Je m’intéresse aujourd’hui, dans ce sixième chapitre concernant les édifices abritant des religieux, à des termes qui ont été moins productifs que les précédents : l’ermitage et l’habitation.
L’observation purement scientifique me fait constater que la religion chrétienne est extrêmement présente dans notre toponymie : outre les établissements hébergeant des religieux, on a vu naguère la basilique, l’église, l’oratoire et la chapelle, etc. et le nombre d’hagiotoponymes est lui aussi considérable. [je répète : ceci est un constat, pas une prise de position politique. (On n’est jamais trop prudent.) ]
L’ermitage
Le bas latin herma terra, du latin eremus, « solitude, désert », à l’origine du français « ermite », a donné l’ancien français ermi/hermi, « désert, inculte », et l’occitan èrm/èrme, « lande, terrain inculte, désert ». De même sens, on trouve le catalan erm, l’espagnol yermo, l’italien ermo et le basque eremu, à rapprocher du gallois hermaes, « externe, extérieur » et du breton ermaez, « au-dehors » et ermaeziad, « étranger ».
C’est sur ce mot que sera formé le terme ermitage (ou hermitage, avec un h– initial pseudo-savant) au sens d’habitation d’un ermite, c’est-à-dire le plus souvent d’un religieux isolé. Attesté au sens religieux plus tardivement que la celle, l’ermitage désignera par la suite une simple maison de campagne voire un hameau isolé.
On le comprend, il est difficile de faire le tri, parmi les centaines de toponymes issus de ces termes dans toute la France, entre ceux qui relèvent de la lande déserte parce qu’ infertile, ceux qui relèvent du sens religieux et ceux qui désignent la maison de campagne.
Au sens assuré d’ermitage religieux, on peut toutefois noter Les Hermites (I.-et-L.) mentionnés en 1040 comme capella Hugonis, seu ecclesiola que dicitur Heremitarum, in saltu Wastinensi ; cette « chapelle Hugon, ou petite église des Hermites, dans la forêt de Gâtines » fut fondée au début du XIè siècle. On peut aussi affirmer le sens religieux pour les noms de L’Hermitage-Lorge (C.-d’A.), L’Hermitage (I.-et-V.), L’Hermitière (Orne, Heremitagium en 1373), L’Hermite à Grassac (Char.), à Garos (P.-A.), à Homps (Gers), etc. et pour celui de Tain-l’Hermitage (Drôme). En ce qui concerne cette dernière, notons que l’Hermitage est en fait un coteau surmonté d’une chapelle, Ecclesia Sancti Christophori en 1120, où le chevalier de Strimberg, de retour de la croisade contre les Albigeois, s’installa pour vivre en ermite. Ledit coteau est aujourd’hui très connu pour porter une grande partie du célèbre vignoble de l’Hermitage : il ne s’agit donc assurément pas d’une lande infertile ! L’adjonction de L’Hermitage au nom de Tain est très récente : 1920 et le même ajout s’est fait pour la commune voisine de Crozes-Hermitage, désireuse à son tour de bénéficier du prestige du vignoble.
Parmi les noms de lieux-dits, on peut citer L’Ermitage à Saint-André-de-Bohon (Manche, capella que dicitur l’Ermitage en 1332), L’Hermitage à Blois (L.-et-C., de Heremo in Bosco au XVè siècle), L’Hermitanerie à Calmont (Av., Heremitania en 1381 puis suffixe –aria), L’Ermiterie à Pontevoy (L.-et-C.) et bien d’autres.
Les autres toponymes issus du latin eremus et de ses dérivés sont plus difficiles à analyser : seule l’étude au cas par cas de l’histoire et des archives locales permettrait d’y voir clair, comme par exemple pour Saint-Cernin-de l’Herm (Dord.), mentionné Sancti Saturnini de Heremo en 1289 puis Saint Sarnin de l’Hermitage en 1740 sur la carte de Samson, qui doit bien son nom à un ermitage.
Ces dérivés du latin eremus, qui apparaissent en toponymie sous des formes très variées, ont fait l’objet d’un billet il y a moins d’un an. Et je ne m’en souviens que maintenant, une fois ce billet rédigé ! Tant pis. Désolé pour le doublon.
