me rends compte que j’ai inversé les indices pour les chefs-lieux de canton … décidément, cette devinette était bien mal foutue… Mille excuses !]. La piste de Ramuntcho et du Pays Basque ne devait pas être suivie, puisque la devinette portait sur la langue d’oïl.

indice b 1 05 05 2024  ■ le sémaphore maritime de Socoa (baie de Saint-Jean-de-Luz / Ciboure) devait faire penser à Louis Jacob, capitaine de vaisseau, inventeur des signaux sémaphoriques dans la Marine, natif de Tonnay-Charente (Ch.-M.). La piste du Pays Basque était, là aussi, à ne pas suivre.

indice b 07 05 2024 ■ il fallait reconnaitre un Begonia monoptera. La famille des Bégoniacées a été nommée par le naturaliste Charles Plumier, en l’honneur de Michel Bégon, décédé à Rochefort en 1710. C’est dans cette ville que se trouve le Conservatoire du bégonia.

indice d 07 05 2024■ « L’exécution de Prévost, assassin d’Adèle Blondin et Lenoble, place de la Roquette, Paris » le 19 janvier 1880 devait faire penser à Joseph-Ignace Guillotin, né à Saintes en 1738, connu pour avoir fait adopter la guillotine comme mode d’exécution capitale. (Le fait d’avoir effacé la légende de cette gravure était une façon de vous aiguiller sur une fausse piste …).

Les indices du mardi 07 mai 2024, publiés le mercredi 08 mai 2024

en retard

Oups ! Désolé pour le retard !

Personne n’a trouvé les réponses à ma dernière devinette.

L’énoncé en était le suivant :

Il vous faudra trouver (s’il vous reste quelques neurones disponibles) un toponyme lié au mot du jour [ronce] qui n’existe (si je ne me trompe pas) qu’à deux exemplaires en France métropolitaine, dans des communes différentes du même département, séparées par 36 km de route.

Précédé d’un article au singulier dans la commune A, il est présent tel quel sur la carte IGN actuelle mais avec une graphie différente dans le fichier FANTOIR ‒ graphie également présente dans deux autres communes du même département, dans une commune du département voisin, et dans quelques autres plus lointaines. À l’inverse, ce toponyme se trouve précédé d’un article au pluriel dans la commune B, et est présent dans le fichier FANTOIR mais pas sur les cartes IGN.

Le nom de la commune A faisait récemment partie des interrogations hebdomadaires d’un de mes lecteurs et l’explication parlait de fortifications.

Mise à jour : Mea culpa. J’ai parlé de cette commune non pas en réponse à un de mes lecteurs mais à propos d’un mot-croisé.

Le nom de la commune B est, selon toute vraisemblance, issu de celui d’un homme latin suivi d’un suffixe inhabituel.

Le chef-lieu du canton où se trouve A est lui aussi issu de celui d’un homme latin suivi d’un suffixe classique et est accompagné du nom de la rivière sur laquelle était établi un port fluvial de quelque importance.

Le chef-lieu du canton où se trouve B est un hagiotoponyme qui rend hommage à un saint dont on ne sait pas grand-chose, sauf qu’il est intervenu pour tenter de mettre fin à un conflit dans une abbaye.

Deux indices, pour les chefs-lieux de canton :

■ de la commune A

indice a 05 05 2024

■ de la commune B

cdl d

Les indices du mardi

■ pour l’arrondissement de la commune A

indice b 07 05 2024

■ pour l’arrondissement de la commune B

indice d 07 05 2024

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr

La ronce, première partie : en langue d’oïl

tintin_ecrit2 Le latin rumex, rumicis, rumicem qui désignait à l’origine une espèce de dard, a servi à nommer l’oseille, à cause de sa feuille en fer de lance, chez le poète Caius Lucilius (180-102 av. J.-C.). C’est à partir du IVè siècle, avec Marcellus Empiricus, que rumex a désigné un simple arbuste épineux, connu plus tard à l’époque romane sous le nom de ronce en langue d’oïl et de romec, rome en langue d’oc.  Comment est-on passé de rumex à ronce d’une part et à romec, rome d’autre part ? C’est le traitement du i bref de l’accusatif rumicem qui l’explique. À l’époque gallo-romaine, ce i bref est tombé en langue d’oïl, faisant passer rumice(m) à rum(i)ce puis à ronce (avec la prononciation –om– du –um– comme pour « arum ») tandis qu’il s’est maintenu sous la forme e en langue d’oc, faisant passer rumice(m) à romec et rome.

En botanique, ce que l’on appelle couramment aujourd’hui ronce, ronce des bois ou ronce des haies, est un arbrisseau épineux à fleurs de la famille des Rosacées, dont le nom scientifique est Rubus fruticosus. Le nom scientifique Rumex désigne, lui, un genre de plantes herbacées de la famille des Polygonnacées, plus connues sous les noms vernaculaires d’oseille et de patience.

rubus ronce planche  rumex oseille planche

Les toponymes issus de ce nom de plante sont vraiment très nombreux, plusieurs milliers, à croire que notre pays, quand il n’était pas couvert de forêts, l’était de ronces (ou de broussailles épineuses qualifiées de « ronces »). À tous ces toponymes, il convient d’ajouter des patronymes obtenus par relation du lieu à l’habitant, qui ont pu devenir à leur tour de nouveaux toponymes, quelquefois par suffixation, lorsque leur porteur s’est déplacé. Il me sera impossible, on l’aura compris, de citer tous ces toponymes : je n’essaierai donc que d’en étudier les différentes formes, avec quelques exemples si nécessaire, en scindant mon travail en deux parties, la première concernant le domaine de langue d’oïl et l’autre, de langue d’oc. Là où ça se complique, c’est quand les langues se chevauchent, comme dans le Croissant ou dans la région du parler franco-provençal : on verra donc des toponymes de ces régions aussi bien en première qu’en deuxième partie (et j’essaierai de ne pas oublier de les signaler).  Quant aux autres langues (basque, breton, etc.), elles devraient faire l’objet d’une troisième (petite) partie.

NB :  les toponymes sont en caractères gras et, parmi eux, les noms de communes sont signalés par cette couleur orange.

