De la terre ( deuxième partie )

Voici un deuxième billet concernant la terre dans le sens de « sol considéré dans sa nature, son aspect, sa consistance ». (cf. la première partie en suivant ce lien ). Pardon pour le retard !

Le sable

Les sols sableux sont très diversifiés et les toponymes qui les signalent prennent différentes formes :

■ les arènes, du latin arena, sont présentes dans Airaines ( Somme ), Areines ( L.-et-C.), Arrènes (Creuse), Aregno ( Haute-Corse ) et Aren ( P.-O.) ; le latin arenaticum a donné Arnage ( Sarthe ) et Larnage ( Drôme ). On retrouve ces mêmes formes dans des micro-toponymes auxquels on peut rajouter des Aréniers, dont certains ont même pu évoluer en Araignée.

■ le sable, du latin sabulum, est à l’origine des Sables-d’Olonne ( Vendée ), de Sablières ( Ardèche, avec –aria ), Sablé-sur-Sarthe ( Sarthe ), Sablet ( Vauc., avec collectif -etum ), Sablonceaux ( Char.-Mar., avec diminutif –icellum ), Sablons ( Gir. et Isère, avec -onem ), Sablonnières ( S.-et-M.), Briosne-les-Sables ( Sarthe ) ainsi que de très nombreux micro-toponymes en Sable et Sablons.

■ le basque ondar pourrait être à l’origine d’Ondres ( Landes, NLPBG* —autre hypothèse : gascon oundre, « ornement, colifichet », TGF* ).

■ le breton trez ou traezh se retrouve principalement dans des noms de lieux-dits comme Trez-Hir ( avec hir, « long ») en Plougonvelin, Traezh-Meur ( avec meur, « grand ») en Trébeurden, Trez Goarem ( avec « garenne » ) à Esquibien ( Fin.), Trestaou en Perros-Guirec ( C.-d’A.), Ker an Trez à Trédarzec (id. ). Il convient toutefois de rester prudent puisque la paronymie avec tré, « hameau », peut prêter à confusion.

■ les langues nordiques utilisent sand ou sant que l’on retrouve à Sand (au bord de l’Ill, Bas-Rhin ) Sangatte ( P.-de-C. ), qui associe « sable » et « porte », Wissant ( id.) qui associe « blanc » et « sable » et Sanvic ( S.-Mar.), qui associe « sable » et « anse » ( scandinave vik ). Les micro-toponymes en Sand, avec ou sans complément, sont aussi nombreux comme Breit Sand à Blodelsheim ( H.-Rhin) avec Breit, « large » ou Auf dem Sand, « sur le sable » à Hattmatt (id.), etc.

La glaise

■ on retrouve directement la glaise dans de nombreux Glaise, les Glaisières, la Glaisière ainsi que sous de nombreux dérivés locaux tels que glyze, glazière, glé, glise, guille, guise … mais il convient de rester prudent car une confusion avec les formes occitanes ou altérées d’« église » est toujours possible, comme à Glaizeneuve ( à Lubilhac, H.-Loire ) ou à Gleysenove ( à Vezins-de-Lévézou, Aveyron ) qui représentent bien une « église neuve ».

■ le radical apparenté glatt évoquerait des terres collantes dites glattes ou glettes dans le nord de la France où on retrouve de très nombreux Glatigné ou Glatigny qui pourraient en être issus — même si pour certains d’entre eux le gaulois glasto, « vert », ou le nom d’homme gallo-romain *Glastinius ne peuvent pas être exclus.

clite, proche du précédent, s’emploie, toujours dans le Nord, au sens de sol argileux, d’où les Clittes à Millam et Noordpeene ( Nord ), Clyte Houck à Watten ( id. ), les Clits à Tournavaux ( Ardennes), la Clitte à Trieux ( M.-et-M.), les Clytes à Sercus, Boësenghem et Bavinchove ( Nord ) et Clytes Veld à Hazebrouck ( Nord).

■ le caractère collant de ces terres a produit en pays d’oc les noms de Pégairollesde-Buèges (Hér.), Pégairolles-de-l’Escalette ( id.), Pigerolles, Pégomas (Alpes-Mar.) etc. formés sur le verbe « péguer » ( du radical indo-européen pik, comme le latin pix et la « poix » ). On ne peut toutefois pas exclure, pour certains de ces toponymes comme pour le pic de Péguère ( à Cauterets, H.-Pyr.), la clue de Péguère ( à Conségudes, A.-Mar.), la Péguière ( forêt du Ventoux, Vauc.) et pour d’autres formes similaires en nord-occitan comme La Pigeire ( à Altier, Loz.), Pigeyre ( à Bains, H.-Loire), des lieux d’extraction de la résine, la pega, qui entrait dans la fabrication de la poix.

Le limon

Le latin limus, formé sur une base gauloise lem-, lim -, qui a donné « limon », a donné son nom au Limargue, contrée du Quercy dont le chef-lieu porte le même nom, ainsi qu’à la Limagne, une grande plaine au centre de l’Auvergne et à des lieux-dits portant le même nom à Brommat ( Aveyron ), Raulhat ( Cantal ), Thiviers (Dord.) et à Ligré ( I.-et-L. ). Ce même limus ou limosus, « limoneux, vaseux, fangeux », est à l’origine du nom de Limoux, de Limeux (Somme et Cher ) et de Limons (P.de-D.) ainsi que de nombreux lieux-dits comme la Limouze à Rompon ( Ardèche). Cependant, une source d’ambiguïté vient de ce qu’on connait le paronyme gaulois limo, « orme », qui a été étudié dans ce billet.

Particularités locales

D’autres termes sont employés sur des territoires plus limités et n’apparaissent éventuellement que sur des plans cadastraux :

diève, d’origine gauloise, désigne une argile blanche en Picardie et en Wallonie, d’où Diévil à Izel-les-Hameaux, le Dièvre à Sains-lès-Marquion (P.-de-C. ), etc.

saffre ( cf. safre ou chafre ) désigne une glaise durcie des vallées du Sud-Est d’où le Safre à Mimet ( B.-du-R.), les Saffres à Valréas ( Vauc.), les Saffras à Carpentras ( Vauc. ), En Saffro à Cuq-Toulza ( Tarn ), la Saffrette à Buis-les-Baronnies ( Drôme ), le Saffre à Villar-Loubière ( H.-Alpes), etc.

doucin ou doussine désigne un sol profond, marneux, sans sable ni cailloux et se retrouve aux Doucins à Mosnac, à Saint-Dizant-du-Gua et Lorignac ( Ch.-Mar.), au Haut Doucin à Saint-Pierre-des-Nids ( May.), etc. ainsi qu’à Doussine à Tosse ( Landes ), à Eoux ( H.-Gar.), à Pompogne ( L.-et-G.), etc.

Et ce n’est pas fini ! Il reste encore au moins à étudier les terrains boueux et les terrains caillouteux.

Un personnage historique, originaire d’un des lieux mentionnés en gras dans le billet et dont il porte le nom, est allé se faire pendre ailleurs. Qui est-il ?

Pas d’indice aujourd’hui, ce serait sans doute vous donner la solution…

Réponses attendues chez leveto@sfr.fr

*les abréviations en gras suivies d’un astérisque renvoient à la bibliographie du blog, accessible par le lien en haut de la colonne de droite.