La Queue-de-Maine et La Queue-de-Hareng (répauxdev)

Après que LGF a rejoint le groupe des devins TRS, Un Intrus et TRA, le temps est venu de dévoiler les réponses à mes dernières devinettes. Il fallait trouver les noms de La Queue-de-Maine et de La Queue-de-Hareng attachés à des lieux-dits bourguignons.

La Queue-de-Maine

On compte trois lieux-dits portant ce nom en Saône-et-Loire, à Broye, Cordesse et Dracy-Saint-Loup, et un quatrième en Haute-Loire à Villiers-la-Ville. On trouve en Côte-d’Or des homonymes comme La Queue-de-Menne à Thury ou La Queue-de-Mène à Longecourt-lès-Culêtre.

La Queue de Menne (carte de Cassini, feuillet 84, Autun, 1759), aujourd’hui Queue de Maine.

Une première hypothèse à propos de l’étymologie de ces noms voudrait y voir des champs, des prés, de bois, etc. étirés en longueur comme des « queues », auprès d’une exploitation rurale, un « maine, manoir », mot dérivé du latin mansus, participe passé substantivé de manere, « demeurer, rester », qui « a désigné dès le haut Moyen Âge une grande exploitation rurale occupée par un seul tenancier, avec terre, prés, bois, éventuellement vignes, friches, etc.. » (Vincent, Toponymie de la France). Cette hypothèse est séduisante mais se heurte à plusieurs difficultés : d’abord, la présence de si nombreux terrains ou bois étirés en longueur dans cette seule région serait une étonnante coïncidence ; ensuite, le latin mansus, bien connu en toponymie, a le plus souvent évolué en Bourgogne en mas comme pour Le Mas-de-Tence (H.-Loire) ou en meix comme pour Le Meix (C.-d’Or), tandis que l’ancien français maine se trouve plus fréquemment en Angoumois et Périgord, comme pour Le Maine-de-Boixe (Char.) ; enfin, la présence d’homonymes à l’orthographe différente montre bien une hésitation sur le sens du mot, retranscrit phonétiquement menne ou mène et ayant sans doute subi l’attraction d’un mot connu par ailleurs, « maine ».

L’ hypothèse plus vraisemblable et qui fait aujourd’hui consensus s’appuie sur une particularité historique de la Bourgogne : au Moyen Âge, les terres qui étaient exploitées au seul profit d’un ou de deux seigneurs étaient appelées « condamines », terme de droit médiéval issu du latin médiéval *condominium. Pour l’évolution de ce nom vers des toponymes actuels, on se reportera avantageusement à ce texte (Colombet Albert. À propos de Coulmaine = Condomine. Lettres de M. Alb. Colombet. In: Revue Internationale d’Onomastique,18e année N°4, décembre 1966. pp. 307-311) d’où j’extrais ces lignes concernant la Côte-d’Or : « Quant à Condamine (ici Condamène), j’ai pu en relever sept : la Condemaine (Esbarres, Volnay), les Condemènes (Chambolle), en Condemène (Foissy), les Contemènes (Vic des Prés) les Condumaines (Concœur), la Condomaine (Esbarres) et sans doute la Queue de Maine 1790 > la Queue de Mesme (erreur du cadastre, on dit en effet sur place la Coue de Meune, avec l’œ ouvert de bœuf) à Thury (3) et la Queue de Mène à Longecourt lès Culêtre.»

Ce latin médiéval *condominium est à l’origine, ailleurs, des noms de Condamine (Ain, Jura), La Condamine-Châtelard (Alpes-de-H.-P.) et de Contamine-Sarzin, Contamine-sur-Arve et Les Contamines-Monjoie (H.-Sav.).

À Saint-Jean-de-Mayenne (May.) un lieu-dit porte le nom de Queue-du-Maine : il s’agit du résidu tout en longueur d’un bras de la Mayenne. Le nom de Maine est une forme locale, utilisée en aval de la rivière, du nom « Mayenne » utilisé plus en amont. On se souvient que le département de Maine-et-Loire avait été appelé Mayenne-et-Loire dans un premier temps par les Révolutionnaires. Le nom de la rivière est issu d’un hydronyme gaulois *medhuana, « (la rivière) du milieu », d’où Meduana en 575-94, bientôt assimilé au latin mediana, « (la rivière) du milieu », d’où Mediana en 814-29. Le nom gaulois évoluera en Meane en 1312 et le latin en Maienne en 1385.

PS : ceux qui veulent approfondir ce sujet peuvent se référer à La condamine, institution agro-seigneuriale, de P.-H. Billy (1997) dont des extraits sont disponibles sur Googles-Books — mais dont le chapitre §1-2 consacré aux sources, qui s’étend de la page 13 à la page 31, a de quoi décourager les meilleures volontés!

La Queue-de-Hareng

À Brochon (C.-d’Or), un ensemble de trois parcelles de vignes forme un climat de moins de 10 ha nommé la Queue de Hareng, sur laquelle sont produits des vins d’appellation Côtes de Nuits-Villages et un Fixin Premier Cru. Deux de ces parcelles sont en haut du coteau, sous les bois ; la troisième est sous les deux autres. Leur forme allongée explique le premier mot « Queue », du latin cauda. On a formé deux hypothèses pour expliquer le second mot « Hareng ». La première s’appuie sur la présence de chemins de traverse aux orientations différentes qui délimitent des pointes où ne peuvent être cultivés que des bouts de rangs : « queue de hareng » serait alors une transcription fantaisiste de « queues de rangs » … La seconde hypothèse, plus vraisemblable, s’appuie sur l’expression « queue d’aronde ». Les trois parcelles vont en effet s’élargissant vers le haut du coteau, comme le font, dans un assemblage de charpente ou de menuiserie, le tenon et la mortaise qui vont s’élargissant de la base au sommet en forme de queue d’hirondelle. En ancien français, aronde, du latin hirundo, désigne une hirondelle. D’emploi plus rare, aronde a pu être transformé en Hareng, un mot que tout le monde connait. On trouve d’autres Queue d’Aronde à Dravegny (Ain), Vassimont-et-Chapelaine (Marne) et Nantillois (Meuse).

Le hareng figure, saur, en bonne place dans un poème bien connu de Charles Cros.

Les indices

■ la bouteille :

tout le monde aura reconnu une bouteille de bourgogne, à comparer aux autres types de bouteilles

■ la ville :

il fallait reconnaître Augusta, capitale du Maine, États-Unis d’Amérique.

■ le tableau :

il fallait reconnaître le tableau de Bernard Buffet (1928-1999) intitulé Fait-tout, hareng et couverts.

3 commentaires sur “La Queue-de-Maine et La Queue-de-Hareng (répauxdev)

  1. La nageoire caudale d’un hareng a un peu la forme d’une queue d’aronde, aussi 🙂
    A vrai dire, j’avais pensé à la queue de lotte sur le buffet de Buffet.
    Quant à la Queue-du-Maine, cela fait très shadokien d’avoir transformé ainsi la Condamine, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ! :-)))

    J’aime

  2. Les Shadoks ont toujours eu des rapports compliqués avec les queues : ils avaient inventé les casseroles avec la queue à droite, les casseroles avec la queue à gauche et les casseroles avec pas de queue du tout

    J’aime

Laisser un commentaire