Les formes simples

On devine sans mal que les toponymes du type (La ou Les) Ronce(s) sont de loin les plus nombreux et c’est bien le cas ! Le singulier (la) Ronce apparait tel quel plus de 250 fois (Dictionnaire des toponymes de France édité par l’IGN et téléchargeable en ligne en payant.) dont deux fois comme déterminant dans le nom d’Aubigny-la-Ronce (C.-d’Or) et de l’ancienne Beaumont-la-Ronce, anciennement Bellus Mons de Runcia, aujourd’hui fusionnée dans Beaumont-Louestault (I.-et-L). Les autres toponymes ne présentent guère d’intérêt, allant du Bois de la Ronce au Château de la Ronce (Les Pinthières, E.-et-L.), en passant par le Champ de la Ronce, la Grande Ronce, la Petite Ronce, le Moulin de la Ronce etc. Le pluriel, qui apparait à plus de 150 exemplaires, n’est guère plus original sauf peut-être à signaler un Buisson des Ronces à Ceffonds (H.-M.), les Quatre Ronces à Bantigny (Nord) et peut-être mon préféré, allez savoir pourquoi, les Ronces de la Croix au Montellier (Ain).

Avec une voyelle adventice propre à certains patois du centre de la France (région parisienne, Berry, Champagne …), on trouve des noms comme L’Éronce (Sours, E.-et-L. ; Chesley, Aube …), la Belle Éronce (Saint-Longis, Sarthe) etc. ou Les Éronces (Terminiers, E.-et-L. etc.) ainsi que la variante aronce (Sologne, Anjou) comme pour le  Buisson d’Aronce (Chambon-la-Forêt, Loiret), le Champ d’Aronce (Arquian, Nièvre) et Les Aronces (Pithiviers-le-Vieil et Douchy, Loiret etc.). Dans les Ardennes, le mot passe à éronche (qui désigne semble-t-il plus précisément la ronce des champs) d’où Les Éronches (Arnicourt-le-Grand, Flaignes-Havys etc.), tandis qu’en Saintonge on trouve la forme éronde dans les noms des Érondes (près d’une quinzaine dans l’Indre, une dizaine en Vendée etc.) du Champ de l’ Éronde (Tendu, Indre …), du Champ des Érondes (Bords, Ch.-M. etc) etc.

Dans le Grand Est, et particulièrement en Meurthe-et-Moselle, se trouvent des lieux-dits Ronxe (à Baccarat), La Ronxe (à Belleville etc.) et, avec agglutination de l’article, la commune de Laronxe (la Ronxe en 1309).

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Dans certains parlers, le chuintement a entraîné la formation du mot ronche et de nombreux toponymes correspondants comme en patois ardennais avec la Ronche (Blombay, Ardennes …) et le masculin Le Ronche (Harcy, Ardennes), en patois vosgien avec Ronche (Neuves-Maisons, M.-et-M.) et le Pré de la Ronche (Prey, Vosges), en Normandie avec La Ronche (Bourvallées, Manche …) et Les Ronches (Cerisy-la-Forêt, Manche …), dans le Croissant linguistique avec La Ronche (Bagneux, Franchesse, Vieure, dans l’Allier), en Auvergne avec Les Ronches (Romagnat, P.-de-D.) etc. En Bourgogne, on trouve la forme roinche qui a donné son nom aux Roinches (Auxy, S.-et-L.)

Enfin, le mot est devenu ronze dans le domaine francoprovençal d’où des noms comme la Ronze (Craintilleux, Loire ; le Breuil, Rhône ; Gibles, S.-et-L. ; Les Côtes-d’Arey, Isère ; Saint-Jean-d’Aulps, H.-Sav. ; Blond, H.-Vienne etc), le Château de la Ronze (Saint-Martin-la-Plaine, Loire ; Poule-les-Échameaux, Rhône), le Bois de Ronze (Orgnac-l’Aven, Ardèche) etc. et les Ronzes (Toussieux, Ain ; Habère-Poche, H.-Sav.). On trouve également la variante dauphinoise La Ronzy (Claix, Is., Ronsia au XIVè siècle ; Bourg-de-Thizy, Rhône ; Poisy, H.-Sav. etc.).

Les collectifs

De nombreux noms collectifs, au sens de  « buisson, touffe de ronces » ou « lieu envahi par les ronces », ont été créés en utilisant différents suffixes.

■ du latin –arius,aria, –arium donnant des finales en –ier (cf. le français « roncier ») ou –ière :  le Roncier (Romagny, Manche ; Urcy, C.-d’Or etc), les Ronciers (Millières, H.-M. ; Tremblay-le-Vicomte, E.-et-L. etc.), la Roncière (Matignon, C.-d’A. ; Loury, Loiret etc.), les Roncières (Lancôme, L.-et-C. ; Villagoix, C.-d’Or etc.) ainsi qu’en francoprovençal le Ronzier (Vacheresse, H.-Sav. ; Solérieux, Drôme etc.), les Ronziers (Saint-Martin-Bellevue, Sav. etc.), la Ronzière (Coudes, P.-de-D. ; Laissaud, Sav. ; Savigny, Rhône etc.), et les Ronzières (Les Salles, Loire ; Gleizé, Rhône etc.). La forme ronchère apparait dans le nom de plusieurs lieux-dits La Ronchère (Remouillé, L.-A. etc.) ou Les Ronchères (Housset, Aisne etc.) ainsi que dans les noms de Ronchères (Aisne et Yonne) et de Sons-et-Ronchères (Aisne, avec Sons, du latin summum, « point le plus haut »). Sur la forme saintongeaise éronde a été formé l’érondière qui apparait dans le nom Les Érondières (huit exemples dans l’Indre mais existe aussi dans la Vienne), tandis que la forme bourguignonne roinche a donné À La Roinchère (Montréal, Yonne).

■ la prolongation en –ai(e) du précédent est à l’origine du français « ronceraie » et d’une très grande quantité de toponymes du type la ou les Ronceraie(s) (I.-et-V. ; May. ; Sarthe etc.) mais surtout du type le Ronceray (I.-et-V. ; Manche ; M.-et-L. ; Sarthe ; Vendée etc.) qui apparait aussi comme déterminant pour Saint-Cyr-du-Ronceray (Calv.) ou encore du type la Ronceraye (Sainte-Florence, Vendée). On trouve également la Roncheraie (Couziers, I.-et-L.) et le Roncheray (Degré, Changé, Cherré dans la Sarthe etc.). NB : ne pas confondre avec des noms comme Roncenay (Aube, Roncenaium en 1200) ou Le Roncenay (Eure) dont les noms sont issus de celui de la divinité romaine Runcina qui présidait au sarclage.