L’habit
L’ancien français habit ou habite (FEW IV, page 369a : « demeure des religieux de Fontevraud qui servent de chapelains et de confesseurs aux dames auxquels ils sont soumis »), au sens originel d’ermitage, est à l’origine du nom de La Bitte, une chapelle dans la forêt de Mayenne, à Mayenne, attestée eremus Sancti Bartholomei de Habitu en 922, de La Bitte à Saint-Civran (Indre) ou encore de L’Habit (Eure, Habitus au XIIIè siècle). À Apremont (Vendée), une ancienne commanderie des chevaliers de Malte a laissé une chapelle, une croix et un cimentière, au lieu-dit la Commanderie, et aussi un lieu-dit Les Habites (De Habetis en 1237, domus Hospitaliorum L’Abete au XIVè siècle) qui devaient héberger quelques ermites venus chercher refuge auprès des chevaliers.
Un ancien prieuré à Usson (Vienne), attesté Le prieur de Labit en 1395 et Prieuré de Labit en 1445, a donné son nom au lieu-dit Labit. Ce prieuré a fait écrire à dom Fonteneau le commentaire suivant : « C’étoit là où résidoient deux religieux pour la direction des religieuses du monastère de la Font-saint-Martin » (cité par M.-L. Rédet, Dictionnaire topographique du département de la Vienne, 1881).
Et comment terminer sans parler de Labit à Montgaillard (Tarn) ?
Honni soit qui mal y pense.
Les cénobites
Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer in extenso ce paragraphe des Noms de lieu de la France d’Auguste Longnon (Source gallica.bnf.fr / BnF) :
Cette étymologie (si non e vero …) datée de 1923 est controversée, certains (comme Géraud Lavergne dès 1929, note 34 page 45) estimant que le Montis Cenobium n’est qu’une fantaisie étymologique, une plaisanterie de moine copiste. En effet, si une chapelle et un monastère sont bien attestés avant que Montcenoux ne devienne ville franche en 1137, il n’est fait nulle part allusion à des cénobites ailleurs que dans l’exemple cité par A. Longnon — et nous ne disposons malheureusement pas d’autres formes anciennes du nom de ce Montcenoux.
La devinette
… n’est pas prête. Il vous faudra attendre demain et je prie les accros de bien vouloir m’en excuser.
bonjour m Leveto
voici ma liste
60 à saint-arnoult château de MARCOQUET
60 LOEUSE
60 BALAGNY (sur-thérain )
1 balanos = celte = genêt
2 germanique ballon
3 val – lagny
sur internet , l’on est bien servi , tout et son contraire !
60 AMY
76 MONT-RôTY
78 GAZERAN sur wiki , longue liste de noms , sans étymologie finale
homme germanique , mais lequel ?
waswing , wasiringus, waswinganum …
50 LA MOUCHE
27 LES BARILS
61 BIZOU
13 FUVEAU
50 LA BALEINE
60 LE MONT SAINT ADRIEN quel adrien
question d’histoire
dans le grésivaudan nord , traversant plusieurs communes,
( barraux , la buissière , sainte-marie d’alloix )
passe le
» CHEMIN DE L’EMPEREUR »
je ne trouve rien :
duquel parle-t-on ?
Passage à quelle date ? Merci si vous trouvez
concernant les noms religieux
il y a aussi quelques noms en NONAINS
y-a-t-il des noms en CATHEDRALE
et en METROPOLE ( type : la métropole,église principale de Chambéry ) ?
Merci beaucoup encore .
