Treize (bonne année deux mille)

Meilleurs vœux pour 2013 !

Treize ?

Si l’on s’en tient aux noms de communes françaises, la liste est brève puisqu’il n’en existe que trois, toutes en Vendée: Treize-Septiers, (Saint-André-de-) Treize-Voies et Treize-Vents.

Le premier nom s’explique par une altération de sestier, « mesure pour les gains » ( devenu aujourd’hui le setier) qui avait le sens métonymique d’une sesterée , « étendue de terre qu’on ensemence avec un setier de grains ».

Le deuxième nom décrit un carrefour, une étoile de chemins, avec  une confusion possible entre trois et treize. Les noms du XVè siècle ecclesia S. Andreae de Tredecim Vocibus  ou de Tribus Vocibus  semblent être, eux, une réinterprétation pseudo-savante avec attraction de « voix » et ne permettent même pas de choisir entre treize et trois! ( Nous en restons benêts).

Rose-des-Vents-de-ProvenceRestent les Treize-Vents. On aurait tendance à aller au plus simple : quel lieu venté! Et puis on se dit que treize vents sont difficiles à placer sur une rose qui les compte par multiples de quatre et que treize ça fait quand même beaucoup quand les astrologues, mages et autres symbolistes n’en comptent le plus souvent que douze. Et puis treize vents au sommet du Ventoux, passe encore, mais à deux cents mètres d’altitude en Vendée ? Alors qu’est-ce donc que ces treize vents ? Le blason de la ville nous donne un indice :

D’argent aux treize ombres de vans posés 3, 3, 3, 3 et 1.

TREIZE_VENTS-85

On dit que la terre était là-bas si peu fertile  et les récoltes si  maigres  qu’on y criait plus souvent famine qu’Alléluia. Le seigneur du lieu, dans son infinie sagesse, et le clergé, dans son infinie bonté, à moins que ce ne fut l’inverse, avaient accepté de réduire la dîme — un dixième de la récolte —  à une contribution d’un treizième seulement. Ainsi, chez ces gens-là, quand on vannait le grain, on comptait treize vans  … et le treizième était mis de côté pour notre Monsieur, notre bon Maître.

Cette étymologie semble presque trop belle et on  sourirait de cette trouvaille populaire si  poétique… On en profiterait même pour  étaler son italien : se non è vero è bene trovato ! Cependant, un auteur ( Bernard C. Galey,  Nom de Lieu, éd Le Cherche Midi 2004 ) la tient pour authentique qui écrit que « chaque Sainte-Marie, les marguilliers * passaient dans les fermes et prélevaient la treizième vannée ».

On retrouve le nombre treize dans de très nombreux noms de hameaux ou de lieux-dits, associé à des noms d’arbres ( les Treize Chênes, Noyers, Saules, etc), à des particularités locales ( les Treize Trous à Ricaud dans l’Aude, les Treize-Saints à Batilly dans l’Orne, etc). On retrouve naturellement de très nombreux Treize-Vents sans que l’on sache trop s’il s’agit véritablement de vents ( mais alors trois seraient plus réalistes) ou, là aussi, de vans.

Les noms de mesure sont aussi mis à contribution comme pour les Treize-Septiers. C’est ainsi que l’on connaît des Treize-Acres, des Treize-Arpents, des Treize-Mines, etc

On trouve quelques reliefs nommés eux aussi d’après les Treize-Vents, notamment un puech des Treize-Vents ( Saint-Izaire, Aveyron) qui ne laisse pas de doute : aucun paysan n’y a jamais récolté quoi que ce soit  ni payé aucune contribution féodale. Là encore, on peut affirmer qu’il s’agit bien de treize vents — altération de Très Vents, toponyme attesté de nombreuse fois par ailleurs ( cf. le col de Tresvents ou puig des Très-Vents au sud-est du Canigou pyrénéen)  ou bien treize employé comme superlatif.

Enfin, un affluent rive gauche de la Charente s’appelle la Treize. Je n’ai pour l’instant aucune idée de l’origine de ce nom : si quelqu’un en a une …

* Oui, oui! Les marguilliers ! Ceux de la dictée de Mérimée!

