Où je fais un bide

Je continue mon voyage sur les chemins (cf. ici) en explorant aujourd’hui le Pays basque.

Le basque utilise le terme bide pour désigner un chemin. On le retrouve dans le nom de plusieurs communes des Pyrénées-Atlantiques comme Bidache (Bidezon en 1140 et Bidaxen en 1342) qui est un « chemin (bide) de pierre (aitz) », avec suffixe locatif –un, Bidarray (même nom dès 1268) qui est un « chemin (bide) dans les épineux (arrantz) » et  Bidart (Bidart dès 1339) qui est « entre (arte) les chemins (bide) », c’est-à-dire au carrefour.

CPA Bidache

D’autres noms utilisent ce même terme sous une forme contractée dans laquelle il est plus difficile à identifier : Aldudes (id.), nom d’une commune et d’une montagne, est un composé de aldu, « hauteur, mont » et bide, « chemin », comme le laisse voir la forme Alduide attestée en 1193 dérivée de*aldu(b)ide (le pluriel, tardif, date de l’accord au pluriel en langue romane avec l’expression les monts) ; Souraïde (Surraide en 1249) est composé de soro, « pré, champ » et bide, « chemin ». Notons la ville espagnole de Valcarlos, « la vallée de Charlemagne », qui s’appelle Luzaïde en basque (et portait le nom de Luçaide en 1110 avant son passage à l’Espagne lors des accords frontaliers du XVIIIè siècle) de luza, « long » et bide, « chemin ».

Vidou (H.-P.) attesté Petrus de Bidose en 1095 et Bidol en 1186 et Vidouze (id.), attesté A Bidoza au XIIè siècle et Bidosa en 1300 pourraient être eux aussi issus de bide accompagné du suffixe aquitain –os. Mais certains auteurs, s’appuyant sur la forme plus tardive Vidosa de Vidouze en 1342, ont proposé une origine selon le latin vitis « plante à vrille, vigne », et suffixe osum, a.

Les noms de lieux-dits sont bien entendu beaucoup plus nombreux et le terme bide y apparait le plus souvent accompagné d’une épithète ou d’un complément.

On ne sera pas surpris, connaissant le relief du pays, si le basque gain, « hauteur », est à l’origine des micro-toponymes les plus fréquents (au moins trente-cinq en Pyrénées-Atlantiques) :

Bidegain, Bidegainea et Bidegaïnia représentent le « chemin d’en haut ». Signalons à Amorots-Succos (P.-A.) un Bidegain-de-Gain  qui est le « chemin d’en haut du haut » par opposition au Bidegain-de-Pé (id.) qui est le « chemin d’en haut du bas ». Bidegainberria correspond au même nom avec berri, « nouveau » et  Bidegainekoborda (à Briscous et Saint-Étienne-de-Baïgorry) est « la petite ferme ou métairie du chemin d’en haut », avec borda, d’origine germanique (de bord, « planche », d’où « cabane ») très présent en gascon et en basque.

Bidegaray  est formé avec le basque garai, « hauteur », un dérivé de l’oronyme *gar, : c’est, là aussi, le « chemin en haut ».

CPA-mauleon PA hotel-bidegain

On trouve également d’autres noms composés :

Goizbide (à Saint-Pée-sur-Nivelle) est le chemin de la crête, Ithurbide (plus de 25 occurrences) ou Iturbide (à Estérençuby) celui de la fontaine, Arrozbide (à Lanrabat et Sainte-Engrâce), Arrozpide (à Juxue et Ordiarp) ou encore Arrospide (à Tardets-Sorholus), celui des étrangers, Ahuntzbide (à Lécumberry) celui de la chèvre, Eyherabide (une dizaine d’occurrences) celui du moulin, Orgambide (moins d’une dizaine) celui du charroi et Olhanbidea (à Souraïde) celui de la forêt.

Bidegurutzea (à Saint-Pée-de-Nivelle et Bidart) est l’endroit où se séparent les chemins, la bifurcation, le croisement  (de gurutzatze, « séparation, division », d’où gurutze, « croix »).

Bidegorritako Lepoua (à Larrau) est le « col (lepoua) du chemin (bide) rouge (gorri) ».

Plus difficile à interpréter, Harpidey (à Jaxu) est composé de harri « pierre, roche », bide « chemin » et egi « crête », soit  la « crête du chemin de roche ».

Pour être complet, citons des hydronymes :

Le nom de La Bidouze, affluent gauche de l’Adour, est composé de bide et dun ancien suffixe us/uz qu’on retrouve peut-être aujourd’hui dans le basque usu, « liquide, sérosité » : c’est la « voie de l’eau ».

Le nom de la Bidassoa semble être formé sur ce même bide accompagné du suffixe hydronymique celte aza ou assa. Une autre hypothèse fait référence à l’ancienne cité vascone d’ OiassoBidassoa signifiant alors  « route d’Oiasso », celle qui longe le fleuve dans la dernière partie de son parcours en venant de Pompaleo, aujourd’hui  Pampelune. Une dernière hypothèse, moins crédible, imagine une expression latine via ad Oeassonem, « chemin d’Oiasso ».

Enfin, mentionnons des faux-amis :

Bideren, aujourd’hui dans Autevielle-Saint-Martin-Bideren (P.-A.) et  hameau de Labastide-Villefranche (id.), vient sans doute du nom d’homme gascon Vital, augmenté du suffixe gascon -enh, puisqu’aucun suffixe basque ne peut expliquer cette terminaison.

Les noms en Bid– hors du domaine basque ont bien entendu une étymologie à chercher ailleurs. Ainsi Bidou (L.-et-G) et ses variantes Bidous ou Bidout sont-ils plutôt à relier à l’occitan bidòs, « tordu, de travers », ou à un arbre comme l’aune ou le sorbier, bidor en gascon. Enfin, le nom d’homme d’origine germanique Bidulfus n’est pas exclu pour certains de ces noms, comme Bidoux à Moncrabeau (L.-et-G.).

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Les devinettes

Étant donné que le domaine linguistique est restreint à quasiment un seul département, il m’a été difficile de dénicher des toponymes liés au mot du jour à vous faire deviner : c’est pourquoi je vous en propose deux, en espérant que cela vous occupe suffisamment. Autre difficulté : pour la même raison, il me sera difficile de vous donner des indications trop précises sur la commune, le canton ou l’arrondissement, ce serait quasiment vous donner la réponse grâce aux listes disponibles sur la toile que vous connaissez bien. Bon, ceci dit, allons y !

