Le four

Le latin furnus, « four », est bien représenté dans la toponymie au sens de four de potier, four de verrier, four à chaux et même four à griller le minerai de plomb ou le minerai de fer, sans oublier le four spécialisé de la boulange. Mais les dates d’attestations sont souvent trop tardives pour nous aider à trancher, sauf si une précision y est attachée.

Personnage près d’un four – École française du XIXè siècle

Le four

Le simple furnus est à l’origine des noms de Four (Isère), Fours (Gironde et Nièvre), Uvernet-Fours (Alpes-de-H.-P., avec Uvernet issu du latin hibernum donnant l’occitan local uvern, « hiver », et diminutif –et), Fours-en-Vexin (Eure) et Six-Fours-les-Plages (Var). Dans le Doubs, les noms de Fourg (Fourz en 1275) et Les Fourgs (Les Fours en 1343), qui sont donnés comme issus de furnus par Dauzat&Rostaing (DENLF*) et R. Brunet (TT*), sont donnés comme dérivés de l’oïl forc, « bifurcation d’un chemin », par E. Nègre (TGF*) : dans le Doubs, je m’abstiens. Le parler gascon, qui fait passer le f- initial à h-, est à l’origine du nom de Hours (P.-A.).

Dans la Meuse, après la construction au XVè siècle d’un four de verrier pour la fabrication de bouteilles et de cloches de jardin, on nomma un village Le Neufour (Le Neuf-Four en 1571).

Une forme féminisée *furna est à l’origine de Fournes-Cabardès (Aude, avec Cabardès, région formée autour de Cabaret, sur la commune de Lastours, ancien Caput Arietis castra, du latin caput, « tête » et arietis, « de bélier ») et de Fournes-en-Weppes (Nord, avec Weppes noté in Vueppis en 984, de la racine indo-européenne uep-, « eau », correspondant à la nature particulièrement aqueuse du terrain).

En composition avec un nom de personne, on trouve Fourchambault (Nièvre, avec aphérèse d’Archambault) et Fournaudin (Yonne, avec aphérèse d’Arnaudin, hypocoristique d’Arnaud), dont on sait qu’il s’agissait d’un four de verrerie, celui de l’abbaye de Vauluisant.

Furnus a été suffixé de différentes façons :

  • avec le locatif  -ensis : Fournès (Gard) ;
  • avec le diminutif –ittum : Fournet (Calv.), Fournet-Blancheroche (Doubs) et Grandfontaine-Fournets (id.) ;
  • avec l’augmentatif -as et l’agglutination de la préposition in : Les Infournas (aujourd’hui dans Saint-Bonnet-en-Champsaur, Alpes-de-H.-P., villa Fornax au XIè siècle ) ;
  • avec le suffixe diminutif -olum : Fournols (P.-de-D.) et avec -olum et le locatif -ensis : Fournoulès (Cant.).

 

Le basque emploie labe pour désigner le four, comme à Labets-Biscay (P.-A., avec Biscay du basque biskar, « tertre »).

Les micro-toponymes ne manquent pas qui comptent plusieurs centaines de dérivés de « four » sous une forme simple (Four, Fournet, Fournol, etc.) , composée (Grandfour, Fourblanc, etc.) ou avec déterminant (le Four à Briques, à Carreaux, etc.). Le breton forn ne se rencontre, lui, que dans des micro-toponymes comme Coz Forn, « vieux four » (au moins quatre en Côtes-d’Armor). Ce même forn se retrouve en occitan comme à el Forn ( à Erre, P.-O.) tandis que le corse fornu se retrouve à U Fornu (à Rosazia, Corse-du-Sud).

Le nom d’homme latin Furnus (sobriquet ou variante de Furnius) est à l’origine de Fourneville (Calv.) et Fournival (Oise)

La commune de Beaufour (aujourd’hui Beaufour-Duval, Calv.) est un exemple de faux-ami induit par un dérivé en « four » du latin fagus, « hêtre » : son nom est attesté Bellus fagus en 1195.

