Blasons végétaux

Lagaffe endormi

Savez-vous ce qu’il se passe quand on se laisse aller à rêvasser, traînailler, prendre son temps à ne rien faire … ? Eh bien, on se retrouve fort dépourvu, comme disait le poète, et on ouvre les fonds de tiroir … où l’on pêche quelques blasons soigneusement rangés pour pallier ce genre de situations. Désolé pour ceux que cela hérisse (mais ça faisait quand même déjà presque un an !).


Aujourd’hui, ce sera végétal, en commençant par le chêne :

■ Le Chesnay (Yv.) :

Les armoiries sont de gueules au chêne d’or, à l’écusson, brochant en cœur, d’azur à la bande d’argent chargée de trois quintefeuilles de gueules.

LE_CHESNAY-78

Sans surprise, la forme Chesneto attestée au XIIIè siècle est issue du gaulois cassanos, « chêne », accompagné du suffixe collectif etum. D’où le chêne du blason.

■ Le Chesne (Ardennes) :

Le blason est d’azur au chêne d’or posé sur un tertre du même, surmonté d’une colombe du Saint-Esprit d’argent mouvant en bande du canton dextre du chef d’une nuée d’or et tenant en son bec la sainte Ampoule de gueules.

LE_CHESNE-08

Le blason fait ainsi référence à la devise communale : regnum parens ampulla a superis regno date redita per nos (l’Ampoule, mère des Rois, donnée au royaume par les esprits célestes, et récupérée par nous) et … au chêne.

■ Valderoure (Alpes-Maritimes)

Le blason est d’argent à la branche de chêne rouvre de sinople, englantée d’or ; chaussé de sinople.

VALDEROURE-06

La devise communale est semper robur, « toujours solide» … comme le chêne du même nom.

En poursuivant par l’aulne et le vieux sapin :

Bovernier (district de Martigny, canton du Valais, Suisse)

Le blason de la ville est d’azur au château à deux tours crénelé d’argent, maçonné et ajouré de sable, une branche de verne d’or mouvant du château en chef.

CHE_Bovernier_COA.svg

Par étymologie populaire, on a fait figurer dans ces armoiries « une branche de verne », du gaulois verno, « aulne », les rendant faussement parlantes. En effet, les formes anciennes du toponyme, Burgus Warnierus ou Burgi Vualneri en 1228 et Bor Warner en 1250, montrent qu’il s’agissait du bourg de Varnier : de l’ancien franco-provençal bor, français « bourg » soit « petite ville, centre de marché, parfois fortifiée ou close de murailles », d’où le château du blason, et du patronyme d’origine germanique Warinhari ou Warinheri (wara, « protection » et hari, « armée », d’où aussi le patronyme Garnier). On notera la formation romane du nom avec déterminé suivi du déterminant.

■ Treyscovagnes (district d’Yverdon, canton de Vaud, Suisse) :

Le blason de la commune arbore trois sapins (armes parlantes, cf. plus bas) et une bande chargée de trois coquilles, représentant les armes des seigneurs de Grandson.

Treycocagne

Attesté Trescovanes en 1228, Trecovagnes en 1364 et Trescovaignes en 1453, où l’on reconnait l’appellatif savoyard covagne désignant un vieux sapin branchu, souvent creux à l’intérieur, à barbes de lichen  (terme sans doute issu du latin cavus, « creux »). Le préfixe tres peut représenter soit le chiffre « trois », d’où les trois sapins figurant au blason, soit plus probablement la préposition « trans », « au-delà des (covagne)s ».

Les arbres, ça se coupe :

■ Coppet (district de Nyons, canton de Vaud, Suisse)

Cette localité vaudoise arbore une coupe d’argent sur fond d’azur comme arme parlante mais il s’agit là d’une étymologie populaire.

CHE_Coppet_COA.svg

Attesté Copetum en 1191 et 1299, puis château de Copet en 1347, ce nom est issu de l’ancien français copee,  « action de couper » et copeure, « action de couper les arbres », d’où copeis, coupeis, coupier, couppeis, couppier, « bois, taillis ». Ce nom, ici au diminutif, a pu désigner un bois-taillis où l´on coupe le bois ou bien un pâturage créé par une coupe faite dans une forêt,

Et viennent y pousser les genêts et les chardons :

■ Ginestas (Aude)

Le blason est de gueules à la branche de genêt fleuri d’or ; au chef cousu d’azur chargé de trois fleurs de lis d’or.