■ le double suffixe collectif composé du latin –ariu(s) prolongé par le suffixe –ol,olle (latin –ulus, ula), dont le sens diminutif est ici oblitéré, est à l’origine des noms de Roncherolles-en-Bray (S.-Mar., Roncerolles au XIIè siècle) et Roncherolles-sur-le-Vivier (id.) et de micro-toponymes équivalents, ainsi que du nom de Ronquerolles (Val-d’Oise, Ronkerolas en 875) et de quelques micro-toponymes identiques.

CPA roncherolles-sur-vivier-chateau-guillerville

■ le collectif latin –etum est à l’origine de différentes terminaisons. On trouve ainsi des noms comme le Roncet (Ludesse, P.-de-D.), la Roncette (Lappion, Aisne etc.) et les Roncettes (Ondefontaine, Calv.) ; des noms comme Roncey (Manche, Ronseio en 1082) et des lieux-dits similaires ; des noms comme Ronchois (S.-M.), Ronssoy (Somme, Roinscetum en 1170), le Ronchoy (Ledinghem et Vis-en-Artois, P.-de-C.), Au Ronsoy (Couchey, C.-d’Or – où est produit un agréable AOC Marsannay …), etc.

■  l’ancien français roncel, « roncier, terrain couvert de ronces »,  apparait dans le nom du Roncel (Saint-James, Manche …), du Bois Roncel (Lebeuville, M.-et-M. etc.), de la  Roncelle (Nogent-sur-Loir, Sarthe) ainsi que, suffixé en –ière, dans la Roncelière (Préaux-du-Perche, Orne etc.) et, suffixé en –etum, dans le Roncelay (Lamballe, C.-d’A. etc.). On trouve également la Ronchelle (Bantheville, Meuse …).

■ le collectif en –erie a donné des noms comme la Roncerie (Céton, Orne ; Bouffry, L.-et-C. etc), Les Ronceries (Amanlis, I.-et-V. etc.), Laroncerie (Pancé, id.) ainsi que Les Éronceries (Fresnay-le-Comte, E.-et-L.) ou encore la Roncherie (Billevast et Gourbesville, Manche ; Savigny-sur-Braye, L.-et-C.).

■ en Saintonge, le mot érondail désigne un lieu rempli d’érondes, de ronces. On retrouve ce terme dans les noms des Érondails (Saint-Georges-d’Oléron, Ch.-M.)  et des Érrondails (La Brée-les-Bains, id.)

■ l’adjectif en –eux, euse (latin –osus),  se retrouve dans les noms des Ronceux (Sancheville, E.-et-L.), du Val Ronceux (Les Riceys, Aube), du Moulin Ronceux (Ondefontaine, Calv.) et de quelques autres. En Normandie et dans le Grand-Est apparaissent Le Roncheux (Rots, Calv. etc.), Les Champs Roncheux (Laize-Clinchamps, id. etc.), Les Roncheux de la Coudre et Les Roncheux des Rivières (Haute-Amance, H.-Marne), etc.

Les diminutifs

■ la prolongation diminutive en –et de certains noms vus précédemment est à l’origine de toponymes comme le Ronceret (Volnay, C.-d’Or – par ailleurs un très bon vin ; Échalou, Orne etc.), les Roncerets (Épaney, Calv. etc.), le Roncelet (Longsols, Aube etc.) etc.

■ le diminutif latin –alis, –ale  a donné son nom à Ronchaux (Doubs, Roncal en 1145), à Ronchau (Sombacour, id. etc.), au Ronceau (Tharol, Yonne etc.) et aux Ronceaux (Chenoise, S.-et-M. etc.). Il conviendra de ne pas confondre avec des noms comme Ronchaud qui sont des patronymes formés sur le radical ronch– de « ronchon, ronchonner » (latin roncare).

■ le diminutif roncelin apparait principalement en Bretagne dans Le Roncelin (Lamballe-Armor, C.-d’A. ; Saint-Cyr-en-Pail, May. …), le Champ Roncelin (Melesse, I.et-V.) etc. Ce nom est devenu patronyme d’où le nom de la Ville Roncelin (La Croix-Helléan, Mor.) et de la Roncelinais (Iffendic, I.-et-V.).

Les autres dérivations

■ le suffixe latin –inium est à l’origine du nom de Ronchin (Nord, Runcinium au IXè siècle), du Bois Roncin (Tanlay, Yonne), du Buisson Roncin (Lalheue, S.-et-L.), du Champ Roncin (Jouet-sur-l’Aubois, Cher) etc. ainsi que, par suffixation collective supplémentaire, de la Roncinière (Bédée, I.-et-V. etc.), la Roncinais (Nouvoilou, I.-et-V. ) etc.

■ On trouve en Bourgogne le lieu-dit Roncevie (Gevrey-Chambertin, C.-d’Or – par ailleurs un très bon vin…) dont le nom pourrait être issu de l’ancien français ronceri, « lieu où poussent les ronces » ou bien des deux mots ronce et vie, ancien français pour « voie, chemin, route ». On trouve également la graphie Roncevis (Dracé, Rhône) et Roncevit (Tarcenay-Fourcherans, Doubs).

Ronceveaux

■ Toujours en Bourgogne (on ne se refait pas …), par confusion entre les nasales õ et ã, on trouve la forme ranche pour « ronce », d’où de nombreux noms de lieux-dits comme Les Ranches à Ladoix-Serrigny (C.-d’Or, par ailleurs un très bon climat … etc.), la Ranche (Blanzy, Clessé, Leynes, Rully … S.-et-L. etc) ou encore La Ranche du Cerisier (Igornay, S.-et-L.), des Saules (La Truchère, id.), des Quenouilles (Gergy, id.) et bien d’autres. Pour en finir avec la Bourgogne, signalons également la forme régionale ronde, toujours pour « ronce », donnant des noms comme Les Rondes (Préty, S.-et-L. etc) qu’il est difficile de distinguer du terme géométrique désignant un terrain plus ou moins rond, mais qui apparait néanmoins avec certitude dans le nom des Rondières (Auxey-Duresses, C.-d’Or – où est produit un Côte de Beaune que je n’ai pas encore goûté…), le suffixe –ière insistant sur l’abondance de cette végétation. Tous ces terrains, à la végétation broussailleuse et épineuse comme on en rencontre encore sur les terrains calcaires au-dessus des vignes, ont dû être défrichés avant d’être mis en culture, ce dont ils gardent la mémoire dans leurs noms.

