Le latin gutta, « goutte », est à l’origine de l’occitan gota, « goutte, petite quantité d’eau » et de l’ancien français gote de même sens. Dans le domaine qui nous intéresse ici, la toponymie, les gouttes sont des sources, des ruisselets, et parfois des mares ou des terrains humides. Plus spécialement, dans la toponymie méridionale, une goutte ou gota est un ruisseau de faible débit, le plus souvent intermittent, une petite rigole, tandis que dans le Centre et l’Est, ce mot peut désigner une petite source mais aussi un cours d’eau plus important, voire sa vallée.
Ce mot et ses dérivés sont extrêmement nombreux en France : il apparaît plus de 2300 fois dans nos toponymes et micro-toponymes, dont près de 500 écrits goute avec un seul t, auxquels on peut rajouter une quarantaine de noms composés comme clairegoutte ainsi qu’une petite cinquantaine d’occitans gouta ou goutal.
La carte suivante essaie de montrer la répartition des toponymes en goutte selon les régions d’avant la réforme de 2015 (choix assumé puisqu’il permet plus de finesse … et que le choix départemental aurait été trop fastidieux) avec le plus clair (ex. la Bretagne) pour moins de 10 occurrences, puis un peu plus foncé (ex. l’Aquitaine et l’Alsace) pour 10 à 50 occurrences, encore plus foncé (ex. la Bourgogne et le Midi-Pyrénées) pour 100 à 200 occurrences, puis (ex. le Limousin) pour 200 à 300 et enfin le plus foncé (ex. Auvergne) pour plus de 300 occurrences :
cette carte ne prend en compte que les noms en goutte, omettant les variantes citées plus haut dont les occurrences trop rares n’auraient pas modifié l’ensemble de manière significative.
Tout ceci étant posé et j’espère bien clair, il ne nous reste plus qu’à étudier ces 2400 toponymes. J’ai fait une estimation : à raison de cent par semaine et en soustrayant les congés syndicaux, ça devrait nous amener jusqu’à Noël. J’espère que vous serez encore là.
Goutte
Les hydronymes incluant ce terme sont au moins trois cents, le plus souvent avec un déterminant comme la Goutte d’Ulysse (à Lepuix, T.-de-B.), la Goutte de l’Âne (à Saint-Victor-Montvianeix, P.-de-D.), la Goutte de la Font de Madame (à Camarade, Ariège) et l’inévitable Goutte du Curé (à Miellin, Haute-Saône) etc. Ajoutons des Goutte Noire (à Noirétable, Loire, etc.), le Goutteblave (à Blis-et-Born, Dord., « bleu ») etc. Quelquefois le mot goutte sert de déterminant comme pour l’Étang de la Goutte (Xertigny, Vosges, etc.), la Fontaine de la Goutte (à Flée, C.-d’Or etc), le Ruisseau de la Goutte (à Grazac, H.-G. etc.) et d’autres.
En ce qui concerne les noms de lieux habités sous une forme simple, citons par exemple La Goutte (hameau à Alzon, Gard), La Goutte (lieu-dit à La Peyratte, Deux-Sèvres), La Goutte (lieu-dit à Hadol, Vosges) et de très nombreux autres. Mais la plupart du temps, le nom est accompagné d’une épithète que ce soit un adjectif qualificatif comme pour Goutte Claire (à Sauvain, Loire etc.), Bonne Goutte (à Commont, Vosges), Goutte Longue (à Pailhès, Ariège), Goutte Morte (à Bézenet, Allier etc.), Goutte Noire (à Ouroux, Rhône etc.), Peute Goutte (Le Tholy, Vosges – « sale, puante ») etc. ou un nom de propriétaire comme pour la Goutte Martin (à Bully, Rhône), la Goutte Baville (à Corcieux, Vosges), la Goutte Bernard (aux Grands-Chézeaux, Haute-Vienne), la Goutte Claudel (à Rupt-sur-Moselle, Vosges), la Goutte-Jean (Saint-Sébastien Creuse, la Goutte-Jouan en 1547) etc. ou encore un nom commun comme pour la Goutte d’Enfer (à La Chabanne, Allier), la Goutte d’Oie (à Saint-Pierre-de-Noaille, Loire), la Goutte au Chat (à Sidailles, Cher) etc.

Les noms de lieux non habités sont le plus souvent là aussi sous la forme simple La Goutte (à Island, Yonne etc.), accompagnés d’un qualificatif comme Goutte Nègre (à Tarnac, Corrèze, etc.), Goutte Anne (au Nouvion-en-Thiérache, Aisne) ou encore du type Bois de la Goutte (Bors, Char. etc), Terre de la Goutte (à Cussy-en-Morvan, S.-et-L.) etc.
Le pluriel apparait lui aussi dans des noms comme Gouttes (à Seilhac, Corrèze, lo mas de las gotas au XIIIè siècle), le Pont des Gouttes (à Baugy, S.-et-L.), les Gouttes Closes (à Chenay-le-Châtel, S.-et-L.), les Gouttes Chaudes (à Saint-Aignant-de-Versillat, Creuse), les Grandes Gouttes (à Gerbépal, Vosges etc.) et bien d’autres.
Mention spéciale pour la trentaine de Goutte d’Or. Trois cours d’eau seulement portent ce nom (Renève, C.-d’Or ; Serquigny, Eure ; Verneuil, Marne) sans doute en référence à leur couleur. Les lieux-dits habités ainsi nommés peuvent l’être en souvenir d’une enseigne de cabaret où on vendait un vin blanc : c’est le cas du célèbre quartier parisien de la Goutte d’Or (XVIIIè arrondissement) où des vignes étaient déjà mentionnées en 1474. Les lieux-dits non habités peuvent devoir leur nom à la présence de vignes.(on en compte dix rien que dans la Marne, soit la moitié).
Goute
L’orthographe avec un seul t vient de la transcription en français de l’occitan gota, d’où la présence exclusive de ces toponymes dans le Midi de la France.
Les hydronymes sont là aussi très présents avec des Goute Longue et Goute Male (à Boussenac, Ariège etc.) et de nombreux Ruisseau de la Goutte (à Boulx, H.-G. etc.) ou Fontaine de la Goute (à Massat, Ariège etc.).
Les lieux-dits, habités ou non, sont représentés par des noms comme Goute (à Molère, H.-P. etc.), Goute Sèque (à Capvern, H.-P., « sèche »), Goute-Peyrouse (à Saint-Antonin de Lacalm, Tarn, « pierreuse ») et bien d’autres.
Une trentaine prennent la forme plurielle Les Goutes (à Tillac, Gers etc.) parmi lesquelles on notera la forme hybride Las Goutes (à Antin, H.-P. et à Vabre, Tarn).
Gota et Goutal
L’occitan gota a été conservé dans peu de noms dont Gota (à Saint-Symphorien-de-Mahun, Ardèche) et Goutalong à Boisset (Cantal) mais la forme goutal, qui désigne plus précisément un pré arrosé par une source, voire un coin verdoyant dans un bois, une clairière humide, apparait dans des noms comme le Ruisseau de Goutal (à Lagineste, Lot etc.), la Source du Goutal à Beaumont (Ardèche) etc. et des lieux-dits comme Goutal (à Alairac, Aude, etc.), les Goutals (à Saint-Urcize, Cantal) ou encore les Goutalles (à la Roche-Vineuse, S.-et.L.), etc. La forme goutalh donnée par le Trésor du Félibrige se retrouve dans des noms comme le Goutail (à la Beaume, H.-A., etc.), le Goutaillon (à Écoche, Loire etc.), le Goutaillet (à Laborel, Drôme) et quelques autres.
Noms suffixés et composés
Un premier diminutif est représenté par le nom de La Goutelle, commune du Puy-de-Dôme, et par des noms de lieux-dits identiques, au singulier Goutelle (à Espiens, L.-et-G. etc) ou au pluriel Goutelles (à Teyssieu, Lot etc.).
Un autre diminutif (formé sur le latin –iculum) se retrouve dans le nom de Gouteil (à Artigat, Ariège etc), des Gouteilles (à Sainte-Urcize, Cantal etc.), du Goutheil (à La Jonchère-Saint-Maurice, H.-V.) et même sous une forme doublement diminutive dans les noms de la Gouteillotte (à Fresse, H.-S.) et des Gouteillons (à Crozon-sur-Vauvre, Indre).
D’autres diminutifs apparaissent dans des noms comme la Goutine, nom entre autres d’un petit affluent du ruisseau de Couffoulens à La Tourette-Cabardès (Aude, in reco de Gotinis en 1298) et de plusieurs-dits ou La Goutille, nom entre autres d’un ruisseau à Campan (H.-P.) et de plusieurs lieux-dits.

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Une forme collective se retrouve dans le nom de deux communes Gouttières (Eure, Gutteria en 1210 et P.-de-D., Goteria en 1250-63) et dans celui de nombreux lieux-dits au singulier comme au pluriel.
Enfin, « goutte » entre en composition dans des noms comme Clairegoutte (une commune en Haute-Saône, Clara Gutta au XIVè siècle, et sept lieux-dits), Noiregoutte (une dizaine de lieux-dits), Mortegoutte (une dizaine de lieux-dits) auxquels il convient d’ajouter le nom de Gouttevernisse (H.-G., Gutta vernissa en 1246, du gaulois verno, « aulne » : « la goutte de l’aulnaie »).
Au risque d’en décevoir certains, je signale qu’il n’y a pas plus de goutte à Percha que de goutte en Tag. Il fallait que ce soit dit.
Eh bien, voilà. Z’êtes encore la ? Ça tombe bien, c’est l’heure de la devinette. Oui, c’est ça, Corinne Titegoutte.

La devinette
Il vous faudra trouver un nom de lieu de France métropolitaine lié au mot du jour accompagné d’un qualificatif. L’orthographe en est différente selon qu’on consulte les fichiers « officiels » ou les cartes IGN.
La commune qui abrite ce lieu-dit porte le nom du fondateur d’un monastère dans une commune d’un département voisin qui porte elle aussi ce même nom. Au total, six communes portent exactement ce même nom complété par différents déterminants. Celui de notre commune est météorologique.
Le nom du chef-lieu de canton est lié, selon l’hypothèse la plus consensuelle, à celui d’une famille d’origine germanique, avec préposition locative agglutinée.
Un indice :

Réponse attendue chez leveto@sfr.fr