Le fourneau

Le français fourneau, diminutif de « four », apparait, avec des variantes régionales, dans les noms de Fourneaux (Loire, Manche, Savoie), Fourneaux-le-Val (Calv.), Fournels (Loz.) et Fornex (Ariège, de Furnellis en 1324, où la finale -x au lieu de -els est issue, en gascon, du double -ll qui passe à -t en position finale, d’où la prononciation –èts écrite -ex).

Le four à chaux

Une place à part est faite, dans la toponymie, aux fours à chaux.

Du latin calcis furnus, l’ancien français chauffour se retrouve dans les noms de Chauffour-sur-Vell (Corr., Califurno en 885), Chauffour-lès-Bailly (Aube, noté Calidus Furnus, « chaud four », en 1081, qui est une mauvaise latinisation), Chauffour-lès-Etréchy ( Ess.), Chauffourt (H.-Marne) et, au pluriel, dans celui de Chauffours (E.-et-L.). Avec un seul -f-, on trouve Chaufour-lès-Bonnières (Yv.) et Chaufour-Notre-Dame (Sarthe). L’agglutination de la préposition « ès » (en les ) est à l’origine des noms d’Échauffour (Orne, Escalfo en 1050) et d’Escaufourt (Aisne, Les Caufours en 1234, aujourd’hui associée à Saint-Souplet).

La bien connue Forcalquier (Alpes-de-H.-P., de Forcalcherio en 1004 et in castro Furnocalcario) comme son diminutif Forcalqueiret (Var, in Furno calacario en 1037) doivent bien leur nom — association de forn, « four », et de calquièr, littéralement « calcaire » mais qu’il faut comprendre au sens étymologique « à chaux » (calx, « chaux » ; calcarius, « de chaux, à chaux ») — à d’anciens fours à chaux, figurant d’ailleurs dans le blason de cette dernière (cf. ci-contre).

 

Les fours à chaux sont eux aussi fort bien représentés en micro-toponymie sous des formes variées comme Caufour, Chaufour, etc. et, pour les plus récents, Le Four à Chaux. Avec le passage du f initial à h, le gascon donne  de rares Cohorn. En franco-provençal, le mot est devenu rafor ou rafour, pour désigner le  four à chaux, le four pour fondre le minerai, le four à tuiles ou le fourneau du charbonnier : on le retrouve dans Raffort (aux Allues, Sav.) et Le Raffour (à Albiez-le-Vieux, id.) et d’autres similaires dans l’Ain, l’Isère, le Jura et le Rhône.

P.S. : le four, d’accord, mais le moulin a été vu ici et dans quatre autres billets.

*Les abréviations en gras suivies d’un astérisque renvoient à la bibliographie du blog, accessible par le lien en haut de la colonne de droite.

Le  dessin du blason est issu du site l’Armorial des villes et villages de France, avec l’aimable autorisation de son auteur, Daniel Juric.

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La devinette

Je vous propose de découvrir le nom composé, bien sûr lié au four, d’une commune de France métropolitaine.

Il s’agit d’une localité située à moins de trente kilomètres d’une ville où on fabrique depuis plus d’un siècle un élément essentiel des automobiles.

En partie détruit par un incendie à la fin du XIXè siècle, un édifice public de cette commune fut rénové avec un matériau défectueux qui provoqua un défaut qui en fait aujourd’hui la fierté.

Un indice :

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Réponse attendue chez leveto@sfr.fr

 

17 commentaires sur “Le four

  1. Avant d’entamer toute recherche, je dirais que la réponse semble être en rapport avec Champignac-en-Cambrousse : l’indice montre un essai du comte lors de la mise au point du métomol.

    [D’ailleurs, Champignac était aussi la véritable réponse à une énigme précédente, où l’on parle de dinosaures grandeur nature : on y trouve le seul spécimen vivant de voyageurs du mésozoïque.]

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  2. Le breton forn ne se rencontre, lui, que dans des micro-toponymes comme Coz Forn, « vieux four » (au moins quatre en Côtes-d’Armor)… etc.

