Je continue mon voyage sur les chemins (cf. ici) en explorant aujourd’hui le Pays basque.
Le basque utilise le terme bide pour désigner un chemin. On le retrouve dans le nom de plusieurs communes des Pyrénées-Atlantiques comme Bidache (Bidezon en 1140 et Bidaxen en 1342) qui est un « chemin (bide) de pierre (aitz) », avec suffixe locatif –un, Bidarray (même nom dès 1268) qui est un « chemin (bide) dans les épineux (arrantz) » et Bidart (Bidart dès 1339) qui est « entre (arte) les chemins (bide) », c’est-à-dire au carrefour.
D’autres noms utilisent ce même terme sous une forme contractée dans laquelle il est plus difficile à identifier : Aldudes (id.), nom d’une commune et d’une montagne, est un composé de aldu, « hauteur, mont » et bide, « chemin », comme le laisse voir la forme Alduide attestée en 1193 dérivée de*aldu(b)ide (le pluriel, tardif, date de l’accord au pluriel en langue romane avec l’expression les monts) ; Souraïde (Surraide en 1249) est composé de soro, « pré, champ » et bide, « chemin ». Notons la ville espagnole de Valcarlos, « la vallée de Charlemagne », qui s’appelle Luzaïde en basque (et portait le nom de Luçaide en 1110 avant son passage à l’Espagne lors des accords frontaliers du XVIIIè siècle) de luza, « long » et bide, « chemin ».
Vidou (H.-P.) attesté Petrus de Bidose en 1095 et Bidol en 1186 et Vidouze (id.), attesté A Bidoza au XIIè siècle et Bidosa en 1300 pourraient être eux aussi issus de bide accompagné du suffixe aquitain –os. Mais certains auteurs, s’appuyant sur la forme plus tardive Vidosa de Vidouze en 1342, ont proposé une origine selon le latin vitis « plante à vrille, vigne », et suffixe osum, a.
Les noms de lieux-dits sont bien entendu beaucoup plus nombreux et le terme bide y apparait le plus souvent accompagné d’une épithète ou d’un complément.
On ne sera pas surpris, connaissant le relief du pays, si le basque gain, « hauteur », est à l’origine des micro-toponymes les plus fréquents (au moins trente-cinq en Pyrénées-Atlantiques) :
Bidegain, Bidegainea et Bidegaïnia représentent le « chemin d’en haut ». Signalons à Amorots-Succos (P.-A.) un Bidegain-de-Gain qui est le « chemin d’en haut du haut » par opposition au Bidegain-de-Pé (id.) qui est le « chemin d’en haut du bas ». Bidegainberria correspond au même nom avec berri, « nouveau » et Bidegainekoborda (à Briscous et Saint-Étienne-de-Baïgorry) est « la petite ferme ou métairie du chemin d’en haut », avec borda, d’origine germanique (de bord, « planche », d’où « cabane ») très présent en gascon et en basque.
Bidegaray est formé avec le basque garai, « hauteur », un dérivé de l’oronyme *gar, : c’est, là aussi, le « chemin en haut ».
On trouve également d’autres noms composés :
Goizbide (à Saint-Pée-sur-Nivelle) est le chemin de la crête, Ithurbide (plus de 25 occurrences) ou Iturbide (à Estérençuby) celui de la fontaine, Arrozbide (à Lanrabat et Sainte-Engrâce), Arrozpide (à Juxue et Ordiarp) ou encore Arrospide (à Tardets-Sorholus), celui des étrangers, Ahuntzbide (à Lécumberry) celui de la chèvre, Eyherabide (une dizaine d’occurrences) celui du moulin, Orgambide (moins d’une dizaine) celui du charroi et Olhanbidea (à Souraïde) celui de la forêt.
Bidegurutzea (à Saint-Pée-de-Nivelle et Bidart) est l’endroit où se séparent les chemins, la bifurcation, le croisement (de gurutzatze, « séparation, division », d’où gurutze, « croix »).
Bidegorritako Lepoua (à Larrau) est le « col (lepoua) du chemin (bide) rouge (gorri) ».
Plus difficile à interpréter, Harpidey (à Jaxu) est composé de harri « pierre, roche », bide « chemin » et egi « crête », soit la « crête du chemin de roche ».
Pour être complet, citons des hydronymes :
Le nom de La Bidouze, affluent gauche de l’Adour, est composé de bide et d’un ancien suffixe us/uz qu’on retrouve peut-être aujourd’hui dans le basque usu, « liquide, sérosité » : c’est la « voie de l’eau ».
Le nom de la Bidassoa semble être formé sur ce même bide accompagné du suffixe hydronymique celte aza ou assa. Une autre hypothèse fait référence à l’ancienne cité vascone d’ Oiasso, Bidassoa signifiant alors « route d’Oiasso », celle qui longe le fleuve dans la dernière partie de son parcours en venant de Pompaleo, aujourd’hui Pampelune. Une dernière hypothèse, moins crédible, imagine une expression latine via ad Oeassonem, « chemin d’Oiasso ».
Enfin, mentionnons des faux-amis :
Bideren, aujourd’hui dans Autevielle-Saint-Martin-Bideren (P.-A.) et hameau de Labastide-Villefranche (id.), vient sans doute du nom d’homme gascon Vital, augmenté du suffixe gascon -enh, puisqu’aucun suffixe basque ne peut expliquer cette terminaison.
Les noms en Bid– hors du domaine basque ont bien entendu une étymologie à chercher ailleurs. Ainsi Bidou (L.-et-G) et ses variantes Bidous ou Bidout sont-ils plutôt à relier à l’occitan bidòs, « tordu, de travers », ou à un arbre comme l’aune ou le sorbier, bidor en gascon. Enfin, le nom d’homme d’origine germanique Bidulfus n’est pas exclu pour certains de ces noms, comme Bidoux à Moncrabeau (L.-et-G.).
Les devinettes
Étant donné que le domaine linguistique est restreint à quasiment un seul département, il m’a été difficile de dénicher des toponymes liés au mot du jour à vous faire deviner : c’est pourquoi je vous en propose deux, en espérant que cela vous occupe suffisamment. Autre difficulté : pour la même raison, il me sera difficile de vous donner des indications trop précises sur la commune, le canton ou l’arrondissement, ce serait quasiment vous donner la réponse grâce aux listes disponibles sur la toile que vous connaissez bien. Bon, ceci dit, allons y !
Le premier toponyme à trouver, qui désigne un chemin difficile à parcourir, se trouve dans une commune dont le nom rappelle la végétation qui en recouvrait le sol.
Le deuxième toponyme, qui précise la qualité du sol du chemin, se trouve dans une commune dont le nom, formé sur un radical très ancien, désigne l’environnement montagneux.
En 2020, les deux communes avaient à elles deux moins de 500 habitants. À presque mi-chemin de la route de 24 km qui les sépare se trouve une commune de près de 2000 habitants qui est homonyme de sept autres (dont quatre ont un déterminant) mais qui n’a pas la même référence.
Un seul indice – qui regroupe les deux toponymes à trouver :
Réponse attendue chez leveto@sfr.fr