GINESTAS-11

Attesté Genestar en 995, ce nom est issu du latin ginesta, « genêt », accompagné du suffixe augmentatif acium, d’où la branche de genêt du blason.

■ Bussy Chardonney, aujourd’hui fusionné dans Hautemorges (district de Morges, canton de Vaud, Suisse).

La commune arborait des armes à juste titre parlantes : le blason est en effet parti d’argent à la clef de gueules, et de gueules au chardon d’argent. 

98px-Bussy-Chardonney-coat_of_arms.svg

Les formes anciennes de Chardonney sont Chardenai en 1223 et grangiam de Chardonne en 1324, d’après le bas latin cardone, « chardon », accompagné du suffixe collectif etum. La clef est celle de saint Pierre, protecteur des premiers cantons suisses.

■ Chardonne (district de Riviera-Pays-d’Enhaut, canton de Vaud, Suisse)

Le blason est d’argent à trois chardons fleuris au naturel, mouvant d’un mont à trois coupeaux de sinople sur les chardons dextre et senestre deux chardonnerets affrontés au naturel.

Chardonne-coat_of_arms.svg

Ces armes ne sont doublement parlantes que par étymologie populaire. Les formes anciennes Carduna, vers 1000,  Cardonna en 1001-25, Chardonna vers 1150, Cardona et Carduna au XIIè  siècle sont féminines et ne peuvent pas venir du latin cardone qui est masculin. Elles correspondent plus vraisemblablement à une ancienne *villa Cardona, avec un anthroponyme latin Cardo ou Cardonus. Ni le chardon ni les chardonnerets ne sont justifiés par l’étymologie.

Enfin, les cannes :

Saint-Cannat (B.-du-R.)

Les armories de la ville sont d‘or à la canne feuillée de sinople sur un tertre de même, accostée des lettres capitales S et C de gueules ; au chef d’azur chargé de trois étoiles d’argent.

SAINT_CANNAT-13

Il s’agit en réalité d’armes parlantes issues d’une étymologie populaire : attesté S. Cannato en 1046, le nom fait référence à Cannatus,  évêque de Marseille au VIè s. et non à la canne.

Les dessins de blasons de communes françaises sont issus du site lArmorial des villes et villages de France, avec l’aimable autorisation de leur auteur, Daniel Juric. Les autres ont été piochées chez wikipedia.

Rog personnage loupe

Les devinettes

 N’ayant pas pu me résoudre à choisir, je vous propose ce soir deux devinettes !

Capture 1  Il vous faudra trouver une commune de France métropolitaine dont le blason montre un végétal, une construction romaine et un symbole rappelant la vocation agricole locale.

Le végétal est le même que sur les armoiries parlantes des seigneurs locaux, qui en portaient le nom.

Le nom de la commune signifie que son sol est plutôt rocheux. Il est parfois accompagné de celui de la rivière qui la baigne et qui servait, comme le dit son nom, de limite entre des tribus gauloises.

Selon son nom, le chef-lieu du canton où se trouve cette commune était un champ appartenant à un personnage important.

Le nom d’origine celtique de la région naturelle où se trouve cette commune a été mentionné et expliqué à plusieurs reprises sur ce blog, à propos de la qualité humide de son sol.

Indice :

indice a 22 10 2023

Capture 2 Il vous faudra découvrir une commune de France métropolitaine dont le nom décrit, de manière métonymique, son couvert végétal.

Son blason montre quant à lui un végétal qui, selon la légende, fut le premier à repousser après une malédiction qui la priva d’eau pendant plusieurs années.

Selon son nom, le chef-lieu du canton où se trouve cette commune était la colline d’un individu portant un patronyme signifiant « agréable, bienveillant ».

Le nom d’origine latine de la région naturelle où se trouve cette commune, qui a été expliqué sur ce blog, fait référence à une plante ou à un personnage portant le nom de cette plante.