    Quid alors de KERFOURN (56), une localité qui a toutes les allures d’une commune pour de vrai… avec une église au clocher pointé tout dré vers le Ciel, pour que s’y retrouvent les âmes pieuses, avec aussi une mairie pour la gestion des choses sérieuses et un bistrot, Chez Marie-Jo, pour la qualité de la vie sociale et les breuvages nécessaires à l’hydratation du Breton.

    Attachée au four fondateur de son identité, elle n’a pas oublié de le faire figurer au blason :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Kerfourn#/media/Fichier:Blason_ville_fr_Kerfourn_(Morbihan).svg

    Peut-être même y trouve-t-on désormais un four à pain pour le fun et l’authenticité au rabais ?

    https://www.ouest-france.fr/bretagne/kerfourn-56920/bientot-un-four-pain-fontaine-saint-eloi-3988897?page=3

    Ce dont je doute… pour les raisons suivantes :

    Même en Bretagne misérable, ouvrir une ligne budgétaire à hauteur de 5.500 euros ne relève pas de l’impensable, de l’extravagance financière pour une commune de 800 habitants, nantie d’un potentiel fiscal confortable.
    Encore faut-il pouvoir porter le projet avec un savoir-faire tout en délicatesse.

    Erwan Le Corre y aura manqué : candidat malheureux et arrivé bon dernier au premier tour des dernières municipales, il n’a sans doute pas su s’attirer les bonnes grâces du maire en place.
    C’était maladroit et j’en sais quelque chose : avant d’être élu du peuple, j’avais présidé une assoc’ nécessiteuse qui organisait des spectacles/concerts/manifestations d’une certaine importance et, ce, toujours avec le soutien de la municipalité, complice de mes agissements.

    Comme un maire (ni d’ailleurs un adjoint délégué) ne peut être à la fois celui qui mandate la subvention et celui qui, au titre de personne morale, la reçoit, il m’avait fallu trouver une parade à cette difficulté technique.
    Avec mon bon sens autocratique et ma morale opérationnelle, j’ai donc désigné mon épouse à la tête de l’association. Elle a assuré le job quelques années durant… et probablement mieux que je ne l’aurais fait : elle avait un entregent remarquable, tous milieux confondus, du bénévole smicard au député en place.

    Moralité : – Un peu de putasserie politique ne saurait nuire aux grandes ambitions, question subventions

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  3. P.S:
    -Hum !… question clocher « pointé tout dré » vers ce Ciel qui sera ma prochaine villégiature, l’illustration Wikipédia n’en témoigne pas vraiment :

    -Combien de fois faudra-t-il que je répète aux photographes d’occasion que l’usage d’une focale 28 ou 35 mm est déconseillé quand on a l’idée de shooter l’architecture. C’est une question de simple respect de la verticalité organisée selon les règles de la perspective.
    A ceux-là, en guise de rédemption, il reste possible d’entamer une formation chez Ansel Adams* :

    *Dans mes jeunes années, mon émotion allait davantage à la fréquentation des maîtres du cadre (peintres et photographes) qu’à celle des petits hommes verts de S.F ou des bédés pour adultes consentants… même si je condescends maintenant à trouver certaines qualités à quelques bédéistes dont je n’ai pas retenu le nom.

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  4. « Le breton forn ne se rencontre, lui, que dans des micro-toponymes comme Coz Forn »

    Trouve-t-on, sur le modèle port / Pornic, la même équation linguistique pour Forn ?

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  5. @TRA

    Sur le modèle port / Pornic, trouve-t-on la même équation linguistique pour Forn ?

    – Oui, on la trouve… et toute fraîche du jour, à la marée :

    https://www.lachainemeteo.ca/meteo-france/village-1414139/previsions-meteo-le-fornic-heure-par-heure

    « Heure par heure », on constate les avancées de la toponymie en milieu breton.