Le premier toponyme à trouver, qui désigne un chemin difficile à parcourir, se trouve dans une commune dont le nom rappelle la végétation qui en recouvrait le sol.

Le deuxième toponyme, qui précise la qualité du sol du chemin, se trouve dans une commune dont le nom, formé sur un radical très ancien, désigne l’environnement montagneux.

En 2020, les deux communes avaient à elles deux moins de 500 habitants. À presque mi-chemin de la route de 24 km qui les sépare se trouve une commune de près de 2000 habitants qui est homonyme de sept autres (dont quatre ont un déterminant) mais qui n’a pas la même référence.

Un seul indice – qui regroupe les deux toponymes à trouver :

indice a 26 03 2023

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr

 

 

Ladraye à Saint-Antonin-Noble-Val (T.-et-G.), la répàladev.

Personne n’a rejoint TRS et LGF sur le podium des « solutionneurs » de ma dernière devinette. C’est l’occasion de leur renouveler mes félicitations.

Il fallait trouver Ladraye, un lieu-dit de Saint-Antonin-Noble-Val dans l’arrondissement de Montauban (Tarn-et-Garonne).

local-Saint-Antonin-Noble-Val-

Ce nom apparait en un seul mot dans le fichier FANTOIR :

Ladraye St Antonin

ainsi que sur quelques sites d’agents immobiliers.

En revanche, il est écrit en deux mots, La Draye, sur les cartes IGN :

La Draye IGN

Curieusement, ni le site de la mairie ni la page wiki, qui se contente sans doute de le reprendre, ne mentionnent ce lieu-dit.

Un autre hameau Ladraye, en un seul mot, est cité dans le Dictionnaire des communes et lieux habités du Cantal  (1889) dans la commune de Sénezergues, avec 7 habitants :

ladraye senezergues capture

Il est également mentionné sur les cartes IGN  mais est absent du Fichier FANTOIR.

Ladraye Senezergues

Enfin, TRS et LGF me signalent un Ladraye à Rodelle (Av.) qui m’avait échappé mais qui est en deux mots sur les cartes IGN — et quelques Ladraye accompagnés d’autres termes.

Et maintenant, un peu de toponymie :

Ladraye : on aura compris qu’il s’agit en réalité du nom La Draye qui a subi une agglutination de l’article. Pour l’explication du toponyme draye, je vous renvoie au billet que concluait cette devinette.

Saint-Antonin-Noble-Val : la ville porte le nom d’ Antonin de Pamiers. En 1962, afin de distinguer la ville de ses homonymes, on ajouta le déterminant Noble Val qui est la traduction du latin Nobilis vallis, nom que les Romains avaient donné à la vallée.

Sénezergues : attesté  Cenezergues  en 1393, du nom d’homme-gallo-romain Senicius accompagné du suffixe –anicum.

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Les indices

■ pour l’histoire du saint et de ses reliques, je vous renvoie à la page citée plus haut.

Saint-Antonin-Noble-Val abrite le plus vieux bâtiment civil de France, aujourd’hui appelé La Maison romane : « Actuellement musée municipal, il s’agit du plus ancien monument civil de France, construit en 1125 pour le viguier des vicomtes de la ville. Cette maison devient 1313 la maison des Consuls et devient le siège de la municipalité jusqu’à la Révolution. » Lors de sa visite en 1842, Viollet-le-Duc vit un hôtel de ville dans cette maison.

indice-b-19-03-2023  ■ ce panneau Slow était une référence au « réseau des villes où il fait bon vivre » Cittaslow, auquel Saint-Antonin-Noble-Val a adhéré en 2013.

■ le pays calcaire dans lequel se trouve cette commune est le causse de Caylus. Attesté Caslus en 1176, le nom de Caylus est issu du bas latin castellucium, dérivé de castellum et suffixe –ucium.

indice a 03 04 2022 ■ cette bouteille en verre bleu devait renvoyer aux verreries forestières de Grésigne. La forêt de Grésigne s’étend jusqu’aux portes de Saint-Antonin-Noble-Val. Cette bouteille apparaissait déjà (comme le faisait remarquer LGF dans son commentaire) comme indice pour une ancienne devinette.

■ « enfin, je vous parlerai bien du chef-lieu d’arrondissement mais je crains que vous ne vouliez plus le quitter …» : cette phrase faisait allusion à la célèbre réplique « on devrait jamais quitter Montauban !  » des Tontons flingueurs

Les indices du mardi 22/03/2023

TRS est le seul à m’avoir déjà donné la bonne réponse à ma dernière devinette. Félicitations !

MàJ de dernière minute : LGF vient de me donner à son tour  la bonne réponse ! Bravo !

Ils  n’ont donc pas été perturbés par l’énoncé aussi touffus que confus que je rappelle ici :

Il vous faudra trouver le nom d’un lieu-dit de France métropolitaine lié à un des mots du jour. Ce nom est orthographié de deux façons différentes selon les sources (cf. le P.-S.).

Le nom de la commune qui l’abrite est un hagiotoponyme accompagné, depuis le siècle dernier, d’un déterminant traduisant le nom que les Romains avaient donné à l’endroit où elle se situe.

Le saint en question serait né dans une ville non loin de là, puis, après sa conversion à la foi catholique et un séjour à Rome, serait revenu prêcher dans la région. Il fut plus tard martyrisé dans sa ville natale. La légende raconte que ses restes, jetés à la rivière, s’échouèrent dans la commune qui nous intéresse où on éleva plus tard une abbaye. Selon une autre version, il aurait été enterré sur les lieux de son martyre où, là aussi, on éleva une abbaye. Ses reliques furent brûlées pendant les guerres de Religion sauf une partie d’entre elles qui avait été transportée jusqu’à une ville d’un pays voisin où elles sont encore, sauf une partie d’entre elles qui a été plus tard offerte à la commune qui nous intéresse, dans l’église de laquelle elles sont conservées. Une troisième version explique que ces dernières reliques seraient celles d’un saint homonyme martyrisé en Asie Mineure que les moines seraient allés chercher pour accroître le prestige de leur abbaye et attirer les pèlerins.