■ la devinette à laquelle vous avez échappé : le Bois de Rousselois, à Brancourt-le-Grand dans l’Aisne, propriété de l’évêque de Laon, a été défriché il y a très longtemps et n’existe plus aujourd’hui (il n’apparait même pas sur les cartes IGN). Attesté Ronceloi en 1214, Roncheloi en 1239 et Roncheroi en 1244, il s’agissait bien d’une ronceraie. (Dictionnaire topographique du département de l’Aisne, Auguste Matton, 1871).

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La devinette

Il vous faudra trouver (s’il vous reste quelques neurones disponibles) un toponyme lié au mot du jour qui n’existe (si je ne me trompe pas) qu’à deux exemplaires en France métropolitaine, dans des communes différentes du même département, séparées par 36 km de route.

Précédé d’un article au singulier dans la commune A, il est présent tel quel sur la carte IGN actuelle mais avec une graphie différente dans le fichier FANTOIR ‒ graphie également présente dans deux autres communes du même département, dans une commune du département voisin, et dans quelques autres plus lointaines. À l’inverse, ce toponyme se trouve précédé d’un article au pluriel dans la commune B, et est présent dans le fichier FANTOIR mais pas sur les cartes IGN.

Le nom de la commune A faisait récemment partie des interrogations hebdomadaires d’un de mes lecteurs et l’explication parlait de fortifications.

Mise à jour : Mea culpa. J’ai parlé de cette commune non pas en réponse à un de mes lecteurs mais à propos d’un mot-croisé.

Le nom de la commune B est, selon toute vraisemblance, issu de celui d’un homme latin suivi d’un suffixe inhabituel.

Le chef-lieu du canton où se trouve A est lui aussi issu de celui d’un homme latin suivi d’un suffixe classique et est accompagné du nom de la rivière sur laquelle était établi un port fluvial de quelque importance.

Le chef-lieu du canton où se trouve B est un hagiotoponyme qui rend hommage à un saint dont on ne sait pas grand-chose, sauf qu’il est intervenu pour tenter de mettre fin à un conflit dans une abbaye.

Deux indices, pour les chefs-lieux de canton :

■ de la commune A

indice a 05 05 2024

■ de la commune B

indice b 1 05 05 2024

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr

Les Raziades à La Salvetat-sur-Agout (Hér.) : la répàladev

LGF est resté seul découvreur de la réponse à ma dernière devinette. Bravo à lui !

Il fallait trouver Les Raziades, un lieu-dit de La Salvetat-sur-Agout, du canton de Saint-Pons-de-Thomières dans le département de l’Hérault.

La Salvetat-sur-Agout, c’est ici :

local Salvetat-sur-Agout

Les Raziades, cerclées de rouge en bas à gauche :

RAZIADES Capture IGN

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La toponymie

Les Raziades : ce nom est issu du terme razigade vu dans le précédent billet, après disparition du g intervocalique.

La Salvetat-sur-Agout : attesté ecclesiam de Salvetas en 1102 puis Salvetat en 1171, de l’occitan salvetat, « sauveté », c’est-à-dire « lieu d’asile » généralement organisé par une autorité ecclésiastique. Il s’agissait ici de terres autour de la chapelle de Saint Étienne de Cavall, mises en valeur dès le Xè siècle par des paysans attirés par les privilèges accordés. Le nom de la rivière, l’Agout, a été ajouté en 1848, pour éviter la confusion avec les autres communes du même nom.

Agout : cet affluent gauche de l’Hérault était dit fluvium qui dicitur Aquotis ou Aguotis  en 820. Selon E. Nègre (TGF*), ce nom est dérivé du bas latin *ad-guttum, « canal, égout », qui a donné l’oïl agout, « égout ». Franck R. Hamlin (Toponymie de l’Hérault, éd. du Beffroi, 2000) préfère y voir plus simplement un dérivé d’*aquotem, sur aqua, « eau ».

Saint-Pons-de-Thomières : c’est en 936 que le comte Raymond Pons de Toulouse fait construire un monastère, nom loin d’un lieu alors nommé Tomerias.

Saint-Pons : dédié au saint martyr auquel le comte de Toulouse doit son deuxième prénom, le monastère est attesté glorioso martyri Pontio, Thomeriensi monasterio et S. Pontio
Thomeriensi monasterio en 936. Saint Pons fut martyrisé en 257 à Cimiez, alors préfecture romaine, aujourd’hui simple quartier de Nice.

Thomières : attesté monasterium… nomine Tomerias en 939, monasterii S. Pontii Tomeriensis en  940 et S. Pontii Tomeriarum .. ecclesiam en 940. À la suite de Paul Fabre (NLL*) et de B. et J.-J. Fénié (TO*), Franck R. Hamlin (op. cit.) voit dans ce nom l’occitan tomièra « clayon de laiterie » (issu d’un mot pré-latin), terme se rapportant à la fabrication de fromage, ce que l’élevage qui existait sur les pentes du Somail semble confirmer. P.-H. Billy (DNLF*), affirmant que le terme tomièra ne serait attesté qu’en Dauphiné (zone franco-provençale et occitane) – ce que le Trésor du Félibrige, à l’article toumiero, ne précise pas – préfère suggérer un dérivé en –aria au pluriel du celtique *tumo (cf. le breton tumenn, « manteau de cheminée », l’ancien irlandais túaim, « colline, monticule ») issu de l’indo-européen *tumo, « gros » : le nom ferait alors référence aux hauteurs qui entourent Thomières. Cependant, X. Delamarre (NLCEA*), ne signale pas ce nom. comme celtique.

*Les abréviations en gras suivies d’un astérisque renvoient à la bibliographie du blog, accessible par le lien en haut de la colonne de droite.