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Liste des 10 lieux-dits trouvés
Com ▾ Nom commune Département Lieu-dit
02722 Soissons Aisne LA CATHEDRALE
16287 Roullet-Saint-Estèphe Charente LA CATHEDRALE
49378 Vivy Maine-et-Loire LA CATHEDRALE
50147 Coutances Manche LA CATHEDRALE
54528 Toul Meurthe-et-Moselle CATHEDRALE
57268 Guébling Moselle LA CATHEDRALE
63113 Clermont-Ferrand Puy-de-Dôme LA CATHEDRALE
77142 Crécy-la-Chapelle Seine-et-Marne LA CATHEDRALE
84137 Vaison-la-Romaine Vaucluse LA CATHEDRALE
88322 La Neuveville-devant-Lépanges Vosges LA CATHEDRALE
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►lecteur
■ 60 à saint-arnoult château de MARCOQUET
Le nom était écrit indifféremment Marcoquez et Marcoquet en 1620, ce qui ne nous avance guère. Étymologie très mystérieuse (et rien à se mettre sous la dent dans les ouvrages à ma disposition !). Néanmoins, j’ai pu avoir accès à un article dont je vous livre cet extrait :
« Ce vocable, relativement moderne, présente un phénomène excessivement rare en toponomastique : l’élément principal qui le compose est emprunté au patois local ; on pourrait croire que c’est un nom de lieudit appliqué à une localité. Du reste, l’article qui précédait ce mot au xvii è siècle semble bien indiquer la nature substantive de son primitif. On distingue sous le nom de coq des points élevés, des buttes, des monts, etc. Coquet ou petit coq, en langage populaire, sert à désigner un petit tas de foin, d’où éminence légère, tertre, monticule. Marcoquet, par sa position sur un promontoire, signifierait donc le coquet ou le monticule du marais ou du terrain aquatique noyé par les eaux, de la racine celtique et germanique mar, masse d’eau, d’où sont venus mare, marais, marécage. »
Ça ressemble beaucoup à une étymologie pseudo-savante, mais faute de grives…
Société Académique d’Archéologie, Sciences et Arts du Département de l’Oise, Beauvais · 1928 · Extraits
Vol 26 p. 151
■ 60 LOEUSE
Je suppose que vous voulez parler de Loueuse (Oise), qui est une ancienne Ludosiae (1163), du latin lutosa, « boueuse »
■ 60 BALAGNY (sur-thérain )
1 balanos = celte = genêt
2 germanique ballon
Attesté Baliniacum en 1157, du nom d’homme germanique Ballunus et suffixe acum (E. Nègre). Le même auteur cite Balagny-sur-Onette à Chamant (Oise) appelé Baliniacus en 849 et en donne la même étymologie.
On sait maintenant que le suffixe gaulois (puis gallo-romain et roman) aco/acum n’accompagnait pas forcément un nom de personne. L’hypothèse du genêt, en celte balan-o , n’est donc pas tout à fait exclue.
3 val – lagny
sur internet , l’on est bien servi , tout et son contraire !
Cette hypothèse est en revanche exclue.
■ 60 AMY
attesté Amedeio vers 970, Amedium en 1030, apud Aamicum en 1248 et Amy dès 1360. Sans doute du nom de personne Amedeus et suffixe acum. Attraction de l’oîl ami
■ 76 MONT-RôTY
Pas grand-chose à ajouter à la rubrique toponymie de la page wiki.
Sauf l’hypothèse émise par E. Nègre qui voit l’adjectif roiste , « escarpé, rude, raide ayant subi l’attraction de l’oïl rosti , « rôti » (à classer dans la rubrique : « pourquoi faire simple …»)
■ 78 GAZERAN sur wiki , longue liste de noms , sans étymologie finale
homme germanique , mais lequel ?
waswing , wasiringus, waswinganum …
La forme Wasiringus de 885 plaide pour le nom d’homme germanique Wasuger et suffixe ing
■ 50 LA MOUCHE
Musca en 1129, puis La Mousche en 1360, peut-être de l’oïl muce, muche , « cachette » (cf. le verbe musser, « cacher »). Attraction de l’oïl mouche.
■ 27 LES BARILS
Bariz en 1387. D&R y voient un possible *Barisius (sous-entendu fundus). Ce serait alors un équivalent de Barésia (Jura), Barisis (Aisne), Barzy (id) …
■ 61 BIZOU
Biso en 1245, du nom d’homme gaulois *Bitius , variante de Bittius et suffixe avum . À rapprocher de Bize-Minervois (Aude), Bizous (H.-Pyr.), Biziat (Ain) etc
■ 13 FUVEAU
Affluel en 1037, de Affuello casro en 1047, Affuel en 1098, de Fuiello au XIIè siècle et enfin Fivel en 1156.
Étymologie difficile à cerner. D&R la déclarent obscure. E. Nègre propose la préposition latine ad suivie du nom de personne roman Flavillus, puis attraction de l’occitan fuèlha, « feuille ». B. et J.-J. Fénié proposent de rattacher ce nom au latin affluere , « couler abondamment »
■ 50 LA BALEINE
Balena en 1180-1200. Probablement de l’oïl balain , « balai », d’origine gauloise, qui a dû signifier aussi « genêt » : une terre balain-e a pu signifier terre » à genêts ».