Indice :

indice-b-22-10-2023

Réponses attendues chez leveto@sfr.fr

 

 

 

 

 

 

4 commentaires sur “Blasons végétaux

  1. Bonjour m Leveto , voici ma liste

    —–
    Le GALAVAYSON ruisseau

    À propos du français «Gave» – Persée

    ——————

    AUERSTAEDT -victoire de Davout 14 Octobre 1806- Thuringe
    au, auer : eau ?
    staedt : établissement , ville ( Zu Stetten ) ?
    ville au bord de l’eau ?

    88 NOMEXY
    nomberceis 1186 nombrexei 1327
    nommexey 1565


    68 saint-amarin
    le BESSAYFELS rocher de ?

    J’émets une simple hypothèse Besse > bessaie boulaie ?
    Bien sûr , cent autres possibilités.

    —–
    38 brion : la croix de REVORIN

    38 charavines COLLETIERE
    ( habitat médiéval , actuellement immergé )
    et autres colletière , colletière
    collis -aria ?
    mais pour collis ( hauteur ) , difficile pour un site de faible hauteur , puisqu’immergé !

    https://www.google.com/search?q=+colleti%C3%A8re&tbm=isch&ved=2ahUKEwjGo8Kgo4uCAxVhvycCHU-1DygQ2-cCegQIABAA&oq=+colleti%C3%A8re&gs_lcp=CgNpbWcQDDIHCAAQGBCABFDADFjADGDlNWgAcAB4AIABogGIAZICkgEDMC4ymAEAoAEBqgELZ3dzLXdpei1pbWfAAQE&sclient=img&ei=3e41ZYbBM-H-nsEPz-q-wAI&bih=567&biw=1280&client=firefox-b-d

    38 saint-mury ( belledonne )
    l’arête des SABOTTES
    et
    PETIT LAC de la GRANDE SITRE 1990 M.
    ( c’est amusant : petit …. de la grande…. )
    ———————————–
    88 Gérardmer cascade de MERELLE

    racine mere d’un certain nombre de cours d’eau ?

    ou *MARR pierre , caillou ( > la marelle )
    ————————————–

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  2. lecteur

    Vous avez bien fait de m’alerter : votre dernier commentaire de 14h55 ainsi que vos trois tentatives de ce matin s’étaient retrouvés – sans explication et sans raison apparente – classés comme « indésirables » ! Je viens de le délivrer.

    … et je me mets au travail dès que possible.

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  3. lecteur

    ■ Le GALAVAEYSON ruisseau

    À propos du français «Gave» – Persée
    Ce texte date de 1948 et, bien que tout ne soit pas à jeter, bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis.

    On est peut-être ici, avec le Galaveyson, devant un double hydronyme pré-celtique : *gal (celui de la Galaure, aqua gala au XIè s.) et *vis avec suffixe prélatin ou latin onem(comme pour La Vézonne en Isère).
    ——————
    AUERSTAEDT -victoire de Davout 14 Octobre 1806- Thuringe
    au, auer : eau ?
    staedt : établissement , ville ( Zu Stetten ) ?
    ville au bord de l’eau ?

    En comparaison avec le nom d’Auerbach, qui était primitivement Urbach, la « rivière aux aurochs » (vieil haut allemand ur, « aurochs »), Auerstaedt pourrait être l’« endroit, la ville des aurochs ».

    ■ 88 NOMEXY
    nomberceis 1186 nombrexei 1327
    nommexey 1565

    Sans doute formé sur le nom d’homme germanique North-behrt (north, « nord » et behrt, «brillant ») d’où Norbertus, muni du suffixe iacum. Il a pu y avoir ensuite attraction de l’oïl nombre.

    ■ 68 saint-amarin
    le BESSAYFELS rocher de ?
    J’émets une simple hypothèse Besse > bessaie boulaie ?
    Bien sûr , cent autres possibilités.

    La finale fels (latin populaire *falisa, « falaise », vieil haut allemand felisa) désigne le plus souvent dans cette région un rocher, une hauteur rocheuse.
    Sans forme ancienne disponible, il est difficile de se prononcer pour le premier terme.
    Bessay pourrait en effet être une *bessaie (gaulois betteus et collectif eta, mais la finale ay s’explique mal dans cette région (sauf par attraction de noms similaires comme La Bessay-sur-Allier).
    Un dérivé du nom de personne gaulois Beccius et suffixe acum, d’où Becciacus au VIè siècle, ancien nom de Bessay en Vendée, serait étonnant dans une composition avec l’allemand fels.
    —–
    ■ 38 brion : la croix de REVORIN

    Peut-être un petit bois de chênes rouvres, du latin robur et diminutif in ou bien un patronyme issu de la même racine.