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Les indices

indice a 3 28 04 2024 ■ cette image de bulles de gaz dans l’eau devait orienter les recherches vers une ville où est produite de l’eau gazeuse : ici de la marque La Salvetat.

indice b 28 04 2024 ■ il fallait identifier le Musée d’archéologie de Nice-Cimiez. Comme expliqué plus haut, c’est à Cimiez que fut martyrisé saint Pons, qui a laissé son nom à Saint-Pons-de-Thomières.

indice c 30 04 2024 ■ il fallait reconnaitre une bouteille d’eau de la marque La Salvetat

indice a 30 04 2024 ■ c’est une telle voiture, surmontée d’une barque à moteur baptisée la Germaine II  dont Victor Pivert, alias Rabbi Jacob, est passager, qui tombe dans un lac et se retourne sur le toit, mais supportée par la Germaine II, elle flotte et ne coule pas. La scène a été tournée par le cascadeur Rémi Julienne dans le lac artificiel de la Raviège, à La Salvetat-sur-Agout.

Les indices du mardi 30 avril 2024

LGF a déjà trouvé la réponse à ma dernière devinette à propos de la *rasigue.  Félicitations !

L’énoncé en était le suivant :

Il vous faudra trouver un lieu-dit de France métropolitaine dont le nom est lié au mot du jour.

La commune où se situe ce lieu-dit est née autour d’une chapelle grâce aux privilèges qui furent accordés à ceux qui venaient y défricher et travailler la terre et à la sécurité qui leur était garantie. Son nom, qui témoigne de ce qui précède, est accompagné de celui de la rivière qui la baigne, plutôt malpropre si on en croit son nom.

Le chef-lieu de canton est issu de la réunion de deux villages mentionnés dans son nom. Le premier porte le nom du martyr auquel fut dédiée l’abbaye autour duquel il se développa et le second porte un nom qui indique qu’on y faisait du fromage.

■ un indice pour la commune :

indice a 3 28 04 2024

■ un indice pour le chef-lieu du canton :

indice b 28 04 2024

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Les indices du mardi

■ pour affiner le premier indice ci-dessus :

indice c 30 04 2024

■ et toujours pour la commune :

indice a 30 04 2024

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr

La *rasigue

Après avoir vu la bouzigue puis l’artigue, je m’intéresse aujourd’hui à un autre mot relatif au défrichement, la *rasigue. Ne cherchez pas ce mot dans les dictionnaires : si je l’ai fait précéder  d’un astérisque, c’est qu’en réalité il n’existe pas ; ce sont les traces laissées en toponymie et anthroponymie par ses dérivés qui témoignent de son existence aux temps anciens.

Le latin radix a donné l’ancien français rais, raiz, rix et l’occitan raiç, puis a été remplacé par le bas-latin *radicina qui est à l’origine, après la perte du d intervocalique , de notre « racine». Cette forme est représentée en onomastique par des noms de familles comme Racine, Laracine et Rassinier désignant des marchands et/ou producteurs de légumes à racine (carottes, radis, navets, raves …) et par des toponymes comme Racines (une commune de l’Aube) et La Racineuse (une commune de Saône-et-Loire) qui n’entrent pas dans le thème du billet .

Cependant, le latin radix, outre qu’il a laissé son nom au « radis », est à l’origine d’une forme de l’ancienne langue radic et de sa variante féminin radiga, issues du bas latin *radicare, d’où l’ancien occitan radigar, « retirer les racines, arracher les racines ». Quand le d intervocalique de radic est passé à z, a été formé le verbe rasigar de même sens (d’où la *rasigue du titre pour rimer avec artigue et bouzigue). Ce verbe est toujours présent en gascon au sens d’« arracher » et le languedocien rasigada a le sens fondamental de « place nette » dans la locution fotre una bèla rasigada : en mettre un bon coup, en parlant d’un travail à faire ; ou bien, en mangeant, avoir raison d’un plat fort copieux. « Arracher (les racines) », « faire place nette » : c’est ainsi qu’on peut voir dans ce rasigada, collectif en –ada de rasic, lorsqu’il s’agit de toponymie, le sens de défrichement.

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Le radical radic, qui est comme on l’a vu le plus ancien, a été également le moins productif. On lui doit des noms comme le Radiguet (Romagny-Fontenay, Manche) ou Les Radiguets (Guitry, Eure) qui peuvent être des noms de famille, de même sens que celui vu plus haut, d’où des toponymes comme la Radiguerie (Mortrée, Orne) ou la Radiguelière (Saint-Maur-des-Bois, Manche).

Les formes issues de radic avec d passé à z sont plus nombreuses, avec une vingtaine de noms écrits avec un –z– et autant avec un –s-.  On trouve ainsi, avec le -z-, des noms comme Razigade (Gourbit, Ariège ; Castanet-le-Haut et Riols, Hérault ; Murasson, Aveyron), La Razigade (Paulinet, Lacaune et Lacaze, Tarn ; Rabat-les-Trois-Seigneurs, Ariège), le Razigal (Lavernhe et Séverac-d’Aveyron, Aveyron), Razigat (Brassac, Ariège) et les diminutifs Raziguet (Fourtou, Aude), Razigou (Lavelanet, Ariège) et Razigous (Esplas-de-Sérou, id.). C’est avec un –s– qu’on trouve le nom de la commune de Rasiguères (P.-O.) et des noms semblables aux précédents comme Rasigade (Lacaze, Tarn ; Calzan, Ariège …), La Rasigade (Le Soulié et Cabrerolles, Hér. …), Le Rasigals (Le Recou, Loz. …) et les diminutifs Le Rasiguet (Verdun-en-Lauragais, Aude), Rasigous (Noailhac, Tarn …) et Rasigot (Roquefort-les-Cascades, Ariège).

CPA-Rasiguères

Lorsque le terme rasigada a subi la réduction phonétique de –azig en –ayg puis –eyg sont apparus d’autres noms comme Reygade (une commune de Corrèze et des lieux-dits à Siran, Cantal  ; Saint-Bressou, Lot., …) ou Rageade (une commune du Cantal, vicaria Radicatensis et Ragades au Xè siècle, et un lieu-dit de Sembas, L.-et-G.). Il conviendra de faire la distinction d’avec Régades, nom d’une commune de H.-G. et de quelques lieux-dits, qui est issu de l’ancien provençal regada, de rega, « raie, sillon », d’où « terre labourée ».

On peut ajouter à ces noms de lieux des dérivés en –assa collectif comme Raygasse (Florentin-la-Capelle, Av. ; Thédirac, Lot), La Raygasse ( Vezels-Roussy, Cant.) et La Reygasse (Beauregard-et-Bassac, Dord. …). Il conviendra là aussi de faire la distinction d’avec les lieux-dits nommés (la) Régasse dont le nom est un collectif en –asse de rega, « raie, sillon ».