    __________

    @Brosseur

    -Non, je n’ai jamais utilisé d’appareil à soufflet… On m’en avait pourtant légué un, antique et parfaitement inutilisable pour moi dans les conditions de l’époque et selon mon usage exclusif de la Tri X 400 (24X36) à grain certain et du papier Ilford pour les tirages.
    Comme je n’ai jamais eu l’âme d’un collectionneur, je l’ai ensuite vendu/cédé à un amateur de ce genre de vieilleries qui prennent la poussière.
    Et puis, shooter des édifices ça n’a jamais été mon ambition… plutôt des femmes en petite tenue ou des portraits de mâles qui prennent bien la lumière, à la Avedon/J-L Sieff (au grand angle raisonné) ou alors des gens en situation ordinaire mais déterminante au cadre, à la Cartier-Bresson (au 50 mm à la focale et 1/125 ème à l’obturateur)… avec aussi prise en compte de la profondeur de champ inhérente et si troublante pour l’œil exercé aux délicatesses de la représentation picturale.
    Idem pour ce qui fut de ma pratique de l’huile ou de l’aquarelle, ces autres chimies : jamais de paysages ! Il y avait déjà, à l’époque, des cartes postales en vente libre pour ça… et même des calendriers des PTT !

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  6. Oui, Brosseur, et O.K pour l’utilité (relative) du 135 mm quant aux portraits et sûr que Avedon et Sieff utilisaient une relativement longue focale pour cet exercice… mais maintenant allez donc faire un tour sur l’iconothèque Google Images, extirpez-en un portrait façon Sieff et un autre à la Cartier-Bresson, au 50 mm donc.

    Même un Montréalais mal dégrossi saura voir comme Sieff fait abstraction de la profondeur de champ tandis que Cartier-Bresson en use adonf et selon le meilleur escient.
    …..
    Il m’est arrivé, dans les seventies et le temps d’une saison ou deux, de faire partie d’un Club Photo qui pesait un peu dans les compétitions nationales d’alors.
    L’un de mes tirages obtint un jour le 1er prix, Catégorie Portraits, à Nantes ou Saint-Nazaire ou Dieu sait peut-être encore où… enfin par là-bas et loin de chez moi. Ce n’est pas moi qui avais notifié l’adresse du destinataire sur le Colissimo.

    L’épreuve, une fois montée avec soin, montrait la bobine d’une mignonne petite fille (genre 8 ans) avec tout le piqué utile et, juste derrière elle, deux autres gamines révélées avec moins de netteté tandis qu’au troisième plan, débutait une zone de flou relatif qui mettait en relief, et à sa façon, le sujet shooté, cette fillette qui tant d’années plus tard deviendrait ma greffière de mairie*.

    Une focale 135 mm n’aurait pas permis un tel rendu.
    ___________

    Souvenirs, souvenirs :
    Parmi la bande des membres du Photo Club de Compiègne que j’ai connus, deux d’entre eux parvinrent à une certaine notoriété dans le milieu : Marie-José Tronel et Jean-Pierre Gilson, ce type (un peu caractériel) qui avait le sens du cadre accroché à sa constitution :

    Je n’ai pas perdu mon temps à l’avoir connu et il mérite bien sa notice Wikipédia.

    Mais toutes ces considérations menées en mode argentique nous éloignent des enjeux véritables, ceux de la toponymie pratiquée sur écran plat**.

    *Authentique !… et le reste aussi.

    ** J’ai appris, de source sure, que l’aviez emporté sur les trigrammes ordinaires. Bravo, mon chum !

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  7. « vison binoculaire  » (b.)

    À la place des visons, même binoculaires ( c’est louche ! ), j’éviterais d’aller me fourrer au Danemark, où on les trucide en masse à cause du covid.

    Sans pour autant faire preuve d’esprit de clocher, je trouve que là-bas ça prend pour eux un tour un peu tordu et ni sain ni bonnard du tout !

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  8. binoculation :
    « Le vaccin de Pfizer doit être administré en deux doses ».
    L’immunité est maximale après binoculation.

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