Les Folies parisiennes: les résidences de luxe

Je poursuis mon exploration des « folies « parisiennes avec les propriétés d’agrément luxueuses bâties par quelques aristocrates des XVII et XVIIIè siècle.

Au numéro 18 de la rue de Passy (XVIè) se trouvait l’Hôtel de la Folie du XVIIè siècle, construit à la place d’une ancienne propriété du XVIIè siècle appelée tout simplement la Folie. Elle appartenait à Jacques Silvestre, notaire et conseiller du roi Louis XV qui la loua en 1761 pour y loger Anne de Romans. Cette dernière, âgée de vingt-deux ans, eut un fils en 1762 qui fut le seul bâtard autorisé à porter le nom de Bourbon : il entra dans les ordres sous le nom de Louis-Aimé de Bourbon. Cet hôtel changea de propriétaires plusieurs fois avant de devenir un pensionnat et finalement disparut pour céder la place à la rue Claude-Chahu, fondateur de Passy.

Rue Raynouard (XVIè) se trouvait une propriété appartenant en 1749 à Jean de Julienne, célèbre teinturier des Gobelins. Sa façade principale donnait sur un jardin en terrasse qui descendait vers la Seine et où se trouvait une salle de théâtre qui servit à bâtir, lorsque la propriété fut morcelée, le pavillon qu’habita un temps Balzac. Auguste-Louis Bertin, caissier général du roi de 1742 à 1788, acheta cette propriété pour en faire la Folie-Bertin où il logea Mlle Hue de la Comédie-Française avant de l’en chasser en 1761, malgré ses nombreux enfants, pour infidélité. Il loua par la suite sa Folie a plusieurs artistes de la Comédie-Française avant qu’elle ne soit morcelée en 1809.

Rue Saint-Lazare, à l’emplacement des numéros actuels 77 à 93, se trouvait l’ancien château des Porcherons édifié en 1310 par les descendants d’André Porcheron, qui possédait en 1290 une maison au centre d’un hameau qui devait s’agrandir pour s’appeler un jour le Porcherons. En 1386 le domaine devint la propriété de Jean Cocq II, seigneur d’Egrenay. Il demeura dans la famille de magistrats Le Cocq, prenant alors le nom de château du Coq. En 1738, le duc Louis de Brancas, maréchal de France, en devint propriétaire et le transforma en la Folie-Brancas, où il logea Mlle Pouponne, figurante à l’Opéra. La folie fut détruite en 1854 et il ne reste plus qu’une impasse, pompeusement baptisée avenue du Coq, pour rappeler le souvenir du château.

La Folie-Beaujon était une immense propriété située sur un emplacement délimité par l’actuelle avenue des Champs-Elysées, l’avenue Hoche, la rue du Faubourg-Saint-Honoré et de Washington. En 1784, Nicolas Beaujon, financier richissime, fermier général et conseiller d’Etat sous Louis XV, fit construire une résidence luxueuse entourée de vignes, champs, parcs et jardins. D’autres petits pavillons ainsi qu’une chapelle, où il fut inhumé le 20 décembre 1786, agrémentaient le parc. Le jardin Beaujon fut vendu après la Révolution à des négociants qui le transformèrent en parc d’attractions où furent installées en 1817 les premières montagnes russes. Ce jardin fut finalement loti en 1825 et trois rues percées. Les maisons d’habitation avaient été vendues dès 1797. Parmi les propriétaires les plus célèbres de ces diverses résidences ayant constitué la Folie-Beaujon, on peut citer Honoré de Balzac en 1846 et la baronne Salomon de Rotschild en 1873 qui devint propriétaire de tout le lot en 1882 et fit démolir la chapelle pour la remplacer par la rotonde actuelle.

Dans le même quartier, la rue Marbeuf — dont le nom remplace depuis 1829 celui de rue des Gourdes — doit son nom à l’ancienne Folie-Marbeuf. Il y avait là un immense terrain occupé en 1730 par des jardins qu’un riche anglais, le chevalier de Janssein, acheta en 1760 pour en faire une vaste propriété d’agrément. Cette dernière devint en 1787 la propriété de la marquise de Marbeuf. La Folie-Marbeuf devint une curiosité de Paris, avant que la Révolution ne convertisse son parc en un jardin public, le Jardin d’Idalie qui reprit son nom de Jardin-Marbeuf sous la restauration, avant d’être conquis par l’urbanisation.

Entre les numéros 44 et 50 de la rue Blanche (IXè) — bâtie vers 1670 et qui s’appelait alors rue de la Croix-Blanche, de l’enseigne d’un de ses cabarets — , se trouvait la Folie-Boursault, du nom du comédien fondateur du théâtre Molière qui y mourut en 1842 à 80 ans.

saccage folie titonIl nous reste à voir deux de ces grandes Folies, rivales l’une de l’autre, qui préfiguraient les parcs de loisirs que nous verrons dans un prochain billet. Au numéro 31 de la rue de Montreuil se trouvait la Folie-Titon, une ancienne maison de campagne qui s’étendait avec son parc jusqu’à la rue des Boulets ( qui doit son nom aux guerres civiles du XVIè siècle), créée en 1673 par Maximilien Titon, directeur des manufactures royales d’armes. C’est dans une partie de cet hôtel, devenue en 1765 la fabrique de papiers peints de Réveillon, que fut construite la montgolfière avec laquelle Pilâtre de Rozier réussit la première ascension libre le 17 octobre 1783. Réveillon ayant voulu réduire le salaire de ses 400 ouvriers dans la  proportion où le gouvernement comptait réduire le prix du pain, la manufacture fut pillée et incendiée et trente ouvriers tués par la troupe : on était alors le 27 avril 1789…