■· 60 LE MONT SAINT ADRIEN quel adrien
Le Mont-Saint-Adrien, d’abord boscus de Monte en 1147, hamel de Mont en 1454, mont sur Saint Paul au XVIè siècle n’a pris officiellement son nom actuel qu’en 1840. Une chapelle dédiée à saint Adrien y avait été bâtie en 1493 par un seigneur de Saint-Léger qui possédait aussi la terre du Mont.
Quant à savoir de quel saint Adrien il s’agit, vous m’en demandez trop ! Le choix est large …
Même le site des Églises de l’Oise n’en sait rien …
■ question d’histoire
dans le grésivaudan nord , traversant plusieurs communes,
( barraux , la buissière , sainte-marie d’alloix )
passe le
♦ » CHEMIN DE L’EMPEREUR »
je ne trouve rien :
duquel parle-t-on ?
Passage à quelle date ? Merci si vous trouvez
« Le chemin de l’Empereur, d’après les historiens, est une ancienne voie romaine secondaire. Elle permettait de relier les deux grandes voies qui conduisaient de Vienne en Italie (Milan et Suze). Elle allait de Grenoble à Chambéry en traversant le Graisivaudan côté rive droite de l’Isère. Elle devrait son nom à l’empereur Aurélien qui l’aurait faite réparer en plusieurs endroits pour faire passer son armée.
Elle devait avoir environ 2,5 à 3 mètres de largeur.
Elle a été utilisée en 1365 par Charles IV empereur germanique qui se rendait à Avignon auprès du Pape. En 1457 le Dauphin Louis (futur Louis XI) l’emprunta pour quitter le Dauphiné et rejoindre la Bourgogne en passant par la Savoie. Les pèlerins allemands se rendant à Saint Jacques de Compostelle l’auraient aussi utilisée.
D’autres attribuent son nom au susdit empereur Charles IV qui « aurait été obligé de prendre ce chemin, l’Isère étant en crue, il logea alors dans la maison de Jean Mayarc à la Terrasse et en récompense il l’anoblit »
Cette ancienne voie restera en mauvais état jusqu’à la fin du XVII° siècle et deviendra après d’importantes réparations accessible aux voitures.
Le chemin de l’Empereur a conservé son nom sur les communes de Chapareillan, Barraux, la Buissière, Sainte Marie d’Alloix, la Terrasse, Crolles et Bernin. »
Sources : A. Aymoz le Grésivaudan à travers les âges, éditions Guirimand (1987).
Cf. cette page
concernant les noms religieux
♦ il y a aussi quelques noms en NONAINS
Cf. wiki
♦ y-a-t-il des noms en CATHEDRALE
L’IGN ne cite que 16 toponymes en Cathédrale, comme la Plaine de la Cathédrale à Aiguèze (Gard). Mais plusieurs d’entre eux ne viennent que d’une analogie de forme de rochers hérissés et d’aspect monumental comme les Cathérales à Larrau (P.-A.) ou La Cathédrale à Saint-Remèze (Ardèche), un rocher à l’entrée de la grotte de la Madeleine.
NB en commentaire un peu plus haut, LGF en donne 10
♦ et en METROPOLE ( type : la métropole,église principale de Chambéry ) ?
Je n’ai trouvé que quelques odonymes : rue et place à Chambéry, en effet, plus une rue de la Métropole à Embrun (H.-A.) et un boulevard Métropole à Cannes (A.-M.). Mais je ne suis pas sûr qu’il s’agisse de noms « religieux ».
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En tant qu’anticlérical primaire, je dois dire que cette confusion entre coenobium et asinerie me réjouit :
« B. Les Mathurins ou Trinitalres, surnommé x Frères-aux-ânes ont attaché
leur nom à quelques-unes de leurs ministreries ou possessions.
Ainsi, la ferme de « La Trinité », écart d ‘Amblainville , près de « Fayaux-Anes », ancienne ministrerie fondée en 1223» évoque leur souvenir (66) ; de
même que « la Ville tte-aux-aulnes » , « le Prieuré ». Une autre ministrerie disparue,
celle de »La Villeneuve-aux-ânes » , à Brou, près de Chelles, n’a pas laissé de
traces dans la toponymie actuelle ( 67 ) . »
Cliquer pour accéder à acsfo_0000-0000_1981_act_2_1_884.pdf
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