Cens, cense, censier etc.

Les vacances sont finies …

Coucher Soleil Isolella

Un dernier coucher de soleil dans la baie d’Ajaccio vu d’Agnarello

Et en route vers de nouvelles aventures !

Le latin census, d’un indo-européen *kens, « proclamation », désignait le dénombrement quinquennal des citoyens ainsi que l’estimation de leurs biens, et est à l’origine du français « recensement »,  du « cens » qui était, avec la dîme, la redevance la plus générale et de la « cense » qui, du sens de redevance ou fermage, est passé à celui de la ferme donnée à bail. Ces deux derniers termes, et leurs dérivés, sont à l’origine de toponymes que je vous propose de découvrir aujourd’hui.

Cens

Le cens était la somme fixe payée annuellement par le tenancier de la terre. En liquide, en nature ou mixte, cette valeur fixe, tenant compte de toutes les parcelles (champs, prés, vignes, jardins etc.) et de la propriété bâtie, était l’équivalent d’un loyer que le tenancier payait au propriétaire. Ce masculin « cens » est à l’origine d’une trentaine de micro-toponymes au singulier (le) Cens ou au pluriel Les Cens, souvent accompagnés d’un autre terme comme pour Cinq Cens (Étrepigney, Jura), le Bois de Cens (Foissy, C.-d’Or, Magny-Fouchard, Aube …), les Menus Cens (Brimont, Marne), les Beaux Cens (Hiesse, Charente), etc.

Le mot est passé en langue d’oc sous la forme cès qu’on trouve dans quelques noms de lieux-dits comme Cès (Aurice et Bassercles, Landes ; Belin-Bellet et Castelnavet, Gironde), le Bois des Cès (Cevins, Savoie) et quelques autres.

Le censier était la personne chargée de percevoir cet impôt : une somme d’argent plus quelques mesures de céréales, de vin, d’huile, de noix, ou bien encore, des légumes, des poules … Devenu patronyme, ce nom est devenu à son tour toponyme comme pour le Jardin Pierre Censier (Erches, Somme),  la Vigne de Martin Censier (Aulnay-sur-Marne, Marne), le chemin des Censiers (Saint-Riquier, Somme) … Le féminin qualifiait la propriété donnée à cens, comme pour la Censière (La Chapelle-en-Serval, Oise), le Bois de la Censière (Saulx-les-Chartreux, Essonne) … ainsi que pour la commune d’Assencières (Aube) qui était Ascenserie en 1097, d’après * la censière finalement compris *l’acensière et écrit l’Assencière  puis muni d’ un –s adventice.

La censerie était l’office ou la charge du censier et ce nom se retrouve dans une quinzaine de La Censerie principalement en Normandie (à Grosville, Manche, etc.), en Bretagne (à Parigné, I.-et-V. etc.), en Pays-de-la-Loire (Bouin, Vendée etc.) etc. Beaucoup plus rare, mais de même sens, on trouve le nom de la Censeraie (Hardanges et La Chapelle-au-Riboul, May.)

Notons que les deux rivières nommées Cens (l’une, attestée Ossantia en 1075, qui se jette dans le canal d’Orléans à Combleux dans le Loiret et l’autre, attestée Ozanz au XVIIè siècle, qui se jette dans l’Erdre à Nantes en Loire-Atlantique) sont d’anciennes *alisantia, sur la racine hydronymique pré-celtique *alis, devenues *Aussance compris au Cens. Pour rester dans les faux-amis, signalons le nom de Censerey (C.-d’Or), qui était Senseriacum en 722, du nom d’homme latin *Sincerius (un surnom, du latin sincerus, « sincère »), et suffixe –acum.

Cense

Ce nom, encore présent dans le Nord-Pas-de-Calais, les Ardennes , la Belgique wallonne etc., désigne une ferme donnée à bail, souvent isolée : prendre à cense signifiait « prendre à bail, louer ». La cense désigne normalement une grosse ferme isolée, le plus souvent à cour fermée ; elle a pu être une dépendance d’abbaye, mais le terme s’est généralisé dans le Nord de la France.

