On a vu dans le billet consacré à l’osier qu’une des variantes latines de son nom, vimen, était issue de la racine indo-européenne *wei, « nouer, tresser », rappelant les liens ou les tressages faits à partir des rameaux flexibles. Cette idée de lien souple existe aussi dans le nom du jonc, du latin juncus, formé à partir d’une autre racine indo-européenne *yeug dont sont venus entre autres « joindre », jungere en latin et le joug.
Du jonc et des jonchaies sont issus de nombreux toponymes :
■ de manière simple dans le nom de Jons (Rhône) ;
■ avec le suffixe -aria : La Jonchère (Vendée), La Jonchère-Saint-Maurice (H.-Vienne), Jonchères (Drôme) et de nombreux hameaux et lieux-dits du même type dans une bande allant de l’Ain à la Vendée et à la Sarthe ; Jonquières (Aude, Hérault, Oise, Tarn, Vaucluse), Jonquières-et-Saint-Vincent (Gard) et Saint-Pierre-des-Jonquières (S.-Mar.) ;
■ avec –aria et diminutif —ittum : l’ancienne Jonquerets-sur-Livet (aujourd’hui dans Mesnil-en-Ouche, Eure) et Saint-Lubin-des-Joncherets (E.-et-L.) ; au féminin Jonquerettes (Vauc.) ;
■ avec –aria et diminutif -eolum : Joncreuil (Aube) ;
■ avec –arium et –acum : Jonchery (H.-Marne), Jonchery-sur-Suippes (Marne), Jonchery-sur-Vesle (Marne) et Jonquery (Marne) ;
■ de juncus et suffixe -ellum : Joncels (Hér.) ;
■ de juncus et suffixe collectif –etum : Saint-Pierre-du-Jonquet (Calv.) ;
■ de juncus et double suffixe -ar-etum : Gincrey (Meuse, Junchereium vers 1040-1050) et Joncherey (terr. de Belfort).
Les noms de hameaux et de lieux-dits sont très semblables aux précédents et répartis sur tout le territoire et, bien entendu, plus abondants en terres humides ou aux bords des rivières. En ce qui concerne les cours d’eau, on trouve un affluent de l’Aude à Lézignan-Corbières (Aude) nommé La Jourre (alha Jorrá) dont le nom provient de l’occitan jòrra ( jorro chez Mistral ), qui désigne une sorte de jonc des terres humides, et une rivière de la Dombes, dans l’Ain, nommée le Vieux Jonc qui sert de déterminant à Saint-André-sur-Vieux-Jonc.
Le jonc est aussi représenté dans des toponymes en langues régionales :
■ avec le suffixe -al suivi de l’augmentatif péjoratif gascon -as, qui pouvait donner le sens de « terrain marécageux » : Juncalas (H.-Pyr.) ;
■ le breton utilise broenn et sa variante vannetaise bren donnant des micro-toponymes comme Poul Brennec (avec poul, « mare », à Gurunhuel, C.-d’A.), Lann-Vrenneg (avec lann, « lande », à Crac’h, Morb.), Broennen etc. La jonchaie, broennid, est visible dans le nom d’ar Vrenid soit Le Vrennit, un quartier de Saint-Pol-de-Léon (Fin.) ;
■ le basque parle d’ihi, le plus souvent avec le suffixe des végétaux -(i)tz pour la jonchaie. C’est probablement ce nom qu’on trouve, en Pyrénées-Atlantiques, dans l’ancienne commune Utziat (aujourd’hui dans Larceveau-Arros-Cibit), notée Içcuat en 1350, à comprendre ihi-tzu-ate : « lieu où les joncs abondent », dans Cette-Eygun et Igon, avec ihi-gun, « où il y a des joncs ». Dans le même département, les cours d’eau Iharté (à Briscous), Ihixart (à Menditte), Ihitiko (à Ordiarp), Ihitzaga (à Barcus), etc. doivent eux aussi leurs noms à la présence de joncs.
La Rirette, sans faucille (ni marteau)
(qu’on me pardonne ce trait d’humour)
N’oublions pas les faux amis qui peuvent être nombreux, comme toujours avec les noms monosyllabiques. On a vu dans un précédent billet le célèbre mont Gerbier-de-Jonc sur lequel je ne reviens pas. Des noms de personne peuvent prêter à confusion comme les latins Juncius à Joncy (S.-et-L.), Jucundius à Jongieux (Sav.), Juventius à Jonzieux (Loire), etc. ou le germanique Juni à Joncourt (Aisne) et Jonval (Ardennes), etc.
La devinette
Il vous faudra trouver le nom d’une commune de France métropolitaine composé d’un terme à valeur hydronymique associé à un terme lié au jonc.
C’est un émigré, venu combattre et chasser des envahisseurs, qui est à l’origine de cette localité, après qu’il eut reçu l’autorisation, pour services rendus, de défricher une terre inculte et de s’y installer avec ses compagnons. Ils y bâtirent une église vouée à une vierge martyre, sainte patronne d’une grande ville de leur pays d’origine. Plus tard, une fois la famille des seigneurs châtelains éteinte, c’est l’archevêque qui récupéra la seigneurie jusqu’à la Révolution.
La sainte en question a aussi donné son nom à une autre commune française, quasi frontalière du pays d’où venait le fondateur de la commune à trouver et à cent quarante kilomètres de celle-ci.
Cette commune est située à une trentaine de kilomètres de la capitale d’une ancienne grande province.
Je ne suis pas très inspiré pour un indice, à moins de vous proposer celui-ci, qui pourrait servir aussi bien pour la commune elle-même que pour sa région :
Réponse attendue chez leveto@sfr.fr