Entre les numéros 160 et 176 de la rue de Rambouillet se trouvait la
plus remarquable de toutes les habitations de plaisir, la Folie-Rambouillet, fondée entre 1633 et 1635 par Nicolas de Rambouillet, beau-père de Tallemant des Réaux. Elle constituait un domaine considérable jusqu’à une terrasse qui dominait la Seine. Ses jardins étaient ouverts au public, élégant et fortuné, de la place Royale. Le domaine passa ensuite à Antoine Rambouillet de la Sablière, secrétaire du roi, dont la femme, Mme de La Sablière, fut la protectrice de La Fontaine. Les Rambouillet étant protestants, c’est dans cette Folie que les ambassadeurs des pays non catholiques attendaient les carosses de la Cour qui venaient les prendre pour leur présentation auprès de Louis XIV. L’ensemble du domaine fut morcelé avant la Révolution: il n’en reste plus qu’un pan de mur, précieusement conservé, visible au n°172 de la rue de Rambouillet.

16 commentaires sur “Les Folies parisiennes: les résidences de luxe

  1. hello, leveto, pas mal ce développement sur les « folies ». J’ai habité rue Blanche, une rue assez lugubre, à vrai dire. Pas loin de la « Nouvelle Athènes ». Et je suis allé en fac à « Nanterre-La-Folie », dont que beaucoup de gens prenaient au sens premier.

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  2. > correcteurs:
    Merci pour les compliments. J’ai fréquenté de temps en temps — ma sœur y poursuivant ses études — la fac de Nanterre et donc, bien sûr, la gare de Nanterre-la-Folie. Si je me souviens bien, il y avait dans ce quartier d’anciennes carrières souterraines de calcaire et, plus tard, un bidonville qui ont porté ce nom de La Folie. Ça ne nous rajeunit pas …

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  3. Quant à moi je me souviens de C’est toi ma p’tite folie »…. Mais non, je ne suis pas née en 1872 ! mais ça faisait partie du répertoire de ma mère qui avait une chanson pour chaque occasion. Et hélas, je n’ai pas eu la chance de fréquenter la fac de Nanterre….ni ses folies.

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  4. Pour ma part, c’est la rue de la Folie-Méricourt que j’arpentai souvent il y a quelques années… et dont le nom m’intriguait un peu. J’en connais donc désormais l’origine.

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  5. « à “Nanterre-La-Folie”, dont que beaucoup de gens prenaient au sens premier.  »
    Dont que..quelqu’un peut me mettre au parfum ?

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  6. @ arcadius : Je suppose que ce « dont » est une frappe mécanique et inattentive ayant remplacé par erreur « nom ». Cela donnerait alors à “Nanterre-La-Folie”, nom que beaucoup de gens prenaient au sens premier.

    [J’espère qu’ici au moins, je peux m’autoriser une hypothèse explicative sans me prendre une volée de bois vert de qui-vous-savez … mais on n’est jamais à l’abri de rien…].

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  7. Bonjour,
    Sauriez vous par hasard le nom du directeur du pensionnat qui s’est installé dans l’hôtel de la Folie? Je cherche un pensionnat à Passy, dirigé par un Mr. Péchigny. celui-ci aurait été crée en 1771.
    Si vous avez plus de renseignements merci de me contacter.
    Amicalement

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  8. ►selman:
    Le pensionnat installé dans l’Hôtel de la Folie le fut après 1868, date à laquelle l’Hôtel fut acheté par le prince Demidoff, mari de la princesse Mathilde.
    Un pensionnat plus ancien se trouvait rue Raynouard, dirigé par le frère Théotique venu de Béziers.
    si j’en crois la biographie de John Quincy Adams, qui y fut pensionnaire vers 1780, M. Pechigny était le directeur d’un pensionnat à Passy. Il étudia aussi chez un certain Le Coeur, toujours à Passy.

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  9. celles là ne sont pas parisiennes mais pour vous aluer:
    Les pavillons puisent leur origine dans l’architecture et l’urbanisme : les gratte-ciels, les miroirs sans tain des immeubles de bureaux, le Paysage anglais du XVIIIe siècle, les « Folies » et le style pittoresque mais aussi les espaces en forme d’ellipse du Néo-Baroque et du Rococo.

    http://acasculpture.blogspot.com/

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  10. … parlant de luxueuses résidences parisiennes, cette « réaction d’un lecteur » du Monde.fr au commentaire de Leonetti sur Montebourg m’a fait sourire :

    « Ce Monsieur Leonetti, maire d’Antibes, député d’une circonscription privilégiée ne manque pas d’aplomb quand il reproche à Arnaud Montebourg,conseiller général du canton de Montret, dans l’arrondissement de Louhans, et député de la 6°circonscription de S § L, « d’incarner une gauche mondaine et populiste ». La Bresse louhannaise est une région pauvre et déshéritée à des années-lumière de Neuilly, Auteuil, Poissy ou du XVI°

    .

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  11. A la réflexion, je m’en suis un peu voulu de ce sourire de parisienne devant l’ajout du XVIè arrondisssement à Auteuil et Poiassy…

    Mais au fond, d’où vient-il, ce « NAP » ? Le rap des Inconnus, c’était Auteuil-Neuilly-Passy, pas Neuilly-Auteuil-Passy…

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