On retrouve ce nom à près de trois cents exemplaires, au singulier ou au pluriel. Toutes sortes de déterminants ont été utilisés pour distinguer les censes les unes des autres : Cense à Lapins et Cense à Rats d’Eau (Steenwerk, Nord), Cense à Puces (Solre-le-Château, id.), Cense aux Moines (Carbon-Blanc, Gironde, une possession abbatiale), Cense Charlot (Abreschwiller, Moselle), Cense des Pauvres (Prisches, Nord), Cense du Plus Fin (Lecelles, id.), Cense Madame (Le Favril, id.), la Cense de Tous les Diables (Landrethun-lès-Ardres, Pas-de-Calais), la Cense des Nobles (Landouzy-la-Ville, Aisne), la Cense des Pauvres (Sévigny-Waleppe, Ardennes), les Censes de l’Ourse (Rocroi, Ardennes), les Censes de Paris (Tendon, Vosges) etc. sans oublier les nombreuses Cense du Bois (Éteignières, Ardennes etc.), Petite Cense (Jeantes, Aisne etc.), Vieille Cense (Coingt, id. etc.)  et bien d’autres.

CPA Cense de Coeur Raon l'Etape

Ajoutons à cette liste le latin féodal censellum, donnant l’ancien français censal, censel, « propriété sur laquelle un cens est assis », à l’origine du nom de Censeau, une commune des Vosges, des lieux-dits le Censeau à Serres (M.-et-M.) et à Celles-sur-Belle (D.-Sèvres) et d’une dizaine de Censeaux (Cerville, Champenoux et Sommerviller, M.-et-M. ; Le Clerjus, Vosges etc.). On trouve un diminutif dans le nom de la Censelette (Frettecuisse, Somme).

Les autres

Dérivé de cens avec le suffixe –ive, la censive désignait une terre concédée par un propriétaire (seigneur, évêque, abbé …) moyennant un cens annuel et était donc quasi synonyme de cense, la différence étant généralement l’absence de bâti. Ce nom est présent à près de quarante exemplaires principalement en Pays-de-la-Loire et Centre-Val-de-Loire, comme la Censive des Allards (La Chapelle-Heulin, L.-A.), la Petite Censive (Nantes, id.), le Bois des Censives (Bouvron, id.).

Dans les mêmes régions du centre de la France, mais aussi en Bretagne, on trouve le terme censie pour désigner aussi bien la redevance que la terre qui y était soumise. En haute Bretagne, ce terme a aussi pu désigner la terre dont on avait la propriété.  On le retrouve dans une trentaine de toponymes comme  la Censie (Plouvara, Landéhen, Morieux, Plédran, Plofragan en Côtes-d’Armor, etc.), la Haute Censie (Sens-de-Bretagne, I.-et-V.), les Censies (Bouère, May. etc.), les Grandes Censies ( Fontenay-sur-Vègre, Sarthe) etc.

Selon H. Abalain (Noms de lieux bretons, Éditions Jean-Paul Gisserot, , le terme s’altère localement en Zance, Ziance, Zinsec dans le Morbihan : on trouve ainsi dans ce département des lieux-dits Le Zance à Inzinzac-Lochchrist,  Zinsec et la Villeneuve Zinsec à Bernée et une rue du Ziance à Groix. Selon le même auteur, le nom d’Inzinzac-Lochchrist aurait la même origine. Cette hypothèse n’est cependant pas retenue par J.-Y. Le Moing (NLB*) qui juge « obscur » le nom d’Inzinzac.  De son côté, E. Nègre (TGF*) qui s’appuyait sur les formes Disinsac de 1387 et Dinsinsac de 1493, imaginait un dérivé du nom d’homme roman Decentius avec le suffixe –acum, d’où un *Dinzinzac compris d’Inzinzac.

*Les abréviations en gras suivies d’un astérisque renvoient à la bibliographie du blog, accessible par le lien en haut de la colonne de droite.

Rog personnage loupe

La devinette

Il vous faudra trouver un lieu-dit dont le nom est lié au mot du jour, le latin census.

Le nom de la commune qui l’abrite est un hagiotoponyme complété par le nom de la commune voisine, lequel est issu d’un gentilice romain.

Le nom du chef-lieu de canton, relatif à un type de bâtiment, a été expliqué naguère ici-même, dans un billet à propos d’agriculture.

Quelques indices :

■ Alors qu’il faisait du vélo, le prétendant au trône d’un lointain royaume est mort dans ce chef-lieu de canton.

■ Dans la ville dont le nom sert de déterminant à la commune où se trouve le lieu-dit, est né et mort un homme qui, devenu officier de marine, commanda un navire qui fit naufrage lors d’une expédition révolutionnaire malheureuse puis s’illustra aux colonies et enfin en métropole.