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Le même latin radix est à l’origine, avec le suffixe ex, du verbe bas latin exradicare, altération d’eradicare «  extraire la racine, déraciner » , d’où provient le verbe de l’ancien français esrachier et, par substitution de suffixe (a– indiquant l’action de tirer à soi), du verbe « arracher » avec le sens particulier  de « défricher » (pour les curieux, je précise que, tandis que le mot « éradication » est attesté dès 1370,  le verbe « éradiquer » est de formation récente, datée du milieu du XXè siècle par Le Robert]. C’est à partir de ce verbe qu’ont été formés des toponymes du type (L‘ ou Les) Arrachée(s) (Moncé-en-Belain, Sarthe etc.) et (L‘ ou Les) Arrachis (une soixantaine dans le Centre de la France, dont au moins quatorze rien que dans l’Indre, avec le sens de « lieu où ont été arrachés des arbres ou de la vigne »). On peut sans doute rajouter le nom d’Arâches-la-Frasse (H.-Sav.), dont il avait été question dans ce billet et son diminutif Arachon, un lieu-dit à Bonne dans le même département.

point-d-interrogation-sur-le-clavier-nb10411

La devinette

Il vous faudra trouver un lieu-dit de France métropolitaine dont le nom est lié au mot du jour.

La commune où se situe ce lieu-dit est née autour d’une chapelle grâce aux privilèges qui furent accordés à ceux qui venaient y défricher et travailler la terre et à la sécurité qui leur était garantie. Son nom, qui témoigne de ce qui précède, est accompagné de celui de la rivière qui la baigne, plutôt malpropre si on en croit son nom.

Le chef-lieu de canton est issu de la réunion de deux villages mentionnés dans son nom. Le premier porte le nom du martyr auquel fut dédiée l’abbaye autour duquel il se développa et le second porte un nom qui indique qu’on y faisait du fromage.

■ un indice pour la commune :

indice a 3 28 04 2024

■ un indice pour le chef-lieu du canton :

indice b 28 04 2024

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr

L’Artière, rivière du Puy-de-Dôme : la répàladev

podium seul LGF est resté seul découvreur de la bonne réponse à ma dernière devinette. Bravo à lui tout seul, donc !

Il fallait trouver l’Artière, une rivière qui se jette dans l’Allier aux Martres-d’Artière, dans le canton d’Aigueperse de l’arrondissement de Riom, dans le Puy-de-Dôme.

local-Martres-d'Artière-

Le cours de l’Artière  (wiki):

Artière_OSM

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La toponymie

Artière : le nom de cette rivière est issu de l’occitan artièra, « défrichement », issu de la suffixation en –ière de l’occitan artiga et de la perte du –g– devant la diphtongue iè, propre au limousin et à l’auvergnat. Une autre étymologie, qui faisait appel au gaulois artos, « ours », accompagné du suffixe latin –aria, après avoir été proposée par X. Delamarre a été abandonnée par lui-même dans son dernier ouvrage (NLCEA*). L’Artière se jette dans l’Allier, un affluent de la Loire qui a donné son nom au département voisin

Les Martres-d’Artière : le nom est attesté de Martris en 1293. Il provient du latin martyrium, au pluriel martyria devenu *martyrias, *martyras puis martras (ce féminin pluriel est attesté au Xè siècle par des noms de lieux nommés las Martras). Dès Tertullien puis saint Jérôme, un martyrium désignait un « tombeau de martyr », puis a désigné un tombeau ancien attribué à un martyr pour finir par désigner un simple cimetière ancien (TGF*). Cependant, comme me le signale LGF, quelques auteurs dont A. Vincent et A. Grenier cités par André Soutou (Revue internationale d’onomastique, pages 5 et 6, 1969) ont naguère remis en cause cette étymologie – sans en proposer d’autre.

Il existe, toujours dans le Puy-de-Dôme, des communes nommées Les Martres-de-Veyre et Martres-sur-Morge.

Aigueperse : attesté Avilla quae Aqua sparsa dicitur en 1016, Esguiparsa en 1368 et en 1408, et enfin Aigueparse en 1395.  Le latin sparsa qui qualifie les « eaux » en 1016  signifie « éparses, étalées », décrivant les terres inondables et marécageuses de cette portion de la Limagne.

Il existe une autre commune nommée Aigueperse, dans le Rhône.

Riom : Ricomagensi vico en 590 chez Grégoire de Tours, du gaulois rix, « roi, chef » et magos, « marché, champ » : c’était le « marché du roi, le champ (de foire) royal », comme je l’expliquais dans ce billet et, auparavant, dans celui-là.

*Les abréviations en gras suivies d’un astérisque renvoient à la bibliographie du blog, accessible par le lien en haut de la colonne de droite.

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Les indices

indice-a-21-04-2024  ■ la farine Francine est née en 1965 à l’initiative de huit minotiers. Son nom, mot-valise formé de « France » et « farine », est aussi le prénom de l’épouse d’un de ses fondateurs, André Jourdan. Ce dernier, issu d’une famille de négociants en produit agricole, était propriétaire pendant la guerre de plusieurs moulins à blé à Aigueperse (Puy-de-Dôme) et fut honoré du titre de Juste parmi les nations (cf. ici).

indice-b-21-04-2024  ■ le roi Charles III est ici photographié devant un marché (de produits bio) : un roi, un marché … Ricomago, comme Riom, bien sûr !

indice b 21 04 2024 ■ le marché gaulois : pour compléter l’indice précédent, le gaulois magos, « marché ».

indice-c-23-04-2024 ■ des ours près d’une rivière : art-aria, l’Artière, bien sûr ! Bon, il y avait aussi un blaireau et un écureuil (ou plutôt un raton-laveur et un tamia, me souffle-t-on de la Belle Province), mais je n’allais pas vous donner si facilement la solution, quand même !

Les indices du mardi 23 avril 2024

Voici l’énoncé de ma dernière devinette, relative à l’artiga, qui a déjà été résolue par LGF, que nous félicitons :

Il vous faudra trouver un cours d’eau, dont le nom est lié au mot du jour, qui traverse neuf communes dont le chef-lieu du département de France métropolitaine avant de se jeter dans une grande rivière qui donne son nom au département voisin.