Cette commune abrite un type de bâtiment public qui serait le plus ancien de France, datant du XIIè siècle.

■ un indice, concernant une caractéristique moderne de la commune :

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■ P.-S. : si le toponyme que je vous demande de trouver est bien présent dans le fichier officiel FANTOIR comme sur les cartes et le fichier IGN mais avec une orthographe différente, il en existe un autre parfaitement homonyme, situé dans une autre commune à 120 km de là, qui n’est pas répertorié dans le fichier FANTOIR mais qu’on trouve pourtant bel et bien sur les cartes et le fichier IGN. La commune en question porte un nom issu de celui d’un homme tout à fait en accord avec le thème du jour accompagné d’un suffixe courant qui a donné une terminaison particulière à la région.

C’est la découverte au dernier moment des deux orthographes du toponyme et de sa présence ou non dans les fichiers « officiels » qui m’a obligé à rectifier cet énoncé, au risque d’être mal compris. Je résume :

♦ un toponyme T d’une commune A est présent sous la forme T1 dans le fichier FANTOIR et sous la forme T2 sur les cartes et le fichier IGN ;

♦ le même toponyme T d’une commune B est présent sous la forme T1 sur les cartes et le fichier IGN mais absent du fichier FANTOIR ;

♦ le corps de l’énoncé et l’indice concernent la commune A ;

♦ après vérification, le nom de la commune B, issu d’un nom de personne, n’est pas sûrement lié au thème du jour.

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Et je rajoute ces indices qui ne concernent que la commune A

■ elle est située dans un pays calcaire dont le nom, un terme générique pour désigner ce type de relief, est déterminé par celui d’une commune limitrophe, lequel signifie « petit château ».

■ un joli vase pour la forêt toute proche :

indice a 03 04 2022

■ enfin, je vous parlerai bien du chef-lieu d’arrondissement mais je crains que vous  ne vouliez plus le quitter …

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr

En suivant la piste

tintin rando  Continuant mon chemin sur les voies de communications (1, 2, 3, et 4), après les sentes et sentiers, je m’intéresse aujourd’hui à d’autres termes désignant des petites voies qui ont laissé des toponymes : piste, trace, trappe et draille.

Comme les précédents, ces noms ont bien entendu surtout donné des odonymes dont il ne sera pas question ici, où je ne m’intéresserai qu’aux noms de lieux-dits, habités ou non.

Piste

L’indo-européen *peis, « moudre, fouler », a fourni, entre autres, le latin pistare d’où le français « piste », par l’idée d’écrasement des végétaux et du sol par les passages répétés.

Sur un total de plus de 400 toponymes composés avec « piste », vingt-cinq seulement concernent des lieux-dits . Parmi ces derniers les noms La ou Les Piste(s) sont les plus nombreux mais on relève tout de même des noms accompagnés d’un déterminant comme la Piste du Renard (Saint-Clément-Rancoudray, Manche), la Piste de Terrusse (occitan terrus, « tertre, monticule »), la Piste du Mas des Rus, la Piste des Vergières (occitan pour « vergers ») et la Piste du Vallon (Saint-Martin-de-Crau, B.-du-R.), la Piste du Quesnoy (Bermerain, Nord ; « chênaie ») et la Piste de Suzanne (Saint-Symphorien, Gir.). Notons pour finir le Mont Pisté apprécié des randonneurs à Mézidon-Vallée-d’Auge (Calv.) et le hameau Pistelèbe d’Onesse-et-Lahaie (Landes) où lèbe est le nom gascon du lièvre et où, selon certains, piste pourrait être une réfection puritaine du gascon piche, « pisse ».

(PS : euh… si vous me le permettez, j’oserais : en piste ! 1, 2, 3 et 4nom de Guy, déjà 13 ans !).

Trace

De la racine indo-européenne *der/dre, « marcher » (d’où le grec dromos, l’anglais tread, les néerlandais trek et trekking), la variante tragh est à l’origine du latin trahere, « tirer » qui a donné notre « trace », l’empreinte laissée par ce qu’on a traîné ou laissé traîner.

femme préhist trainée

Ben, quoi ?

On relève à peine 50 toponymes composés avec « trace », dont la moitié concerne des lieux-dits sans guère d’originalité sauf à relever qu’on pourra marcher sur Les Traces (mais de qui ?) à Colombey-les-Deux-Églises (H.-M.), suivre la Trace au Loup à Mâron (Indre), la Trace de la Viale à la Panouse (Loz.) ou encore sentir les choses de la vie à Tracebouc à Auriol (B.-du-R.).

Ce nom a traversé l’océan jusqu’aux Antilles où il désigne un sentier sinuant dans les bois ou sur les reliefs, d’où des noms comme les Traces des Crêtes, des Étangs, des Monts Caraïbes en Guadeloupe ou la Trace des Jésuites en Martinique. Ah! Flûte ! J’avais dit : « pas d’odonymes ! ».

Trappe

À la même famille que le précédent se rattache la trappe, avec le sens de « sentier » en vieux français.

Si trappe au sens de « piège» est  issu du francique trappa de même sens, il existe un autre étymon germanique, le verbe *trappôn, « faire des pas » (indo-européen *trep, « piétiner, trottiner », d’où *tropo, « chemin ») qui explique le sens de « sentier » de l’homonyme trappe. De là vient la difficulté à interpréter correctement les toponymes contenant ce mot.

Parmi près de 180 toponymes en Trappe, plus  de 70 désignent des lieux-dits habités. Une grande partie de ces derniers ont dû désigner des chemins ou des sentiers plutôt que des pièges, comme le confirment des noms comme le Chemin de la Trappe ou le Col de la Trappe, qui sont des redondances quand le mot « trappe » a été mal compris. C’est ainsi que certains spécialistes (DNLF*, TT*) expliquent le nom de l‘abbaye de la Trappe de Soligny-la-Trappe qui « loin d’un asile ou piège pour reclus aurait été ouverture et cheminement » ou qui, plus prosaïquement, aurait été bâtie sur un ancien sentier, une trappe (monachi de Trapa en 1180). Le nom de la ville de Trappes (Yv.) pourrait avoir la même origine.

En revanche, des noms comme la Trappe au Loup (Oyré, Vienne), la Trappe aux Loups (Cour-sur-Loire, L.-et-C. ; Neuve-Maison, Aisne), la Trappe à Leux (Créquy, P.-de-C.), etc. peuvent faire douter : s’agissait-il de sentiers suivis par les loups ou de pièges destinés à les prendre ?

Cependant, Le Dictionnaire de la Chasse (Pierre-Louis Duchartre, éd. du Chêne, 1973 — ma collection de dicos est inépuisable !) donne pour « trappe » : « N.f. XIIè s.. D’abord lacet, puis a désigné des pièges à bascule ». Ces pièges étant, par définition, temporaires et mobiles, peut-on imaginer qu’ils aient laissé leur nom à des lieux précis ? (je sais bien que les chasseurs sont des gros cons, mais quand même !).

Pour ajouter à la confusion, notons également que le celtique treb, « maison » – à l’origine du latin tribus, « tribu », du gallois tref, « portion de la tribu », de l’irlandais treb, « maison », de l’ancien français tref, « tente, pavillon » et du breton trev, « paroisse » –, a donné le roman trap, « habitation modeste, baraque » qu’on retrouve dans quelques toponymes dans le nord de l’Aveyron et une forme féminine trapa de même sens que l’on retrouve dans quelques toponymes comme Trapes, nom de ferme à Canet-de-Salars (Av.) mais peut-être aussi dans les noms de Latrape (H.-Gar.), de La Trappe (Dord.), etc. C’est en tout cas l’hypothèse émise par J. Astor (DNFLMF*)

Draille ou draye

En pays de langue d’oc, notamment dans les Cévennes mais aussi en Dauphiné, Provence et haute Maurienne, la draille est un ancien chemin empruntant, sur une pente montagneuse, la voie la plus directe, la plus rapide servant par exemple pour la descente des bois coupés ou pour les troupeaux montant à l’estive. D’où le sens le plus courant aujourd’hui de « chemin pastoral de transhumance ». Le même nom peut désigner aussi un chenal de descente d’avalanche (dans le Valgaudemar) ou simplement l’allée centrale de l’étable : « Mais si on me prenait, c’était pour nettoyer la draille ou pour curer le ruisseau. » (J. Giono, Un de Baumugnes).

L’étymologie est discutée : soit de l’occitan dralha dérivé du latin directus, « droit, direct », soit de l’ancien occitan tralha (aujourd’hui traille, « câble de bac, chaîne de puits » servant à tirer), moderne tralh (trace, empreinte de pas), dérivé du latin trahere, « traîner, tirer » et donc apparenté à la « trace » vue plus haut.

Sur plus de 200 toponymes en draye, près de soixante concernent des lieux-dits comme La Draye ou Les Drayes (dix dans les Hautes-Alpes, huit rien qu’en Aveyron etc.) auxquels s’ajoutent quelques Bois ou Champ de la Draye, des Drayères et des diminutifs comme Drayet, Drayette ou encore Drayon, dont un col du Drayon à Praz-sur-Arly (H.-Savoie). Signalons aussi, pour le mystère qu’elle cache, la Draille de l’Homme du Loup à Maillane (B.-du-R.).

Plus rares, les toponymes en draille ne sont qu’une cinquantaine dont moins de vingt concernent des lieux-dits comme le bois des Petites Drailles et la Forêt domaniale de Thiébemont-les-Drailles à Bellefontaine (Vosges) et des Drayes (Ardèche, Gard, Hérault …). Plus rares sont les variantes comme la Draie (Chapareillan, Is.).

L’occitan tralha, « câble de bac, chaîne de puis », est à l’origine de quelques toponymes qui, lorsqu’ils sont situés près de cours d’eau, sont certainement liés au franchissement de celui-ci comme les chemins de La Traille à Roquemaure tandis que le sens de « trace directe, sentier suivi par le bétail » se retrouve, notamment en montagne, dans des noms comme celui de la Tête de la Traille, un petit sommet à Sallanches (H.-Sav.).

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Sur le même latin directus, « droit, direct », qui a donné le latin vulgaire *directiare, s’est formé l’ancien français drecier, « diriger, ajuster », d’où les noms dresse ou drece, « sentier, raccourci ». Le toponyme dressière, avec la signification de « raccourci », existe dans la plupart des régions occitanes, notamment en Aquitaine comme La Dressière à Rabastens (Tarn) ou Les Dressières à Millau (Av.). Le même mot se retrouve dans le nom d’une parcelle à Chambolle-Musigny (C.-d’Or), Les Drazey, anciennement Aux Drassés, et au diminutif dans celui d’une parcelle à Meursault (C.-d’Or), Les Dressoles.

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P.S. : j’en ai presque fini avec les voies de communications. Il me reste à étudier, dans un prochain billet (ou peut-être  aurai-je besoin d’en écrire plusieurs ? Ce n’est jamais fini ces choses-là !), des noms régionaux (bretons, basques …) voire locaux. Vous n’avez pas fini de me lire !

*Les abréviations en gras suivies d’un astérisque renvoient à la bibliographie du blog, accessible par le lien en haut de la colonne de droite.

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La devinette

Il vous faudra trouver le nom d’un lieu-dit de France métropolitaine lié à un des mots du jour. Ce nom est orthographié de deux façons différentes selon les sources (cf. le P.-S.).

Le nom de la commune qui l’abrite est un hagiotoponyme accompagné, depuis le siècle dernier, d’un déterminant traduisant le nom que les Romains avaient donné à l’endroit où elle se situe.

Le saint en question serait né dans une ville non loin de là, puis, après sa conversion à la foi catholique et un séjour à Rome, serait revenu prêcher dans la région. Il fut plus tard martyrisé dans sa ville natale. La légende raconte que ses restes, jetés à la rivière, s’échouèrent dans la commune qui nous intéresse où on éleva plus tard une abbaye. Selon une autre version, il aurait été enterré sur les lieux de son martyre où, là aussi, on éleva une abbaye. Ses reliques furent brûlées pendant les guerres de Religion sauf une partie d’entre elles qui avait été transportée jusqu’à une ville d’un pays voisin où elles sont encore, sauf une partie d’entre elles qui a été plus tard offerte à la commune qui nous intéresse, dans l’église de laquelle elles sont conservées. Une troisième version explique que ces dernières reliques seraient celles d’un saint homonyme martyrisé en Asie Mineure que les moines seraient allés chercher pour accroître le prestige de leur abbaye et attirer les pèlerins.

Cette commune abrite un type de bâtiment public qui serait le plus ancien de France, datant du XIIè siècle.

■ un indice, concernant une caractéristique moderne de la commune :

indice-b-19-03-2023

■ P.-S. : si le toponyme que je vous demande de trouver est bien présent dans le fichier officiel FANTOIR comme sur les cartes et le fichier IGN mais avec une orthographe différente, il en existe un autre parfaitement homonyme, situé dans une autre commune à 120 km de là, qui n’est pas répertorié dans le fichier FANTOIR mais qu’on trouve pourtant bel et bien sur les cartes et le fichier IGN. La commune en question porte un nom issu de celui d’un homme tout à fait en accord avec le thème du jour accompagné d’un suffixe courant qui a donné une terminaison particulière à la région.

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr

Saint-Dets à Feugarolles (L.-et-G.), la répàladev

podium vide  Le podium des découvreurs de la réponse à ma dernière devinette est resté vide …

Il fallait trouver Saint-Dets, un lieu-dit de Feugarolles, dans le canton de Laverdac, arrondissement de Nérac, dans le Lot-et-Garonne.

En gros, c’est là :

local Feugarolles-

En fin, c’est ici :

Saint-Dets Capture IGN

Saint-Dets : le nom de ce lieu-dit est un ancien sendets, forme gasconne pour « sentier » (cf. ce billet). Mal compris par les cartographes et l’administration, le nom a été pris pour celui d’un saint (encore un hagiotoponyme prothétique ou faux saint !), d’où par exemple l’orthographe St-Dets sur la carte d’état-major (1866) :

saint dets Capture EM

Qu’on n’en veuille pas trop à nos militaires qui n’ont quand même pas repris l’erreur de Cassini (feuillet 73, Agen, 1784) qui écrivait le nom Centdix :

saint Dets CendixCapture. CAS

Feugarolles : ce toponyme est issu de l’occitan falguièra, « fougère », où le double suffixe diminutif collectif –eiròla s’est substitué à –ièra, désignant ainsi une petite fougeraie – ici au pluriel. Comme le français « fougère », l’occitan falguièra est issu du latin populaire *filicaria, dérivé du latin classique filix, filicis.(cf. ce billet, où Feugarolles figure dans la carte qui l’accompagne)

Laverdac : ce nom est formé sur celui d’un homme  gallo-romain  Lavaratus accompagné du suffixe –acum. C’est le même anthroponyme qui a servi à nommer Lavardin dans la Sarthe, avec le suffixe –inum.

Nérac : issu du nom d’homme latin Nerius suivi du suffixe acum. Cet anthroponyme est dérivé du nom du dieu  gaulois Nerios des sources jaillissantes comme je l’expliquais dans ce billet : « Nerios est à l’origine de  Néris (Allier) et, par l’intermédiaire de l’anthroponyme Nerius, de Nayrac (Aveyron), Nérac (L&G), Néré (CM) et Néry (Oise). ».

cdl e

Les indices

indice-a-12-03-2023 ■ tout le monde aura reconnu la célèbre silhouette du générique du feuilleton racontant les aventures de Simon Templar, dit Le Saint. Cet indice devait faire penser à un toponyme en « saint », comme Saint-Dets.

indice b 12 03 2023  ■ cette photo d’un individu pratiquant du vélo sur des rails de chemin de fer est issue de cette vidéo dans laquelle Éric Willem, un ancien métallier, et Dany Werling ,un ancien cheminot, se vantent d’avoir inventé cet engin qu’ils ont baptisé, en toute modestie Will-Werl. Or, le vélo-rail a été inventé en 1930 par Lucien Péraire, un espérantiste de la première heure, qui l’a utilisé pour rouler sur les rails du Transsibérien. Lucien Péraire est né à Lavardac en 1906.

Plaque_Lucien_Péraire_Lavardac

indice c 14 03 2023

■ tout le monde aura reconnu Jean Poiret dans le rôle de l’inspecteur Lavardin, ici dans Poulet au Vinaigre. Comme expliqué plus haut, Lavardin et Lavardac sont issus du même nom d’homme Lavaratus.

indice b 14 03 2023 ■ ce tableau d’Isaac Levitan peint en 1895, intitulé Папоротники в бору, c’est-à-dire Fougères dans une forêt, devait faire penser aux fougères …et à Feugarolles.

indice-d-14-03-2023  ■ les habitués des moteurs de recherche auront identifié ce « buste de Nérios ou Nérius, terre cuite moulée et incisée, Ier – IIe siècle après J.C. (conservé à la maison du patrimoine de Néris-les-Bains) » extrait de cette page consacrée à Néris-les-Bains. Comme expliqué plus haut, Nerius est à l’origine du nom de Nérac.

Les indices du mardi 14 mars 2023

Ma dernière devinette n’a toujours pas été résolue. En voici l’énoncé :

Il vous faudra trouver le nom d’un lieu-dit de France métropolitaine lié aux mots du jour.

Le nom de la commune où se trouve ce lieu-dit désignait à l’origine un petit ensemble de végétaux.

Le nom du chef-lieu de canton et celui du chef-lieu d’arrondissement où se trouve ce lieu-dit sont issus de noms d’hommes latins accompagnés du suffixe gallo-romain –acum.

■ indice n° 1

indice-a-12-03-2023

■ indice n° 2

indice b 12 03 2023

fleuron1

Et voici les indices du mardi

■ le premier indice ci-dessus concerne le lieu-dit tandis que le second concerne le chef-lieu de canton.

■  un indice supplémentaire pour le chef-lieu de canton :

indice c 14 03 2023

■ un  indice pour la commune :

indice b 14 03 2023

■ et un dernier indice :

indice-d-14-03-2023

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Sentes et sentiers

Après avoir étudié naguère les voies de communications dans quatre billets différents ( un, deux, trois et quatre) qui complétaient les chaussées de Brunehaut et les rues, je parcours aujourd’hui les sentes et les sentiers.

(Ouf ! , disent ceux qui en avaient assez des USA. Qu’ils n’hésitent surtout pas à se dénoncer !).

Les dictionnaires (comme le Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 1992) donnent pour « sente » une étymologie selon le latin classique semita, « petit chemin de traverse, sentier, trottoir, ruelle », d’où serait issu un latin populaire *semitarius donnant le latin médiéval semtero devenu senterium au XIIè siècle puis le français « sentier ». L’origine du latin semita est considérée comme obscure mais on peut toutefois faire un rapprochement avec le verbe sentire, « percevoir par les sens et/ou l’intelligence », lui-même proche de l’irlandais sét, « chemin », du gotique (ga)-sinha, « compagnon de route » (cf. l’ancien haut allemand sindon, « voyager ») et surtout avec le celtique sent(u), « chemin » : on explique la correspondance entre la « sente »  et « sentir » par le fait que les animaux laissaient des traces éventuellement odorantes sur des pistes que suivaient nos ancêtres.

sentier ticayou

Et le conin, là, tu le sens pas ?

Le passage du latin classique semita au latin médiéval sentereium est remarquablement attesté dans les formes anciennes du nom du lieu-dit Le Sentier (à Monthodon, I.-et-L.) : Semita vers 1320 puis Sentereium alias Semita au XVè siècle.

Sente

Quand j’ai cherché « sente » dans la base de données de l’IGN (CD-rom de 2004 jamais réédité — et Dieu sait si tu savais combien je m’en désole ! ), je me suis écroulé rien qu’en voyant apparaître 25 fois 17 soit 425 résultats :

gaston-lagaffe-courrier-urgent-

Je rigole, bien sûr : vous connaissez tous mon abnégation et mon souci de l’exhaustivité, je ne me suis bien entendu endormi qu’après les avoir tous consultés.

Comme commune, seule l’iséroise Satolas(-et-Bonce), attestée Sentolatis en 830, semble bien être une ancienne *sentu-lation, « sente des héros ».

Les noms de lieux-dits ou hameaux sont au moins 300 (les autres étant des odonymes) parmi lesquels les simples La ou Les Sente(s) sont majoritaires. D’autres sont accompagnés de déterminants comme la Sente d’Amour (Barc, Eure), la Sente à la Demoiselle (Bois-le-Roi, Eure), la Sente à la Poule (Chamblac, id.), la Sente à la Chatte (Voves, E.-et-L. – honni soit qui mal y pense), de nombreuses Sente aux Ânes (Bleury, E.-et-L., etc.), Sente aux Prêtres (Pierres, id.), Sente aux Moines (Saint-Piat, id.) etc. D’autres noms de sentes sont suivis de noms propres, comme celui du lieu où elles mènent, celui d’un ancien propriétaire, celui d’un saint, etc. ou de noms communs comme celui des usagers (Sente des Marins à Saint-Pierremont, Ardennes ; Sente des Huguenots à Haution, Aisne ; Sente des Meuniers à Jumelles, Eure ; Sente des Pauvres à Boulloire, Oise etc.), celui des végétaux qui la bordent ou qu’elles traversent, celui des édifices qu’elles servent (une dizaine de moulins par exemple) ou encore d’adjectifs (Haute, Basse ou encore huit Sente Verte par exemple). Les diminutifs sont peu nombreux : la Sentelle (à la Roussière, Eure), la Sentelette (à Vauxcéré, id.) et les Sentelles (à Cys-la-Commune, Aisne).

Notons le régionalisme pied-sente ou piedsente, qui désigne un « chemin pour piétons » en Normandie et en Flandres comme la Pied-Sente (à Ault et à Long, Somme ; à Illois, S.-Mar., p. ex. ), le Pied-Sente (à Attancourt et à Planrupt,  H.-Marne, p.ex.), ou encore Piedsente du Bas de l’Enfer (à Bondues, Nord).

On aura noté que la très grande majorité de ces toponymes se trouvent dans la partie septentrionale de la France, le mot « sente » ayant été concurrencé et remplacé par « sentier » partout ailleurs.

Le hameau dit Sente-Nove, à Gravières (Ardèche), attesté le plo de Santenove en 1464 et Ste Nove au XVIIIè siècle, est plus sûrement un ancien sauta-Noves pour désigner un domaine, du latin saltus, « saut, défilé forestier, bois » et nom de personne Noves. La désignation serait ensuite tombée dans l’attraction de « sente neuve (nouvelle) » et de « sainte Nove ».

Sentier

Là aussi, les toponymes correspondants sont très nombreux : mon CD-rom m’en propose plus de 500 que je viens de finir de classer.

gaston lagaffe réponse au courrier

Commençons par les noms de communes (je vous rassure, il n’y en a que trois, vous pouvez rester) :  Sendets, en Gironde et dans les Pyrénées-Atlantiques représentent le diminutif pluriel, « petits sentiers ». Le nom de  Sindères, dans les Landes (aujourd’hui commune déléguée de Morcenx-la-Nouvelle) correspond au pluriel du gascon sendère, variante attestée de sendè, « sentier » et celui de Cendrieux en Dordogne (Sendreux au XIè siècle ; aujourd’hui commune déléguée de Val de Louyre et Caudeau) correspond au pluriel de l’occitan sendarèu, « petit sentier ».

Les lieux-dits habités ne sont qu’une vingtaine à porter un nom en le ou les Sentiers, sans grande originalité sauf un Sentier aux Carottes à Saint-Fuscien (Somme). Les lieux-dits non habités, au nombre de 250 environ, ne sont guère plus originaux sauf à relever le Sentier de la Solette à Quesnel (Somme ; en parler picard, une sole est une plaine cultivée, une partie de l’assolement, solette étant le diminutif), le Sentier de la Justice à Gommerville (qui devait mener aux bois de justice, au gibet, E.-et-L.), le Sentier aux Femmes à Saraz (Doubs), le Sentier des Malades à Engenville (Loiret), le Sentier de l’Ermite à Roches-Bettaincourt (H.-Marne) ou encore le Sentier du Pichu à Ville-aux-Montois ( « sentier du pissoir » en patois roman de la Moselle, M.-et-M.).

Le quartier parisien du Sentier doit son nom à la rue du même nom qui a remplacé dès le XVIIè siècle un sentier qui conduisait au rempart. Si quelques plans anciens la désignent sous le nom de rue du Chantier rien ne permet d’affirmer qu’il s’agisse de son nom originel même si certains ont fait le rapprochement avec un grand chantier de bois sur lequel la rue aurait été ouverte ; on trouve aussi l’orthographe rue du Centier sur d’autres plans.

Le gascon sendèr apparait dans des noms comme Sendets vus plus haut mais aussi dans les variantes Sendeix à Pujo (H.-Pyr.), Sendex à Montpouillan (L.-et-G.), Sendaix à Mézin (id.), etc.. Le féminin se retrouve dans le nom de La Sindère à Casteljaloux (id.).

Le saintongeais sendier se reconnait dans les noms de la Sendière (Nieul-lès-Saintes, Ch.-Mar.), des Sendiers (Déols, Indre), etc.

Les noms de personnes

Dans sa description de la péninsule ibérique, Ptolémée cite  Σεντικη , transcrite Centice sur l’Itinéraire d’Antonin, une polis des Vaccéens au sud de Salamanque. Ce nom est à rapprocher du prototype de l’irlandais sétig, « compagne » c’est-à-dire « celle avec qui on fait le chemin » (*sentiki). Centice serait alors soit le « domaine sur le chemin » soit la « forteresse compagne ».

La même racine sent– a donné le nom de personne celte Sentinios que l’on retrouve dans des toponymes

♦ avec le suffixe –acum : Sentenac-d’Oust, Sentenac-de-Sérou et Suc-et-Sentenac, tous trois en Ariège ; Sainteny (Manche) ; Santeny (Val-de-Marne) ; Santenay (C.-d’Or) ; Santhonnax-la-Montagne (Ain).

♦ déformés en faux saint : Saint-Igny-de-Roche (Semtiniacus au XIè siècle, S.-et-L.) et Saint-Igny-de-Vers (Rhône).

♦ à l’étranger : Sinzenich, un quartier de Zülpich en Rhénanie du Nord -Westphalie (Allemagne) est également un ancien *Sentiniacum ; Sentino est un hameau italien de Camerino (région des Marches) attesté Sentinon chez les auteurs classiques, du nom de personne celte Sentinos.

index

 

La devinette

Il vous faudra trouver le nom d’un lieu-dit de France métropolitaine lié aux mots du jour.

Le nom de la commune où se trouve ce lieu-dit désignait à l’origine un petit ensemble de végétaux.

Le nom du chef-lieu de canton et celui du chef-lieu d’arrondissement où se trouve ce lieu-dit sont issus de noms d’hommes latins accompagnés du suffixe gallo-romain –acum.

■ indice n° 1

indice-a-12-03-2023

■ indice n° 2

indice b 12 03 2023

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Mirror (Alberta, Canada), la répàladev

TRS est le premier à m’avoir donné la solution à ma dernière devinette. LGF l’a suivi peu après. Bravo à tous les deux !

Il fallait trouver Mirror, un hameau du comté de Lacombe dans le centre de la province d’Alberta au Canada.

carte Alberta

Lacombe, cerclé de rouge

Mirror : en 1907, quand la compagnie de chemin de fer Grand Trunk Pacific Railway voulut construire une gare dans le village de Lamerton, entre Edmonton et Calgary, le prix du terrain qu’elle convoitait était si élevé qu’elle préféra installer ses bâtiments deux milles plus au sud. Un nouveau village se développa rapidement à cet endroit quand les habitants de Lamerton vinrent s’installer autour de la nouvelle gare. En 1912, Lamerton était presque déserte et il ne restait plus qu’à baptiser le nouveau village, ce qui fut fait le 12 juillet 1912. Le nom choisi fut Mirror, en référence au quotidien londonien The Daily Mirror fondé en 1903 (je n’ai hélas trouvé aucune explication sur le choix d’un tel nom). L’arrivée des locomotives à moteur diesel, rendant inutile un arrêt à Mirror, entraîna par la suite le déclin du village qui perdit son statut pour n’être plus qu’un hameau depuis le 1er janvier 2004.

Mirror

Lacombe : la ville de Lacombe a été baptisée en hommage au père Albert Lacombe (1827 – 1916) venu évangéliser les Crees et les Pieds-Noirs (qui ne lui avaient rien demandé) et qui négocia avec ces derniers le passage du chemin de fer sur leur territoire (ben, tiens !).

Alberta : la province d’Alberta a été baptisée en hommage à la princesse Louise Caroline Alberta (1848 – 1939) quatrième fille de la reine Victoria et du prince Albert et épouse de John Campbell, duc d’Argyll et marquis de Lorne, gouverneur général du Canada de 1878 à 1883. Le prénom Alberta est la forme latine féminine du prénom Albert, lui-même dérivé du germanique Adalberht formé sur le vieux haut allemand adal, « noble » et beraht, « brillant, illustre, célèbre ».

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Les indices

indice a 05 03 2023  ■ cette illustration de De l’autre côté du miroir, la suite d’Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll, montrait la fillette face au miroir, en anglais mirror.

indice-a-07-03-2023  ■ cette illustration montrait un miroir de poche orné d’un drapeau du Canada.

Les indices du mardi 07/03/2023

mouette-rieuse-2  Personne ne m’a encore donné la bonne solution (mais je n’en suis pas plus fier que ça, n’est-ce pas) à ma dernière devinette dont je rappelle pour les retardataires l’énoncé :

Il vous faudra trouver le nom d’un ancien village, devenu aujourd’hui simple hameau, qui porte un nom faisant référence à un organe de presse fondé quelques années auparavant dans une ville pourtant située à des milliers de kilomètres.

Ce hameau fait aujourd’hui partie d’une entité administrative qui porte le nom de sa ville principale, laquelle a été nommée en hommage à un religieux qui y prêchait.

Cette première entité administrative fait partie d’une autre entité administrative plus grande qui porte un nom faisant référence à la fille d’un célèbre noble.

Un indice :

indice a 05 03 2023

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Et je rajoute ces indices :

■ tout d’abord une précision : la « fille d’un célèbre noble » est aussi la fille d’une célèbre noble et la femme d’un célèbre noble. L’étymologie du nom qu’elle a laissé à l’entité administrative est en parfaite adéquation avec cette situation.

■ et puis la solution ce cadeau :

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Toponymes commerciaux

On connait les antonomases qui ont fait de noms de lieux des noms de choses ou des marques commerciales (faut-il rappeler les vins et les fromages qui portent le nom de l’endroit où on les produit ?) mais le processus inverse, des noms commerciaux devenus noms de lieux, existe aussi, bien qu’à de plus rares exemplaires. On ne s’étonnera pas que c’est aux pays du business is business, les États-Unis d’Amérique, qu’on  trouve sans doute le plus de ces toponymes dont je vous propose quelques exemples tous étatsuniens sauf le dernier, canadien.

Commercial Point (Ohio)

En 1829, Wiley H. Becket, venu de Virginie Occidentale, achète un terrain à cet endroit autour duquel sera créé un village qu’il appelle Genoa en 1841. De son côté, James H. Burnley, arrivé en 1832 lui aussi de Virginie Occidentale, crée un village non loin de là qu’il appelle Rome. En 1844, W. H. Beckett ouvre le premier magasin général et on crée pour l’occasion le bureau de poste qu’on baptise logiquement Becket’s Store. En 1851, les deux villages fusionnent sous le nom de Rome. Enfin, en 1872, plusieurs autres commerces ayant été ouverts, on prendra la décision de baptiser l’ensemble Commercial Point. Au moins, on sait où on est.

Phoneton (Ohio)

En 1893, l’American Telephone and Telegraph Company décide de s’implanter dans l’Ohio et d’y installer ses bureaux et ses employés. On choisira le nom de Phonetown pour baptiser la ville nouvelle, qui deviendra plus simplement Phoneton dès 1898.

Laflin (Pennsylvanie)

Cette ville a pris en 1889 le nom du fondateur de la fabrique de poudre à canon Laflin et Rand Powder Company.

Hatboro (Pensylvanie)

Appelée localement The Boro, cette ville doit son nom à une fabrique de chapeaux dont le premier propriétaire, John Dawson, s’est rendu populaire en en offrant aux habitués de l’auberge locale. Le bureau de poste a ouvert en 1809 et fut appelé Hatborough et ce nom sera simplifié en Hatboro en 1880.

Seamus Egan, fils d’émigrés irlandais, est né à Hatboro

Anaconda (Montana)

En 1881, Marcus Daly, le futur « roi du cuivre », achète une petite mine d’argent nommée Anaconda près de Butte (Montana). Il y découvre, cent mètres sous terre, un énorme gisement de cuivre, s’associe avec George Hearst et crée l’Anaconda Copper Company.

En 1883, il crée une fonderie qui attire de nombreux ouvriers pour lesquels une ville sera construite. Il souhaitait l’appeler Copperopolis mais ce nom était déjà celui d’une petite cité minière du comté de Meagher, toujours dans le Montana. Clinton Moore, le directeur des Postes américaines, proposa alors d’appeler la ville du nom de la compagnie minière, Anaconda, ce qui fut accepté.

La mine Anaconda devrait son nom à la stratégie dite de l’anaconda utilisée par le général McClellan pendant la guerre de sécession et mentionnée dans un éditorial du New York tribune.

Truth or Consequences (Nouveau-Mexique)

Alors, là, c’est le pompon !

La région était connue pour ses sources chaudes dès la fin du XIXè siècle, mais c’est la construction d’une retenue d’eau, achevée en 1916, qui provoqua l’arrivée massive de visiteurs et la naissance de la ville appelée Hot Springs, « sources chaudes ». En 1940, on comptait 40 spas de sources chaudes naturelles : un pour 75 habitants — mais s’adressant principalement aux visiteurs.

En mars 1950, Ralph Edwards, le présentateur d’un jeu radiophonique extrêmement populaire appelé Truth or Consequences, annonça qu’il présenterait son émission du dixième anniversaire depuis la première ville qui accepterait de changer de nom pour prendre celui de son émission. Hot Springs a officiellement changé de nom dès le 31 mars 1950 pour s’appeler Truth or Consequences et l’émission a été diffusée à partir de là dès le lendemain soir. La ville a ensuite accueilli l’émission tous les premiers week-end de mai pendant encore cinquante ans, donnant lieu à une grande Fiesta qui continue à être célébrée tous les ans.

L’habitude a été prise d’écrire le nom avec des traits d’union Truth-or-Consequences (abrégé en T-or-C ou T-o-C) même si le nom originel n’en comporte pas.

CPA T or C

Changements de noms temporaires

■ En 1999, la ville d’Halfway, dans l’Oregon, a changé son nom pour Half.com pendant un an après que la start-up de commerce électronique du même nom lui a offert 20 ordinateurs, ainsi que 110 000 $ pour l’école et d’autres subventions financières.

Halfway, littéralement « mi-chemin », doit son nom à sa situation à égale distance de Pine (d’après la Pine River, « la rivière des pins ») et de Jim Town (d’abord appelée Langrell du nom de son fondateur qui y avait installé une scierie en 1904, elle a changé officiellement en 1987 pour Jimtown après que James H. Chandler est devenu le nouveau propriétaire en 1916 – Jim est l’hypocoristique de James).

■ À la fin des années 1990, la ville de Granville, dans le Dakota du Nord, a accepté de changer temporairement son nom en McGillicuddy City dans le cadre d’une promotion pour les liqueurs du Dr McGillicuddy.

Granville doit son nom à  Granville M. Dodge, un industriel qui y amena la ligne de chemin de fer en 1904.

En mars 2010, Topeka, Kansas, a temporairement changé son nom en Google, du nom de l’entreprise technologique, dans le but d’inciter cette dernière à expérimenter la fibre optique à très haut débit dans la ville. En remerciement, Google changea de nom pour celui de Topeka pendant toute la journée du premier avril 2010.

Topeka est un mot amérindien, d’une langue siouane, qui signifie « endroit où poussent les pommes de terre ».

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Arvida (Quebec, Canada)

Cette ancienne ville industrielle du Québec, aujourd’hui fusionnée avec Jonquière, devait son nom aux initiales du président de la compagnie  Alcoa (devenue ensuite Alcan et maintenant Rio Tinto Alcan) : Arthur Vining Davis .

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La devinette

Il vous faudra trouver le nom d’un ancien village, devenu aujourd’hui simple hameau, qui porte un nom faisant référence à un organe de presse fondé quelques années auparavant dans une ville pourtant située à des milliers de kilomètres.

Ce hameau fait aujourd’hui partie d’une entité administrative qui porte le nom de sa ville principale, laquelle a été nommée en hommage à un religieux qui y prêchait.

Cette première entité administrative fait partie d’une autre entité administrative plus grande qui porte un nom faisant référence à la fille d’un célèbre noble.

Un indice :

indice a 05 03 2023

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