■ et un tableau :
indice a 23 06 2024

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr

2 commentaires sur “Cens, cense, censier etc.

  1. Bonjour m Leveto 

    19 à la chapelle-aux-saints

    grotte de la BOUFFIA-Bonneval ( bonneval , le propriétaire )

    (Homo neandertalensis )

    BOUFFIA : cavité , grotte

    autres bouffia ?  origine..

    ——-

    26      LE CHARUIS à mévouillon   *kar ?

       Source à  MEVOUILLON

    attention , longue liste wiki, sans donner l’étymologie ( fréquent )

    Dictionnaire topographique du département de la Drôme :

    1070 : villa Medullis (cartulaire de Saint-Victor, 1083).

    1095 : mention de l’église Saint-Arey (ou Ariey) : ecclesia Sancti Erigii in castro de Medoilo (cartulaire de Saint-Victor, 840).

    1115 : mention de la paroisse : ecclesia de Medullio (Gall. christ., XVI, 102).

    1135 : Medullone (cartulaire de Saint-Victor, 844).

    1251 : Medulio (cartulaire de l’Île-Barbe).

    1277 : Melleone (inventaire des dauphins, 8).

    1285 : Meduluone (de Coston, Histoire de Montélimar, I, 241).

    1288 : Mevoillon (archives de la Drôme, E 2713).

    1293 : mention de la baronnie : baronia Medulionis (inventaire des dauphins, 218).

    1343 : mention de la baronnie : la baronie de Meulion (Duchesne, Dauphins de Viennois, 69).

    1400 : Meulhon (choix de docum., 235).

    1442 : Medullionem (choix de docum., 282).

    XVe siècle : Meuillon (inventaire de la chambre des comptes).

    1516 : mention du prieuré : prioratus Medulionis (pouillé de Gap).

    1577 : Meveullon (archives de la Drôme, E 2974).

    1588 : Mueillon (correspondance de Lesdiguières, II, 658).

    1591 : Mevolhon (archives de la Drôme, E 3251).

    1597 : Meulion (archives de la Drôme, E 2731).

    1606 : mention du prieuré : le prieuré de Meulhon (rôle de décimes).

    1626 : Meuvilon (archives de la Drôme, E 6229).

    1628 : Mulhon (Lacroix, L’arrondissement de Nyons, 419).

    1630 : Mealhon (archives de la Drôme, E 4758).

    1660 : Meolon (Mém. de Castelnau, II, 658).

    XVIIe siècle : Meuillon (inventaire de la chambre des comptes).

    1760 : mention de l’église Saint-Arey : Saint Arey de Mévolhion (rôle de décimes).

    1760 : mention du prieuré : le prieuré de Mevolhion (rôle de décimes).

    1891 : Mévouillon, commune du canton de Séderon.

    village des médulles ?  

    village du milieu ?  ETC… !

    ——-

    26 LAVEYRON  

    origine : « le aveyron  » ?

    ou autre origine , avec prise de la forme aveyron , par assimilation ?

    Le mas de LAVERON 1535

    le vinum picatum

    36  moulins sur CEPHONS

      sept fontaines ?

    ——————————-

    36  Le NAHON , conflue avec le fouzon.

    —————————————

    36  SEGRY ; SEGRé 49  ; SEGRIE 72 ;

     SEGRE le département du sègre 1812 -1813

    même origine , ou non ?

    Assez gros mélange , sur la fameuse wiki…..

    de segriaco

    sigriaco

    segré : securacum < securus ?

    * SECURUS lieu sûr

    * SECRETUM lieu isolé

    ————————————-

    38 allevard :

     * rocher de MARAMELLE

    *38 à Pinsot : ( sentier du fer )  PERCHETAN

    ———————————

    68 à sondernach ,le NONSELkopf

    tête de xxx ?

       1257 m.

    —————————————

    73 aux ménuires :

    le LAC CRINTALLIA  ( lac des ménuires ; 2420 m.)

    —————————————

     39 les rousses : la DARBELLAZ

    —————————————

    73 bourg-saint-maurice  :

    ou LA PLAGNE

    le ROIGNAIS 2995 m   beaufortain &

    pointe de PIOVEZAN-

    Roc de l’Enfer, Lacs de Forclaz

    ——

    74 le col de VOZA 1653m  les houches.

    ———————-

    Merci , bonne semaine.

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