Son nom sert de déterminant à celui de la commune rurale où il termine sa course, qui est ainsi différenciée de deux homonymes dans le même département.

Le nom de cette commune rappelle qu’on y a trouvé d’anciens tombeaux.

Le nom du chef lieu de canton où se situe cette commune montre qu’on y trouvait de l’eau un peu partout. Il en existe un parfait homonyme dans un autre département.

Des indices ?

■ pour le chef-lieu du canton :

indice-a-21-04-2024

■ pour le chef-lieu d’arrondissement :

indice-b-21-04-2024

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Indices du mardi :

■ l’indice de la farine aurait pu montrer un meunier, ça aurait été plus juste (et je ne parle pas de Leblanc).

■ un nouvel indice, un peu similaire, mais plus proche de la vérité, pour le chef-lieu de l’arrondissement :

indice b 21 04 2024

■ et enfin, pour une autre étymologie du nom de la rivière :

indice-c-23-04-2024

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr

L’artigue

Après avoir vu, dans un précédent billet, les toponymes issus du gaulois bodica désignant une terre gagnée par le feu sur les bois et les broussailles, je m’intéresse aujourd’hui à un autre mot du domaine occitan de sens quasiment identique : artiga. Le sens en est un peu plus élargi puisqu’il s’agit là de défricher non seulement par le feu mais aussi par simple abattage des bois, généralement sur une pente pour l’affecter à la pâture ou la culture. Le mot équivaut donc d’une certaine manière à l’essart de la France septentrionale.

Le même mot artiga existe en espagnol où il désigne une terre récemment défrichée, une novale et est accompagné du verbe artigar, « retourner un terrain pour le cultiver, après avoir brûler les buissons et les branches d’arbre qui s’y trouvent ». L’appellatif occitan et espagnol est issu d’un terme artica généralement reconnu comme ibère ou aquitain, dérivé du basque arta, arte, « chêne vert», d’où « broussailles ». On rapproche de cette même racine l’ancien béarnais artigal, « petit défrichement par le feu » aux XIè et XIIè siècles, le pyrénéen artigau, « grange située dans une clairière de défrichement où on entrepose le foin », le landais echartiga, « essarter » et l’auvergnat et limousin artièra, « défrichement ».

Artigue et ses variantes sont à l’origine de nombreux toponymes, très majoritairement dans le Sud-Ouest, dont plus d’une dizaine de noms de  communes, mais aussi de divers patronymes, désignant celui qui habite un endroit ainsi nommé, devenus à leur tour toponymes lorsque leurs porteurs ont donné leurs noms aux lieux de leur nouvel établissement.

Les communes

Parmi les noms de communes, dix se présentent sous une forme simple : Artigue (H.-G.), Artigues (Ariège, de Artiguis en 1233 ; Aude, de Artigis en 1360 ; Hautes-Pyrénées, de Artigas en 1313 ; Var, Artiga en 994), Artigues-Près-Bordeaux (Gir., Las Artigas en 1160) et Les Artigues-de-Lussac (Gir.) ainsi que l’ancienne commune d’Artigues aujourd’hui dans Moncrabeau (L.-et-G.). L’agglutination de l’article a donné son nom à Lartigue (Gers et Gironde).

Quatre autres noms comportent un déterminant destiné à éviter les homonymies : Artigueloutan (P.-A., Artigueloptaa en 1385 que E. Nègre interprète loengta(n)e, « lointaine», tandis que M. Grosclaude [Dictionnaire toponymique des communes du Béarn, 1991] y voit un diminutif artigalota), Artiguelouve (P.-A., Artiguelobe vers 1220, où la « louve » garde tout son mystère : s’agit-il de l’animal, du gaulois *lopo-, « eau, lac » ou de l’oronyme pré-indo-européen *lup ?), Artiguemy (H.-P., de Artigamino en 1300, avec le gascon minor, « plus petite »). On peut ajouter à cette liste l’Artiguelongue qui apparait dans le nom de Saint-Antoine-d’Artiguelongue (Gir., de Artigiis au XVè siècle, complété avec « longue » évoquant la forme allongée du terrain défriché). Le Mas-d’Artige (Creuse) utilise quant à lui l’artigue comme déterminant – ici dans sa forme nord-occitane avec passage du g au j.

Le terme apparait suffixé dans le nom d’Artigat (Ariège, Artigatum à l’époque romaine).

Enfin, une forme masculine au pluriel apparait dans le nom d’Artix (Ariège, Artizum en 960 et P.-A., Artits en 1286).

CPA-Artiguelouve-chateau

Les lieux-dits

Les noms de lieux-dits formés sur la base artiga sont, on s’en doute, bien plus nombreux : Charles Higounet a dénombré 138 noms de lieux issus d’artiga dans le seul département de la Gironde (cité dans Histoire de la France rurale, t.1, ouvrage collectif, Le Seuil, 2018). Il ne sera bien sûr pas question de tous les citer ici mais de passer en revue les différentes formes qu’ont prises ces toponymes. Je ne m’intéressai ici qu’aux lieux-dits habités, les autres étant beaucoup trop nombreux.

Les noms les plus courants sont bien entendu (L’ ou Les) Artigue(s) ou, en Auvergne et Limousin, (L’ ou Les) Artige(s). Ces noms sont parfois accompagnés d’un déterminant comme Artigue-Bieille (à Puyoö, P.-A., « vieille ») ou Artigue-Longue (à Campsas, T.-et-G.). Le plus souvent, ce déterminant est agglutiné comme pour Artiguebieille (à Campagne, Landes), Artiguevieille (à Cudos, Gir. etc.) qui se distinguent de l’Artiguenave (la « nouvelle artigue » à Lannes, H.-G. etc.), de l’Artiguenabe (Eyes-Moncube, Landes) et de l’Artiguenau (le Bourg, Gir.) et comme pour Artiguemale (à Alos, Ariège etc.), Artiguepla (Bonac, Ariège), L’Artiguelonge (Milhas, H.-G. ; ),  Artiguebère (Ruffiac, L.-et-G., avec le gascon bèra, « belle »), Artiguedieu (ancienne commune aujourd’hui rattachée à Seissan, Gers, dont le dieu indique que l’endroit était propriété d’une communauté religieuse), Artigue-Martin (à Saint-Vincent-de-Paul, Gir., avec le nom du propriétaire). Plus rarement, c’est l’artigue qui sert de déterminant comme pour le Moulin de l’Artigue (à Lastours, Aude, etc), le Bois de l’Artigue (à sautel, Ariège etc.), le Château Artigues (à Foulayronnes, L.-et-G.), etc.