Les dessins de blasons sont issus du site l’Armorial des villes et villages de France, avec l’aimable autorisation de leur auteur, Daniel Juric : armorialdefrance.fr

13 commentaires sur “Treize (bonne année deux mille)

  1. ► leveto : ne permettent même pas de choisir entre treize et trois! ( Nous en restons benêts)

    Dois-je en déduire que vous vous plaisez, vous aussi, à dénommer l’actuel chef de l’église catholique « Benoît treize-et-trois » ? Il faut dire que cela décrit si bien un religieux ultra-conservateur…

    J’aime

  2. Peut-être pourrait-on jumeler Treize-Arpents et Cinq-Arpents, ce qui leur en ferait 9 à chacun.

    « Ancienne mesure de surface, divisée en 100 perches ou 30 toises carrées et variant suivant les localités » (en laissant la souris trottiner sur le mot « arpent ») : voilà qui ne manque pas de m’étonner. Les cents perches entrant dans un arpent me semblent tout à fait canoniques, mais qu’il ne faille que trente toises pour faire un arpent me paraît avant tout être l’œuvre du Malin. Tout honnête homme sait bien qu’il y a mille cent onze virgule cent onze toises dans un arpent normal, i.e. celui qui vaut à peu près 42% d’un hectare.

    J’aime

  3. Leveto, peut-être pourriez-vous passer un coup de vent van dans le tas de bran pour récupérer un commentaire tombé en terrain inculte.

    *** C’est fait ! ***

    J’aime

  4. et si on sort de douce france on trouve illico treize ibonde.
    Treize inouïe année pour vous leveto…
    biz cordiales et treize affectueuses,

    J’aime

  5. Merci pour vos bons vœux, Rose, et permettez-moi de vous adresser les miens accompagnés d’autant d’affectueuses bises qu’il y a de desserts en Provence et d’années en ce siècle*.
    Trébizonde, en turc Trabzon, doit son nom aux Grecs qui l’avaient appelée Trapezous ( génitif – ountos) signifiant « pourvu d’une table » parce que la ville est située sur un socle rocheux qui ressemblait au plateau d’une table ( trapeza ).

    * Et je suis sûr qu’il y en a un qui va compter et me remettre d’aplomb en fonction de l’an zéro.

    J’aime

  6. >leveto merci pour la racine de Trébizonde, mince je m’a gourée !

    Merci pour les bises et bonne année à tous vos commentateurs et trices, souvent éclairés, faut le reconnaître !

    J’aime

  7. Treize-Vents, les habitants ( gentilé : treize-ventais) sont donc en fait des treize-vanniers et non des treize-venteux, encore moins des très-vantards
    Et quid de Trézé hameau près de Saumur?

    J’aime

  8. JSP à propos de Trézé

    Pour en savoir plus,sur l’origine de ce nom il me manque les appellations anciennes.

    À rapprocher toutefois de Trézy ( Saint-Jean-de-Trézy, Saône-et-Loire) issu du nom propre romain Tertius, ou de Treuzy ( Treuzy-Levelay, Seine-et-M) issu du nom propre latin Troccius ou encore de Tréziers (Aude) issu du nom propre germanique latinisé Trasoarius.

    J’aime

  9. Bonjour,
    En visitant ce site, je me suis aperçu que vous utilisiez certains de mes dessins pour illustrer vos articles.
    Non pas que je veuille en interdire l’utilisation non-commerciale, mais j’aimerais qu’il y fut mention de la source (armorialdefrance ou blason-des-villes) afin qu’ils ne se « disséminent pas dans la nature » car ils sont protégés.
    C’est pourquoi, je vous demande soit d’en indiquer l’origine, soit de les retirer.
    Merci et bien cordialement.

    J’aime

  10. Daniel Juric :
    je vous avais répondu sur le fil Bibliographie
    Je comprends tout à fait votre demande et je vais essayer de remonter le fil de mes billets afin d’y retrouver vos dessins et d’en indiquer la source. Cela me prendra sans doute quelque temps …mais ce sera fait et si j’en oublie quelques uns, signalez-les moi.

    J’aime

  11. lecteur :
    le nom initial de Sept-Vents était Sept-Vans et Sevans en normand, d’où les gentilés Sept-Vantais ou Sept-Vannais. Il semble donc qu’on ait là aussi une étymologie à base de « vans » mal compris et transformés en « vents ».

    J’aime

Laisser un commentaire