    ■ 38 charavines COLLETIERE
    ( habitat médiéval , actuellement immergé )
    et autres colletière , colletière
    collis -aria ?
    mais pour collis ( hauteur ) , difficile pour un site de faible hauteur , puisqu’immergé !
    https://www.google.com/search?q=+colleti%C3%A8re&tbm=isch&ved=2ahUKEwjGo8Kgo4uCAxVhvycCHU-1DygQ2-cCegQIABAA&oq=+colleti%C3%A8re&gs_lcp=CgNpbWcQDDIHCAAQGBCABFDADFjADGDlNWgAcAB4AIABogGIAZICkgEDMC4ymAEAoAEBqgELZ3dzLXdpei1pbWfAAQE&sclient=img&ei=3e41ZYbBM-H-nsEPz-q-wAI&bih=567&biw=1280&client=firefox-b-d

    Attesté Coltière au XVIIIè siècle et Colletières au XIXè siècle.
    Bâti au début du XIè siècle sur les bords du lac dont le niveau était plus bas qu’aujourd’hui, le site fortifié a été abandonné en 1040 après la montée des eaux.
    Le nom du lieu-dit, dont on ne sait pas s’il est ou non à l’habitat médiéval, est probablement issu du patronyme Collet. Ce patronyme est quant à lui bien issu du toponyme colet, dérivé de col – soit au sens de « montagne » soit au sens de « col de montagne».

    ■ 38 saint-mury ( belledonne )

    ♦ l’arête des SABOTTES

    Il semble que le nom d’Hôtel des Sabottes ait été donné par dérision à une cabane minuscule et rudimentaire qu’on rencontrait en montant vers le lac de la Grand Sitre ( lire ici). Une « sabotte » est un hybride entre sabot et botte, tout juste bon à chausser d’apprentis montagnards à peine dignes de coucher dans une cabane baptisée Hôtel des Sabottes.

    Et

    PETIT LAC de la GRANDE SITRE 1990 M.
    ( c’est amusant : petit …. de la grande…. )

    On trouve dès le XIVè siècle les alpes de Sistreys et el mont. de Sistrey puis mons del Sitrey
    La montagne est ensuite attestée Mons de Citrey au XVè siècle et deviendra La Citre.
    Le lac de la Citre du XVIIIè siècle donnera son nom à La Grande-Sitre, lac et montagne.
    On pourrait voir dans ce nom un dérivé de sistre, du grec skhistos, « qu’on peut fendre » devenu schistus en latin d’où le français « schiste » … sauf que le français « schiste » comme l’occitan sistre ne semblent être apparus en français qu’au XVIIIè siècle.
    Un dérivé de sextarius, d’où le sestier ou « setier » (sixième partie d’un congius, soit à l’origine un peu plus d’un demi litre) qui a donné la mesure agraire, surface ensemencée avec un setier de grain, n’est pas impossible : Sitre , ancien Sistreys, serait alors à rapprocher de Sistrières ou Sestrières. Le toponyme aurait donc désigné un alpage d’une surface d’un setier puis serait monté à la montagne.
    Dernière possibilité : Sistreys pourrait être un patronyme en relation avec Citeaux, Cistercium au Moyen Âge, un hameau près de Beaune où fut fondé l’ordre des Cisterciens en 1098 par Robert de Molesme. On trouve en effet dans des ouvrages de langue allemande (jusqu’où faut-il aller pour vous répondre!) le nom burgonde de Cistraux ou Cistrey. Alors, Sistrey ou Cistrey, un nom burgonde ?
    ———————————–
    ■ 88 Gérardmer cascade de MERELLE
    racine mere d’un certain nombre de cours d’eau ?
    ou *MARR pierre , caillou ( > la marelle )

    Le Dictionnaire topographique des Vosges ne donne pas de forme ancienne du nom de la ferme Merelle de Gérardmer. En revanche, La Mérelle, un cense du Tholy dans le même département est attesté Marel, grange du ban et des arrentez de St Josephe en 1711.
    Plusieurs explications de ce nom sont possibles mais la plus vraisemblable est celle de « petite mare ».

    ————————————–

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