Artiguelongue

La chapelle d’Artiguelongue à Loudenvielle (H.-P.)

Dans les zones où le g passe au j, on trouve des noms comme l’Artige (à Saint-Denis-des-Murs, H.-Vienne, de Artigia en 1285 ; Linards, H.-Vienne, etc.) ou les Artiges (à Saint-Privat, Corrèze, etc.)

Ajoutons une douzaine de Malartic (Bazens, L.-et-G., Izon, Gir. etc) et un Malartigues (à Saint-André-d’Allas, Dord.), où le défrichement ne s’est sans doute pas révélé aussi profitable que prévu.

Le diminutif est représenté par Artigolle (à Thèze, P.-A. etc.) et Artigolles ( Casteljaloux, L.-et-G. etc.), de l’occitan artigòla, « petite artigue » ainsi que par Artiguillon (à Saint-Germain-d’Esteuil, Gir., diminutif en –ilhon), tandis que l’augmentatif en –às apparait dans L’Artigas (à Maisons, Aude etc.) et dans quelques Artigeas (Saint-Julien-le-Petit, H.-Vienne ; Châtre, Dord. etc.) ainsi que dans Artias (à Retournac, H.-L., Artigiae et Articas vers 1040 et Artias en 1254).

La variante masculine artic et son dérivé artigal semblent s’être spécialisés pour désigner la bande de terre délimitée par un ou deux cours d’eau, sans doute par glissement du sens de « terre neuve » à celui de « terre alluviale ». On trouve ainsi des lieux-dits Artix (à Senaillac-Lauzès, Lot, Artisium en 1317), Artis (à Montpeyroux, Av., Artis en 1415 ;  Saint-Côme, Av. ; Sadeillan, Gers, etc.), Les Artis (Broquiès, Av., in Artices en 942, etc.) ou encore Les Artys (à Compeyre, Av. etc.). Le dérivé artigal a servi à nommer L’Artigal (à Cabrerolles, Hér.), les Artigals ( à Saint-Sever-du-Moutier, Av.), l’Artigalet (à Sauvimont, Gers) et les Artigalets (à Belbèse, T.-et-G.).

Issue de la suffixation en –ière de l’occitan artiga, la forme artiguièra a donné Artiguère (à Clarac, L.-et-G) et Artiguères (à Benquet, Landes) ; elle a perdu la qualité occlusive du g devant la diphtongue pour passer à artièra qui se retrouve dans les noms des Artières (Aguessac, Av.) et de Les Artières (à Compeyre, id.).

Enfin, par transfert du nom de l’un à l’autre, l’artigue a pu servir à nommer des cours d’eau, le plus souvent comme déterminant dans le Ruisseau d’Artigue (à Bardos, P.-A. etc.), la Font de l’Artigue d’en France (à Prats-de-Mollo-la-Preste, P.-O.) ou la Fontaine d’Artigue (à Ferrère, H.-P.), mais aussi directement comme l’Artigue, un affluent du Vidourle dans le Gard, l’Artigue un ruisseau qui court à Mayronnes dans l’Aude, L’Artiguet qui arrose Lasseube dans les Pyrénées-Atlantiques etc. Plus au nord, on trouve le Ruisseau d’Artige (à Sillars, Vienne ; à Valvignères, Ardèche) ou encore le Ruisseau d’Artigeas (à Saint-Julien-le-Petit, H.-Vienne).

Les patronymes

Comme expliqué plus haut, beaucoup de ces toponymes ont été utilisés pour nommer leur habitant, propriétaire ou exploitant et ont pu redevenir toponymes lors de l’établissement de ce dernier sur un nouveau territoire.

On trouve des noms de famille comme Artigue(s), Artige, Lartigue, Lasartigues, Artiguelongue, Artiguebieille, Artiguevieille, Artiguenave, Artiganave etc. mais aussi comme Dartigue(s) ou encore Dartiguenave dont la préposition de agglutinée indique bien la provenance de leur porteur. Pour les lieux portant un de ces premiers noms, l’hésitation peut se faire entre un toponyme originel ou un patronyme importé. Le doute n’est en revanche pas permis pour les deux derniers patronymes qui ont donné des lieux-dits Dartigues (à Parentis-en-Born, Landes et Doulezon, Gir.), Dartiguelongue (à Labatmale, P.-A.) et Dartiguenave (à Saint-Martin-de-Seignanx, Landes).

Sur la variante artigal ont été formés les noms de famille Artigal, Artigau (avec l final vocalisé), Artigaud, Artigaut, Artigault (avec attraction des finales –aud, –aut et –ault des composés germaniques), Lartigau, Artigeau (du nord-occitan, avec palatalisation du g en j), Artigalas (avec –às augmentatif), Artigalon (diminiutif en –on) et Artigalot (diminutif en –ot). Si les deux premiers d’entre eux ont pu fournir plusieurs toponymes Artigal et Artigau(s ou x), les autres ont été moins productifs sauf Artigaut (Rieux, H.-G. et Ayguetinte, Gers), L’Artigault (à Lezay, D.-Sèvres), Lartigaut (Biaudos, Landes etc.), Artigalas (Sers, H.-P.) et Lartigalot (à Cérons, Gir.).

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La devinette

Il vous faudra trouver un cours d’eau, dont le nom est lié au mot du jour, qui traverse neuf communes dont le chef-lieu du département de France métropolitaine avant de se jeter dans une grande rivière qui donne son nom au département voisin.

Son nom sert de déterminant à celui de la commune rurale où il termine sa course, qui est ainsi différenciée de deux homonymes dans le même département.

Le nom de cette commune rappelle qu’on y a trouvé d’anciens tombeaux.

Le nom du chef lieu de canton où se situe cette commune montre qu’on y trouvait de l’eau un peu partout. Il en existe un parfait homonyme dans un autre département.

Des indices ?

■ pour le chef-lieu du canton :

indice-a-21-04-2024

■ pour le chef-lieu d’arrondissement :

indice-b-21-04-2024

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr